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Edito. Africain ? Alors dealer !

Capture d'écran de l'émission de Temps Présent du 14.03.2013. Source: nsalomon.blogspot.com

Capture d’écran de l’émission de Temps Présent du 14.03.2013. Source: nsalomon.blogspot.com

Il y a déjà certains endroits à Lausanne où je n’ose plus mettre les pieds de peur de me faire arrêter. Mais la cerise a été déposée sur le gâteau jeudi 14 mars 2013. J’étais confortablement installé chez moi dans mon canapé, entouré d’amis Européens, pour visionner l’émission de Temps Présent diffusée sur la chaîne nationale suisse RTS 1 intitulée « Guerre aux dealers ». Et tout d’un coup, j’ai vraiment eu envie de disparaître, tellement j’avais honte de mon africanité. Le lendemain, grâce au recul de la réflexion, j’ai voulu désapprouver publiquement ce sentiment de honte en m’exprimant sur Voix d’Exils.

Il est vrai que certains Africains sont des dealers. Mais est-ce vraiment raisonnable de généraliser en associant le deal à tous les Africains? N’y a-t-il pas des Africains préoccupés à vivre décemment, en sécurité et en paix ? N’y a-t-il pas des Africains qui contribuent à la marche sociale et économique de la Suisse ; notamment dans des secteurs d’activités – parfois boudés par les autochtones – comme la santé ?

Une grande partie de la population prend pour argent comptant ce qu’elle voit à la télévision. Donc il faut faire attention, à fortiori lorsqu’on est une chaîne nationale comme la Radio Télévision Suisse et quand on appartient au corps de police, aux messages qu’on véhicule. Lors de cette émission de Temps Présent, j’ai été choqué d’entendre à de nombreuses reprises des policiers qui nommaient les dealers « les Africains ».  Tout court. Au risque de faire une fois de plus croire à l’opinion publique que le trafic de drogue est une activité propre aux Africains. Les « gros bonnets » sont-ils tous des Africains ? L’on sait bien pourtant que les cerveaux des opérations dans le milieu de la drogue ne sont pas ceux qui arpentent les rues, en été comme en hiver, en menant leur petit business à la sauvette. Si la drogue est un marché si florissant, il doit bien y avoir des acheteurs à quelque part. Les acheteurs sont-ils tous des Africains ? Force est de constater que l’on parle finalement assez peu des gros bonnets et des consommateurs. Le trafic de drogue est un cercle vicieux, dont il ne sert pas à grand chose de désigner la couleur ou les origines des coupables et de s’attaquer à ses manifestations les plus visibles pour tenter de l’éradiquer. Hormis si l’on souhaite uniquement rassurer la population en lui signifiant qu’on affronte vraiment le problème.

Il est très dangereux de réduire la question du deal à d’un côté : les Blancs et de l’autre : les Noirs. La réalité n’est pas manichéenne et le mal est bien plus profond, bien plus complexe que cela…La misère, ainsi que la quête des gains faciles pour certains. La jouissance instantanée ou la dépendance pour d’autres. Pour ne citer que quelques facteurs. Mais soyons clairs, je ne cherche pas ici à excuser mes compatriotes Africains qui s’adonnent au trafic de drogue, même si l’indigence peut inciter certains à sombrer dans la spirale du deal. Dans toutes les situations, nous avons la capacité de faire des choix pour que cela ne porte pas préjudice à soi comme aux autres.

Un proverbe africain dit que « tous les moutons se promènent ensemble, mais ils n’ont pas les mêmes valeurs ». Dealer n’est pas synonyme d’Africain, de même que pédophile n’est pas synonyme d’Européen. Il faut savoir faire la part des choses et ne pas confondre la minorité avec la majorité en mettant tout le monde dans le même panier. Au risque de renforcer d’autres phénomènes aussi dangereux, voire encore plus dangereux que celui du trafic de drogue, comme celui de la haine raciale.

André

Relecture : El sam

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Edito. Clash entre l’islam et l’Occident : à qui profite le crime ?

www.voixdexils.ch

L’agitation et les violences récentes provoquées par la diffusion d’un film qui ridiculise le prophète Mahomet ont encore aggravé les malentendus et les mauvaises interprétations entre l’Occident et le monde islamique. Les grands médias s’en sont donnés à cœur de joie, en soulignant au passage l’ignorance mutuelle des deux camps, le peu de connaissances que détiennent les Occidentaux de l’islam et vice-versa et la narration fausse de l’Islam contre l’Occident. Tant et si bien que, pour beaucoup d’entre nous, il est devenu courant de penser que la seule relation possible entre le monde islamique et l’Occident s’insère dans un cycle de conflits politiques et culturels.

Sans doute, depuis des siècles, les extrémistes des deux camps ont cultivé cet « esprit caricatural » en réduisant à des stéréotypes, musulmans et Occidentaux chacun à sa manière. Mais toute personne assez ouverte à étudier l’islam et  l’Occident comprend que la principale source d’erreurs n’est pas religieuse ou culturelle mais bien politique. La friction engendrée par la politique étrangère américaine au Moyen-Orient, les enjeux géopolitiques du Golfe Persique, le conflit israélo-palestinien, la montée de l’extrême droite en Europe et la politique de prosélytisme islamique en Asie occidentale ont envahi le terrain culturel et produit une polarisation des identités dans laquelle les valeurs de base et les croyances des « autres » sont considérées comme problématiques et menaçantes. En conséquence, dans la relation troublée entre certains occidentaux et certains musulmans, il y a la conviction de plus en plus répandue de la futilité et de l’absence de dialogue entre l’Occident et l’Islam.

La généralisation de la thèse bien connue du «choc des civilisations» du politologue américain Samuel P. Huntington peut mieux expliquer les raisons de cette confrontation, car elle légitime les stéréotypes provocateurs et sensationnalistes popularisés par les tenants de « la guerre contre le terrorisme islamique » et du slogan « A bas l’Occident blasphématoire». George W Bush et ses faucons en savent quelque chose, mais les Ayatollahs aussi !

Il existe de nombreuses preuves qui démontrent que, pour attaquer l’islam, ou l’Occident, les fanatiques des deux côtés sont prêts à utiliser n’importe quel mensonge. Les fanatiques Occidentaux ne connaissant pas l’islam, n’ont aucun désir de comprendre ou de tolérer les musulmans parce qu’ils imaginent l’islam comme une religion de violence qui veut envahir, voire détruire et dévorer l’Europe.

Voilà qu’aujourd’hui l’l’islam et l’Occident souffrent d’un grave déficit de tolérance. En Occident, de nombreux stéréotypes et la désinformation qui contribuent à l’islamophobie sont enracinés dans la peur de l’islam. Certains présentent cette religion comme un bloc monolithique, statique, sauvage, irrationnel, menaçant et résistant au changement. La peur de l’islam est devenue un phénomène social en Occident, et les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, sont devenus pour beaucoup d’Occidentaux l’image de l’envahisseur musulman, le symbole selon lequel musulman est égal à terroriste.

Mais la fausse représentation de l’islam est parallèle à la fausse représentation de l’Occident. Autrement dit, «l’islamophobie», ou la peur de la marée islamique, a un contrepoids …«l’occidentophobie», soit la peur de l’Occident et de ses valeurs. La mondialisation est devenue synonyme d’occidentalisation et les musulmans radicaux sont préoccupés par la culture occidentale, qu’ils n’hésitent pas à classer comme impure et satanique.

Bien que les versions apocalyptiques, violentes et d’un autre âge, qui glorifient la mort ne sont portées que par une petite minorité de musulmans, l’opinion publique mondiale semble considérer ces attitudes hostiles comme représentatives de l’ensemble du discours islamique, créant un climat qui conduit à l’absence de dialogue et à la violence extrême.

Peut-être un bon point de départ est de reconnaître que de nombreux musulmans du monde entier se sont prononcés en faveur de solutions spirituelles et non-violentes, du dialogue et de la paix. Mais force est de constater que ces paroles n’ont pas réussi à endiguer le flot des stéréotypes. Et nous avons besoin d’apprendre davantage au sujet des musulmans et de leur culture dans les écoles européennes, pour mettre fin à cette crainte injustifié et injustifiable pour tout ce qui vient d’ailleurs. En outre, il devrait y avoir plus de musulmans pluralistes et non-violents visibles dans l’espace public et surtout dans les médias en Occident, afin de trouver une troisième voie pour résoudre les conflits entre les interprétations occidentales de la liberté individuelle et les interprétations islamistes des droits et des devoirs des musulmans.

Peut-être qu’il est temps que les Occidentaux comprennent que ce qui importe le plus, ce n’est pas seulement de trouver le juste équilibre entre les expressions de l’identité musulmane et l’idée de laïcité occidentale et républicaine, mais de prendre des mesures concrètes pour éliminer les malentendus et les interprétations erronés qui ont contribué à donner une image négative des musulmans comme des gens violents, hostiles culturellement et inaptes à la démocratie.

Qu’est qui est vraiment difficile à comprendre ?

Y a-t-il un sens dans le fait qu’un pasteur, peut-être timbré, brûle un Coran dans le fin fond des Etats-Unis, ce qui incite à des milliers de kilomètres de là des musulmans du quartier de Haoussa (quartier à forte concentration musulmane dans une ville à majorité chrétienne) à Douala, à brûler les églises situées dans ce même quartier ?

Y aurait-il un sens si mon ami Chamarke, musulman très pratiquant, décidait subitement de ne plus me rendre visite parce que ma nouvelle petite amie suissesse s’habille en mini-jupe hyper sexy, si l’imam de la mosquée que Chamarke fréquente chaque vendredi venait à un jour à prêcher contre ce genre d’habillement ?

A vous de voir !

FBradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Édito. Monde civilisé ? Du n’importe quoi !

l’Édito est une nouvelle rubrique qui fait aujourd’hui son apparition dans Voix d’Exils.

On vit dans un monde où les pays dits « civilisés » dictent ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. Ils nous dictent aussi ce qui est politiquement correct de dire/faire et même de penser en société et au nom de leur civilisation. Dans ce monde on assassine même en direct des prisonniers de guerre et on sourit quand on voit ces choses horribles.

Le monde civilisé est champion de la politique deux poids deux mesures. Capable de diaboliser Mugabe du Zimbabwe. De chasser Gbagbo de la Côte d’ivoire et de l’incarcérer à la Haye. D’organiser l’assassinat de Kadhafi en direct et en mondovision. Pour quelles raisons? Au nom de la démocratie? De la civilisation? Au nom d’intérêts économiques inavoués ? Allez savoir.

Ce qui est sûr, c’est que les réels motifs de ces acharnements n’ont rien à voir avec l’envie des pays civilisés de restaurer la démocratie et le bien-être dans ces pays. Sinon, comment expliquer que les dictateurs les plus féroces et les plus sanguinaires comme Paul Biya du Cameroun, Teodoro Obiang Nguema de la Guinée Equatoriale, Sassou Nguesso du Congo, Joseph Kabila de la République Démocratique du Congo, continuent à séjourner en Occident et sont reçus en grandes pompes par les pays dits « civilisés » et sans la moindre gêne? « On va vous aider avec une coopération policière ». Propos de Michèle Alliot-Marie, alors ministre français des Affaires étrangères, tenus pendant que le printemps arabe battait son plein en Tunisie et que les morts se comptaient par dizaines déjà. Cela avait montré aux yeux du monde entier une insensibilité incroyable de ce pays dit « civilisé ». Le dictateur Ben Ali était un « ami » (leur ami). Réveillez-vous ! Le monde est déjà un enfer ou des humains dansent autour des cadavres et où des gens se considérant comme « civilisés » fêtent avec un grand sourire la mort. Pourquoi ferment-ils les yeux sur ce qui se passe dans les autres pays comme le Gabon, l’Ethiopie, l’Erythrée, la Guinée équatoriale, le Maroc, le Swaziland, la République centrafricaine, l’Ouganda, le Soudan, le Cameroun, la République Démocratique du Congo, le Congo, le Burkina Faso ou le Togo? Et pourtant, nombre de ces régimes dictatoriaux (en Afrique, au Moyen-Orient, au Sri Lanka, à Cuba…) pourraient être renversés sans difficultés majeures si les occidentaux (monde civilisé) fournissaient les moyens adéquats comme la mise en place de sanctions diplomatiques, politiques et économiques contre ces dictatures ; grâce auxquelles les populations et les institutions indépendantes pourraient, au nom de la démocratie, restreindre les sources de pouvoir des dirigeants en place et, ainsi, endiguer leur nuisance. Ce qui n’est pas le cas. Pourquoi ?

Il y a vingt ans, la jeunesse africaine de la plupart des pays susmentionnés était déjà descendue dans la rue pour manifester son exaspération contre les dictateurs. Malheureusement, à l’époque, cette jeunesse africaine connaissait moins de succès. En fait, la jeunesse africaine avait été sacrifiée sur l’autel de la « realpolitik », autrement dit, par le cynisme des Occidentaux (le monde civilisé) en terre africaine. Les despotes africains, ayant eu plus de soutiens de la part des pays occidentaux (le monde civilisé) qui défendirent dans les années 90 leurs intérêts impérialistes, y compris à coups d’interventions militaires. Ils se sont offerts le luxe de ne pas céder à la pression de la rue. En lieu et place, il y a eu des milliers de meurtres perpétrés en plein jour par des forces armées.

On a organisé des conférences nationales dites souveraines par ici, composées des gouvernements de transition démocratique par là. Malgré tout cela, le changement espéré est demeuré une utopie. Pire, lorsque les tensions ont baissé, les dictateurs sont revenus au-devant de la scène, en force. Certains sont même morts de vieillesse au pouvoir comme Omar Bongo Ondimba du Gabon après… 42 années de règne sans partage ou encore Gnassingbé Eyadema du Togo après… 38 années de dictature. Et ils se sont faits remplacer à la tête de ces Républiques par leurs fils avec la bienveillance et la bénédiction des pays dits civilisés !

Ces régimes sont notoirement imperméables au changement, à l’alternance et ils répriment lourdement la dissidence. La corruption (y compris le détournement de l’argent du fond mondial destiné aux interventions contre la pauvreté et les maladies) et les atteintes massives aux droits humains sont le lot quotidien de millions de citoyens dans ces pays qui sont à la peine économiquement et qui, pourtant, recèlent d’immenses richesses naturelles, comme des gisements de diamants, de pétrole, d’or, ou la culture du cacao, du café etc. En parlant de la corruption, elle est si répandue que les conditions de vie dans ces pays, pour la majorité de la population, sont révoltantes. Le prix abordable des produits de première nécessité, l’accès à l’eau potable, à l’électricité, aux services de santé, de l’éducation, à l’emploi et à la sécurité sont de véritables gageures.

Face à ça, l’extravagance du train de vie de la classe dirigeante. Par exemple, le dictateur Paul Barthelemy Biya Bi Mvondo du Cameroun vit trois quarts de l’année à l’Hôtel InterContinental de Genève en Suisse, l’un des hôtels les plus chers du monde. Les ressortissants camerounais établis en Europe organisent d’ailleurs régulièrement des marches de protestation devant cet hôtel. La facture exorbitante que dégage ses séjours prolongés là-bas (plusieurs millions de francs suisses par… mois) est bien entendu assurée par le contribuable camerounais. Rien que ça. Il n’est ni Kadhafi, ni Gbagbo. Il n’a pas tenu tête aux Occidentaux (monde civilisé). On ferme les yeux tant qu’il protège nos intérêts en Afrique. On s’en fout, même s’il massacre les siens.

Monde civilisé ? Du n’importe quoi !

Edito signé :

Fbradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils