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«Sans parité il n’y a pas de démocratie»

Martha Campo, en premier plan à droite sur la photo.

Une intervention de Martha Campo

Notre rédactrice Martha Campo s’est rendue dernièrement à Saint-Domingue, en République dominicaine, pour participer à la rencontre de l’Internationale socialiste pour l’Amérique latine et Caraïbes du 26 mars dont le thème était « démocratie et participation politique ». Voici sa contribution.

« La conquête de la citoyenneté des femmes dans de nombreux pays du monde, et avec elle le droit de voter et d’être élues à des postes de représentation populaire, a été le fruit d’une lutte ardue et prolongée. Et cela a constitué un élément central de la vie démocratique des pays, en intégrant dans l’égalité politique la participation des hommes et des femmes à la vie institutionnelle de la nation.

Dans de nombreux pays, les droits politiques des femmes sont historiquement récents et leur exercice n’a pas été aisé; notamment quand il s’agit d’accéder aux espaces de décisions et de pouvoir. Lorsque les femmes parviennent à la conquête de la citoyenneté, elles sont progressivement intégrées dans tous les domaines de travail du pays, et c’est le fait de maintenir les femmes en dehors des gouvernements qui est une injustice et qui va à l’encontre du progrès d’une nation.

Les femmes ont réussi à surmonter des résistances et des obstacles malgré une culture patriarcale profondément enracinée et des « plafonds de verre » qui les empêchaient d’être reconnues et promues.

Elles ont persisté dans la recherche de l’égalité et de meilleures opportunités pour surmonter les défis, les préjugés et la marginalisation, les habitudes et pratiques exclusives qui persistent malheureusement et qui leur empêchent une promotion légitime.

Bien que les femmes aient accompli de grandes réalisations, il faut tenir compte du fait que ces avancées importantes n’ont pas réussi à améliorer la condition des femmes comme prévu. Cela trace à peine le chemin et les défis à relever pour surmonter les discriminations et les relations hiérarchiques inégales de pouvoir dans les sphères privée et publique et accroître leur participation à toutes les tâches de développement national.

Nous devons être conscient.e.s que la lutte pour le respect et l’exercice des droits humains des femmes ne s’est pas arrêtée avec le suffrage et l’égalité juridique dans les constitutions. Elle doit continuer jusqu’à ce que l’égalité soit atteinte dans tous les domaines.

Il ne faut pas se taire pour dénoncer les situations de marginalisation des postes de décision, qui impliquent l’exercice de la puissance publique et d’importantes questions d’intérêt collectif, issues de la culture patriarcale et des stéréotypes de genre profondément enracinés, qui génèrent des relations asymétriques de pouvoir entre femmes et hommes ».

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils




«Migration – Voix de femmes»

Affiche de l’exposition « Migration – Voix de femmes », Forum de l’Hôtel de Ville de Lausanne / Photo: Voix d’Exils

Un livre et une exposition de 10 récits de vie de femmes migrantes



Le mois dernier, l’ensemble de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils s’est rendu au Forum de l’Hôtel de Ville de Lausanne pour découvrir l’exposition « Migration – Voix de Femmes ». Cette exposition portée par l’Association Belles-Pages met en lumière 10 témoignages de 10 femmes migrantes qui vivent aujourd’hui en Suisse romande.

Ces femmes viennent de pays qui, à un moment donné de leur histoire, ont subi une crise politique ou sociale, ce qui les a poussé à rechercher une vie meilleure.

L’intégration dans la société suisse n’a pas été facile pour elles, mais malgré tout, elles sont parvenues à apprendre une nouvelle langue, à trouver un travail ou une activité significative qui leur a permis de persévérer encore et encore dans leur nouvelle vie plus sûre et moins exposée à tout type de violence.

Le résultat de cet intéressant projet prend la forme d’un livre et d’une magnifique exposition qui met en lumière les histoires et les belles photographies des protagonistes.

Enthousiasmé par les récits de vie qui composent l’exposition, Voix d’Exils a souhaité rencontrer à l’occasion d’une interview Nicole von Kaenel et Jean-François Tiercy, les deux personnes à l’origine de ce projet.

Découvrez l’interview ci-dessous:

De gauche à droite: Jean-François Tiercy, responsable éditorial; Renata Cabrales, rédactrice à Voix d’Exils; Nicole von Kaenel, responsable des récits de vie

L’exposition du projet est itinérante ! Rendez-vous sur le site web de l’association pour découvrir ses prochains lieux d’installation: Calendrier 2022 | Migration – Voix de femmes (migration-voix-de-femmes.ch)

Renata Cabrales

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« Fuir est une preuve de courage »

Photo: Gemma Evans / Unsplash.com

Un billet de Martha Campo

A travers mon billet d’aujourd’hui, j’aimerais faire prendre conscience à toutes et à tous de ce qui se cache derrière une personne réfugiée.

Beaucoup de gens parlent sans rien connaître de l’histoire que chaque réfugié porte sur son dos.

On ne peut pas généraliser et mettre tout le monde dans le même sac, car chacun vient d’un pays différent, a une culture et des coutumes différentes, chacun a une histoire unique à raconter.

Il y a des femmes maltraitées par leurs mari, père, frères ; des femmes fuyant la violence politique d’un pays, la corruption ; des femmes fuyant leurs assassins et luttant pour sauver leurs enfants comme elles-mêmes ; des femmes qui échappent à une religion qui les soumet, qui les rendent invisibles ; des femmes qui sont punies dans leur pays pour avoir pensé différemment ou pour leur condition sexuelle ; des femmes qui osent défier le patriarcat et se montrer au monde comme des personnes capables de penser, capables d’occuper des espaces qui tout au long de l’histoire ont été réservés aux seuls hommes.

Ceci n’est qu’une infime partie des différentes situations qui obligent les gens à fuir un pays. Mais que se cache-t-il derrière cette fuite? Que reste-t-il après un si long chemin parcouru ?  Que dire au sujet de ce que chacun doit abandonner, de ce que chacun perd dans cette course à la survie ?

Réfléchissons un peu sur le refuge. Non pas comme un simple mot mais comme la réalité vécue par les personnes qui ont dû fuir au milieu d’immenses difficultés, de peurs, de manques. Fuir n’est pas facile, c’est une preuve de courage de la part de celles et ceux qui y parviennent. Ils et elles fuient des situations dramatiques et beaucoup voient leurs enfants et petits-enfants mourir sur la route.

J’invite toutes les lectrices et tous les lecteurs à faire une halte, à se méfier des avis mal fondés, à penser de manière altruiste devant chaque personne qui vient chercher un refuge en Suisse. Ce n’est pas facile de prendre cette décision, ce n’est pas facile de fuir son agresseur : le chemin lui-même n’est pas facile, ni l’arrivée, ni ce qui suit après.

La bonne nouvelle, pour celles et ceux qui parviennent à fuir, c’est que la vie continue ! Traitons chacune de ces personnes avec considération et respect : vous ne pouvez pas imaginer la valeur d’une phrase bienveillante dans l’âme de celles et ceux qui se battent pour se relever des ruines de l’exil.

Martha Campo

Membre de la rédaction valaisanne de la Voix d’Exils




« Nous sommes fortes ensemble »

Témoignage – Dans le wagon féministe menant les militantes valaisannes à Lausanne le 14 juin

Le lundi 14 Juin 2021, au nom de la lutte contre les discriminations envers les femmes, l’association collectif-femmes-Valais a affrété un wagon féministe à destination de Lausanne. « Le wagon des femmes » est parti de Sierre et, tout au long du trajet, au fil des gares de Sion, Martigny, St-Maurice jusqu’à Lausanne, une cinquantaine de femmes environ sont montées à bord. Des militantes très différentes les unes des autres mais qui défendaient toutes la cause féministe. Une banderole le disait bien : « Nous sommes fortes ensemble ».

Ce voyage a rompu la monotonie des jours et rempli les cœurs de joie et de chaleur humaine.

Le constat reste le même depuis des années : la femme, première à servir, n’est pas rémunérée à sa juste valeur; les réformes entreprises pour mieux tenir compte de la participation féminine à la marche de la société sont minimalistes et insuffisantes ; les femmes fournissent un travail gratuit en assurant une grande part des travaux du ménage, des soins aux enfants ou aux personnes âgées ; elles supportent une lourde « charge mentale »: nombre de femmes subissent aussi des remarques sexistes ou du harcèlement sexuel ; et une femme sur cinq, selon Amnesty International, est victime de violence domestique ou de violence sexuelle ; il faut rappeler également qu’aujourd’hui, en Suisse, une femme meurt sous les coups de son conjoint toutes les deux semaines…

En 2021, avec les changements imposés par la pandémie du COVID-19, ce sont encore les femmes qui paient les conséquences de l’injonction de « rester à la maison ».

« La couleur des femmes, c’est la vie elle-même »

C’est pour ces raisons que ce train très spécial s’est mis en route le 14 juin dernier pour défendre un espoir de changement. Les participantes ont exprimé leur rêve d’avenir. Réfléchissant à la couleur qu’elles se donnaient, elles ont répondu : « La couleur des femmes, c’est la vie elle-même ».

A l’arrivée, la population de Lausanne a manifesté son soutien par des applaudissements et des symboles violets affichés aux balcons. Des actions solidaires ont aussi été menées dans toute la Suisse: à Genève, Neuchâtel, Bienne, Berne, Zurich, Lucerne, Fribourg et dans le Jura, pour que le Conseil fédéral assume davantage sa responsabilité dans l’application de « la  Stratégie Égalité 2030 ».

La journée s’est achevée par un acte fort: la destruction par le feu d’un mannequin aux allures bourgeoises, symbolisant « le capitalisme et le patriarcat ». Des applaudissements nourris ont salué l’immense flamme rougeoyante sur fond de ciel bleu.

Nürten Kirmizigül

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Les luttes féministes

La grève nationale des femmes du 14 juin 2019 en Suisse. Un cortège à Lausanne. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Une histoire écrite avec le sang

L’histoire des luttes féministes, de ses débuts à nos jour, montre la voie à notre génération pour enfin parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes.

On observe les premières figures de libération des femmes vers la fin du treizième siècle avec, par exemple, Guglielma de Milan qui créa la première église de femmes.

La Révolution française marque un changement important dans l’évolution de l’égalité entre les sexes. Olympe de Gouges, une femme politique et l’une des pionnières du féminisme français, affirme déjà en 1791 dans sa Déclaration des droits des femmes et des citoyens que « les droits naturels des femmes sont limités par la tyrannie des hommes, situation qui doit être réformée selon les lois de la nature et de la raison ». Elle fut guillotinée le 3 novembre 1793 par le gouvernement de Robespierre.

En Angleterre, Mary Wollstonecraft écrivit en 1792 que « la revendication des droits des femmes » soulève les questions du droit de divorcer librement, de l’égalité des droits civils, du travail, des droits politiques et de l’accès à l’éducation.

C’est surtout au dix-neuvième siècle que commence une lutte organisée et collective. A cette époque, les femmes décident de participer à de grands événements historiques jusqu’à obtenir le droit de vote et avec lui la reconnaissance de leur autonomie. Les femmes ont commencé par faire partie des révolutions socialistes mais de manière subordonnée. Flora Tristan est une figure de ces femmes engagées dans les luttes ouvrières féministes. Elle écrit en 1842 que « la femme est la prolétaire du prolétariat […] même le plus opprimé des hommes veut opprimer un autre être: sa femme ». Le 19 septembre 1893, les femmes accèdent au droit de vote en Nouvelle-Zélande. Puis d’autres pays vont suivre tels que l’Australie, la Finlande, la Norvège, l’Union soviétique, l’Allemagne et les États-Unis 20 ans plus tard. Rappelons qu’en Suisse, les femmes n’eurent le droit de vote qu’en 1971!

La grève nationale des femmes du 14 juin 2019 en Suisse. Un cortège à Lausanne. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

De nos jours

Dans l’histoire contemporaine, la militante et combattante pour l’égalité des sexes Malala Yousafzai a changé l’histoire des droits des femmes au Pakistan. La jeune écolière de 15 ans défie les talibans qui interdisaient aux filles d’aller en classe. Elle tenait un blog dans lequel elle racontait sa vie, comment elle progressait et ses difficultés quotidiennes pour se rendre à l’école. Le 19 octobre 2012, des hommes armés arrêtent le bus dans lequel elle se trouve et lui tirent dessus à trois reprises. L’un des coups de feu atteint son crâne, la laissant presque morte. Elle passe alors plusieurs semaines aux soins intensifs et réussit à s’en sortir in extremis.

Malala est devenue le symbole de la lutte féministe pour l’égalité. Son message de courage a eu un écho mondial. Elle a notamment déclaré que « l’éducation est un pouvoir pour les femmes, et c’est pourquoi les terroristes ont peur de l’éducation. Ils ne veulent pas qu’une femme soit éduquée car dès lors celle-ci sera plus puissante. »

L’autonomie pour toutes et tous

Lors de la convention de l’ONU sur les droits des femmes qui s’est déroulée à New York en juin 2017, l’un de nos principaux thèmes était l’égalité et le respect entre les sexes et cela commence par l’éducation de nos enfants, garçons et filles.

Il est essentiel de déconstruire la soumission des femmes au cours des siècles et de chercher à atteindre une autonomie pour toutes et tous au-delà des différences de genre.

Durant mon exil, en raison de mon engagement politique et en tant que défenseuse des droits des femmes, je continue à insister sur le fait que l’autonomisation des femmes passe nécessairement par leur pleine intervention dans la vie politique et dans la prise de décisions.

Nous ne pouvons pas abandonner les luttes qu’ont mené les femmes qui nous ont précédées. Nous sommes leurs héritières et c’est grâce à elles que nous vivons aujourd’hui avec de plus grandes opportunités. Il y a encore un long chemin à parcourir, de nombreux combats à mener et droits à conquérir.

Il y a eu des progrès substantiels dans la lutte contre le machisme, la violence et les abus. Mais il faut trouver davantage de mécanismes pour éliminer les obstacles qui empêchent les femmes d’exercer leurs droits économiques ce qui les maintient dans la pauvreté.

Martha CAMPO

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils