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Aujourd’hui, c’est la fête des mères

Aimez vos mères, prenez soin d’elles!

Pour chaque personne, sa mère est la plus merveilleuse du monde. Pour moi, ma mère a toujours été et la plus gentille, la plus belle, la plus attentionnée et la plus forte.

Si votre mère est en vie, vous êtes la personne la plus heureuse du monde!

Profitez de chaque jour à ses côtés. Appréciez chaque instant sans le perdre de vue. Profitez de sa compagnie. Donnez-lui de l’amour, de l’attention et des soins… Ne manquez pas les moments heureux, le temps passe inexorablement…

Aimez-la aujourd’hui pour que demain il ne soit pas trop tard.

J’ai écrit ce poème en tchétchène à ma mère il y a vingt ans. Lorsque j’étais étudiante, je vivais loin d’elle et elle me manquait beaucoup.

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Ma chère Maman

Je n’ai personne de plus doux que toi, ma douce Maman

Je n’ai personne d’aussi bon que toi, ma bonne Maman

Plus belle que toi, je n’ai personne, ma jolie Maman

Vis longtemps, j’ai besoin de toi pour toujours Maman

Ne dis pas que tu es vieille, ma jeune Maman…

Sur tes joues le rose ne s’est pas estompé, Maman

Ne dis pas que ta tête est couverte de gris, ma belle Maman,

C’est juste la tristesse qui a saupoudré tes boucles, ma chère Maman

Souris plus souvent, ma gentille Maman,

Tresse la tristesse dans ta longue tresse, Maman…

Depuis l’enfance, entourée de chagrin,

Ton destin n’a pas été facile, mа courageuse Maman

Je suis heureuse tant que tu respires, Maman

Ta santé est ma richesse, Maman

Ne pas te voir est une épreuve terrible, Maman

Mon cœur est rempli d’amour pour toi, Maman

Mon cœur bat pour cet amour, ma chère Maman…

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A propos de ma mère

Son nom était Napsat (l’orthographe correcte de Nafisat). Un nom qui a des racines arabes et qui signifie dans de nombreuses langues du Caucase: « gracieux », « sophistiqué », « précieux ».

Elle n’était pas grande, elle était mince, avec de longs cheveux épais et bouclés, des yeux bruns et une peau blanche.

Depuis l’enfance, elle avait un esprit extraordinaire. Les gens plus âgés lui demandaient des conseils parce qu’elle était sage.

Ce ne sont pas de petites épreuves qui tombèrent sur ses fragiles épaules.  Sa vie fut pleine de chagrin et de souffrance.

Cependant, derrière ses fragiles épaules, elle cachait un courage et une résilience indescriptibles avec lesquels elle a résisté aux coups du destin.

Expulsion de la patrie vers les steppes froides du Kazakhstan

Ma mère a eu une enfance très difficile. Elle avait quatre ans lorsqu’elle et sa famille ont été expulsés de leur pays d’origine avec tous les Tchétchènes sur ordre de Joseph Staline (alors secrétaire général de L’URSS) vers l’Asie centrale et le Kazakhstan.

Le matin glacial du 23 février 1944 a laissé dans sa mémoire toute sa tragédie:

« C’était une matinée terrible » m’a raconté ma mère.

« Tout le monde paniquait… De la rue venaient les cris des voisins. Des soldats armés de mitrailleuses et accompagnés de chiens étaient partout, ils chassaient tout le monde hors des maisons à la hâte .

Nos parents, moi, mes deux sœurs aînées et mon petit frère nouveau-né avons commencé à nous habiller dans la précipitation. Maman essayait de calmer le bébé qui pleurait, les sœurs aînées ont rassemblé de la nourriture dans un paquet et moi, j’ai regardé le soldat qui se tenait dans l’embrasure de la porte avec un gros chien. Les soldats ont dit quelque chose en russe, ils exigeaient d’une voix imposante, mais peu de Tchétchènes comprenaient le russe et ce que les soldats attendaient d’eux…

Papa a essayé de découvrir ce qu’il se passait et a compris que, sur ordre de Staline, tous les Tchétchènes seraient expulsés pour trahison.

Comment peut-on nous expulser pour trahison? demanda-t-il.

Comment est-ce possible alors que tous les hommes en bonne santé – jeunes et vieux – sont au front depuis les premiers jours du début de la Seconde Guerre mondiale? Quand tant de personnes sont mortes en défendant la patrie… Il répétait encore et encore : « Comment est-il possible de nous expulser? »

Un malentendu… une erreur ?

Beaucoup se posaient la même question ; ils finissaient par penser qu’il devait s’agir d’un malentend… d’une erreur.

De nombreux Tchétchènes ont pensé que les autorités soviétiques voulaient leur annoncer des nouvelles importantes et qu’ensuite tout le monde rentrerait à la maison. Mais personne ne pouvait penser que tout le peuple, y compris les femmes, les enfants, les personnes âgées et même les malades, seraient expulsés de leur maison et de leur patrie.

Ils ont tous été forcés de quitter leurs richesses, leur bétail, leur maison – tout ce qui avait été acquis par un travail éreintant pendant de nombreuses années – pour repartir les mains vides. On ne pouvait prendre qu’un peu de nourriture. Les enfants et les personnes âgées pleuraient. Les familles étaient divisées. Certains enfants étaient à moitié nus et sans parents. Un père était allé rendre visite à des proches, une mère était allée au magasin. Après tout, personne ne savait que ce matin-là allait être si fatal…

Tous les habitants et toutes les habitantes ont été chassés des rues, conduits à la gare et forcés de monter dans des wagons froids qui étaient destinés au bétail.

Quiconque refusait de se conformer aux ordres était abattu sur place.

C’était un cauchemar.

Tamara Akhtaeva

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Les disparitions forcées

Auteur: Free-Photos, CC0 Creative Commons, pixabay.com.

 Des crimes contre l’humanité!

La question des personnes dont la disparition est intentionnelle est un problème grave dans le monde et constitue une violation manifeste des droits fondamentaux d’une personne et de sa famille.

On parle de disparition forcée lorsqu’une personne disparaît suite à une intervention des forces de l’ordre, sans accusation de crime, sans procès et sans avoir été présentée devant un tribunal.

Quand les proches et les militants des droits de l’homme tentent de faire enregistrer une disparition dans un commissariat de police, la police refuse. Toutes les tentatives des familles pour obtenir des renseignements restent vaines ; elles ne reçoivent que peine et douleur.

Il est très difficile pour les familles de personne disparues de vivre dans la société ; elles subissent rumeurs et spéculations sur les raisons qui ont conduit à cet enlèvement. La situation des femmes est particulièrement sensible : sans nouvelles de son mari disparu, une femme n’est ni veuve ni mariée ; elle n’a pas légalement le droit de se remarier parce qu’elle n’est pas en mesure de fournir des papiers de divorce ou le certificat de décès de son mari. Dans la région du Cachemire, on les désigne sous l’appellation parlante de demi-veuves « half-widows ».

Des milliers de personnes, enlevées à leur domicile ou sur leur lieu de travail, sont répertoriées comme personnes disparues par diverses organisations de défense des droits de l’homme, comme Amnesty International et Human Rights Watch.

Dans les régions où certains groupes sont en conflit avec l’Etat, il y a plus de cas de disparitions forcées. C’est la raison pour laquelle on admet généralement que les organismes d’État sont impliqués ; dans de nombreux cas, des femmes figurent également parmi les personnes disparues.

On peut se demander pourquoi des agences d’État seraient impliquées dans de telles activités illégales puisqu’elles disposent de tous les mécanismes pour présenter la personne devant un tribunal du pays et la faire condamner si elle a commis un crime ou n’a pas respecté la loi.

Parfois, l’Etat a des soupçons sur les activités d’une personne mais ne dispose pas de preuves pour la présenter devant un tribunal. Dans d’autres cas, la personne est morte sous la torture au cours de l’enquête, c’est pourquoi l’État n’est pas en mesure de la présenter devant le tribunal et ne peut pas annoncer sa mort parce qu’elle a été détenue illégalement et que c’est contraire à la constitution du pays.

Il faut rappeler haut et fort que les disparitions forcées constituent un crime contre l’humanité. Il est de la responsabilité de l’État d’assurer la sécurité de tous les citoyens, conformément à la constitution du pays. C’est le droit fondamental d’un détenu d’être présenté devant un tribunal dans les 24 heures; L’Etat doit absolument restaurer les droits de toute personne disparue s’il ne veut pas que, à la recherche d’un coupable, on pointe le doigt dans sa direction.

Jamal Bugti

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 

 




Les transformations de la structure familiale en Europe : un défi pour l’adaptation des familles migrantes

Photo: rédaction valaisanne de Voix d'Exils

Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Compte-rendu du séminaire sur la transformation de la famille en contextes européen et musulman contemporains de l’Université de Fribourg

L’Institut de recherche et de conseil dans le domaine de la famille (IFF) de l’Université de Fribourg a organisé dernièrement un séminaire* sur la transformation de la famille en contextes européen et musulman contemporains. Objectif numéro 1 : soutenir les familles migrantes parfois déstabilisées par les changements sociaux qui traversent leur société d’accueil.

Le séminaire s’adressait principalement à des réfugiés ayant engagé ou complété un cycle d’études supérieures dans leurs pays d’origine et pouvant jouer un rôle de transmission auprès de leurs communautés. Plusieurs membres de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils figuraient parmi les 25 participants de 17 nationalités différentes issues des cantons de Bienne, Berne, Fribourg, Vaud, Zurich et du Valais. Voici leurs échos ramenés de Fribourg.

La fin de la famille traditionnelle ?

L’évolution culturelle en Europe a complètement bouleversé la structure et l’image de la famille traditionnelle, qui a longtemps été basée sur la formation du couple, suivie de la célébration du mariage, puis de la mise au monde des enfants. Ce n’est plus le cas aujourd’hui car plus d’un enfant sur deux naît hors mariage. Certains enfants assistent même au mariage de leurs père et mère, ce qui constitue un choc culturel pour les familles migrantes provenant des pays où le poids des coutumes est encore important.

La mère au foyer : une figure sur le déclin 

Le modèle de la femme au foyer – caractéristique de la famille traditionnelle – devient plus marginal en Europe. Aujourd’hui, la femme mène de front une vie professionnelle tout en assurant ses responsabilités familiales. Par contre, la mère au foyer, principalement en charge des tâches ménagères, reste le modèle général de la famille migrante.

De nouvelles formes de vie familiale

Alors que la famille traditionnelle est sur le déclin, de nouvelles formes de vie conjugale et familiale voient le jour : les familles monoparentales et recomposées. Le divorce ou la séparation sont devenus aujourd’hui le mode de constitution le plus commun de la famille, alors qu’au début des années 1960, en Europe, une famille monoparentale sur deux résultait du décès d’un des conjoints. Les familles recomposées, c’est-à-dire comprenant un couple et au moins un enfant issu d’une autre union se multiplient sous l’effet des séparations et des remises en ménage. Ces nouveaux modèles familiaux augmentent également au sein de la communauté migrante, ce qui laisse de nombreux points d’interrogation sur l’évolution de cette tendance.

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Commentaire

Les besoins sont clairs : il est nécessaire de préparer le terrain de l’intégration des familles migrantes dans leur nouvelle société. Ce type de séminaire propose une approche intéressante : en effet, une fois formés, les participants ont en mains les outils nécessaires pour faire le pont entre leurs communautés et le pays d’accueil. Un rôle de conseil et d’accompagnement qui portera certainement ses fruits.

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils

*Transformations sociologiques et psychologiques de la famille en Europe organisé par les professeurs Dominik Schobi, Edouard Conte et Meinrad Perrez à l’Institut de recherche et de conseil dans le domaine de la famille à l’Université de Fribourg.

 

 

 

 

 

 

 




Le Ramadan vu par un syrien non-musulman

CC0 Public Domain

CC0 Public Domain

En pensée avec les familles syriennes déplacées qui fêtent le Ramadan

Comme la musique et les parfums peuvent parfois inciter émotions puissantes et nous transporter dans le temps, l’avènement du Ramadan cette année a déclenché des sentiments mélangés en moi.

Avant la guerre, et pendant trois décennies, je vivais dans un quartier multiethnique dans ma ville d’origine Qamishli, en Syrie. Mes proches voisins étaient des Arabes, des Kurdes, des syriacs, des Arméniens… des gens de toutes les confessions et dénominations. Ils vivaient en harmonie et entretenaient des relations cordiales. Je me souviens encore, avec beaucoup d’amour, ces gens qui nous manquent aujourd’hui.

L’arrivée du mois sacré du Ramadan était une occasion unique qui a touché tous les aspects de la vie et a changé le comportement des musulmans. Ils commencent à jeûner de l’aube au coucher du soleil et s’abstiennent de consommer de la nourriture, de boire et de fumer pendant 29 à 30 jours.

Néanmoins, le Ramadan n’était pas seulement un mois de jeûne et de prière, mais aussi de partage et de convivialité. En ce qui me concerne, c’est être intéressé par la spiritualité sous-jacente aux religions, c’était aussi une expérience unique. Ma famille et moi, et beaucoup d’autres non-musulmans, l’anticipaient avec joie comme la plupart des Syriens.

Le tir des canons traditionnels du Ramadan annonçait le début du mois sacré. Avant l’aube, je serais secoué par le bruit du tambour battant de « al-Musaharati », la personne qui appelle les résidents à se réveiller pour « Al-suhur », le repas avant l’aube qui est suivi d’une période de jeûne jusqu’au coucher du soleil « al-Maghreb ». Curieusement, l’occupation traditionnelle de « al-Musaharati », typique du Ramadan, bien qu’obsolète, était encore en pratique dans certains quartiers de banlieues et a été rendue très populaire, grâce aux célèbres soap-opéras syriens d’avant-guerre.

Puis, à partir de midi le même jour, le travail de cuisine des ménagères, la préparation de plats pour « Iftar » – le repas qui finit le jeûne au coucher du soleil – commencerait. Le crépitement des ustensiles de cuisine, l’arôme des épices fortes et de plats cuisinés maison, des poulets cuits au four et des spécialités locales agréables, s’attardaient longtemps dans notre bâtiment, faisant ressortir le goût et l’esprit du Ramadan.

Avant les prières du coucher du soleil qui signifient « Iftar », je retournerais chez moi comme tous les résidents. En rentrant, je passais par le bazar de la ville. La scène était toujours exceptionnellement curieuse et impressionnante à cette époque de l’année. On se rendrait difficilement au milieu de l’agitation des foules massives très occupées à faire leurs dernières minutes de shopping avant « Iftar ». Les cris aigus des vendeurs de rue et des propriétaires des charrettes à bras bloquaient les chemins, le claquement de tasses en laiton des vendeurs de réglisse traditionnel se verraient partout, tandis que les magasins, grands et petits, présentaient toutes sortes de spécialités et de nourritures traditionnelles du Ramadan. Les acheteurs, fatigués, tous des hommes, alors que les femmes avaient d’autres tâches culinaires à la maison, semblaient inquiets et désireux d’arriver à la maison à temps pour rompre le jeûne. Pendant ce temps, Je ferais mon chemin pour acheter du pain du Ramadan nouvellement cuit « al-Maarouk » et quelques autres friandises traditionnelles syriennes comme Mushabak, Kamar-Addin, des dates… Mes enfants ne s’attendraient jamais à ce que je rentre à la maison avec les mains vides.

Peu de temps après, un coup du canon du Ramadan serait entendu annonçant le temps de « Iftar ». Les rues seraient complètement désertes, les magasins fermés et toute la ville s’arrêterait. Seuls les appels forts de prière des mosquées les plus proches seraient entendus et, bien sûr, le bruit de ferraille de plats et des cuillères des balcons de mes voisins. C’est « Iftar », le temps de rassembler les familles pour profiter de délicieux repas et partager les joies simples du Ramadan.

Dès que l’« Iftar » se termine, les familles se rassemblaient autour des télévisions attendent avec impatience la sortie du premier épisode du célèbre soap-opéra syrien « Al-musalsalat » qui garderait les gens rivés sur leurs télévisions pendant 30 jours, jusqu’au dernier jour du mois sacré.

Cette riche tradition spirituelle du Ramadan a été balayée par le déclenchement du cercle vicieux de la guerre qui a dévasté les familles et a détruit tous les aspects de la vie en Syrie.

Maintenant, quelques jours restent avant la fin du mois sacré. Mes pensées vont à ces dizaines de milliers de familles syriennes déplacées et divisées, vivant dans des camps de fortune à l’intérieur et à l’extérieur de la Syrie et, pour la plupart, dans des conditions inhumaines, luttant pour se procurer un repas simple pour «Iftar».

H. Dono

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 




« Les noirs sont vulnérables et mis à l’index par le système politique »

Derou Georges Blezon, Président de MouReDiN. Photo: Voix d'Exils

Derou Georges Blezon, Président de MouReDiN. Photo: Voix d’Exils.

Le Mouvement pour le Respect et la Dignité du Noir (MouReDiN), est une association à but non lucratif basée à Lausanne depuis 2006. Elle défend une cohabitation dans le respect de la différence, des libertés et des droits de l’Homme entre étrangers et autochtones vivant en Suisse. Elle a aussi pour but de réorienter et d’aider les jeunes grâce à des projets créés et soutenus par des partenaires associatifs comme ACOR SOS-Racisme ou la Ligue Internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA). Ces projets visent essentiellement à éveiller les consciences et à encourager les jeunes noirs et étrangers à s’intégrer et à organiser leur avenir professionnel. Derou Georges Blézon, Président et responsable de MouReDiN, répond aux questions de Voix d’Exils.

Voix d’Exils : Quand et pourquoi avez-vous créé MouReDin?

Derou Georges Blézon : MouReDin a été créé le 1er août 2006, à la suite d’une intervention de la police chez moi, à Lausanne, où j’habitais à l’époque. Je recevais la visite de jeunes qui sollicitaient mes conseils, il y avait des sans papiers comme moi, des jeunes ayant des permis C ou B et des jeunes requérants d’asile. La police a fait l’amalgame entre les jeunes et moi, parmi lesquels il y avait des vendeurs de drogue. L’un d’entre eux a été interpellé d’une façon que j’ai jugé indigne et très violente. Cette indignation a suscité de la colère et de la frustration. Nous avons alors décidé, avec ACOR SOS-Racisme et Point d’Appui, de créer un mouvement politique : le Mouvement pour le Respect et la Dignité du Noir (MouReDiN). Pourquoi un mouvement politique? Parce que le comportement de certaines personnes vis-à-vis des noirs n’est autre qu’un comportement purement politique.

Quelle est la mission principale de votre association ?

Sa mission principale est de véhiculer un message du bien vivre ensemble, quelle que soit la couleur de la peau et d’éviter les amalgames. Si on y regarde de près, on s’aperçoit que l’Etat est davantage raciste que la population. C’est pourquoi, face à une telle situation, il fallait une association crédible et digne de ce nom.

Quelles sont concrètement les actions et activités de votre association ?

On a un conseil juridique, un conseil social et une orientation au niveau de la formation, ainsi qu’un conseil d’ordre administratif pour les déboutés. Dans ce cas, MouReDiN intervient compte tenu de l’ancienneté et des bonnes relations qu’il dispose auprès des associations alliées.

A qui s’adressent vos services ?

Nos services s’adressent aux noirs en priorité, parce qu’ils sont très vulnérables et mis à l’index par le système d’accueil et politique. Pour la simple raison qu’ils sont la minorité la plus visible et la moins défendue. En effet, les noirs ont presque toujours des emplois subalternes, comme: nettoyeurs, aides en cuisine, peintres en bâtiment, et mécaniciens… La précarité de leur situation économique, sociale et administrative a de nombreuses retombées directes sur la vie des parents et sur celle de leurs enfants. Les enfants qui veulent poursuivre des études – ce qui n’est pas envisageable dans la majeure partie des cas parce qu’ils sont trop tôt livrés à la rue par manque de contrôle parental -, sont confrontés à un périple sans issue.

Quels sont les secteurs ou régions où vous êtes le plus actifs ?

Le mouvement est basé actuellement à Lausanne, mais il a une ambition internationale. Au regard de toutes les associations ou ligues de défense des droits de l’Homme en Europe, dont MouReDiN lui-même est partenaire, MouReDiN veut se faire connaître en élargissant le champ de ses actions dans les années à venir. Ainsi, nous avons davantage travaillé du côté de la Suisse romande qu’au niveau de la Suisse alémanique.

Comment fonctionne votre association ?

Nous disposons de 15 membres actifs et sommes en collaboration avec des partenaires associatifs comme ACOR SOS-Racisme, la Ligue Internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA), le Forum des Etrangères et Etrangers de Lausanne (FEEL), Point d’Appui, le Centre Social Protestant FRAT- CSP et certains partis politiques comme les Verts, et le Syndicat Unia dont je suis membre.

En 2008, vous avez lancé le projet « Jeunes MouRedin 2008 », et en 2009 « Quelle valeur a mon permis / ma nationalité ? ». Depuis, plus rien, le silence… Pour quelle raison?

En réalité ce n’est pas un silence absolu, ces deux projets ont été confrontés à plusieurs problèmes d’ordre administratif d’où le silence. Le projet « Jeunes MouReDiN 2008 » était soutenu par le canton de Vaud et la Confédération Suisse. Notre objectif était d’aider les jeunes en rupture scolaire, de les appeler à faire preuve de retenue, à les ramener à la raison pour qu’ils retrouvent la voie de la scolarisation. Tout d’abord, on a assisté au silence de nos jeunes à qui le projet était destiné, ensuite nous avons découvert que le service d’orientation en Suisse, auquel les jeunes sont assignés, n’était pas tout à fait ce l’on pensait, en ce sens que ce dernier est un espace de blocage et de stockage pour les jeunes noirs et étrangers.

Aujourd’hui, quel bilan tirez-vous de votre action et quel avenir pour MouReDin?

De 2006 à 2013 le bilan n’a été ni négatif ni positif. Nous sommes actuellement dans un moment de turbulence. Pour assurer une permanence qui réponde aux préoccupations des jeunes en rupture scolaire et aux parents en difficultés, face à la complexité du problème, il nous faut environ 30’000 francs de fonds. Mais nous sommes sereins quant à l’avenir de MouReDiN. Si, depuis un certain temps, nous avons disparu de la scène politique et administrative, il s’agit d’un recul préparatoire, car actuellement les membres du mouvement ainsi que moi-même sommes en formation. La plupart des membres du mouvement sont des jeunes qui ont grandi en Suisse, qui ont le permis C ou le passeport suisse. Ils sont actuellement en préparation d’examens. A la création du mouvement, nous avions comme objectif d’aller sur le terrain. En 2006 a eu lieu pour la toute première fois en Suisse « la Marche des Noirs » qui a compté 250 manifestants, avec également le soutien de nombreux partenaires comme le parti communiste et ACOR SOS-Racisme. Dans cette marche des noirs, on a compté non seulement des dealers, des personnes déboutées, mais aussi des noirs et étrangers qui sont employés en Suisse depuis plusieurs années.

Quel est votre message à l’endroit des populations étrangères ?

En faisant référence à mon ex-président Laurent Gbagbo qui disait : « Le bon ambassadeur, c’est chaque individu qui représente son pays dans un autre pays ». Autrement dit, c’est par ton comportement que tu incites au respect de ton pays d’origine. Nous, les étrangers, disposons de différents canaux pour arriver en Suisse et en Europe, comme la voie de la clandestinité que j’ai moi-même empruntée, la voie de l’asile et d’autres formes. Et je pense que la manière dont nous nous comportons individuellement montre qui nous sommes et d’où nous venons. Nous venons avec nos cultures et nos mentalités, mais une fois ici, nous sommes appelés à nous intégrer, à cohabiter. Je ne dis pas « devenir blancs », mais il faut être responsable de notre vie en sachant faire la part des choses. Ne fais pas dans le pays d’accueil ce que tu ne ferais pas dans ton pays.

Propos recueillis par El sam

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 Infos:

Mouvement pour le Respect et la Dignité du Noir (MouReDiN)

c/o Dérou Georges Blézon

Route de la Clochatte 9

1018 Lausanne

Email: mouredin@dignitenoire.ch

Email: blezonderougeorges@dignitenoire.ch

Site web: http://www.dignitenoire.ch

Tél: 079 385 92 59