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Une génération sacrifiée au Kurdistan irakien

Auteur: Rawa Ali

Auteur: Rawa Ali

Si durant l’enfance on doit vivre comme un adulte, comment vivra-t-on quand on sera adulte ?

Au Kurdistan irakien et en Irak, les luttes entre les différents partis politiques s’aggravent jour après jour. L’attention de tous les journaux et des chaînes de télévision au Kurdistan irakien est focalisée sur la guerre, sur les affaires financières et politiques. Chacun donne sa version des faits et propose sa vision du futur sans penser que c’est la nouvelle génération qui édifiera l’avenir.

Hélas on a tendance à l’oublier sous la pression des événements. La situation des enfants est cachée sous le tapis aussi bien dans les journaux, sur les sites et à la télévision. On ignore le sort qui est réservé aux enfants qui ont perdu tous leurs droits et qui sont traités comme des adultes.

Anéantir l’esprit critique

Une des causes de cette catastrophe humanitaire est que beaucoup d’enfants vivent dans des zones occupées par des groupes fondamentalistes (Daech) qui terrorisent la population kurde et irakienne. L’autre cause est l’application par le régime du Kurdistan irakien de mesures qui visent à affamer sa population. Son but est d’anéantir son esprit critique pour continuer à la dominer. Les enfants ne sont pas scolarisés car ils doivent travailler pour gagner de quoi vivre, comme on le voit sur cette photo ci-dessus prise par mon frère à Solaymania où deux fillettes en uniforme de l’école vendent des chewing-gums dans la rue. Quand on agit sans penser aux risques pour l’avenir, c’est le futur des prochaines générations qui s’annonce très sombre. Si la situation reste la même, on prépare une génération d’analphabètes qui fera reculer toute la population de cent ans dans le passé. Notre avenir ne sera pas meilleur que maintenant, car aujourd’hui déjà le pays est dirigé par des gens incultes qui ont eu pour seuls maîtres d’autres anciens dictateurs. De plus, ils ferment les yeux sur les conséquences qu’ont eues les anciennes dictatures comme celle de Saddam Hussein et ne veulent pas voir les conséquences auxquelles aboutira leur propre dictature.

« J’ai mieux à faire ! »

Le 21 décembre 2014, j’étais comme journaliste sur le territoire de Chengal, (une région revendiquée par l’Irak et le Kurdistan irakien) pour la couverture médiatique de la guerre entre les Pechmergas (combattants kurdes) et Daech. C’était le soir. J’avais dormi dans la voiture. Au matin, en ouvrant les yeux, j’ai vu un tout jeune berger qui portait un fusil à l’épaule presque de la même taille que lui. Je l’ai pris en photo, puis je suis allé vers lui et je l’ai salué. Il m’a répondu et je lui ai demandé ce qu’il faisait là. Il m’a dit : « Je suis berger ». Je lui ai alors demandé : « Tu ne vas pas à l’école ? » Il m’a répondu : « Non, laisse tomber j’ai mieux à faire ! Est-ce que vous connaissez ces Pechmargas là-bas ? Vous pouvez leur demander qu’ils me donnent des munitions pour mon fusil ? »

La demande de ce garçon m’a fait beaucoup réfléchir au fait que, au Kurdistan irakien, nous n’avons pas seulement raté le passé et le présent mais que nous sommes également en train de rater l’avenir.

Revan Noori

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils