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Les flux migratoires inversés

John Rodenn Castillo / unsplash.com.

Réflexion de Alcibiades Kopumi sur le cas du Portugal

Les flux migratoires constituent un phénomène global, un mouvement perpétuel que suit l’humanité tout au long de son existence. En ce sens, il ne serait pas exagéré de considérer que tous les humains soient des migrant·e·s qui partent, pour différentes raisons, d’un point A de la planète pour s’établir sur un point B, ce soit provisoirement, soit définitivement.  

Quand on se penche sur la question de la migration, on y trouve presque exclusivement un regard naïf – voire méprisant – qui voit ce phénomène comme ayant un sens unique: de partout –  mais surtout de l’Afrique – vers l’Europe. Ce qui est faux. 

En effet, il existe des mouvements migratoires très importants, établis depuis des siècles, qui vont de l’Europe vers l’Afrique et qui ont cours depuis l’époque des colonisations jusqu’à nos jours. Or, de ces mouvements de « migrations inverses », il n’est jamais question.

Prenons un exemple récent d’un tel phénomène de migration: celui des Portugais·e·s vers l’Angola.

Au début des années 2010, le Portugal a connu une longue période sombre marquée par une profonde dépression de son économie. Ayant été soumis à plusieurs programmes de sauvetages successifs sous forme de prêts menés par la troïka – la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international – avec le but de maitriser tous les indicateurs macro-économiques du pays, le Portugal s’est vu imposer de très dures mesures d’austérité.

Affectés par des taux très élevés de chômage, des baisses de salaires massives et privés de perspectives de vie, des dizaines de milliers de Portugais·e·s ont alors pris la décision d’emprunter la voie de la migration vers l’Angola, à la recherche de meilleures conditions de vie.

Selon les estimations du journal portugais o Público, environ 150’000 Portugais·e·s travaillaient en Angola en 2013. À l’inverse, le rapport annuel du Service des Étrangers et des Frontières du Portugal indique qu’à la même période, seulement 20’177 Angolais·e·s vivaient au Portugal. Autrement dit, la migration des Angolais·e·s vers le Portugal s’avère être sept fois moins importante que celle des Portugais·e·s vers l’Angola.

Plus précisément, le nombre de migrant·e·s provenant de la péninsule ibérique en Angola s’est vu multiplié par dix entre 2008 et 2015. En effet, l’Angola a délivré près de 45’000 permis de séjour ou de travail à des Portugais·e·s en 2011, contre 12’000 en 2008. Et entre 2008 et 2015, le nombre de ressortissant·e·s du Portugal enregistré·e·s au consulat du Portugal en Angola est passé d’environ 73’000 à plus de 134’000.

Tout comme pour le cas de Portugal, des mouvements similaires à partir d’autres pays européens vers d’anciennes colonies – par exemple de la France vers le Maroc – ont lieu et ce également pour des raisons économiques.

L’étude des flux migratoires inversés met ainsi en lumière une face cachée peu connue et peu médiatisée des phénomènes migratoires. Pourtant, comme l’illustre le cas du Portugal, la réalité du flux migratoire de ce pays vers l’Angola est bien plus conséquente que celui de l’Angola vers le Portugal. Cette réflexion nous amène à questionner les raisons légitimes qui justifient ces mouvements migratoires. Pourquoi donc il semble si naturel que des citoyen.nes européen.nes migrent vers des pays du Sud pour des raisons économiques – qui pourtant sont légitimes – alors que, les personnes des pays du Sud – en particulier d’Afrique – qui, pour la plupart, fuient leur pays pour sauver leur vie, sont en général perçues comme des potentiels migrant.e.s économiques illégitimes, voire même des criminels?

Alcibiades KOPUMI

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Revue de presse #55

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils

Sous la loupe : La migration, un « élément essentiel pour l’équilibre et la stabilité du monde » / Rapport 2020 sur les activités de politique migratoire extérieure de la Suisse / Camps de réfugié.e.s : le Conseil fédérale doit agir!

La migration, un élément essentiel pour l’équilibre et la stabilité du monde

maexpress.ma, le 30 mars 2021   

« La migration constitue un élément essentiel pour l’équilibre et la stabilité du monde » s’est exprimé ainsi à Rabat Abdellah Boussouf, Secrétaire général du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger CCME, lors de la 98ème rencontre diplomatique organisée le mardi 30 mars 2021 par la Fondation diplomatique.

Il a souligné que la migration facilite le dialogue et le rapprochement entre les religions, les cultures et les peuples, étant donné qu’elle constitue l’un des principaux éléments de la construction de l’avenir et du monde de demain.

La migration constitue, selon lui, un acteur principal dans la lutte contre la Covid-19. Dans ce cadre, il a rappelé les rôles principaux des migrants du Maroc, de la Turquie et de la Grèce dans le développement du vaccin anti-Covid, ajoutant que dans d’autres pays, les migrants ont joué des rôles pionniers dans l’opération de solidarité avec leurs pays de résidence ou leur pays d’origine, comme c’est le cas pour le Maroc.

Le rapport 2020 sur les activités de politique migratoire extérieure de la Suisse

admin.ch, le 31 mars 2021

Le Conseil fédéral a publié le 31 mars 2021 un communiqué au sujet de son rapport 2020 sur la politique migratoire extérieure de la Suisse. Ce document met en évidence les différents défis auxquels est confrontée la politique européenne en matière de migration et d’asile malgré le recul du nombre de demandes d’asile et d’entrées irrégulières dû à la pandémie. Cette problématique est prise très au sérieux par la Suisse puisqu’elle a renforcé son engagement en Grèce en assurant son soutien concret à un certains nombres de mesures, telles que : apporter une aide humanitaire dans les centres d’accueil des migrants, appuyer des projets menés par des organisations d’entraide et accueillir sur son territoire des requérants d’asile mineurs non accompagnés.

Le rapport relève également la grande importance du nouveau pacte sur la migration et l’asile pour la Suisse puisqu’il prend en considération de nombreuses préoccupations et priorités que le pays a exprimé à plusieurs occasions, notamment au sujet du renforcement de la politique en matière de retour et la solidarité entre les États Dublin.

Hors de l’Europe, la Suisse a continué la mise en œuvre des partenariats migratoires existants et renforcé la coopération migratoire bilatérale. Malgré le contexte difficile dû au COVID-19, toujours selon le rapport, la Suisse a pu mener des dialogues migratoires avec d’importants pays partenaires, tels que l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, l’Iran, le Kosovo et le Sri Lanka, et a réussi à négocier un accord migratoire avec la Gambie.

Suisse/Grèce : Camps de réfugié.e.s: le Conseil fédéral doit agir

Amnesty.ch, le 29 mars 2021

Il y a un an maintenant, #evacuerMAINTENANT, 132 organisations et 50’000 personnes, ont lancé un appel pour demander au Conseil fédéral d’accueillir un important contingent de réfugié·e·s des îles grecques de la mer Égée. Des dizaines de villes, communes et paroisses ont, alors, répondu favorablement et proposé leur soutien au Conseil fédéral pour participer, d’une manière significative, à soulager la souffrance de plusieurs dizaines de milliers de réfugiés bloqués sans aucune protection.

À ce jour, ni le Conseil fédéral ni le Secrétariat d’État aux migrations n’a fait usage de ces disponibilités. Raison pour laquelle, l’Alliance « Villes et municipalités pour l’accueil des réfugiés », qui comprend les 8 plus grandes villes de Suisse et 8 autres municipalités dont Montreux, Bienne, Fribourg, Lausanne et Genève, réitère, aujourd’hui, sa volonté d’accueillir des réfugié·e·s en provenance de Grèce et demande au Conseil fédéral un geste politique clair dans cette direction.

Il convient de rappeler ici que le Conseil fédéral avait décidé, dans le cadre de son programme de réinstallation, l’admission en Suisse d’un contingent de 1’600 réfugié.e.s particulièrement vulnérables pour 2020/2021. À ce jour, seules 330 personnes en provenance de Grèce ont été admises. Amnesty International souligne que « l’accueil de ces quelques dizaines de réfugié.e.s est une bonne chose, mais demeure largement insuffisant ».

Amnesty International appelle, de son côté le gouvernement à soutenir, au niveau européen, l’évacuation complète du camp de Moria et demande l’entrée en matière de Madame la Conseillère Karine Keller-Sutter à propos de la proposition des villes d’accueillir rapidement un fort contingent de réfugiée.e.s des îles grecques.

Masar Hoti

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 

 




« Paul Biya dilapide l’argent des Camerounais à Genève »

L’Hôtel Intercontinental de Genève. Photo: FBradley Roland, Voix d'Exils

L’Hôtel Intercontinental de Genève. Photo: FBradley Roland, Voix d’Exils

Le 19 janvier dernier, des membres de la diaspora camerounaise ont mené une action internationale pour tenter de déloger le président Paul Biya de l’Hôtel Intercontinental de Genève et alerter l’opinion publique mondiale sur la situation catastrophique du Cameroun. Selon la diaspora camerounaise, Paul Biya louerait à l’année un étage entier de cet hôtel de luxe genevois pour lui et une cinquantaine de proches aux frais du contribuable Camerounais. Un train de vie opulent qui contraste fortement avec la misère de son pays, qu’il dirige d’une main de fer depuis plus de 30 ans, et qui s’enfonce  dans un désastre socio-économique.

Ils sont venus à Genève des quatre coins du globe : du Canada, des États-Unis, de Belgique, de France et de Suisse pour « déloger » Paul Biya de l’Intercontinental et attirer l’attention de l’opinion internationale sur la situation qui sévit au Cameroun. Un beau pays, très riche en ressources naturelles, appelé l’Afrique en miniature de par sa diversité ethno-culturelle. Mais, selon ces militants qui se sont rendus à la cité de Calvin du 16 au 19 janvier dernier, « il est temps de faire quelque chose avant qu’il ne soit trop tard. Car le Cameroun va mal, très mal ».

La misère criante du peuple camerounais

Les populations tirent le diable par la queue et le panier de la ménagère se vide jour après jour. « Depuis plusieurs mois, la grande majorité des Camerounais luttent pour avoir une baguette de pain au petit déjeuner. Le prix des produits de première nécessité augmente à un rythme exponentiel, enfonçant le contribuable dans une misère ambiante. La gabegie des dirigeants est dégoutante », nous confie un français marié à une Camerounaise. Il y a plus de deux ans le Fonds Monétaire International (FMI) dressait un rapport «  d’une rare sévérité » sur la gestion économique du Cameroun. « La liste des critiques adressées aux dirigeants Camerounais est très longue. Les experts du FMI relèvent pêle-mêle le manque d’infrastructures, la piètre gouvernance et le mauvais climat des affaires », dont le résultat est aujourd’hui « la stagnation économique du pays et sa vulnérabilité à la récente crise financière », relève Radio France Internationale, dans un article d’août 2010.

« Un étage entier de l’Hôtel Intercontinental de Genève loué à l’année »

Pendant ce temps, Paul Biya se prélasse dans l’un des hôtels les plus chers du monde… l’Hôtel Intercontinental de Genève où, selon nos sources, il louerait tout le 6ème étage à l’année et ce, pour une somme pharaonique. Une enclave cossue de Genève des bords huppés du Lac Léman. Un havre de bonheur des grands de ce monde : princes arabes à la pelle, hommes d’états, hommes d’affaires triés sur le volet. Bill Clinton y a d’ailleurs séjourné. Herbert Schott, après avoir passé 35 ans à la tête de l’Hôtel Intercontinental de Genève, jusqu’en 2002, raconte des dizaines d’anecdotes à propos de ses clients les plus célèbres, dans son livre intitulé « L’HÔTELIER », paru en 2007. L’on peut lire que parmi les 157 chefs d’Etats ayant séjourné lors de sa direction à l’Hôtel Intercontinental, Paul Biya est celui qui l’a le plus marqué. Quant à ses trois enfants, ils ont également leur place dans le paradis lémanique, où ils étudient dans le très select Collège du Léman, à Genève. Un établissement scolaire haut de gamme dont les frais de scolarité et d’internat coûtent la bagatelle de 78’000 euros par année et par étudiant, selon Jeune Afrique. « Comment peut-on s’offrir un luxe aussi insolent, quand le pays qu’on dirige est classé PPTE (Pays Pauvre Très Endetté) par les institutions de Bretton Woods » ?, s’offusque un activiste, du nom de Thierry, avant d’ajouter que « Paul Biya est dangereux, méchant et sanguinaire et qu’il faut à tout prix l’empêcher de noyer, de détruire le Cameroun par tous les moyens possibles ». Une situation et un comportement que la plupart des Camerounais trouvent choquants, voire insultants, car la grave crise économique mondiale qui sévit actuellement a aussi des répercussions sur l’Afrique et le Cameroun n’est pas épargné.

«Tentative désespérée pour  déloger le dictateur par la force »

De quoi expliquer la colère des activistes qui se sont rendus à Genève pour protester contre Paul Biya et dont certains n’ont pas hésité à pénétrer dans l’Hôtel Intercontinental, le 19 janvier dernier, lors d’une tentative désespérée pour «déloger le dictateur par la force ». « Nous avons expliqué au personnel et aux dirigeants de cet hôtel que l’argent que Biya et ses amis dépensent dans cet hôtel appartient au peuple Camerounais», tonnaient en chœur quatre activistes Camerounais qui ont pu pénétrer à l’intérieur de l’établissement avant d’être stoppés net par des policiers suisses et la sécurité de l’établissement. Ils ont juré qu’ils le « traqueront partout où il ira gaspiller l’argent des Camerounais ».

Une lettre rédigée par un collectif au nom de « Cameroun libre » a d’ailleurs été envoyée aux autorités Suisses, pour demander l’expulsion de Paul Biya du territoire helvétique. « L’hôtel Intercontinental de Genève se fait complice dans l’accentuation de la misère et la clochardisation du peuple Camerounais. Nous invitons les Camerounais, les amis de Camerounais, les Suisses, et le monde entier à ajouter leur voix à la campagne pour demander à cet hôtel de ne plus accepter Biya et ses amis comme clients. Nous devons clairement faire savoir aux dirigeants de l’Hôtel Intercontinental que le peuple Camerounais ne va pas se taire, tant qu’ils choisiront de participer au pillage de notre pays », concluaient les activistes.

FBradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

« Je parle des Camerounais pour lesquels boire de l’eau potable est devenu un luxe »

« Je ne parle pas du Cameroun des courtisans du président, des opportunistes qui l’entourent, qui lui sont proches, des vautours (ministres, directeurs généraux, et autres conseillers) qui n’attendent que le moment venu (après la mort du président) pour sauter dessus et prendre le relais.

Je parle des Camerounais qui n’ont plus aucun espoir dans la vie malgré tous leurs efforts.

Je parle des Camerounais de la capitale et de la majorité des villes Camerounaises pour qui boire de l’eau potable est devenu un luxe.

Je parle du Cameroun de l’insécurité, du trafic d’organes humains, de la corruption endémique, du tribalisme, de la pédophilie et devant lesquels les pauvres citoyens-immigrés que nous sommes sont devenus impuissants.

Je parle des Camerounais qui vivent dans un pays ou l’anarchie est devenue la règle. Oui, au Cameroun, les gens sont tués et mutilés dans une indifférence à faire froid dans le dos.

Je parle des Camerounais qui n’éprouvent plus aucune émotion devant la violence.

Je parle des Camerounais qui vivent dans un pays où les hôpitaux publics sont devenus des mouroirs.

Je parle des Camerounais qui subissent une injustice flagrante sans qu’aucun de leurs bourreaux ne soient inquiétés.

Je parle du Cameroun ou les journalistes, écrivains, et autres penseurs sont arrêtés, emprisonnés, certains sont morts en prison.

Je parle des Camerounais qui, malgré des diplômes universitaires, bravent les mers du monde pour fuir la terre de leurs ancêtres et subissent l’humiliation à travers le monde.

Je parle de ce pays où la promotion au mérite a été enterrée depuis très longtemps.

Je parle de ce pays sans modèles ni héros.

Je parle de ce pays où rien ne marche et où le temps s’est arrêté.

Je parle de ce pays dont les talentueux enfants à travers le monde sont tout simplement oubliés pendant que d’autres profitent de leurs compétences. Les sportifs, médecins, journalistes, ingénieurs Camerounais n’hésitent plus à prendre la nationalité de leurs pays hôtes.

Je parle de ce pays dont le vide institutionnel est à l’origine de toutes les dérives. Un pays pris en otage par une poignée de Camerounais (un homme et sa famille) depuis plus de trente ans ».

Propos d’un activiste Camerounais d’une trentaine d’années vivant aux États-Unis qui a fait le déplacement pour participer à l’action internationale de Genève du 19 janvier dernier.