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« L’intégration est beaucoup plus efficace quand un autochtone agit comme un guide »

Roxane lors de son voyage en Inde.

L’aide concrète et quotidienne qu’apporte Roxane aux personnes migrantes de sa région

Roxane a 28 ans. Elle vit et travaille à Neuchâtel. Elle est également membre de l’association Be-Hôme  dont le but est de créer des liens entre migrant.e.s et autochtones. Voix d’Exils a présenté l’association dans un article paru le 19 février 2019. Interview réalisée par Muslim Sabah, membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils.

Pourquoi faites-vous partie de Be-Hôme ?

C’est ma sœur qui m’a en premier parlé de l’Association et présenté le concept. Elle venait de s’inscrire en tant que « binôme d’ici ». J’ai trouvé l’idée super et je me suis inscrite directement. Ce qui m’a plu dans ce concept, c’est vraiment le cœur de la réflexion autour du fait qu’il est très difficile pour une personne migrante, réfugiée, d’établir un contact avec des « autochtones ». Et pourtant, c’est bien la création d’un contact, d’un cercle de connaissances ou d’amis qui va permettre à la personne de s’intégrer. Be-Hôme a pour but de créer ce fameux premier contact « extérieur » qui permettra peut-être d’en créer d’autres et ainsi de suite.

C’est, je crois, depuis un voyage en Inde, lors duquel c’était moi l’étrangère, dans une culture très différente de la mienne et au milieu de coutumes tout autant nouvelles, que j’ai pris conscience que s’intégrer n’est pas facile ; c’est même très difficile. Sauf que moi… c’était pour six mois, j’avais choisi d’y aller, et j’avais déjà fait des recherches, j’avais des connaissances. Pourtant, le premier jour, après une balade dans la rue, je me suis sentie horriblement mal! Regardée par tous, commentée dans une langue que je ne comprenais pas. Et même si je connaissais ou supposais les diverses raisons de ces regards, que je les avais même prévu et compris d’avance, je les ai très mal vécus. J’ai réglé le problème en allant m’acheter une teinture pour mes cheveux qui étaient blonds et des habits du pays. Je ne suis pas certaine que les regards aient réellement été différents ensuite, mais je me souviens que ça m’a aidée sur le moment car j’avais l’impression de me fondre un peu plus dans la masse. Cependant, comme dit précédemment, je n’étais là que pour une période définie. En plus de cela, je ne mettais pas en péril ma propre culture, mes propres habitudes, ma façon d’être, ma personnalité. La problématique est bien différente pour les personnes migrantes. Comment s’intégrer tout en continuant à respecter ses propres coutumes, en continuant à se respecter soi-même ?

Cette expérience personnelle et anecdotique, qui d’ailleurs a certainement été vécue par bien d’autres, m’a vraiment marquée et a suscité une interrogation par rapport aux questions évoquées ci-dessus.

Roxane lors de son voyage en Inde.

Un certain nombre de raisons m’ont donc convaincue que pour favoriser l’intégration, il est indispensable de rendre possible cette connexion entre personnes migrantes et celles du pays. Je pense même que cette intégration sera beaucoup plus efficace si un autochtone apporte une aide, agit comme un guide. Pas seulement pour comprendre comment fonctionne le système et à qui s’adresser pour tel ou tel problème. Cet aspect des choses est évidemment déjà existant et, je crois ou du moins j’espère, qu’il fonctionne bien. Non, ce qui manque c’est une personne qui « guide », qui explique, qui répond aux questions en rapport à la culture et aux coutumes, de manière « personnalisée ». Et c’est justement ça l’idée des différentes associations qui créent des binômes d’ici et d’ailleurs. Même si, évidemment, le but premier est celui de créer un lien d’amitié, et qu’au final la décision des activités faites ensemble est totalement libre. Mais je suis pratiquement certaine que grâce à ce lien d’amitié, ce soutien particulier se mettra en place de lui-même, de manière naturelle.

Depuis quand connaissez-vous votre binôme ?

Depuis le début du mois de novembre 2018.

Pourquoi vous aimez parlez avec des étrangers / étrangères ou des personnes ne parlant pas bien le français ?

Premièrement, pour toutes les raisons évoquées précédemment, mais en particulier car j’aime rencontrer de nouvelle personnes. Apprendre à connaître l’autre, à le rencontrer vraiment prend du temps. Peu importe si l’autre est un migrant, un nouveau camarade de classe ou un nouveau collègue. A la différence près que la langue est une difficulté supplémentaire qui s’ajoute à une démarche déjà souvent délicate.

Si on prend ce temps et qu’on en a vraiment envie, la richesse du partage est immense ! Même si certaines fois, les histoires qu’on entend nous serrent le cœur et qu’il est difficile de pouvoir réellement imaginer ce que l’autre a vécu. Mais la majorité des moments partagés sont faits de rires, de joie, de complicité et de confiance.

De nature optimiste, je suis convaincue que chacun/ne peut faire le choix d’aller vers l’autre au lieu de décider de le fuir ou d’en avoir peur. Et je nourris l’espoir que notre monde arrivera un jour à cultiver la tolérance de manière universelle.

Combien de fois voyez-vous votre binôme par mois ou par semaine ?

Cela dépend. Disons le plus souvent possible. Mon binôme et moi avons la chance de nous être bien trouvés. Hamdi connaît ma famille et quand une occasion se présente, je lui présente mes amis.

Qu’est ce que vous aimez faire avec votre binôme ?

Nous parlons beaucoup. En mangeant, en cuisinant, en se promenant, assises sur un canapé, ou devant un thé ou un café. Parfois même une bière pour moi. Notre lien s’est créé facilement par la parole, et pour nous l’activité est secondaire. Elle n’a pas eu à servir de moyen pour la création du lien. Pour l’instant c’est ça notre histoire. Et même si elle ne date que de quelques mois, je crois qu’elle nous a énormément apporté et je me réjouis de continuer à la vivre !

Roxane et Hamdi sont « Binhôme »

Hamdi vient de Somalie. Elle a 21 ans. Elle habite le Locle depuis trois ans et demi. Elle s’est inscrite à Be-Hôme pour améliorer son français.

Pour aller plus loin :

Se rendre sur le site Internet de Be-hôme:

https//be.home.ch

Be-hôme est une association qui favorise l’intégration des migrant.e.s en créant des binômes d’amitié. Voir article sur be-hôme paru dans Voix d’Exils

Propos recueillis par:

Muslim Sabah

Membre de rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




Une Bibliothèque vivante à Romainmôtier

Photo 1 : arrangement des postes pour les dialogues avec les intervenants. Photo : Voix d’Exils

Vaud – La manifestation Migration in Mind a réuni plus d’une centaine de visiteurs pour une approche 360° de la migration.

Le 3 septembre 2017, la Résidence d’artistes Arc, l’association Romainmôtier Contemporain et l’espace dAM en collaboration avec le ciné-club Croy et la cinémathèque Suisse ont organisé Migration in mind: un événement artistique participatif autour de la migration dans la maison des moines à Romainmôtier.

Cet événement artistique était basé sur le principe de la rencontre et du dialogue. Il portait sur 28 sujets différents liés à la problématique de la migration. Des rangées de petites tables éclairées avaient été installées, autant de postes pour favoriser les rencontres et les échanges. Cela a permis de proposer des tête-à-tête de 30 minutes autour d’un thème précis, d’une expérience donnée ou d’un savoir pointu préalablement choisi par le visiteur ou le lecteur. Des hôtes (artistes, migrants, spécialistes de la migration, chercheurs, organisateurs, autorités, etc.) spécialisés dans divers domaines  sélectionnés et établis sur de nombreux postes ont accueilli chaque visiteur ou lecteur, l’invitant au dialogue interpersonnel.

Photo 1 : arrangement des postes pour les dialogues avec les intervenants. Photo : Voix d’Exils

S’en est suivi des projections de films ayant pour thème « la migration » sélectionnés par Caroline Fournier et Miguel Alarcon du Ciné-club Croy, en collaboration avec la Cinémathèque Suisse.

Cette manifestation artistique a favorisé des rencontres et des échanges solidaires.

Rencontre avec Sébastien Mettraux, artiste peintre et membre de l’Espace Voie 3 de la gare de Vallorbe

Sébastien Mettraux, artiste peintre

Lors de Migration in Mind, la rédaction de Voix d’Exils a rencontré Sebastien Mettraux, un artiste peintre de l’Espace Voie 3 de la gare de Vallorbe, commissaire de la première exposition sur l’art contemporain (expositions sur les machines «Ex Machina» : une série de 21 peintures à l’huile) qui a eu lieu du 21 mai au 18 juin à Vallorbe et co-organisée avec le centre d’art d’Yverdon. Celui-ci nous raconte l’histoire de la gare qui est un symbole de puissance suisse :

«La gare de Vallorbe, édifice centenaire qui fut autrefois la 6ème plus grande gare du pays, fait partie de la vingtaine de lieux programmés dans le canton de Vaud pour les journées du patrimoine 2017 autour du thème «l’héritage du pouvoir». Les dimensions démesurées de ce bâtiment visaient à impressionner le voyageur lors de son arrivée en Suisse, cette ancienne gare internationale a été construite comme un symbole de puissance. L’exposition réunit les travaux de 6 artistes. Leurs sculptures et peintures dialoguent avec ce lieu historique et questionnent son rapport à la notion de pouvoir. Les œuvres présentées font référence à de nombreuses anecdotes de l’histoire du lieu : autrefois chantier colossal défiant la nature, zone frontière et de contrôle, lieu de passage international de l’Orient Express.»

Lamine

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Diversités des intervenants lors de la manifestation

De nombreux corps de métiers et domaines d’activités étaient représentés à Migration in Mind. Parmi ceux-ci, participaient des spécialistes de domaines suivants : histoire, politique, humanitaire, biographie, arts vivants, plantes invasives, tourisme, architecture, exil, géologie, chorégraphie, photographie, militantisme, sociologie, bénévolat, etc.

En plus de toutes ces personnes, ont participé des représentants de Voix d’Exils : Omar, Niangu et Lamine. Ils ont évoqué leur expérience de Voix d’Exils et témoigné des conditions de vie des requérant d’asile en Suisse.

L.S

 

 




« Le travail intergénérationnel est vraiment intéressant »

Nicolas Perelyguine, Délégué à la jeunesse de la ville de Renens (Suisse)

Le Centre de rencontre et d’animation (CRA) de la ville de Renens propose depuis 30 ans des animations socioculturelles pour les jeunes âgés de 3 à 18 ans. Dans une atmosphère conviviale, les enfants jouent et développent des compétences tout en se divertissant. Entrevue avec Nicolas Perelyguine, délégué à la jeunesse de la ville de Renens, qui s’est rendu il y a quelques mois en Tunisie dans le cadre d’un programme européen pour rencontrer les organisations de la jeunesse Tunisienne.

Le CRA existe depuis 30 ans. Avant juillet 2011, date à laquelle il a été repris par la commune de Renens, il était subventionné par la commune mais faisait partie d’une association indépendante. Une fois communalisé, le Centre a créé le secteur culture et le secteur jeunesse et sport. Avec une équipe d’animation comprenant quatre personnes, il propose différentes activités selon trois tranches d’âges : les petits de 3 à 6 ans, les enfants de 6 à 12 ans et les adolescents de 12 à 18 ans.

Photo: Pastodelou et Amina

Durant l’été dernier, le CRA a proposé un programme d’animations pour enfants « les quartiers de l’amitié » qui offrait des animations sportives telles que badminton, tir à la corde et jeux de ballon dans les quartiers de Florissant, du Simplon ainsi qu’à la Rue du Lac. Le 16 août, dans le quartier de Florissant, Maya Milany, animatrice socioculturelle, a proposé un atelier cuisine aux 18 jeunes participants. D’un commun accord, ils ont choisi de faire une salade de fruits. Il leur a fallu une heure et demie pour faire les commissions dans un supermarché puis préparer la salade. Ensuite, les jeunes ont été sensibilisés à la salubrité sous la forme d’un concours de ramassage des déchets.

Délégué à la jeunesse de la ville de Renens, Nicolas Perelyguine nous parle d’un projet qui lui tient à cœur : mettre sur pied des échanges entre les jeunes de Renens et les jeunes Tunisiens. Interview.

Voix d’Exils : Comment avez-vous eu contact avec les jeunes Tunisiens ?

Nicolas Perelyguine : nous avons eu la chance avec un collègue Suisse allemand d’avoir été choisi par le programme européen « jeunesse en action » pour représenter la Suisse dans le cadre de ce programme. Nous sommes allés étudier la situation des organisations de la jeunesse en Tunisie entre le 25 juin et le 1er juillet dans la période qui a suivi la révolution du printemps arabe. C’était vraiment intéressant de voir les animateurs Tunisiens à l’œuvre dans les villes de Sousse, Kairouan, Zaghouane et Tunis. Comme nous, ici à Renens, ils se rendent d’un quartier à un autre. Sauf que nous, nous travaillons dans trois quartiers qui sont proches les uns des autres, alors que chez eux, à Tunis par exemple, Il faut compter environ 45 minutes pour aller d’un secteur d’animation à un autre. Un secteur d’animation pouvant comprendre plusieurs quartiers.

En quoi consiste le travail des animateurs Tunisiens ?

On les appelle « les animateurs itinérants ». Ils vont dans différents endroits en proposant aux jeunes des quartiers des

Photo: Pastodelou et Amina

activités telles que des cours de judo ou l’organisation de  match de football.

Quels ont été vos contacts sur place ?

Pendant toute cette semaine mes homologues Européens, mon collègue Suisse allemand et moi-même étions invités par le Ministère de la Jeunesse et des Sports tunisien. On y a rencontré des associations, des responsables de centres de loisirs tunisiens, des formateurs de la jeunesse, des animateurs, mais également des représentants politiques. On a aussi rencontré beaucoup de jeunes, mais je regrette de n’avoir rencontré que des jeunes qui étaient aux études ou dans un processus d’études.

Avez-vous ramené des idées tunisiennes dont on pourrait s’inspirer en Suisse ?

J’ai observé quelque chose de très intéressant qu’on pourrait développer ici : le travail intergénérationnel. Dans le centre d’animation de la zone rurale que nous avons visité, il y avait des personnes du troisième âge qui jouaient aux échecs à côté des enfants et des mamans et toutes ces générations se mélangeaient. C’était vraiment intéressant et on pourrait s’en inspirer.

Constatez-vous des différences entre les jeunes de Renens et les jeunes Tunisiens?

Il n y a pas de différences. Tout comme les jeunes Suisses, les jeunes Tunisiens jouissent à présent de la liberté d’expression, c’est-à-dire de pouvoir parler librement au restaurant ou sur la voie publique sans craindre le pouvoir politique. Les jeunes Tunisiens sont heureux d’avoir cette nouvelle liberté consécutive au printemps arabe. L’expression libre n’était pas possible avant la révolution, car ils étaient écoutés ou surveillés.

Sur quoi va déboucher concrètement cette première prise de contact ?

Nous avons le projet de réaliser des échanges entre l’Europe et la Tunisie à travers une radio Internet. Au niveau plus spécifique de la Suisse, nous envisageons soit de partir avec un groupe de jeunes Suisses en Tunisie, soit qu’un groupe de jeunes Tunisiens vienne ici pour créer un échange.

Quels sont les apports récents du Service Culture-Jeunesse-Sport de la commune de Renens pour les jeunes Renanais ?

Les responsables des services se rendent souvent dans des quartiers pour discuter avec les jeunes et répertorier les différents besoins. Suite à la demande des jeunes Renanais, la commune a créé un terrain multisports qui a été inauguré le 14 septembre dernier. La commune a aussi satisfait leur demande au niveau de l’urbanisme en ce qui concerne un meilleur éclairage public.

 

Propos recueillis par :

Pastoledou et Amina

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Plus d’infos :

Programme européen « jeunesse en action ». Cliquez ici 

Centre de rencontre et d’animation (CRA) de la ville de Renens. Cliquez ici

Service Culture-Jeunesse-Sport de la commune de Renens. Cliquez ici

Programme d’animations pour enfants : « Les quartiers de l’amitié ». Cliquez ici

Commune de Renens. Cliquez ici