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« Le personnel médical vaudois offre une aide considérable aux migrants »

Fbradley Roland en compagnie du personnel médical de la PMU du Flon à Lausanne. Photo: Voix d’Exils.

Fbradley Roland en compagnie du personnel médical de la PMU du Flon à Lausanne. Photo: Voix d’Exils

Ecrivain et ancien rédacteur de Voix d’Exils, Fbradley Roland s’adresse au personnel de la Policlinique Médicale Universitaire du canton de Vaud

A l’heure où de nombreux Européens se mobilisent pour accueillir des migrants chez eux, le personnel médical de la Policlinique Médicale Universitaire (PMU) a invité à la permanence du Flon l’écrivain et ancien rédacteur de Voix d’Exils FBradley Roland. A bâtons rompus, ce dernier retrace le parcours difficile des migrants et souligne l’apport vital du personnel de santé qui les accueille. 

Dans son exposé du jeudi 23 juillet 2015, FBradley Roland porte la voix des migrants devant une dizaine d’infirmières et de médecins. Compte rendu.

Depuis ses débuts dans le journalisme, il dit avoir toujours manifesté son désir de « parler sans être interrompu…». Une façon, pour lui, de s’opposer aux entraves dont souffre la liberté d’expression. Pour mieux réaliser son vœu, il sort un livre intitulé « Air Mawari ». Un moyen de corriger par la plume les non-sens concernant les vérités sur les odyssées des migrants en direction de l’Europe, de « dénoncer l’ignominie dans laquelle nous évoluons… Sensibiliser les européens et surtout humaniser les politiques ». L’essentiel, selon lui, est que les acteurs de la santé ne se laissent jamais influencer par les discours politiques beaucoup plus concentrés sur « les chiffres alarmants » que sur l’aspect humain de la question migratoire. Pour cela, il pense que « si on n’arrête pas de dire que c’est un numéro de plus, un requérant d’asile de plus, on s’en fout de ce qui arrive, c’est comme si on passe à côté de sa vocation. ». Derrière chaque requérant, dit-il à son auditoire, il y a toute une vie, toute une histoire qui doit être sérieusement prise en compte. C’est très important de comprendre que nous autres qui venons d’ailleurs, on a une histoire, il faut essayer d’entrer dans la vie de la personne même pour quelques secondes, c’est très important, poursuit-t-il.

Le migrant : une personne dangereuse ?

« L’immigré n’est pas une personne dangereuse, mais une personne en danger ». Un message fort qu’il lance pour recentrer le débat sur la récupération politique dont fait l’objet l’immigration. Les requérants d’asile sont, d’après lui, des boucs émissaires qui continuent d’avoir mauvaise presse dans les pays d’accueil. Ceci, n’étant pas un fait du hasard, démontre nettement la volonté de certains politiques de vouloir vaille que vaille criminaliser l’impact socio-économique de ces mouvements humains. « L’immigration c’est le fonds de commerce pour certains politiques, on monte les uns contre les autres. On se trouve dans une situation où on croit que l’immigré, qui est là à côté, est la source des problèmes. » déclare-t-il.

Les lois sur l’accueil, mises en place, semblent être axées sur le dissuasif pour rendre moins attractive la destination suisse. Les longs séjours dans les abris de Protection Civile (abris PC) ou « bunkers », les longues durées de procédure pour certaines catégories de personnes ne font qu’accentuer la vulnérabilité de ces derniers.

Pour cela, les auxiliaires de santé ont toujours du pain sur la planche, car pour garantir l’intégration de cette catégorie d’étrangers, il faut assurer une bonne prise en charge de leurs problèmes émotionnels.

Le personnel médical au chevet des migrants

Bien que tout ne soit pas rose dans l’accueil, le grand tableau qu’offre ce phénomène de la migration comporte néanmoins des faits positifs appréciables. D’après FBradley, le programme d’assistance médicale pour les migrants, mise en place dans les cantons, joue encore un rôle fondamental dans leur accompagnement. En effet, beaucoup d’entre eux ont réussi à surmonter des épreuves difficiles grâce au soutien psychologique des membres du Centre de Soins Infirmiers (CSI) de Béthusy, du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) ou des autres structures de santé du canton. L’accueil, l’écoute et le suivi de personnes ayant perdu l’équilibre moral, contribuent à établir le climat de confiance nécessaire pour comprendre les mobiles de certains comportements. En pareilles occasions, les infirmières s’investissent beaucoup avec les manières adéquates. L’ouverture d’esprit, la souplesse et l’appréhension positive à l’endroit des sujets qui se présentent à elles, sont hautement appréciées d’après l’auteur de « Air Mawari ».

Madame Pascale, l’une parmi elles, demande en substance : « Est-ce que par rapport aux bunkers, puisque maintenant il y en a de plus en plus, est-ce que vous avez conscience, quelque part, des limites dans lesquelles les infirmières travaillent ? ». Pour conforter la légitimité de cette question, FBradley souligne les risques que prennent certains auxiliaires de santé dans l’exercice de leur mission. Souvent des actes extra-professionnels sont posés dans le souci d’épauler l’autre qui est manifestement dans le désarroi. « Faire bien son boulot, c’est déjà remarquable, le reste peut-être ne dépend pas de vous, il y a beaucoup de gens qui ne savent pas aller jusqu’au bout et qui s’arrêtent au moindre obstacle. » répond-t-il. D’ailleurs, dans son exposé et au nom de tous les requérants d’asile, il rend hommage à ces braves dames en ces termes : « Vous faites un boulot incontournable, vous ne pouvez pas imaginer combien de vies vous sauvez ». Ce témoignage de reconnaissance, bien accueilli par ses hôtes, n’a pas manqué de susciter la réaction du Docteur Jacques Goin qui ajoute : « Merci de venir nous dire ça parce qu’on a souvent pas de retours de la part de ces patients, parce qu’on les voit durant une petite période de leur vie. Ensuite, soit ils disparaissent dans la clandestinité, soit ils obtiennent le permis B. On bénéficie de peu de retours quant à ce qui s’est passé, est-ce que ça s’est bien passé par eux ? Finalement, vous nous rendez une partie de la monnaie…».

Après une série de témoignages et de remerciements formulés de parts et d’autres, une séance de dédicace du livre « Air Mawari » marque la fin de la rencontre. L’enthousiasme et la cordialité s’affichent dans les visages d’un personnel de santé motivé et encore prêt à agir  pour sa mission sacerdotale : veiller à la bonne santé physique et mentale des migrants.

Issa

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




«Séquestrée et contrainte à me prostituer en Suisse»

Galerie de Ira Gelb. (CC BY-ND 2.0)

Photo: galerie d’Ira Gelb. (CC BY-ND 2.0)

Certaines « filles de joie » essaient d’échapper à la spirale de la prostitution. Tant bien que mal. C’est le cas de Sonia, que nous avions rencontré l’année passée dans le cadre de notre enquête sur la prostitution et ses dangereuses illusions. Aujourd’hui, Sonia n’est plus dans la rue. Elle est sortie de cet enfer et se bat pour ne plus y sombrer à nouveau. Témoignage d’une difficile reconversion.

Il y a un monde où les femmes ne sont pas considérées comme des êtres humains, mais comme de simples objets, presque comme des papiers hygiéniques. « Utilisées » par toutes sortes d’hommes : mariés, célibataires, riches, pauvres, intellos, malades mentaux et autres. Ce monde, c’est celui des maisons closes, aussi appelées bordels. Ces bordels cachent une réalité sociale aussi ancienne qu’invisible.  Les maîtresses authentiques de ces corps qui se déshabillent pour de l’argent sont emplies de sentiments et de souffrances; de cauchemars et de rêves, de désirs et d’amour. Elles se retrouvent, parfois malgré elles, dans un monde impitoyable fait de masques, toutes seules. Un monde dans lequel il est beaucoup plus facile d’y entrer que d’en sortir… Mais Sonia a réussi à s’extraire de ce cauchemar et nous raconte son histoire.

« Seule dans la rue, la nuit, avec mon fils de cinq ans »

 « Mon cauchemar n’a pas commencé dans un trottoir pour prostituées, mais dans un centre de demandeurs d’asile en Suisse. Un jour, alors que j’étais sur le point de me rendre à l’hôpital, car j’avais rendez-vous avec le médecin de mon fils de cinq ans qui était malade, je reçois un coup de fil de mon avocat. Il me dit « d’être prête » car à tout moment je risquais d’être expulsée. En effet, l’ambassade de mon pays avait signé un « laissez-passer » : le document permettant mon expulsion de Suisse. Sur le coup, je me suis sentie sonnée, abattue, dépassée par la situation. La nuit tombée, sans réfléchir, j’ai pris mon fils sous le bras et nous sommes partis sans savoir où nous allions nous rendre. Une fois dans la rue, le froid, la fatigue de mon fils qui était convalescent, la peur d’être interpellée par une patrouille de police, tellement de sentiments différents, mélangés en une seule et même nuit, que j’ai songé à me suicider. Mais, le fait d’abandonner mon fils, qui n’avait pas demandé à venir dans ce monde, m’avait dissuadée de commettre l’irréparable ».

« J’aurais pu en tuer un. Je me voyais avec un couteau »

« Alors que ces pensées noires me taraudaient l’esprit, J’ai vu une voiture garée. Un monsieur en sort et me demande ce que nous faisons mon fils et moi en pleine rue, tard dans la nuit. Je lui explique brièvement notre situation et il nous emmène dans un café. Il nous offre à boire et me propose de nous héberger chez lui, le temps qu’il faut. Sans réfléchir, j’accepte. C’est en réalité le début d’un autre calvaire. Ce monsieur va me forcer à me prostituer. Il va aller jusqu’à me menacer de me livrer à la police ou de tuer mon fils, si je n’accepte pas de me prostituer pour lui. Il exige alors que je le lui ramène au moins 2000 francs suisse par jour. Je me retrouve donc séquestrée et contrainte à me prostituer, malgré moi, pour ensuite lui remettre cet argent. Lui, il reste à la maison avec mon fils. Il me dépose les premières nuits « là où ça se passe ». Entre le quartier des Pâquis à Genève et la rue de Genève à Lausanne et même parfois à Zurich.

Je découvre alors l’univers du trottoir, la violence, les agressions par des clients, les vols, la concurrence entre les filles, le déchaînement des passants… Chacune d’entre nous – les prostituées – garde en mémoire une poignée d’agressions qui lui a marqué le cœur ou la peau. Mais très peu d’entre nous les racontent, ou les dénoncent. La plupart préfèrent se terrer dans le silence. La prostitution, c’est un gigantesque mensonge : la prostituée ment, le client ment. L’ouvrier devient patron et le mari célibataire. Il faut se « livrer à tous », y compris à des malfrats, à des assassins, des drogués et autres. On a envie de leur dire que ce sont des abrutis, mais on est obligées de leur faire des compliments. De devoir supporter ces types, ça me prenait aux tripes. J’aurais pu en tuer un. Je me voyais avec un couteau ».

 

« Je vis aujourd’hui avec le minimum, mais je suis en accord avec moi-même »

« C’était terrible, je n’en pouvais plus. Je pleurais, j’implorais mon Dieu. Un jour, une dame, Mme Mbog, qui distribuait souvent des préservatifs aux prostituées m’a demandé de lui dire pourquoi je pleure tout le temps. Face à mon hésitation, elle s’est montrée très convaincante et digne de confiance. M’assurant notamment qu’elle dirigeait une ONG, qu’elle pouvait m’aider et qu’elle était là pour ça. Je lui ai alors raconté mon histoire. Elle m’a demandé si mon fils était toujours là-bas, chez le proxénète. La réponse était oui. Elle m’a demandé de rentrer, comme si de rien n’était, tout en prenant mon adresse complète (ou plutôt l’adresse de mon proxénète puisque je vivais chez lui avec mon fils). Mme Mbog est arrivée le lendemain accompagnée de deux autres personnes. Heureusement ou malheureusement, le proxénète était absent. Je ne voulais pas qu’elle appelle la police, car j’avais peur d’être rapatriée. Elle nous a alors amené chez elle en France.

Elle m’a aidé à trouver un logement, mon fils est scolarisé, je travaille et suit une formation en informatique. J’essaie d’oublier cet enfer, mais ce n’est pas facile. Pendant toutes ces années, j’ai vu des psychologues, je suis allée aux centres pour personnes dépendantes car je buvais pas mal. Mais je trouvais des excuses bidons et racontais des faux problèmes, parce que je ne pouvais pas dire que j’étais une prostituée. En fait, je me rends compte maintenant que je lançais des appels au secours en permanence. Mais les réponses, les aides, on ne les obtient pas, parce qu’on ne peut pas dire l’essentiel. J’ai toujours eu honte de ce passé. Il n’y a personne pour le comprendre, pour le déchiffrer. Mais, Mme Mbog elle est toujours là, bien qu’elle ne puisse pas m’aider en tout, vu qu’elle suit aussi d’autres filles et qu’elle dispose de moyens limités. J’ai eu des problèmes de retards de loyer et j’ai été menacée d’expulsion par le propriétaire de mon logement ; car des gens ont raconté que je menais des activités de prostitution dans mon appartement, alors que je ne recevais jamais personne. J’avais commis l’erreur de parler de mon passé en Suisse à une voisine que je considérais comme une amie. Elle a alors raconté cela aux autres voisines. Tout le quartier sait désormais que j’étais une prostituée. Elle n’a rien compris et c’est très dur à vivre. Je n’aurais jamais imaginé que même le concierge où je vis allait s’en servir pour tenter de me détruire. Certaines croient que j’ai de l’argent, car j’ai été une prostituée en Suisse. Mon passé douloureux dans ce pays me suit jusqu’ici. Tout est un combat. Si on avait de l’argent, on n’irait pas se prostituer. Aujourd’hui, je suis dans une situation très précaire financièrement. Mais je n’y retournerai pas. C’est irréversible. Je réapprends à vivre. Je travaille. Je suis contente de toucher un salaire, même si je gagnais en deux jours ce que je gagne aujourd’hui en deux semaines. Mais je donnais presque tout à mon proxénète, et même si c’était pour moi, je considère ça comme de l’argent sale. Je vis actuellement avec le minimum, mais je suis en accord avec moi-même ».

Propos recueillis par :

FBradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Lire aussi: « Les dangereuses illusions de la prostitution », article publié sur Voix d’Exils le  27.04.2012, en cliquant ici




« Paul Biya dilapide l’argent des Camerounais à Genève »

L’Hôtel Intercontinental de Genève. Photo: FBradley Roland, Voix d'Exils

L’Hôtel Intercontinental de Genève. Photo: FBradley Roland, Voix d’Exils

Le 19 janvier dernier, des membres de la diaspora camerounaise ont mené une action internationale pour tenter de déloger le président Paul Biya de l’Hôtel Intercontinental de Genève et alerter l’opinion publique mondiale sur la situation catastrophique du Cameroun. Selon la diaspora camerounaise, Paul Biya louerait à l’année un étage entier de cet hôtel de luxe genevois pour lui et une cinquantaine de proches aux frais du contribuable Camerounais. Un train de vie opulent qui contraste fortement avec la misère de son pays, qu’il dirige d’une main de fer depuis plus de 30 ans, et qui s’enfonce  dans un désastre socio-économique.

Ils sont venus à Genève des quatre coins du globe : du Canada, des États-Unis, de Belgique, de France et de Suisse pour « déloger » Paul Biya de l’Intercontinental et attirer l’attention de l’opinion internationale sur la situation qui sévit au Cameroun. Un beau pays, très riche en ressources naturelles, appelé l’Afrique en miniature de par sa diversité ethno-culturelle. Mais, selon ces militants qui se sont rendus à la cité de Calvin du 16 au 19 janvier dernier, « il est temps de faire quelque chose avant qu’il ne soit trop tard. Car le Cameroun va mal, très mal ».

La misère criante du peuple camerounais

Les populations tirent le diable par la queue et le panier de la ménagère se vide jour après jour. « Depuis plusieurs mois, la grande majorité des Camerounais luttent pour avoir une baguette de pain au petit déjeuner. Le prix des produits de première nécessité augmente à un rythme exponentiel, enfonçant le contribuable dans une misère ambiante. La gabegie des dirigeants est dégoutante », nous confie un français marié à une Camerounaise. Il y a plus de deux ans le Fonds Monétaire International (FMI) dressait un rapport «  d’une rare sévérité » sur la gestion économique du Cameroun. « La liste des critiques adressées aux dirigeants Camerounais est très longue. Les experts du FMI relèvent pêle-mêle le manque d’infrastructures, la piètre gouvernance et le mauvais climat des affaires », dont le résultat est aujourd’hui « la stagnation économique du pays et sa vulnérabilité à la récente crise financière », relève Radio France Internationale, dans un article d’août 2010.

« Un étage entier de l’Hôtel Intercontinental de Genève loué à l’année »

Pendant ce temps, Paul Biya se prélasse dans l’un des hôtels les plus chers du monde… l’Hôtel Intercontinental de Genève où, selon nos sources, il louerait tout le 6ème étage à l’année et ce, pour une somme pharaonique. Une enclave cossue de Genève des bords huppés du Lac Léman. Un havre de bonheur des grands de ce monde : princes arabes à la pelle, hommes d’états, hommes d’affaires triés sur le volet. Bill Clinton y a d’ailleurs séjourné. Herbert Schott, après avoir passé 35 ans à la tête de l’Hôtel Intercontinental de Genève, jusqu’en 2002, raconte des dizaines d’anecdotes à propos de ses clients les plus célèbres, dans son livre intitulé « L’HÔTELIER », paru en 2007. L’on peut lire que parmi les 157 chefs d’Etats ayant séjourné lors de sa direction à l’Hôtel Intercontinental, Paul Biya est celui qui l’a le plus marqué. Quant à ses trois enfants, ils ont également leur place dans le paradis lémanique, où ils étudient dans le très select Collège du Léman, à Genève. Un établissement scolaire haut de gamme dont les frais de scolarité et d’internat coûtent la bagatelle de 78’000 euros par année et par étudiant, selon Jeune Afrique. « Comment peut-on s’offrir un luxe aussi insolent, quand le pays qu’on dirige est classé PPTE (Pays Pauvre Très Endetté) par les institutions de Bretton Woods » ?, s’offusque un activiste, du nom de Thierry, avant d’ajouter que « Paul Biya est dangereux, méchant et sanguinaire et qu’il faut à tout prix l’empêcher de noyer, de détruire le Cameroun par tous les moyens possibles ». Une situation et un comportement que la plupart des Camerounais trouvent choquants, voire insultants, car la grave crise économique mondiale qui sévit actuellement a aussi des répercussions sur l’Afrique et le Cameroun n’est pas épargné.

«Tentative désespérée pour  déloger le dictateur par la force »

De quoi expliquer la colère des activistes qui se sont rendus à Genève pour protester contre Paul Biya et dont certains n’ont pas hésité à pénétrer dans l’Hôtel Intercontinental, le 19 janvier dernier, lors d’une tentative désespérée pour «déloger le dictateur par la force ». « Nous avons expliqué au personnel et aux dirigeants de cet hôtel que l’argent que Biya et ses amis dépensent dans cet hôtel appartient au peuple Camerounais», tonnaient en chœur quatre activistes Camerounais qui ont pu pénétrer à l’intérieur de l’établissement avant d’être stoppés net par des policiers suisses et la sécurité de l’établissement. Ils ont juré qu’ils le « traqueront partout où il ira gaspiller l’argent des Camerounais ».

Une lettre rédigée par un collectif au nom de « Cameroun libre » a d’ailleurs été envoyée aux autorités Suisses, pour demander l’expulsion de Paul Biya du territoire helvétique. « L’hôtel Intercontinental de Genève se fait complice dans l’accentuation de la misère et la clochardisation du peuple Camerounais. Nous invitons les Camerounais, les amis de Camerounais, les Suisses, et le monde entier à ajouter leur voix à la campagne pour demander à cet hôtel de ne plus accepter Biya et ses amis comme clients. Nous devons clairement faire savoir aux dirigeants de l’Hôtel Intercontinental que le peuple Camerounais ne va pas se taire, tant qu’ils choisiront de participer au pillage de notre pays », concluaient les activistes.

FBradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

« Je parle des Camerounais pour lesquels boire de l’eau potable est devenu un luxe »

« Je ne parle pas du Cameroun des courtisans du président, des opportunistes qui l’entourent, qui lui sont proches, des vautours (ministres, directeurs généraux, et autres conseillers) qui n’attendent que le moment venu (après la mort du président) pour sauter dessus et prendre le relais.

Je parle des Camerounais qui n’ont plus aucun espoir dans la vie malgré tous leurs efforts.

Je parle des Camerounais de la capitale et de la majorité des villes Camerounaises pour qui boire de l’eau potable est devenu un luxe.

Je parle du Cameroun de l’insécurité, du trafic d’organes humains, de la corruption endémique, du tribalisme, de la pédophilie et devant lesquels les pauvres citoyens-immigrés que nous sommes sont devenus impuissants.

Je parle des Camerounais qui vivent dans un pays ou l’anarchie est devenue la règle. Oui, au Cameroun, les gens sont tués et mutilés dans une indifférence à faire froid dans le dos.

Je parle des Camerounais qui n’éprouvent plus aucune émotion devant la violence.

Je parle des Camerounais qui vivent dans un pays où les hôpitaux publics sont devenus des mouroirs.

Je parle des Camerounais qui subissent une injustice flagrante sans qu’aucun de leurs bourreaux ne soient inquiétés.

Je parle du Cameroun ou les journalistes, écrivains, et autres penseurs sont arrêtés, emprisonnés, certains sont morts en prison.

Je parle des Camerounais qui, malgré des diplômes universitaires, bravent les mers du monde pour fuir la terre de leurs ancêtres et subissent l’humiliation à travers le monde.

Je parle de ce pays où la promotion au mérite a été enterrée depuis très longtemps.

Je parle de ce pays sans modèles ni héros.

Je parle de ce pays où rien ne marche et où le temps s’est arrêté.

Je parle de ce pays dont les talentueux enfants à travers le monde sont tout simplement oubliés pendant que d’autres profitent de leurs compétences. Les sportifs, médecins, journalistes, ingénieurs Camerounais n’hésitent plus à prendre la nationalité de leurs pays hôtes.

Je parle de ce pays dont le vide institutionnel est à l’origine de toutes les dérives. Un pays pris en otage par une poignée de Camerounais (un homme et sa famille) depuis plus de trente ans ».

Propos d’un activiste Camerounais d’une trentaine d’années vivant aux États-Unis qui a fait le déplacement pour participer à l’action internationale de Genève du 19 janvier dernier.




Bertrand Teyou : un écrivain et activiste Camerounais actuellement incarcéré en Suisse

Bertrand Teyou. Photo de profil Facebook.

Bertrand Teyou. Photo de profil Facebook.

Bertrand Teyou est un écrivain et un activiste Camerounais connu pour son opposition acharnée à l’actuel président du Cameroun Paul Biya. L’été dernier, il a déposé une plainte contre Paul Biya à la Cour européenne des droits de l’Homme pour l’avoir jeté en prison et confisqué ses livres. Il a également déposé une plainte pénale en juillet dernier auprès du Ministère public du canton de Genève. Et, il y a à peine trois semaines, l’activiste a signé une lettre au nom du collectif « Cameroun libre », envoyée au gouvernement suisse – le Conseil Fédéral – demandant purement et simplement l’expulsion de l’actuel chef d’Etat Camerounais de la Suisse, pays où il séjourne très régulièrement. Aujourd’hui, Bertrand Teyou est emprisonné en Suisse.

Bertrand Teyou, ce Camerounais de 43 ans, avait fait la une des journaux Camerounais et internationaux suite à son arrestation et son emprisonnement en novembre 2010, pour avoir «osé» critiqué la première dame de la République du Cameroun, Chantal Biya, dans son livre intitulé «La Belle de la République bananière: de la rue au Palais». Condamné à deux ans d’emprisonnement ferme pour «outrage à personnalité», entre autres, il avait finalement été libéré six mois plus tard, en demandant «des excuses à la première dame du Cameroun pour l’offense causée par son œuvre», et en payant la somme de 2 millions de francs CFA (environs 4000 francs suisses), selon le quotidien Camerounais Mutations.

«Quand j’ai été emprisonné, COLIBERTE – un collectif regroupant des écrivains du monde entier – a alerté des ONG et Il y a eu une mobilisation énergique pour ma libération. Amnesty International a reconnu que j’étais un prisonnier d’opinion. J’ai été surpris par les courriers et par la détermination à défendre le droit à la liberté d’expression. Et j’ai été libéré après 6 mois. Cela a été une grande victoire et une gifle au tyran. Déclarer, dénoncer et reconnaître la réalité de la situation met en évidence la dictature. Et si on met en évidence cette dictature, on peut la démanteler». Martelait encore l’activiste l’été dernier à Genève, des propos rapportés par le site amnesty.ch.

Après sa libération, Bertrand Teyou avait pris la route de l’exil, atterrissant dans un premier temps au Mexique où, dit-il lors d’un entretien accordé au site d’Amnesty International le 18 juin 2012, il avait été contacté par ICORN International, une organisation qui s’occupe, par le biais de résidences d’écriture, d’écrivains en danger dans leur pays. L’organisation lui avait proposé d’écrire son histoire en résidant à Mexico City. Comme il se trouvait qu’il y avait une place de résidence disponible, Mexico City était alors devenu sa résidence d’écriture en septembre 2011.

«Paul Biya, pire que Hitler»

Arrivé en Suisse en 2012, il s’était notamment engagé avec d’autres Camerounais de la diaspora à «dénoncer ici en Europe, la dictature et le règne de la terreur qui sévit au Cameroun». Lui qui disait de Paul Biya qu’il est «plus dangereux qu’un monstre et même pire que Hitler», s’était donné pour «défi» de faire expulser Paul Biya de la Suisse. Car, selon lui et ses acolytes, il est inadmissible que le président Camerounais trouve le moyen de passer du bon temps sur les bords du lac Léman, en dilapidant l’argent d’un pays dévasté par son régime de terreur et d’horreur. « Paul Biya vit en véritable prince choyé à Genève, ville où fut conçu le « Mein Kampf» camerounais (« Pour le libéralisme communautaire ») », édité et publié en 1987 par l’éditeur Pierre-Marcel Favre à Lausanne en Suisse. Il y a plus ou moins trois semaines, ce lauréat du prix Hellman/Hammett 2012, envoyait une lettre au Conseil Fédéral à Berne, en qualité de porte-parole du collectif «Cameroun libre», dans laquelle il demande aux autorités helvétiques d’expulser Paul Biya de Suisse.

Bertrand Teyou « disparaît de la circulation »

Depuis plusieurs jours, ses acolytes n’arrivent plus à entrer en contact avec lui. La rédaction vaudoise a retrouvé sa trace et nous apprenons qu’il est actuellement emprisonné à la prison de Martigny d’où, aux dernières nouvelles, il a été transféré dans un hôpital, à priori suite à une grève de la faim. Il vient d’être interviewé par Amnesty International et nous allons l’interviewer à notre tour d’ici quelques minutes pour mieux connaître les raisons de sa détention.

Affaire à suivre.

FBradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Edito. Fillon versus Copé : des relents de la crise ivoirienne à l’UMP ?

Fillon et Copé côte à côte. Photo: UMP (CC BY-NC-ND 2.0)

François Fillon et Jean-François Copé côte à côte (de gauche à droite). Photo: UMP (CC BY-NC-ND 2.0)

« On pourrait ironiser lourdement sur les invraisemblables irrégularités de ce scrutin, auprès de quoi le congrès socialiste de Reims semble être une partie de bridge entre gentlemen, et le duel Gbagbo-Ouattara une votation de canton suisse », écrit Alexis Brézet, rédacteur en chef du journal Le Figaro, dans son édito du 21 novembre passé. Un journal pourtant réputé être de droite. Comme quoi, l’UMP (l’Union pour un mouvement populaire) est devenue la risée du monde politique.

A l’instar de la crise ivoirienne de décembre 2010 à avril 2011, le parti de la droite française s’est retrouvé avec deux candidats qui se disputent la présidence depuis quatre semaines après les élections. Un parallèle qui intrigue. Voici donc deux des éminents anciens membres du gouvernement français qui avaient mis à pied d’œuvre l’armée française pour aller « pacifier » la Côte d’Ivoire – un pays souverain – au nom de la démocratie. Il y a à peine deux ans de cela. Un pays africain requerrait-il aussi une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU pour une intervention armée en France ? Certes, certains diront qu’il ne s’agit en rien d’une élection présidentielle, d’un État et, qu’à ce titre, tout parallèle serait scabreux… Pourtant, d’autres diront que, contrairement à Gbagbo, Fillon a préféré ne pas sacrifier tout le monde pour ses intérêts personnels… Et que le « problème » de l’élection de l’UMP est déjà réglé. Que Copé n’a jamais été au gouvernement sous Sarkozy.

Mais, nous conviendrons qu’il s’agit tout de même dans les deux cas de conflits post-électoraux. En Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo demandait un recomptage des voix. En France, François Fillon demande aussi un recomptage des voix. Le recomptage des voix fut refusé à Laurent Gbagbo. Le recomptage des voix fut également refusé à François Fillon.

Incroyable ironie du sort, car François Fillon était le Premier ministre français pendant le conflit post-électoral en Côte d’Ivoire! Avait-il qualité, en tant que chef du gouvernement français en 2011, de venir résoudre un conflit post-électoral en Côte d’Ivoire en faisant intervenir l’armée française? A présent que lui-même a du mal à accepter le résultat des urnes dans son propre pays : la France, la grande « donneuse de leçons » ? Quelles « leçons » doivent tirer les Ivoiriens en particulier et les Africains en général ? Où sont passés les discours sur la démocratie et tout le tralala au moment même où Fillon est en train de remettre aussi en doute la transparence de la Cocoe, la Commission de contrôle des opérations électorales de l’UMP ? Est-il vrai que la dictature est aussi l’art de faire appliquer aux autres des lois et pratiques qui ne doivent jamais s’appliquer à soi-même?

FBradley Roland,

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils