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« Satori peut être compris comme la voix des personnes migrantes et des hackers solitaires »

Auteur: Ezio Leet / Voix d’Exils.

Rencontre avec Ezio Leet, l’auteur de Satori

Lancé en février 2021, le premier roman graphique de Voix d’Exils – Satori – retrace les aventures d’un jeune homme ayant été contraint de quitter son pays et sa famille afin de trouver refuge dans le « West World », un monde meilleur. Notre rédacteur Ezio Leet en est l’auteur. Lors d’une d’une interview accordée à Voix d’Exils, il revient sur son parcours et nous dévoile ses secrets de dessinateur. 

 Bonjour Ezio, pour commencer pourrais-tu te présenter en quelques mots ?

Je suis, comme tu l’as déjà dit, Ezio Leet. Je viens du Kurdistan irakien et j’ai 24 ans. Je suis arrivé en Suisse en 2017 et je vis actuellement dans le Canton de Vaud.

Durant le mois de février 2021, les lecteurs et les lectrices de Voix d’Exils ont eu l’occasion de découvrir ton roman graphique intitulé « Satori ». Au vu de la qualité de tes dessins, la première chose que l’on souhaite savoir est où et comment as-tu appris à dessiner ?

C’est une question difficile. C’est comme si tu m’avais demandé quand est-ce que j’avais vu la lune pour la première fois !? Bien évidemment, je ne m’en souviens pas et je pense que personne ne s’en souvient ! Comme beaucoup d’autres enfants, je dessinais quand j’étais petit, mais ce n’était pas des dessins de haute qualité ni dans un cadre spécifique. Je dessinais ce que je trouvais beau. Les idées que je ne pouvais pas exprimer simplement je les transposais sur le papier. Je dessinais les gens que j’aimais, même si la plupart de temps je ne le montrais pas ! Pour moi, la meilleure façon d’apprendre c’est en pratiquant. Je me suis rendu compte de ça il y a peu de temps. J’ai appris à dessiner en dessinant. Honnêtement, pour moi, tout le monde sait dessiner. Il faut juste prendre le temps ! Vous vous en rendez compte une fois que vous avez passé beaucoup de temps à dessiner !

Intéressant ! Et comment t’es venue l’idée de créer un roman graphique ?

C’est une bonne question et là je me permets de corriger un point ! En fait, pour moi, définir Satori comme un roman graphique c’est un peu exagéré, car un roman graphique c’est quelque chose de plus large; et souvent les auteurs de romans graphiques sont plutôt des personnes expérimentées qui consacrent leur vie à leur travail. Pour moi, Satori c’est plutôt un « webcomic » ! Etant donné que je n’ai pas une carrière artistique – et cela n’a rien avoir avec une manque d’estime de moi-même car c’est une réalité – je préfère utiliser le terme de « webcomic ». Je pense en effet qu’il y a une différence entre un artiste qui consacre sa vie à l’art et quelqu’un qui dessine durant son temps libre. Pour moi, le dessin c’est un passe-temps ! Voilà, j’espère que c’est clair ! Et maintenant, pour répondre à ta question, comme je l’ai dit avant, j’ai vraiment du mal à m’exprimer et je suis souvent mal compris ! Comme je fais partie de la rédaction de Voix d’Exils et qu’ici on a la liberté de s’exprimer, je me suis dit « ben pourquoi pas ? ». Je me suis dit que c’était une bonne occasion pour m’exprimer sur ce que je pense ou ce que je ressens. Je voulais aussi transmettre un message et faire comprendre aux gens que les personnes migrantes, les hackers ou encore les migrants hackers – car Satori est les deux à la fois – ne sont pas mauvais et que des fois ils essaient simplement de changer le monde afin de le rendre meilleur ! En quelque sorte, Satori peut être compris comme la voix des personnes migrantes et des hackers solitaires en même temps ! (Rires).

C’est un beau message que tu souhaites faire passer ! Et quelles sont les phases de création d’un épisode de Satori ?

Alors ça dépend vraiment de comment je me sens (rires). Parfois, j’écris le script en premier puis je dessine et parfois c’est l’inverse. Souvent, j’ai une idée générale en tête avant de commencer ! Il y a donc plusieurs phases : celle de la rédaction du script et celle du dessin (qui sont interchangeables) et il y a une troisième phase qui consiste à rassembler les deux premières.

Je sens que Satori est un projet qui te tient à cœur. Quels sont tes points communs avec le personnage principal de ton « webcomic » ?

Ironiquement, des fois je ne me rends pas compte si c’est moi qui crée le caractère de Satori ou si c’est lui qui me crée ! Plus je passe de temps avec Satori et plus je m’identifie à lui ! Je ne vais pas trop entrer dans les détails ici. Finalement, nous sommes des hackers – pas des pirates – nous ne voulons pas exposer nos informations ! (Rires).

Où trouves-tu l’inspiration pour créer les histoires de Satori ?

Tout simplement en marchant ! Je marche beaucoup et c’est durant ces moments-là que je trouve vraiment mes idées !

Pour finir, quels sont tes projets pour la suite ?

Alors, quand j’ai commencé à dessiner Satori je me suis vite rendu compte que j’avais un problème à dessiner la position des caractères. En effet, ça prend énormément de temps, surtout pour les dessinateurs moins expérimentés. Comme je suis également programmeur en plus d’être dessinateur, j’ai eu l’idée de créer un logiciel qui produit la position des caractères selon la préférence de l’artiste. J’envisage de partager bientôt cette idée avec la communauté « open source » afin que les personnes du monde entier puissent collaborer ensemble. Mon petit projet a donc pour but d’aider les artistes ou les futurs artistes qui rencontrent les mêmes problèmes que moi !

Propos recueillis par:

 Jovan Mircetic

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Les derniers épisodes de Satori

Satori #0

Satori #1

Satori #2

Satori #3

Satori #4




Mon grand-père, mon tendre guide

Un témoignage touchant de Kristine Kostava

Kristine Kostava, notre nouvelle rédactrice, se souvient avec émotions des moments partagés avec son grand-père durant son enfance.

J’étais sa première petite-fille. On dit que lorsque je suis née, il était surtout curieux de me rencontrer. Il m’a surnommé la « première hirondelle », car je suis sa première petite-fille née au printemps.

J’ai réalisé l’amour que je ressentais pour grand-père très tôt. Mes premiers souvenirs remontent à mes 3 ans. Je voulais tout le temps être avec lui. Quand il venait chez moi, ma question était :

« Que m’as-tu apporté? »

En réponse, il vidait ses poches dans lesquelles se trouvaient toujours des bonbons! Il me disait toujours qu’ils représentaient la joie, l’amour et le bonheur.

Il m’a appris à dessiner. Je me souviens qu’au début je ne savais même pas comment tenir un crayon. J’étais probablement drôle à voir avec mes petits doigts fins et mon long crayon. Grand-père riait beaucoup, posait sa main lourde sur ma tête et m’apprenait silencieusement à dessiner avec ses yeux toujours tristes.

Je me souviens qu’il me disait toujours : « Faire des choses dans la vie c’est bien. Mais il faut les faire avec le cœur. »

Je dis souvent que toute ma bonté est l’héritage de mon grand-père. Il m’a appris à aimer la nature, les animaux, les fleurs et le monde en général.

Enfant, j’avais beaucoup de temps pour jouer avec lui. Mais plus je grandissais, plus je m’éloignais de lui. Et puis, on a déménagé et la distance nous a séparés. Comme j’habitais à Kutaisi, en Georgie, à environ 70 kilomètres de lui, j’étais toujours inquiète, car il était veuf et vivait seul dans son village.

À 84 ans, il s’occupait toujours de ses deux vaches, fabriquait du fromage, de la crème aigre et du beurre. Il semait du maïs, du blé, des légumes et puis il nous envoyait des produits naturels en ville. Malgré sa vieillesse, il nous encourageait:

« Je vais bien quand vous êtes bien, vous me maintenez en vie! »

Malheureusement, nous sommes tous impuissants face à la mort. Mon tendre grand-père est mort à l’âge de 86 ans. Il a rejoint l’éternité, comme une hirondelle qui voulait voler… voler et voler!

Kristine Kostava

Membre de la rédaction vaudoise Voix d’Exils