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Moi capitaine

Un film percutant sur le périple migratoire de jeunes migrants sénégalais actuellement au cinéma

Du Sénégal à la mer Méditerranée, en passant par le Niger et surtout la Lybie, « Moi capitaine » offre une fenêtre unique sur cette réalité de l’exil. Matteo Garrone, le réalisateur de « Gomorra », film qui traite du crime organisé dans la banlieue napolitaine, base son nouveau long-métrage sur de multiples témoignages et notamment celui d’un jeune sénégalais de 16 ans à l’époque qui vit aujourd’hui en Belgique.

C’est l’histoire de deux jeunes sénégalais qui quittent leur terre pour l’Europe sans prévenir leur famille. Cette fiction basée sur des faits réels raconte essentiellement la violence du chemin de l’exil, dans le cas présent,  jusqu’en Europe.

Voix d’Exils a eu l’occasion de voir le film lors de son avant-première suisse à Lausanne le 14 décembre 2023. Le film a déjà remporté le lion d’argent du meilleur réalisateur à la Mostra de Venise ainsi que le prix du meilleur espoir pour Seydou Sarr. Selon le cinéaste, le film, qui se base sur des témoignages, veut « donner une forme visuelle à toute cette partie du périple qui se déroule avant l’arrivée [ou non] qui est invisible ».   

Payer ou être torturé

La rédaction de Voix d’Exils tient à souligner un moment marquant du film sans pour autant le spoiler. Ce dernier témoigne notamment des conditions inhumaines dans lesquelles se trouvent des milliers de personnes sur le chemin de l’exil en Libye. Ces violences sont très documentées et ressortent à travers de nombreux témoignages. Nous en avions d’ailleurs dernièrement parlé dans le cadre du Flash Infos 180 suite au rapport de Médecins Sans Frontières sur les prisons de Abu Salim et d’Ain Zara. 

Le film montre notamment le chantage courant qui est fait aux personnes migrantes enfermées dans les centres de détention des mafias libyennes. Elles sont alors obligées de payer leurs geôliers (en donnant ce qui leur reste d’argent et/ou en appelant la famille au pays afin qu’elle envoie de l’argent) sous peine d’être torturées. Cependant, le long métrage montre aussi les solidarités qui peuvent naître le long du parcours migratoire.

 

Une avant-première avec SOS Méditerranée

Dans le cadre de cette avant-première du 14 décembre, l’association SOS Méditerranée, organisation de sauvetage aux embarcations en détresse en mer Méditerranée, était présente. En effet, étant donné que l’action de SOS Méditerranée intervient à un moment clé du parcours migratoire représenté dans le film, un membre de l’association a pris la parole à la fin de la projection afin de partager l’expérience de l’association sur les sauvetages en mer ainsi que les enjeux et obstacles auxquels ils font face dans le cadre de leur mission.

 

Prise de parole remarquée d’un spectateur

À la fin du film, le public a eu l’occasion de poser des questions à SOS Méditerranée et donner son avis sur le film. Maky Madiba Sylla, réalisateur sénégalais actuellement en train de tourner un documentaire qui fait suite au naufrage d’une embarcation au départ du Sénégal transportant des personnes migrantes, a fait une intervention remarquée. Etant donné que c’est le point de départ de « Moi, capitaine », M. Sylla a souhaité amener un complément d’information sur ce qui pousse aujourd’hui beaucoup de jeunes à quitter le Sénégal. Selon lui, depuis plusieurs décennies, plusieurs multinationales soutenues par des puissances étrangères développent la pêche intensive au Sénégal, pillant les ressources de l’océan et mettant en péril l’économie locale qui fonctionnait en grande partie grâce à la pêche artisanale. Selon lui, près de 2 millions de familles sont aujourd’hui mises en danger à cause de cette surpêche. Par conséquent, cette situation force beaucoup de jeunes à devoir quitter leur pays pour survivre, alors même qu’ils ne souhaiteraient pas partir.

Au vu de tous les enjeux qu’il soulève, la rédaction de Voix d’Exils vous conseille chaleureusement d’aller voir dès que possible « Moi, capitaine » !

Alix Kaneza, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils et Malcolm Bohnet

Commentaire

« Après avoir vu ce film, j’ai mal dormi et je me suis posé beaucoup de questions. Je me demande pourquoi autant de droits humains des personnes exilées sont bafoués, pourquoi de telles tortures restent impunies, je me demande ce que nous pouvons faire pour les arrêter. Cependant, je m’interroge aussi sur le rôle de nos pays africains dans cette tragédie. Le film fait revivre le passé à des gens qui ont vécu la même chose, donc je ne peux pas conseiller à mes amis africains de le voir parce que je ne sais pas comment ils sont arrivés ici en Europe et j’ai peur qu’il leur fasse revivre leur propre chemin d’exil ».

Alix Kaneza

 

Où voir le film?

Le film « Moi, capitaine » est dans les salles obscures depuis le 3 janvier et est notamment diffusé dans des grandes salles de Suisse Romande ; Genève, Lausanne, Neuchâtel, Delémont, Fribourg, La Chaux-de-Fonds

Bande annonce de Moi Capitaine : https://youtu.be/peOwMyk0FRk?si=3hwUKhVIryt-Cz_F

 




Tensions entre aide humanitaire et crise migratoire

Source : Observatoire éthique et santé humanitaire / Nago Humbert

Une journée de conférences à l’Université de Neuchâtel à retrouver en ligne

Le 10 novembre 2023 a eu lieu une journée de conférences intitulée « Tensions entre aide humanitaire et crise migratoire » à l’Université de Neuchâtel. A l’occasion de la mise en ligne sur YouTube des conférences en question, la rédaction de Voix d’Exils a décidé de revenir sur cet événement passionnant.

Cette journée était organisée par l’Observatoire d’Ethique et Santé Humanitaire qui a pour vocation de servir de plateforme de questionnement et de dialogue autour des pratiques actives dans l’action humanitaire et la coopération internationale. A travers 5 conférences, cet événement donne la parole à des acteurs directement impliqués sur le terrain, ainsi qu’à des chercheurs et chercheuses spécialisés dans ces thématiques. Cette approche multidisciplinaire a pour objectif de favoriser une compréhension approfondie de ces enjeux complexes et d’ouvrir des perspectives d’action en vue de l’élaboration de politiques plus cohérentes, humaines et équitables.

La journée a débuté avec l’introduction de M. Thomas Facchinetti, membre de l’exécutif de la commune de Neuchâtel.

S’en est suivi la première conférence donnée par M. Nago Humbert, responsable de l’Observatoire d’Ethique et Santé Humanitaire. Sa prise de parole a porté sur le poids de l’émigration des personnels de santé pour de nombreux pays du Sud. Ce manque de personnel de santé a des répercussions sur le taux mortalité infantile et maternel. Il a également été l’occasion pour M. Humbert de détailler le contexte géopolitique dans lequel s’inscrit cette émigration du personnel de santé et les conséquences que cela entraine.

La deuxième conférence donnée par Mme Cesla Amarelle, professeure de droit des migrations à l’Université de Neuchâtel et ancienne Conseillère d’Etat du canton de Vaud, a présenté les enjeux qui entourent les crises migratoires dans le contexte du déploiement des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle. Elle a développé son propos en rappelant que les situations d’exil forcé risquent de se multiplier étant donné l’enchevêtrement des différentes crises. Mme Amarelle a également partagé ses réflexions quant à la mise en place du futur Pacte européen sur la migration et l’asile ainsi que les risques de violations des droits humains à travers la sécurisation et le développement des techno-frontières.

Dans un troisième temps, Alice Corbet, anthropologue et chercheuse au Centre national de la recherche scientifique français (CNRS), a développé un propos sur la thématique des camps de réfugiés et des conditions sociales vécues à l’intérieur de ces derniers. En effet, l’intervenante a notamment pu montrer la contradiction vécue entre le temps long passé par les personnes dans ces camps alors que ces derniers fonctionnent avec des logiques d’urgence. Il s’agissait également de revenir sur le financement des dispositifs humanitaires et les enjeux de la communication utilisée pour faire ces levées de fonds.

Suite à Mme Corbet, M. Robin Stünzi, membre du centre suisse de recherche sur la migration et la mobilité, a fait une intervention intitulée : «De l’accueil des réfugiés hongrois à celui des ukrainiens : l’inclusivité sélective des politiques d’asile suisses en perspectives historiques» qui a permis de tracer historiquement les grandes orientations des politiques d’asile en Suisse.

La dernière conférence a été dispensée par M. Filippo Furri, anthropologue et consultant pour le CICR à Paris ainsi que pour l’ONG euroMed rights. M. Furri est revenu sur la situation humanitaire épouvantable en mer Méditerranée depuis de nombreuses années. Il a également rappelé la responsabilité de l’Europe face à ces événements ainsi que celle de Frontex comme instance sécuritaire qui s’est renforcée à travers le temps au dépend des programmes de « Search and rescue ».

La journée s’est terminée autour d’une table ronde passionnante regroupant plusieurs intervenantes et intervenants de la journée, politiciennes et politiciens ainsi que des acteurs de la société civile.

 

Interview de M. Nago Humbert 

Suite à cette table ronde, nous avons eu l’occasion d’interviewer M. Nago Humbert, fondateur de Médecins du Monde Suisse, professeur agrégé à la faculté de médecine de Montréal et organisateur de cette journée en tant que fondateur de l’Observatoire d’Ethique et de Santé Humanitaire.

Lors de cette interview, nous avons pu aborder différents sujets à la fois nationaux et internationaux, portant sur les discours et pratiques qui entourent aujourd’hui les enjeux de la migration.  

 

Vous pouvez retrouver les différentes conférences sur la chaine YouTube de l’Observatoire d’Ethique et de Santé Humanitaire 

 

Elvana Tufa et Malcolm Bohnet

Rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Flash Infos #178

Sous la loupe : Nouvelle procédure d’asile express / « Trop peu de personnes réfugiées occupent un emploi à temps plein » : 30 grands groupes s’engagent à les aider / Plus de 450’000 nouvelles personnes déplacées dans l’Est de la RDC, s’alarment le HCR et l’UNICEF

Nos sources : 

Procédure d’asile express : nouvelle initiative du SEM en suisse

RTS, 22.11.2023

 

« Trop peu de réfugiés occupent un emploi à temps plein » : 30 grands groupes s’engagent à les aider 

Ouest-France, Le 22 Novembre

 

Plus de 450.000 nouveaux déplacés dans l’est de la RDC, s’alarment le HCR et l’UNICEF

ONU Info, le 24 novembre 2023

 

Réalisation du Flash Info #178 

A la technique : Tsering et Malcolm Bohnet 

Au micro : Julia Ryzhuk et Tsering

A la production : Arienne-Maria Medici, Tsering, Natalia Gorbachenko et Malcolm Bohnet

 




FLASH INFOS #161

Le Bibby Stockholm. Auteur: Rod Allday / CC BY-SA 2.0

Sous la loupe : Le Royaume-Uni installe une barge pour demandeurs d’asile dans le port de Portland / Des dizaines de personnes étrangères à l’aide sociale expulsées chaque année de Suisse  / La Belgique condamnée pour « refus caractérisé » d’héberger un demandeur d’asile

Nous sources:

Le Royaume-Uni installe le « Bibby Stokholm », une barge pour demandeurs d’asile, dans le port de Portland

Le Monde, 21 Juillet 2023

Des dizaines de personnes étrangères à l’aide sociale expulsées chaque année de Suisse

RTS, Le 25 Juillet 2023

La Belgique condamnée pour « refus caractérisé » d’héberger un demandeur d’asile

TV5 Monde, Le 18 Juillet 2023

 




FLASH INFOS #152

Sous la loupe : Les réfugiés LGBTIQ+ doivent lutter pour trouver la paix et la sécurité / Une vidéo atteste de refoulements de migrant.e.s par la Grèce / Royaume-Uni : l’intelligence artificielle contre les personnes migrantes

Nos sources:

Les réfugiés LGBTIQ+ doivent lutter pour trouver la paix et la sécurité, selon le chef du HCR

UNHCR, le 17 mai 2023

 

Une vidéo atteste de refoulements de migrants par la Grèce

Ouest France, le 19 mai 2023

 

Royaume-Uni : stratégie d’intelligence artificielle contre les immigrants

Info Migrants, le 19 mai 2023