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Revue de presse #41

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur: Damon / Voix d’Exils.

Sous la loupe : Écart salarial entre migrants et nationaux en hausse selon l’OIT / Inquiétudes autour de l’initiative contre la burqa / Status quo pour les personnes admises provisoirement en Suisse

Ecart salarial entre migrants et nationaux en hausse selon l’OIT

Organisation internationale du Travail, le 14 décembre 2020.

Au cours des cinq dernières années, les inégalités salariales entre les personnes migrantes et les travailleurs nationaux n’ont cessé de se creuser dans plusieurs pays à revenus élevés selon une nouvelle étude menée par l’Organisation internationale du Travail (OIT). Les écarts entre les salaires sont les plus élevés à Chypre (42%), en Italie (30%) ou encore en Autriche (25%). Dans l’ensemble de l’Union européenne (UE), cet écart approche les 9%. D’un point de vue temporel, en Italie par exemple, les travailleurs immigrés gagnent 30% de moins que les travailleurs nationaux, contre 27 % en 2015. Au Portugal, l’écart salarial est de 29 % contre 25 % en 2015. En Irlande, il est de 21 % contre 19 % en 2015. Le rapport met également en lumière que les travailleuses migrantes font l’objet d’une double peine: en tant que migrantes et en tant que femmes. Plus récemment, c’est le même constat dans tous les pays étudiés: les personnes migrantes sont confrontées à des problèmes de discrimination et d’exclusion qui se sont aggravés avec la pandémie de la COVID-19.

Inquiétudes autour de l’initiative fédérale contre la burqa

Le Temps, le 11 décembre 2020.

L’initiative « anti-burqa », soumise au vote populaire le 7 mars prochain, sera l’un des thèmes politiques phares du début de l’année prochaine en Suisse. Dans le cadre d’une interview accordée au journal Le Temps Etienne Piguet, vice-président de la Commission fédérale des migrations, n’a pas caché son inquiétude avant la votation qui aura lieu le 7 mars prochain et en appelle à une discussion sereine. L’initiative « Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage », plus communément appelée « anti-burqa », a été lancée par le Comité d’Egerkingen, proche de l’UDC, qui était déjà à l’origine de l’initiative contre les minarets qui avait été acceptée à la surprise générale par 57% des votants le 29 novembre 2009 .

Status quo pour les personnes admises provisoirement

swissinfo.ch, le 16 décembre 2020

Les personnes au bénéfice d’une admission provisoire (permis F) en Suisse ne devraient pas voir leur statut changer. En effet, le 16 décembre 2020, le Conseil national a refusé d’entrer en matière sur un projet du gouvernement visant à durcir les règles pour les voyages et à les assouplir pour les déménagements. A cet effet, la Chambre du peuple s’est prononcée par 117 voix contre 72. La gauche et l’UDC se sont opposés au projet du Conseil fédéral pour des raisons différentes. Ce projet se base sur deux motions approuvées par le parlement. La première, déposée par Gerhard Pfister (PDC/ZG), voulait interdire aux détenteurs d’un permis F d’aller dans leur pays d’origine. La seconde, soutenue par la commission du Conseil des Etats, demande au Conseil fédéral de modifier ponctuellement le statut de l’admission provisoire afin notamment de lever les obstacles à l’intégration sur le marché du travail.

Masar Hoti

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 

 




Les facteurs qui favorisent l’entrepreneuriat des personnes migrantes

CC0 Public Domain

CC0 Public Domain

Le dossier de la rédaction: les migrants entrepreneurs

La Suisse a une histoire séculaire et fascinante d’entrepreneurs migrants qui ont contribué profondément au développement de diverses industries importantes de l’économie du pays. Actuellement, un nombre croissant de migrants créent des entreprises en Suisse, et ce phénomène a besoin d’attention pour voir comment il se rapporte aux processus d’arrière-plan.

Différentes études réalisées ces dernières années montrent que les facteurs tels que : les droits accordés par les autorités suisses, la capacité de répondre aux besoins d’un groupe ethnique, l’intégration, les difficultés sur le marché du travail, la capacité de prendre des risques et les conditions dans le pays d’accueil, déterminent l’activité entrepreneuriale des migrants.

Le Dr. Etienne Piguet de l’Université de Neuchâtel aborde les différents aspects actuels du sujet dans son article Les Entrepreneurs Issus de la Migration en Suisse (pages 4-5). Il affirme que les entrepreneurs migrants contribuent toujours de manière significative à l’économie et aux emplois en Suisses après les décennies de ralentissement qui ont suivi la Seconde Guerre Mondiale. Et ce ralentissement était directement lié à l’insuffisance des titres de séjour accordés aux migrants.

En expliquant les motivations des migrants pour l’entrepreneuriat, Dr. Piguet distingue trois types de circonstances qui les conduisent à la création d’entreprises : la Spécificité, la Convergence, et le Désavantage. La Spécificité est à la base du « ethnic-business », c’est-à-dire que les produits ou les services de l’entreprise sont destinés à une clientèle d’une culture ou d’un groupe spécifique dans un réseau de solidarité. Cela semble intéressant mais reste insignifiant selon l’auteur. Parmi les trois facteurs mentionnés, la Convergence et le Désavantage sont les principaux à approfondir pour saisir l’entrepreneuriat des migrants.

La Convergence est le résultat de l’intégration des migrants qui graduellement disposent de plus de ressources et d’un meilleur statut. Ils ont alors les mêmes opportunités et sont aussi capables de créer des entreprises que les autochtones Suisses. Les similitudes entre les entrepreneurs migrants et suisses comprennent leur répartition par secteur d’activité, niveau de formation, âges et genres. Le Désavantage est par contre lié aux difficultés que rencontrent les migrants sur le marché du travail telles que la discrimination ou le manque de diplômes reconnus, qui les amènent à l’emploi indépendant. Ainsi, l’entrepreneuriat n’est pas toujours un choix délibéré car la proportion d’anciens chômeurs parmi les entrepreneurs est beaucoup plus élevée chez les migrants que chez les suisses.

Pierre Cormon d’Entreprise Romande, le journal bimensuel de la Fédération des Entreprises Romandes de Genève, dans son dossier Ces Étrangers Qui Créent des Entreprises en Suisse constate que depuis le début des années 2000, les migrants créent proportionnellement davantage d’entreprises que les Suisses: 9,1% des migrants de première génération et 8% des migrants de deuxième générations, respectivement, contre 5% des suisses en 2013. Et les migrants créent de plus en plus d’entreprises: 32,9% des nouvelles entreprises en 2013 contre 22% en 2000. M. Cormon soutient que les migrants sont plus entreprenants, car ils sont plus disposés à prendre des risques que les suisses qui préfèrent généralement le travail dépendant avec un salaire assuré. Et les entrepreneurs migrants prennent des risques dans une certaine mesure parce qu’ils rencontrent davantage de difficultés sur le marché du travail relativement plus souvent que les entrepreneurs suisses, comme déjà considéré ci-dessus.

L’auteur identifie deux autres ensembles de facteurs qui expliquent l’esprit entrepreneurial des migrants. Le Dynamisme et la Tolérance au Risque au-dessus de la moyenne sont les plus importants et généralement caractérisent les migrants qui surmontent des obstacles pour venir et s’établir dans un pays étranger. Cette sélection de ces capacités, également essentielles pour l’entrepreneuriat, devient éventuellement responsable de l’envie plus forte chez les migrants de créer une entreprise que chez les locaux du pays d’accueil. Finalement, les Conditions propices à la création d’entreprises dans ce pays offrent aux entrepreneurs migrants la possibilité et l’opportunité d’agir.

Pour résumer, il convient de noter que la Convergence, le Désavantage, et le Dynamisme et la Tolérance au Risque présentés ci-dessus sont les facteurs les plus importants qui expliquent l’esprit d’entreprise des migrants. Maintenant, nous pouvons avoir un regard plus détaillé sur les entrepreneurs migrants en Suisse qui ont réussi à développer une entreprise autour d’une idée et à surmonter les défis dans une série de portraits qui suivront cet article.

MHER

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




«L’histoire montre que face à de grandes menaces climatiques ou environnementales, c’est souvent le scénario «collaboration – solidarité» qui se met en place»

Étienne Piguet, Professeur à l'Université de Neuchâtel

Étienne Piguet, Professeur de géographie à l’Université de Neuchâtel. Photo: Bamba, Voix d’Exils

Le 11 mars 2014 a marqué les trois ans de la catastrophe nucléaire de Fukushima. Depuis le début de l’extraction des barres de combustible radioactif de la piscine du réacteur numéro 4 de la central nucléaire, l’an dernier, il n’y a plus eu d’information explicite sur le sort des populations déplacées qui habitaient à proximité de la centrale nucléaire. Alors que « dans la préfecture de Fukushima, près de 30’000 personnes vivent encore dans des logements temporaires » (Le Temps, 11.03.2014), les autorités japonaises annoncent que la levée formelle de l’ordre d’évacuation prendra effet le 1er avril 2014. Celle-ci concerne quelques centaines de personnes dont le domicile est à une vingtaine de kilomètres de la centrale nucléaire. Pour cerner les enjeux de cette migration à la fois écologique et climatique, Voix d’Exils a rencontré Etienne Piguet, Professeur de géographie et spécialiste des flux migratoires à l’Université de Neuchâtel.

Voix d’Exils : Pouvez-vous faire le point sur la question des personnes déplacées du site de Fukushima ?

Etienne Piguet : Le cas Fukushima, tout comme celui de Tchernobyl et d’autres accidents technologiques, pose la question de la distinction entre déplacement de populations et migration. Il ne s’agit pas de dire que l’un est plus grave que l’autre, mais il y a une grande différence selon que les personnes doivent quitter leur lieu d’habitation pour quelques jours, quelques années ou définitivement. Les catastrophes nucléaires, ou plus généralement « écologiques » ont la particularité de contaminer souvent les terrains pendant longtemps, ce qui contraste avec des phénomènes « environnementaux » comme les ouragans qui permettent de reconstruire sur place.

Débris des étages supérieurs de l'Unité 4 de la centrale de Fukushima à côté du bâtiment. Photo: IAEA Imagebak, CC BY-NC-ND 2.0

Débris des étages supérieurs de l’Unité 4 de la centrale de Fukushima à côté du bâtiment. Photo: IAEA Imagebak, (CC BY-NC-ND 2.0.)

Quelle est la différence entre une catastrophe climatique et une catastrophe écologique ?

Il n’y a pas de consensus sur les définitions, ce qui rend les choses un peu compliquées. Mais on peut considérer qu’il y a, d’un côté, des catastrophes « écologiques » qui sont les accidents technologiques du style Fukushima ou Bhopal, en Inde, où finalement c’est une infrastructure créée par l’homme qui pose un problème de manière directe. Et puis, il y aurait de l’autre côté les aléas « environnementaux » qui ne seraient pas directement créés par l’homme, comme un ouragan ou la montée du niveau des mers, mais qui peuvent l’être indirectement via les changements climatiques. En termes de gravité, on ne peut pas dire que l’un présente un degré plus aigu que l’autre. Ce qu’on peut comparer, c’est la durée probable du déplacement des populations.

Quel est le statut de ces réfugiés dits « climatiques » ou « écologiques » ?

Je réfute le terme de « réfugié climatique », parce qu’il donne l’idée d’une cause unique qui serait le climat et qui aurait forcé les personnes à fuir. Il engendre, en outre, une confusion avec les autres réfugiés. On pourrait, par contre, distinguer les « déplacés environnementaux » qui seraient liés à des processus naturels, et les « déplacés écologiques », qui seraient plutôt dus à des catastrophes de type Fukushima. Là où je verrais une différence, c’est dans la possibilité d’établir des responsabilités qui, ensuite, pourraient avoir des conséquences en termes de dédommagement ou d’assistance. C’est clair qu’il semble plus facile d’établir des responsabilités dans le cas d’un déplacement de type écologique que dans un déplacement de type environnemental.

Les déplacés environnementaux retournent-ils chez eux après la catastrophe ?

Oui, le plus souvent, mais si on prend le cas de la migration après l’ouragan Katrina aux États-Unis, on note que, si beaucoup de gens ont quitté la Nouvelle Orléans, tous ne sont pas revenus. Cela est autant dû aux problèmes de discrimination et à la difficulté de retrouver un emploi qu’à la catastrophe elle-même.

De quelle protection bénéficient ces populations déplacées ?

Le droit international des réfugiés ne prévoit pas ce type de cas. Pour combler cette lacune, il y a différents courants. Premièrement, ceux qui proposent de créer un statut. Deuxièmement, ceux qui proposent d’intégrer ces facteurs de fuite dans la convention qui existe déjà (Convention de 1951 sur les réfugiés). Un troisième courant tend plutôt à développer une sorte de code de bonnes pratiques par rapport à ces migrants en améliorant l’assistance humanitaire, quel que soit le statut des personnes prises en charge, sans constituer une nouvelle catégorie spécifique.

Si un réfugié demandait l’asile en Suisse pour raison de sécheresse dans son pays, que se passerait-il ?

Dans l’état actuel des conventions, cette personne ne pourrait pas obtenir l’asile, car ce motif ne rentre pas dans le cadre de la loi sur l’asile. De la même manière qu’une personne ne peut pas se prévaloir d’être un réfugié de la pauvreté, même si, par ailleurs, dans certaines circonstances, il peut courir un risque pour sa vie. Ce qui se pratique dans certains pays, c’est une garantie de non-refoulement temporaire lorsqu’une catastrophe écologique ou environnementale survient. Lors de l’ouragan Mitch au Honduras et au Nicaragua en 1998, les États-Unis ont activé cette clause de leur législation. Cela a permis à ces ressortissants de rester plus longtemps que prévu aux États-Unis, où ils séjournaient, pour ne pas surcharger par leur retour l’infrastructure déjà très affectée de leur pays. On a pas d’exemple ce type ni d’instrument légaux correspondant en Suisse.

les étages supérieurs de l'Unité 4 de la centrale de Fukushima qui ont été endommagés par une explosion d'hydrogème. Photo: IAEA Imagebank CC BY-NC-ND 2.0

Les étages supérieurs de l’Unité 4 de la centrale de Fukushima qui ont été endommagés par une explosion d’hydrogème. Photo: IAEA Imagebank (CC BY-NC-ND 2.0).

Quelle sont les solutions qui se profilent pour ces personnes chassées de chez elles par la faim ou une catastrophe ?

Notre système d’octroi du statut de réfugié a déjà du mal à s’imposer en cas de violences politiques. C’est difficile pour les requérants de faire valoir ce motif. Si, en plus, on inclut des critères liés aux aléas environnementaux, on augmente le nombre de personnes qui pourraient solliciter la protection et on court le risque d’inciter paradoxalement les pays d’accueil à se fermer encore plus. Un argument vraiment pragmatique consiste à dire que la solution réside plutôt dans l’amélioration de la protection sur place, à proximité, en privilégiant une plus grande solidarité.

Les dégradations environnementales peuvent-elles engendrer des cercles vicieux de conflits et de migrations ?

Les dégradations environnementales engendrent un certain nombre de pénuries et de tensions dans les sociétés qui en sont frappées. Prenons le cas des pays habités par des groupes sédentaires et des groupes nomades. Vous avez déjà une certaine compétition pour l’espace, puisque d’un côté il faut de l’espace pour faire paître les troupeaux et de l’autre pour les cultures. Les sédentaires voient d’un mauvais œil les troupeaux arriver parce qu’ils cassent les barrières. Si, en plus, des tensions se développent parce qu’il y a moins d’herbe disponible et que les rendements sont plus bas, cela risque d’engendrer des conflits. C’est le début d’un cercle vicieux, puisqu’on va aussi utiliser des ressources pour le conflit, alors qu’on pourrait les utiliser pour faire face aux aléas environnementaux mais cela n’a rien d’une fatalité.

Qui sont les principales victimes des catastrophes écologiques et environnementales?

A première vue, on pourrait considérer que ce sont les migrants alors que, en fin de compte, ils sont parfois dans la moins mauvaise situation, puisqu’ils arrivent à se déplacer et finalement à éviter les pires conséquences. Ceux qui sont bloqués sur place, sont alors les principales victimes, soit de conflits et de cercles vicieux, soit simplement des catastrophes écologiques ou environnementales elles-mêmes. On le voit bien avec Katrina aux États-Unis, c’est principalement la classe aisée qui disposait de voitures, ou même parfois de résidences secondaires ailleurs, qui a pu fuir. Et ce sont les minorités défavorisées qui ont été coincées sur place et ont parfois payé de leur vie le fait de ne pas pouvoir se déplacer. De manière générale, ceux qui ont le moins de ressources, que ce soit en termes de capital économique ou social, paient évidemment le prix fort.

La croissance mondiale, les changements climatiques et le lobby nucléaire ne risquent-ils pas de créer des conflits ?

Dans des systèmes démocratiques, on a peu de famines effectives. Avec une bonne gestion politique, on peut nourrir des densités de population extrêmement élevées. Cela devient problématique quand on a d’un côté des déplacés environnementaux et de l’autre un système corrompu au service d’une minorité qui veut faire des profits à court terme.

Des travailleurs dans le principal centre de commande du site de Fukushima Daiichi. Photo: IAEA Imagebank (CC BY-NC-ND 2.0)

Des travailleurs dans le principal centre de commande du site de Fukushima Daiichi. Photo: IAEA Imagebank (CC BY-NC-ND 2.0)

La prise de conscience globale est-elle à la hauteur des risques encourus aujourd’hui?

Il y a actuellement une prise de conscience planétaire. A côté de toute une série de signes très inquiétants, il y a aussi toute une série de signes qui montrent qu’un scénario optimiste n’est pas exclu. Est-ce que le processus de prise de conscience va aller plus vite que les dégradations ? Le siècle à venir va être absolument crucial à ce sujet, mais il reste difficile de faire des pronostics. Des exemples historiques montrent que face à des grandes menaces, il n’y pas que le mécanisme « pénurie-compétition-conflit » qui se met en place, qui est le scénario terrible, mais aussi le scénario « collaboration-solidarité » qui permet le rapprochement d’individus et d’États qui, auparavant, pouvaient se considérer comme des ennemis pour toute une série de raisons. On peut penser par exemple à la sécheresse de 1973 au Sahel. C’est aussi une des raisons pour lesquelles le GIEC a reçu le prix Nobel de la paix.

Est-il possible de changer les choses aujourd’hui ?

Il y a vraiment deux fronts : répondre adéquatement en termes de protection des populations avant une catastrophe, et répondre en termes d’assistance aux populations après une catastrophe. Au Japon, par exemple, le degré de préparation aux tremblements de terre est traditionnellement très élevé et se manifeste jusque dans la conception de l’architecture des bâtiments. Cela permet de limiter massivement les pertes humaines et aussi les déplacements de populations. Le Bangladesh a mis en place des infrastructures d’alertes rapides en cas d’ouragans qui permettent de réagir efficacement. On a aussi, bien sûr, toute la question de la limitation de causes de catastrophes telles que les émissions de CO2 et la lutte contre le réchauffement climatique. Il y a encore, à l’échelle mondiale, un potentiel d’amélioration énorme dans les domaines de la lutte contre les causes, la protection des populations et l’assistance après un désastre.

Des employés de TEPCO Fukushima Daiichi Nuclear Power travaillant parmi les citernes de stockage d'eau radioactive de la centrale. Photo: IAEA Imagebank CC BY-NC-ND 2.0.

Des employés de TEPCO Fukushima Daiichi Nuclear Power travaillant parmi les citernes de stockage d’eau radioactive de la centrale. Photo: IAEA Imagebank (CC BY-NC-ND 2.0).

Lorsque les déplacés reviennent sur les lieux de la catastrophe, comment arrivent-ils à reconstruire leurs vies ?

On a des cas de figure où l’aide internationale génère une dynamique économique. La reconstruction se fait alors de manière rapide et efficace. Dans le cas du tsunami qui a frappé le Sri Lanka, il y a sept ou huit ans, on a assisté, non seulement à un retour des personnes déplacées, mais aussi à une augmentation de la population, parce qu’il y a eu des créations d’emplois et une relance de la dynamique économique. Mais il y a aussi des situations inverses, comme à Haïti, où l’aide promise n’arrive pas à destination ou, si elle arrive, est détournée. Ce qui demeure malgré tout, c’est une impressionnante volonté de reconstruction de la part des populations concernées, y compris parfois dans des zones à risque. Les gens préfèrent revenir, parce que c’est la terre de leurs parents, de leurs grands-parents, qu’ils ont toujours vécus là, et qu’ils ont un attachement très fort à leur lieu de vie. Parfois, il est impossible de reconstruire et on propose aux déplacés un nouveau village quelques kilomètres plus loin dans une zone moins dangereuse. Dans ce cas, il faut vraiment que les gens soient associés au processus de manière démocratique, sinon ils ne reviennent jamais, comme en Colombie, où la petite ville de Gramalote a été emportée par un énorme glissement de terrain. Un nouveau lieu a été trouvé à quelques kilomètres pour reloger les gens, mais une partie d’entre eux a préféré se rendre dans la capitale pour essayer de trouver du travail.

Est-ce que l’exode massif dans un pays voisin pourrait créer des problèmes de racisme ou de fermeture des frontières?

Il n’y a pas d’automatisme. Il est essentiel d’instaurer des politiques d’accompagnement pour que les personnes qui voient arriver les victimes de catastrophes n’aient pas l’impression d’être défavorisées par rapport à elles. On voit que, dans certains contextes, les capacités d’accueil sont très bonnes et que l’afflux de migrants a des impacts économiques positifs car ils dynamisent la société d’accueil. Malheureusement, il y a aussi des moments de crispation et de rejet.

Bamba

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Agenda

Témoignage de Naoto Matsumura, le dernier habitant de Tomioka, aujourd’hui à Lausanne

image-logo-bleu-noir-hep-vaudLe 18 mars 2014 à la HEP Vaud, Naoto Matsumura, dernier habitant de Tomioka, petite ville située dans la zone des 20km autour de la centrale nucléaire de Fukushima, viendra nous parler du destin qu’il a choisi en décidant de ne pas évacuer. Il sera accompagné d’Antonio Pagnotta, photographe et journaliste, qui lui a plusieurs fois rendu visite dans la zone interdite. Une vingtaine de ses photos seront exposées à la HEP Vaud dès le 13 mars.

« J’ai beaucoup de temps pour penser. Il est triste de voir ma ville natale sombrer, mais je ne déserterai pas. La centrale nucléaire m’a tout pris, ma vie et mes biens. Rester ici, c’est ma façon de combattre pour ne pas oublier, ni ma colère ni mon chagrin.

Naoto Matsumura, cité par Antonio Pagnotta dans « Le Dernier Homme de Fukushima ».

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