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« Le Transperceneige »

Un film post-apocalyptique sur la survie de l’humanité après la congélation de la planète

Une expérience ratée visant à résoudre le problème du réchauffement climatique met fin à la quasi-totalité de l’humanité en congelant la planète. Les derniers survivant.e.s se réfugient à l’intérieur du dernier train appelé « le  Transperceneige » (« Snowpiercer » en anglais dans la version cinématographique) qui fait perpétuellement le tour du monde avec un moteur qui avance sans cesse sur des rails gelés et enneigés.

L’histoire du film est celle de la survie de l’humanité en raison du phénomène de congélation causé par un changement climatique brutal et accidentel issu d’une expérience ratée. Quelques personnes arrivent à se réfugier dans un train faisant perpétuellement le tour de la Terre. Les derniers survivant.e.s de notre planète, selon l’intrigue de cette intéressante dystopie, sont entassés dans de multiples wagons divisés en classes sociales, dont la plus défavorisée – la classe exploitée – vit dans la section arrière, où ses membres souffrent de la faim, du froid et de la nécessité d’alimenter la locomotive du train en énergie. A l’autre extrémité du train, il y a la classe aisée qui détient le pouvoir et qui voyage dans les premiers wagons avec toutes sortes de privilèges : de la bonne nourriture, de bons vêtements, un endroit confortable pour dormir et assurer l’éducation de ses enfants.

Les réfugiés du monde entier dans les derniers wagons

La vie dans les derniers wagons s’écoule lentement sans solution apparente à la situation précaire de la population la plus vulnérable. Jusqu’au jour où un homme nommé Curtis – le chef de la section des classes sociales défavorisées – décide de changer l’état des choses en commençant à enquêter sur ce qui se passe dans les wagons de l’avant et il découvre tous les secrets de la classe privilégiée qui dirige le train. C’est alors que la classe défavorisée s’organise pour lutter pour ses droits.

Le film du réalisateur coréen Bong Joon-ho, avec cet énorme train de plus de 1000 wagons et avec pour toile de fond la lutte des classes, est une histoire post-apocalyptique montrant des confrontations de classes au sein d’une société divisée par l’égoïsme et l’individualisme, et qui utilise des stratégies de survie montrant le côté le plus irrationnel et violent de l’être humain. Le train fait allusion à l’Arche de Noé, puisque les passagers et passagères sont les seuls survivants de l’humanité à avoir réussi à monter à bord. Les membres du dernier wagon du Transperceneige sont maltraités car ils sont montés clandestinement à bord avant qu’il n’entame son interminable voyage et ce sans avoir payé le prix exorbitant du billet d’entrée. En comparaison, ce groupe de passagers clandestins vit des situations qui peuvent être comparées selon moi à celles des personnes migrantes dont de nombreux pays adoptent des politiques brutales à leur égard et qui les relèguent à des conditions de vie indignes.

Renata Cabrales

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Snowpiercer

Fiche technique:

Film réalisé en 2013 par Bong Joon-ho qui a été inspirée de la bande dessinée des années 80 de de Jean-Marc Rochette et Jacques Loeb intitulée « Le Transperceneige ». Snowpiercer est aussi une série produite par TNT – Warner Media group – que Netflix distribue via sa plateforme.

Casting:

Chris Evans: Curtis

Song Kang-ho: Namgoong Minsoo

Ed Harris: Wilford

John Hurt: Gilliam

Tilda Swinton: Mason




« Nous » de Ievgueni Zamiatine

1ères de couverture de « Nous ».

Recension – des fictions dystopiques devenues les miroirs de notre réalité ?

Ievgueni Ivanovitch Zamiatine (1884 – 1937), est un écrivain russe, créateur d’un genre unique et moderne : le roman anti-utopique ou dystopique. Ceux qui ont déjà lu des ouvrages du genre dystopique, comme « 1984 » de George Orwell ou encore « Le meilleur des mondes » de Aldous Huxley, ne savent peut-être pas que le pionnier de ce genre est justement Zamiatine. Tout commence avec son roman « Nous ». Cet article est le premier d’une nouvelle rubrique de Voix d’Exils qui consiste en des recensions de livres et de films qui éclairent notre réalité d’aujourd’hui. 

Écrit en 1920, « Nous », connu également sous le titre « Nous autres », a tout d’abord été traduit et publié en anglais en 1924. En raison du contexte soviétique, l’œuvre ne sera publiée en Russie, pays d’origine de son auteur, qu’en 1988. La version française, quant à elle, est parue aux éditions « Gallimard » en 1929 sous le titre « Nous autres » puis a été rééditée en 2017 par la maison d’édition « Actes Sud » sous le titre « Nous ».

Le récit du roman se situe dans le futur et se concentre sur « D-503 », un ingénieur de l’espace vivant dans le « One State » ou l’État Unique. Il s’agit d’une nation urbaine construite presque entièrement en verre, ce qui facilite la surveillance de masse. Dans le roman, les habitants et habitantes de l’État unique sont dépersonnalisés. Il n’y a pas d’autres moyens de se référer aux gens que par le nombre qui leur est attribué. Ces derniers sont également constamment vêtus d’un uniforme ce qui les dépersonnalise encore plus. Le comportement de l’individu et la société dans laquelle ils évoluent sont basés sur la logique définie par l’État unique grâce à des formules et des équations produites par lui-même. Le travail de « D-503 » consiste en la fabrication d’un vaisseau spatial destiné à convertir les civilisations extraterrestres au bonheur, ces dernières ayant été soi-disant découvertes par l’État Unique. Alors que cet État totalitaire définit avec précision toutes les activités de ses habitants, « D-503 » commence à envier le passé et à être attiré par un autre monde plus ancien…

Pourquoi (re)lire « Nous » de Zamiatine aujourd’hui ?

Il apparaît que la lecture « Nous » de Zamiatine est intéressante à plusieurs titres. Tout d’abord, car il s’agit d’un roman fondateur du genre dystopique, un genre très populaire actuellement. Deuxièmement, car le contexte historique dans lequel s’est déroulé la publication de l’œuvre est controversé. En outre, il regorge d’allusions à des expériences personnelles de son auteur ainsi qu’à la culture et à la littérature. Le roman reste très actuel.

Avec ce roman, Zamiatine prédit la tendance à la concentration des pouvoirs au niveau d’un seul parti (communisme, fascisme, nazisme) et entre les mains d’un chef unique qui contrôle tous les autres pouvoirs concurrents au sein et en dehors du parti. Notre continent a connu des expériences totalitaires similaires au cours du XXe siècle avec les régimes communistes, fascistes et nazi qui vouaient un culte absolu au chef (Lénine, Staline, Mussolini, Hitler, etc.). La réactualisation du roman de Zamiatine intervient à un moment où l’on assiste à une réactivation des structures totalitaires des pouvoirs politiques que l’on rencontre ces dernières décennies dans certains régimes d’Europe centrale et orientale.

La recension: une nouvelle rubrique de Voix d’Exils

J’ai débuté cette rubrique en choisissant « Nous » pour deux raisons principales :

Premièrement, connu seulement des lecteurs et lectrices spécialisés, Zamiatine n’est pas assez crédité en tant que fondateur de la dystopie, ce qui lui fait, à mon avis, du tort en quelque sorte. Nous connaissons principalement Orwell ou encore Huxley cités plus haut. Dernièrement, Margaret Atwood est également arrivée sur le devant de la scène avec son conte « La Servante Ecarlate ». L’œuvre d’Atwood, une romancière que j’apprécie et dont j’ai traduit des poèmes en albanais est, je pense, une pâle tentative d’approche du roman dystopique avec sa fin très faible et controversée.

Deuxièmement, nous vivons à une époque où toute la science-fiction ainsi que les réalités les plus incroyables issues des romans dystopiques écrits au début du XXe siècle semblent se transformer en réalités telles des prophéties. Alors que les romans dystopiques semblaient dévoiler les réalités les plus absurdes issues de l’imagination des auteurs, nous pouvons nous demander si ce genre littéraire qui a précédé les régimes totalitaires que le monde a connu (et continue de connaître) remplit toujours sa fonction compte tenu de la réalité dans laquelle nous évoluons? La question que je me pose également est la suivante : quelles connaissances ou quel pouvoir avaient ces écrivains pour prévoir une réalité qui désormais dépasse la fiction d’une certaine manière ? Cette interrogation me fait penser que durant les premiers mois de la pandémie, il y a eu la redécouverte d’un livre où tout ce qui se passait était en train d’arriver en quelque sorte. Je parle du roman de Dean Koontz « Les Yeux des ténèbres » dans lequel est évoqué un virus dont les propriétés sont proches de celles du coronavirus. Ainsi, l’œuvre décrit les ravages causés par une pneumonie perçue comme une arme biologique.

Elvana Tufa

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils