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Les disparitions forcées

Auteur: Free-Photos, CC0 Creative Commons, pixabay.com.

 Des crimes contre l’humanité!

La question des personnes dont la disparition est intentionnelle est un problème grave dans le monde et constitue une violation manifeste des droits fondamentaux d’une personne et de sa famille.

On parle de disparition forcée lorsqu’une personne disparaît suite à une intervention des forces de l’ordre, sans accusation de crime, sans procès et sans avoir été présentée devant un tribunal.

Quand les proches et les militants des droits de l’homme tentent de faire enregistrer une disparition dans un commissariat de police, la police refuse. Toutes les tentatives des familles pour obtenir des renseignements restent vaines ; elles ne reçoivent que peine et douleur.

Il est très difficile pour les familles de personne disparues de vivre dans la société ; elles subissent rumeurs et spéculations sur les raisons qui ont conduit à cet enlèvement. La situation des femmes est particulièrement sensible : sans nouvelles de son mari disparu, une femme n’est ni veuve ni mariée ; elle n’a pas légalement le droit de se remarier parce qu’elle n’est pas en mesure de fournir des papiers de divorce ou le certificat de décès de son mari. Dans la région du Cachemire, on les désigne sous l’appellation parlante de demi-veuves « half-widows ».

Des milliers de personnes, enlevées à leur domicile ou sur leur lieu de travail, sont répertoriées comme personnes disparues par diverses organisations de défense des droits de l’homme, comme Amnesty International et Human Rights Watch.

Dans les régions où certains groupes sont en conflit avec l’Etat, il y a plus de cas de disparitions forcées. C’est la raison pour laquelle on admet généralement que les organismes d’État sont impliqués ; dans de nombreux cas, des femmes figurent également parmi les personnes disparues.

On peut se demander pourquoi des agences d’État seraient impliquées dans de telles activités illégales puisqu’elles disposent de tous les mécanismes pour présenter la personne devant un tribunal du pays et la faire condamner si elle a commis un crime ou n’a pas respecté la loi.

Parfois, l’Etat a des soupçons sur les activités d’une personne mais ne dispose pas de preuves pour la présenter devant un tribunal. Dans d’autres cas, la personne est morte sous la torture au cours de l’enquête, c’est pourquoi l’État n’est pas en mesure de la présenter devant le tribunal et ne peut pas annoncer sa mort parce qu’elle a été détenue illégalement et que c’est contraire à la constitution du pays.

Il faut rappeler haut et fort que les disparitions forcées constituent un crime contre l’humanité. Il est de la responsabilité de l’État d’assurer la sécurité de tous les citoyens, conformément à la constitution du pays. C’est le droit fondamental d’un détenu d’être présenté devant un tribunal dans les 24 heures; L’Etat doit absolument restaurer les droits de toute personne disparue s’il ne veut pas que, à la recherche d’un coupable, on pointe le doigt dans sa direction.

Jamal Bugti

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 

 




« Le régime fait disparaître les opposants pour terroriser la population »

Une prison d’Etat dans l’Etat du Tennessee au USA. Photo:  kelseywynns (CC BY-ND 2.0)

Une prison d’Etat dans l’Etat du Tennessee aux USA. Photo: kelseywynns (CC BY-ND 2.0)

Jacques*, 30 ans, marié et père de deux enfants, était responsable d’une petite entreprise de transport dans son pays d’origine, en Afrique. Opposant politique au régime en place, il est arrêté puis donné pour mort… avant de s’exiler. En Suisse depuis trois ans, il raconte les événements qui l’ont condamné à quitter son pays pour sauver sa vie. Témoignage.

« Tout a commencé le jour ou je suis entré dans un centre commercial pour m’acheter du matériel informatique. Un vendeur ambulant me propose du matériel d’occasion à un prix très abordable et je lui achète un support de données. En arrivant à la maison, je jette un coup d’œil au contenu avant de le formater. Je trouve alors plusieurs fichiers avec, entre autres, des photos faisant état de graves violations des droits humains par une autorité politique de mon pays. Autorité qui pose sur des photos dans une situation compromettante, entourée par ses gardes du corps. Comme il s’agit de photos amateur, je me dis qu’elles ont certainement été prises secrètement par l’un des gardes.

Étant moi-même membre d’un parti politique de l’opposition, cela représente une bonne source d’informations pour rédiger un article. Je l’écris mais, par crainte des représailles. Je prévois alors de le publier après le changement du régime en place, vu qu’on est en période de préélectorale.

Plusieurs mois après, lors d’une manifestation de mon parti politique, à laquelle je participe, survient des affrontements entre nous et des militants du parti du gouvernement en place. Il y a beaucoup de blessés, des morts et plusieurs arrestations de notre côté. Suite à cela, des ordres sont donnés de mettre aux arrêts tous les militants de mon parti identifiés lors de cette manifestation. Une semaine après, la paix commence à revenir en moi, je pense ne pas avoir été pris pour cible. C’est alors que je reçois la visite d’hommes armés. Je leur propose une somme d’argent pour tenter de négocier une non arrestation. Comme ils l’estiment pas suffisante, ils me prennent des bijoux en or, mon téléphone cellulaire et mon ordinateur portable.

Un malheur ne venant jamais sans un autre, le support qui contient mon article est entre des mains ennemies. N’ayant plus de paix après leur départ, je quitte mon domicile et me prépare à fuir vers un pays voisin. Le jour de mon départ, je suis reconnu par les gardes-frontières. On me transfère dans un camp militaire pour être identifié par un officier de la garde républicaine chargé de me retrouver. Mon dossier n’est pas celui d’un simple manifestant, et je suis inculpé pour avoir réalisé des photomontages dans le but de discréditer l’autorité de mon pays.

Pour terroriser les opposants et dissuader la population de se rebeller, le régime en place fait disparaître les opposants. Je suis alors séquestré avec d’autres personnes pendant plusieurs jours dans des conditions inhumaines et dans un lieu inconnu. Comme je ne me suis pas présenté pendant 48 heures à l’appel du misérable repas journalier, les gardes croient que je suis peut-être comateux et que je vais mourir comme cela a été le cas d’un codétenu dont on a évacué le corps. Je me laisse évacuer à mon tour de la cellule noire où l’on ne peut distinguer le jour de la nuit, car durant mon séjour, seul les morts peuvent quitter ce lieu détention. Il faut préciser que, pour se débarrasser des corps des prisonniers détenus illégalement, le personnel de la prison ne fait généralement pas recours aux médecins pour attester du décès d’un détenu ou soigner les malades.

Dans la cellule déjà, les corps sont mis dans des sacs à cadavres, desquels ils sont extraits avant d’être jetés dans le fleuve pour simuler une noyade. Et c’est dans l’eau que j’ai repris mes esprits et que j’ai recouvert la liberté. Après ces événements, j’ai vécu en cachette pendant plusieurs mois dans mon pays d’origine avant de m’exiler et de rejoindre la Suisse. »

*Étant toujours en cavale, nous lui avons donné un nom d’emprunt. Nous avons également modifié certains éléments de son histoire qui pourraient donner des indications trop précises sur son identité.

Propos recueillis par :

Pastodelou,

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils