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Ma belle vue

Photo de Sameer Srivastava sur Unsplash.com.

L’espace « Belle vue » du centre fédéral pour requérants d’Asile (CFA) de Giffers n’est pas uniquement un balcon d’où l’on peut contempler le paysage, depuis ce bâtiment géographiquement éloigné de tout, c’est également un carrefour d’aventures et de regards croisés. Je raconte mon passage par cet endroit et je partage mon intention actuelle de m’approprier, sans permis, la magnifique vue du foyer de St-Gingolph, en Valais, où je vis désormais.

« Belle Vue », c’est un lieu de rencontres éphémères mais avec des récits de toute une vie. C’est un endroit sympa, le seul endroit ouvert du CFA Giffers où, lorsqu’on en ressort, on ne subit pas de fouille par la sécurité.

La fameuse Belle Vue est l’espace fumeur, clôturé de fils barbelé pour éviter d’éventuelles chutes suicidaires. Car certaines histoires racontées ici donnent le vertige.

Comment tu t’appelles?

Je m’appelle Mireille

Tu viens d’où?

De la Côte d’Ivoire.

Mais quand les camarades de Belle Vue te demandent d’où tu viens, ils veulent connaître ton pays d’origine. 

Vous me demanderez peut-être pourquoi je ne leur ai pas révélé le mien.

Quand je suis arrivée au CFA de Boudry, des informations sur le tableau d’affichage ont attiré mon attention. Parmi elles, un communiqué proposait une aide au retour aux ressortissant.e.s du Burundi. J’ai trouvé ce communiqué étrange. Je me suis demandée pourquoi un seul pays pouvait être ciblé alors que le centre accueille des hommes et des femmes de très nombreuses nationalités : l’Ukraine, la Turquie, ­la Tunisie, la Tchétchénie, le Maroc, la Jordanie, l’Iran, le Congo, le Cameroun, l’Ethiopie, l’Afghanistan, etc. 

Répondre que je viens de la Côte d’Ivoire, c’était pour éviter d’être un objet de curiosité. Je n’ai pas non plus inventé ce pays; j’ai décollé directement d’Abidjan et je résidais là-bas depuis six ans.

Revenons à notre Belle vue du CFA de Giffers. 

Idrissa, originaire de Guinée, me raconte qu’il vient de passer 18 ans en Europe. Je l’écoute avec toute l’attention d’une apprentie.

Pourquoi es-tu ici alors? Ici au centre je veux dire? Lui demandais-je, avec mes yeux étonnés.

Je cherche un permis, je n’ai pas pu en avoir un dans tous les pays où je suis passé.

Ah, tu penses que tu auras quelque chose ici?

En fait, avant d’aller en Allemagne puis en Espagne, j’avais d’abord eu un refus ici, en Suisse, explique Idrissa avec une voix épuisée.

Sans me rendre compte de la gravité de la situation je lui lance : Ah quel courage! 

18 ans c’est rien, s’indigne Rachid, un camarade Tunisien assis sur une table à côté.

A Belle vue, il n’y a pas vraiment de secrets. Tout le monde écoute tout le monde. Là-bas, il y a des experts en matière d’asile. Évitez surtout de suivre leurs conseils. 

Moi je viens de faire 32 ans, poursuit Rachid en tirant sa chaise pour se joindre à nous. C’est une longue histoire ; 12 ans en Belgique, 10 ans en France et 14 en Allemagne et aucun permis.

Je pense qu’il s’est trompé soit sur le total, soit sur le nombre d’années qu’il a passé dans chaque pays.

A Belle Vue, même les mensonges sont permis et certaines histoires peuvent gâcher la vue et l’espoir.

D’habitude, j’aime poser beaucoup de questions pour mieux comprendre le pourquoi du comment. Là, curieusement, je m’abstiens.

Cette fois-ci, ça ira, soyons tous courageux! leur dis-je avec un sourire de soutien. 

A vrai dire, je m’adressais plus à moi-même qu’à eux. Car je me demandais si j’allais pouvoir tenir longtemps dans cet environnement.

Tournant mon regard, je vois Samia, une camarade géorgienne, le visage froissé, les larmes aux yeux… Une de ses compatriotes la prend dans ses bras. Je comprends tout de suite ce qui vient de lui arriver : sa demande d’asile a été refusée. Je vais vers elle pour la réconforter à mon tour.

A Belle Vue, il y a également des bonnes nouvelles. Derrière Samia, je vois Lulu, une autre camarade Erythréenne, un grand sourire aux lèvres, criant qu’elle vient d’obtenir le statut de réfugiée. Et là, j’hésite: Par quoi commencer? Par les félicitations ou par les consolations?

Je juge bon de commencer par ces dernières. Cela dans le but de ne pas mélanger les sujets.

Fort heureusement, en face de Belle Vue, à l’intérieur, il y a une salle de jeu.

C’était mon espace préféré. Le tennis de table était mon échappatoire. Je devenais un peu championne, avec un autre angle de vue. J’oubliais carrément que j’étais à l’intérieur d’un bâtiment hautement surveillé. 

La durée maximale de séjour au CFA Giffers est fixée à 140 jours. J’en étais à mon 132ème, quand on m’a annoncé que j’allais être transférée le lendemain. Je n’avais toujours aucune réponse par rapport à mon dossier. J’étais inquiète.

Quand j’ai su que ma prochaine affectation était quelque part dans le canton du Valais, mes camarades connaisseurs de Belle Vue m’ont cité tous les noms des foyers de ce canton, sauf celui de St-Gingolph, où je me trouve aujourd’hui. 

Je me suis quand même interrogée sur certaines choses. Si, par exemple, ma prochaine demeure ne serait pas située dans un endroit éloigné de tout, ou si sa clôture ne serait pas en barbelés… Qu’en sera-t-il de la liberté là-bas? Sera-t-elle régulée avec des horaires prédéfinis et des fouilles à chaque entrée?

Pour ne pas sombrer dans le désespoir, j’ai dû m’inventer une histoire : je vais désormais être une grande exploratrice. Je pars à l’aventure, vers l’inconnu, dans un endroit différent de celui que j’ai connu. Cette sortie allait me permettre de m’échapper et de casser la routine du CFA de Giffers. J’ai pris ma résolution: « effectuer un bon et heureux voyage, peu importe le trajet ».

Quelle belle vue ! C’est le cri qui m’a échappé en descendant de la voiture qui m’a amenée à mon nouveau foyer, à St-Gingolph. Réaliser que j’allais habiter, pour une durée indéterminée, au bord du lac Léman a été une bonne nouvelle pour moi.  

J’ai été agréablement surprise par l’accueil : les responsables du foyer m’ont aidé à porter mes bagages, non pas pour aller les fouiller mais pour les déposer gentiment dans ma nouvelle chambre. 

Avant de franchir les portes du foyer de St-Gingolph, j’ai déclaré : « Rien de rien ne me gâchera cette belle vue ».

Mais croyez-moi, il y aura toujours quelqu’un ou quelque chose avec la mission de bousiller votre magnifique panorama.

Cet endroit me plaît beaucoup, affirmais-je devant mes nouveaux camarades.

« La plupart de celles et ceux qui viennent ici sont contents », me fait savoir Ladji avec un sourire accueillant. 

Il me révèle qu’il y en a également qui ne rêvent que de quitter cet endroit. Surtout celles et ceux qui ont déjà obtenu leur permis depuis un bon moment. 

« Ici, parfois c’est compliqué », me chuchote-t-il à l’oreille.

Une autre camarade s’approche.

Je m’appelle Anny, bienvenue! Moi, quand je suis arrivée ici, je pleurais matin et soir, me confie-t-elle.

Je ne voulais pas me laisser contaminer par cette évidente incertitude du lendemain. J’avais une résolution à honorer: « un bon et heureux voyage, c’est tout ». Je lui demande alors sévèrement : Comment ça tu pleurais

Je trouvais cet endroit tellement loin de tout, répond Anny.

Loin? Loin par rapport à quoi? De toute façon, je suis déjà très loin. Et ce n’est pas seulement la distance terrestre qui rend le voyage long et lointain, mais également le temps qui s’écoule. Et le temps sera encore très long même après l’obtention du permis et de toutes ces autres choses dont on a toujours besoin. 

L’écrivain suisse Denis de Rougemont a dit dans « Journal d’un intellectuel en chômage » que « Posséder ce n’est pas avoir. Ce n’est pas même l’usage éventuel de quelque chose.  Mais c’est user en fait de cette chose-là. C’est donc un acte, et pas du tout un droit. Et ce n’est pas une sécurité, ni rien qui dure au-delà du temps qu’on en jouit. »

Ainsi, la plage et le beau paysage de St-Gingolph seront miens pendant que le temps s’envole. Chaque jour, je choisirai le meilleur angle de vue et j’en profiterai sans modération.

Mireille Niyonsaba

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 




FLASH INFOS #161

Le Bibby Stockholm. Auteur: Rod Allday / CC BY-SA 2.0

Sous la loupe : Le Royaume-Uni installe une barge pour demandeurs d’asile dans le port de Portland / Des dizaines de personnes étrangères à l’aide sociale expulsées chaque année de Suisse  / La Belgique condamnée pour « refus caractérisé » d’héberger un demandeur d’asile

Nous sources:

Le Royaume-Uni installe le « Bibby Stokholm », une barge pour demandeurs d’asile, dans le port de Portland

Le Monde, 21 Juillet 2023

Des dizaines de personnes étrangères à l’aide sociale expulsées chaque année de Suisse

RTS, Le 25 Juillet 2023

La Belgique condamnée pour « refus caractérisé » d’héberger un demandeur d’asile

TV5 Monde, Le 18 Juillet 2023

 




FLASH INFOS #114

Kristine Kostava / Voix d’Exils

Sous la loupe : La Marine marocaine sauve plus de 100 personnes en trois jours / Italie : un cimetière pour les exilé·e·s décédé·e·s en mer / Un migrant blessé par la police à la frontière franco-italienne



La Marine marocaine sauve plus de 100 personnes en trois jours

Info Migrants, le 22.06.2022

Entre le 17 et le 20 juin derniers, la marine marocaine a aidé 105 personnes immigré·e·s en mer Méditerranée, dont 20 femmes et 11 enfants, qui ont fui vers l’Europe dans des embarcations improvisées.

Le ministère marocain de l’Intérieur a confirmé que ce type de sauvetage était très fréquent. En 2021, les sauveteurs et sauveteuses marocain·e·s ont aidé 14’236 personnes migrantes en Méditerranée, en route vers l’Espagne, les Canaries, et d’autres pays de l’Europe. Le Maroc lutte également contre l’immigration irrégulière sur terre. En effet, les autorités interpellent régulièrement des passeurs et des trafiquants d’êtres humains. À ce titre, 256 réseaux de trafic de personnes migrantes ont été démantelés en 2021.

Toutefois, les associations et les personnes migrantes sur place dénoncent l’intensification des arrestations et la violence fréquente qui en découle. Ces derniers appellent à freiner cette répression de plus en plus marquée.

Renata Cabrales

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Kristine Kostava / Voix d’Exils

Italie : un cimetière pour les exilé·e·s décédé·e·s en mer

Info Migrants, le 14.06.2022

En juin 2016, 45 personnes migrantes originaires du Nigeria, de Somalie, d’Erythrée, de Guinée et du Mali sont décédées en mer suite au naufrage de leur embarcation. Pour faire honneur à leur mémoire, la ville italienne d’Armo, avec le soutien de l’association Caritas, a inauguré le 10 juin dernier un espace du cimetière de la ville dédié aux naufragé·e·s. Avant cela, les corps des victimes étaient alignés indistinctement, sans aucun renseignement sur leur identité.

Il est important de rappeler que de nombreuses personnes migrantes tentent de rejoindre la Calabre depuis le contient africain. L’année passée, près de 9’700 personnes ont débarqué dans la région.

Bastien Joly, contributeur externe à la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

&

Renata Cabrales, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Kristine Kostava / Voix d’Exils

Un exilé égyptien blessé par la police à la frontière franco-italienne

Franceinfo, le 15.06.2022

Dans la nuit du 14 au 15 juin, lors d’un contrôle de la police à la frontière franco-italienne, dans la commune de Sospel (Alpes-Maritimes), un exilé égyptien de 35 ans a été blessé par balles. En arrivant au point de contrôle, le conducteur du fourgon qui transportait cinq personnes migrantes a refusé de s’arrêter, ce qui a amené les policiers à faire feu sur le véhicule. La police et le fourgon ont par la suite entrepris une course poursuite jusqu’à Nice.

Le conducteur du véhicule est finalement parvenu à prendre la fuite en laissant les exilé·e·s qu’il transportait sur place.

Bastien Joly, contributeur externe à la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

&

Renata Cabrales, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Nous remercions chaleureusement les étudiant·e·s de la Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HETSL) pour leurs contributions à cette édition n°114 du Flash Infos qui ont été réalisées à l’occasion d’un atelier dispensé par la rédaction vaudoise de Voix d’Exils en juin 2022.




Revue de presse #59

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils.

Le BLI célèbre son 50ème anniversaire / Mondial 2022 : le sort réservé aux travailleurs migrants inquiète / 18’292 enfants migrants non accompagnés portés disparus en Europe / Bush espère humaniser le débat sur l’immigration

Le Bureau lausannois pour les immigrés célèbre son 50ème anniversaire

LFM, le 20 avril 2021

Cette année le Bureau lausannois pour les immigrés (le BLI) fête son demi-siècle d’existence. En effet, sa fondation remonte au 5 février 1971 et en l’espace de 50 ans, les mentalités ont évolué. Désormais, la Ville de Lausanne est l’une des villes les plus cosmopolites d’Europe. Pour rappel, le but du BLI est d’accompagner les personnes migrantes qui arrivent à Lausanne et de faciliter leur intégration. Pour fêter ce demi-siècle de politique d’intégration, un ouvrage intitulé « Lausanne, une ville, un monde – 50 incursions au fil de la diversité » a été publié. De plus, de petits événements sont également prévus ces prochains mois.

Mondial 2022 : une enquête sur le sort des travailleurs migrants demandé à la FIFA

Le Nouvelliste, le 26 avril 2021

Le 26 avril, la Fédération danoise du football (DBU) a demandé à la FIFA d’accroître sa pression sur le Qatar afin que le pays veille au respect des droits de l’Homme. A cet effet, la Fédération danoise du football a demandé à la FIFA d’ouvrir une enquête indépendante et poussée sur le sort réservé aux travailleurs migrants sur les chantiers liés à la Coupe du monde de football 2022. Tout en critiquant la situation des droits de l’homme dans le pays, le directeur général de la DBU – Jakob Jensen – a déclaré qu’ils étaient contre l’attribution de la Coupe du monde au Qatar, pays où les conditions de travail inquiètent également de nombreuses organisations. En effet, le pays est dans le collimateur des organisations qui dénonce le traitement subi par les travailleurs et travailleuses migrant.e.s et les conditions dangereuses sur les chantiers liés au Mondial 2022.

18’292 enfants migrants non accompagnés portés disparus en Europe entre 2018 et 2020

Le Courrier international, le 22 avril 2021

Selon une enquête publiée le 21 avril par le journal britannique « The Guardian », 18’292 enfants migrants non accompagnés ont été portés disparus en Europe entre janvier 2018 et décembre 2020, l’équivalent de 17 enfants par jour. L’enquête en question a été menée par le collectif de journalistes européens « Lost in Europe ». Selon l’enquête, la plupart des enfants portés disparus lors des trois dernières années ont rejoint l’Europe depuis le Maroc. L’Algérie, l’Érythrée, la Guinée et l’Afghanistan figurent également parmi les premiers pays d’origine. Par ailleurs, 90 % d’entre eux sont des garçons et un sur six a moins de 15 ans. Il en ressort que les résultats de l’investigation questionnent la capacité des États européens à prendre en charge les enfants migrants non accompagnés et mettent en lumière l’échec de la protection de ces derniers.

Bush : un nouveau livre pour  « humaniser »  le débat sur l’immigration ou redorer son image ?

Le Vif, le 25 avril 2021

Le 20 avril est paru le nouveau livre du 43ème président des États-Unis – George W. Bush. Son dernier ouvrage rassemble des portraits d’immigré.e.s dont il partage les histoires. A cette occasion, l’ancien président a soutenu vouloir « humaniser » le débat sur l’immigration. La sortie de ce livre survient au moment où le démocrate Joe Biden, qui avait promis une politique migratoire plus « humaine » après les années Trump, fait face à la plus forte hausse en quinze ans d’arrivées de personnes migrantes à la frontière Sud du pays. Néanmoins, le livre de George W. Bush – et sa tournée médiatique – pourrait faire partie d’une stratégie plus large visant à transformer son image d’homme responsable des guerres en Irak et en Afghanistan, qui ont coûté aux États-Unis de nombreuses vies, des milliards de dollars et donné naissance à des groupes extrémistes.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 




«L’objet de l’exil»

Françoise Kury, initiatrice du projet "L'objet de l'exil". Photo: Voix d'Exils.

Françoise Kury, initiatrice du projet « L’objet de l’exil ». Photo: Voix d’Exils.

Bracelet en or, chaussures, habit traditionnel, Bible, chapelet, guitare sont quelques objets précieux – parmi d’autres – que les requérants d’asile emmènent avec eux dans leur périple jusqu’en Suisse. Dans le cadre du projet «l’objet de l’exil», initié par Françoise Kury, Suissesse d’origine rwandaise, ces objets, ainsi que les photos de leurs propriétaires avec leurs valises, tous requérants d’asile résidant dans le centre d’accueil de Perreux dans le canton de Neuchâtel ont été exposés. L’exposition s’est déroulée le samedi 7 septembre à la salle paroissiale Notre-Dame de la Paix, à La Chaux-de-Fonds.

Françoise Kury, 43 ans, dont 18 passés en Suisse, fait part des motivations qui l’ont poussée à initier le projet «L’objet de l’exil» : «ll y a 18 ans, j’étais à la place des requérants d’asile. L’idée de ce projet m’est venue car je voulais savoir ce qu’une personne, en quittant son pays, amène dans sa valise. Alors j’ai choisi dix personnes de différents pays (Guinée, Somalie, Érythrée, Nigeria, Syrie, Ghana et Kosovo) pour parler de leur parcours. J’ai travaillé sur quelque chose qui leur tenait à cœur: l’objet. Spontanément, avec beaucoup d’émotions, chacun a apporté son objet. Quand on en parle, il leur évoque beaucoup de souvenirs qu’ils ont de leur pays. Ces objets sont attachés à eux et à leur famille – bref à leur vie – et ce sont des choses dont ils ne peuvent pas se séparer».

A travers un objet, estime l’initiatrice du projet «l’objet de l’exil», on peut évoquer beaucoup de détails dans la vie d’un requérant d’asile, doucement, sans brusquer les choses. «J’ai vu que les gens arrivaient à s’ouvrir facilement et à parler de leur parcours et même avec beaucoup d’émotion, beaucoup de sentiments parce qu’avant de venir en Suisse, ils ont passé une vie quelque part. Cela, on ne l’oublie pas et il ne faut justement pas le gommer. C’est une façon de montrer à des gens que chaque personne qui immigre a sa propre histoire qu’il faut respecter et c’est à travers son histoire qu’elle va pouvoir partager et s’intégrer facilement», conclut Françoise Kury.

Témoignages de participants

La guitare de Peter Otubuar. Photo: Voix d'Exils.

La guitare de Peter Otubuar. Photo: Voix d’Exils.

Peter Otubuar, Ghanéen: «Mon objet précieux, qui me rappelle mon pays, c’est ma guitare. J’en joue depuis bientôt 25 ans. La musique, c’est ma passion. Sans ma guitare, je me sentirais perdu et malheureux. Je joue souvent les morceaux qui me rappellent les jours heureux quand j’étais chez moi.»

Adan Ducaale Hajna, Somalien: «J’ai 16 ans et j’ai quitté mon pays très jeune. Je n’ai ni photo de ma famille ni objets. J’ai quitté mon pays sans affaires, donc mes souvenirs sont dans ma tête et dans mon cœur.»

Le chapelet de Rosnaassan Hussein. Photo: Voix d'Exils.

Le chapelet de Rosnaassan Hussein. Photo: Voix d’Exils.

Rosnaassan Hussein, Syrien: «Mon seul objet de souvenir, c’est un chapelet donné par un ami et un short acheté avant de quitter mon pays. Le chapelet est un objet très précieux pour moi, parce que je suis croyant. Donc ce chapelet est devenu un objet qui m’a accompagné pendant mon passage dans ce pays.

James Emma, Nigérian: «Mon seul objet précieux, c’est ma Bible. Ce livre est très important pour moi pendant cette période de ma vie. Je suis attaché à elle, car elle me permet de trouver la force pour continuer à me battre».

Abraham Genet, Erythréen: «J’ai décidé de montrer mon habit traditionnel, car c’est le seul élément qui me tient à cœur. Il me rappelle les plus belles cérémonies que j’ai passées avec ma famille avant de quitter le pays. Cet habit évoque mes beaux souvenirs.»

Les chaussures de Skates de Dragan. Photo: Voix d'Exils.

Les chaussures de Skates de Dragan. Photo: Voix d’Exils.

Skates de Dragan, Somalien: «Le seul objet que j’ai et qui me rappelle mon pays, ce sont mes chaussures avec lesquelles j’ai traversé le désert. Mes chaussures, j’y tiens beaucoup, car je les ai achetées avant de prendre la route, elles ont protégé mes pieds tout au long de mon voyage.»

le braclet en or de Diallo Mamadou. Photo: Voix d'Exils.

Le braclet en or de Diallo Mamadou. Photo: Voix d’Exils.

Diallo Mamadou, Guinéen: «J’ai 21 ans et je vis en Suisse depuis 4 ans. L’objet que j’ai choisi de montrer est un bracelet en or donné par un ami. Il tient une place importante dans ma vie, car chaque fois que je me sens mal, ce bijou me donne de la force.»

Famille Przic Zvonto, Kosovare: «La seule chose que nous avons de très précieuse, ce sont nos enfants. On ne possède pas d’objets amenés de chez nous. Notre fils est notre meilleur souvenir de notre pays, car il est né là-bas. L’objet le plus important pour lui, c’est sa planche à roulettes. Il passe son temps à jouer avec, car il est souvent tout seul pour jouer.»

Paul Kiesse

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils