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Le « Bla-Bla vote » éclot dans le quartier lausannois de Chailly

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Pour ou contre la sortie programmée du nucléaire le 27 novembre ? C’est le débat que propose le 1er Bla-Bla vote jeudi prochain 

Le Bla-Bla vote est un nouveau projet dont le but est de stimuler la participation politique locale des citoyennes et citoyens. Ce forum citoyen, indépendant de toute mouvance politique, est le fruit d’un partenariat entre le Mouvement Tous citoyens ! d’Eben-Hézer Lausanne et la Maison de Quartier de Chailly. Son but est d’offrir à toute personne qui s’intéresse de près ou de loin à la vie de la Cité la possibilité d’exercer sa citoyenneté, ce indépendamment de la jouissance du droit de vote.

Le principe du Bla-Bla vote est simple : soumettre un thème d’actualité politique au débat et favoriser au mieux la participation pour permettre à tout un chacun de se faire une opinion sur le sujet. Le Bla-Bla vote s’adresse à un public large et, en particulier, à des personnes qui ne jouissent pas du droit de vote et qui souhaitent s’initier à la politique comme : les jeunes n’ayant pas encore atteint l’âge de la majorité, les requérants et requérantes d’asile, ou les personnes en situation de handicap.

La démocratie locale

Le 27 novembre 2016, les citoyennes et citoyens suisses devront se poncer sur l’initiative populaire fédérale « Pour la sortie programmée de l’énergie nucléaire ». Faut-il voter pour ou contre ? Telle est la question qui sera soumise au débat pour permettre aux personnes présentes de partager leurs vues afin de se forger leur opinion sur le sujet. A cet effet, le Bla-Bla vote ira à rebours des tables rondes qui habituellement accompagnent les votations, en partant des préoccupations et des questions du public qui seront adressées à l’assemblée et à des personnalités qui défendent ou non l’initiative, et ce indépendamment de leur appartenance politique. Seront conviés à cette occasion: l’Association Chailly 2030, Guy Gaudard, conseiller communal et installateur électricien diplômé et Anita Messere, conseillère communale, architecte et enseignante.

Pour une citoyenneté ouverte

Ce projet part du principe à l’origine du Mouvement Tous citoyens ! d’Eben-Hézer Lausanne selon lequel la citoyenneté ne s’arrête pas à l’exercice des droits politiques formels, mais embrasse un champ beaucoup plus vaste d’actions qui participent à l’amélioration du vivre ensemble. Donc, peu importe si vous êtes habilité à voter ou non, l’important est que vous vous intéressiez à la vie politique du pays.

Le Bla-Bla vote est un projet ouvert. Toute personne souhaitant participer à son développement est la bienvenue!

Omar Odermatt
Responsable de la rédaction de Voix d’Exils

Infos:
Rendez-vous ce jeudi, le 3 novembre, à 19h à la Maison de Quartier de Chailly
Avenue de la Vallonnette 12, 1012 Lausanne Bus TL : n° 6, arrêt Vallonnette ou n° 7, arrêt Pont de Chailly
Entrée libre.




La fête nationale à travers les yeux d’un réfugié

Le 1er août: la fête nationale suisse.

Le 1er août: la fête nationale suisse.

Le premier août 2016 l’Association des Amis du Mont-Racine a organisé un 1er août multiculturel au sommet du Mont-Racine à Neuchâtel. Avec l’association Bel-Horizon, association qui soutient les migrants, ils ont mis sur pied une fête qui était sous les signes du partage et d’échange. J’ai reçu une invitation pour témoigner comme médecin réfugié irakien, membre de la rédaction de Voix d’Exils et bénévole de l’Alarme Croix-Rouge de Neuchâtel et de l’association Partage.

A l’occasion de la journée nationale de la Suisse qui commémore la réunion de tous les cantons sous le drapeau de la Suisse, 40 à 50 personnes sont montées sur le sommet du Mont-Racine pour partager le même repas, de la musique, des chansons, des joies ensemble. Tout le monde, les réfugiés et les suisses, se sont sentis comme si c’était leur fête. Chacun était désireux de célébrer et de s’amuser. C’était amusant de regarder les réfugiés partager tout avec les suisses et se comporter comme des citoyens de ce pays.

Après le repas, au moment des discours, j’ai témoigné devant les personnes présentes. J’ai raconté mon histoire, à partir de mon départ d’Irak jusqu’à ce jour-là. Les difficultés que j’ai affrontées et comment je les ai surmontées. La guerre en Irak, l’habituation à la mort chaque jour et mon arrivée en Suisse. Comment j’ai reçu une réponse négative à cause de mes empreintes dans l’Ambassade de France en Irak. Mon séjour de 8 mois au centre d’accueil de Couvet dans le canton de Neuchâtel. Et finalement une réponse positive à la fin du processus Dublin, puis mon permis B. J’ai aussi parlé de mon travail comme bénévole dans trois associations suisses et donné des conseils pour les requérants d’asile et les réfugiés, les personnes déçues, pour surmonter les obstacles et ne jamais perdre espoir. J’ai insisté sur la solution pour tous : lire, lire lire !

A 22 heures, quelle surprise ! Des feux ont été allumés sur chaque sommet des montagnes, en même temps le feu d’artifice a illuminé le lac de Neuchâtel…la nuit est devenue plus belle que le jour et ça a continué pendant une heure et demi ! J’avais déjà vu ça à la télévision, mais je ne l’avais jamais vécu en vrai. Quand j’ai vu la Suisse de haut pour la première fois, j’ai cru voir le paradis… c’est magnifique…la nature, la verdure et le lac. De notre côté, les réfugiés ont été étonnés parce que la fête et l’organisation étaient formidables.

Jour après jour je suis plus convaincu que ce pays, la Suisse, désire le respect de tout le monde parce que tous les citoyens partagent les mêmes moments de délice sans demander à l’autre en quelle religion croyez-vous, ou de quel pays venez-vous, ou quelles couleurs portez-vous…. A mon avis c’est le sentiment de patriotisme, de liberté et de démocratie. J’ai appris beaucoup de leçons ce jour-là, j’ai vu comment les citoyens mettent la priorité sur l’intérêt commun avant l’intérêt personnel et l’importance de protéger son pays avant de se protéger soi-même.

Merci la Suisse… Vraiment vous me donnez une nouvelle belle vie !

Haider Alsaadi

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

 

 

 

 

 

 




Pourquoi les dictateurs des pays de tiers-monde s’accrochent tant au pouvoir ?

Congo, Ouganda, Sri Lanka et bien d’autres : nombreux sont les pays en voie de développement qui sont encore aujourd’hui dirigés par des dictateurs souvent sanglants. Comment ces régimes parviennent-ils à s’installer durablement ? A quand la démocratie dans les États du Tiers-monde ? La rédaction valaisanne de Voix d’Exils apporte son regard sur cette problématique ô combien sensible.

Mouammar Kadhafi. (CC BY-NC-SA 2.0). Auteur: Ssstto

Mouammar Kadhafi. (CC BY-NC-SA 2.0). Auteur: Ssstto

Le monde est rempli de chefs d’Etat dictatoriaux qui ne connaissent pas la valeur de la démocratie. Ils privilégient leurs intérêts personnels plutôt que ceux de leur pays et s’accrochent au pouvoir éternellement, quel qu’en soit le prix.

Un simple regard sur l’histoire des pays en voie développement permet d’observer la longue lignée de dictatures militaires qui ont prévalu dans ces régions. Cela a été la tendance ces 50 dernières années, presque à chaque fois qu’une nation colonisée a retrouvé son indépendance.

Richesses naturelles et influences internationales

Après l’indépendance, l’espoir était souvent le même : un meilleur futur en pouvant disposer des propres ressources naturelles du pays. Mais après quelques années, force est de constater que de nombreux pays se sont retrouvés coincés entre deux forces : le bloc communiste d’un côté, le bloc capitaliste de l’autre. Dans un contexte de guerre froide, ces deux rivaux ont souvent agi dans la crainte de voir une région basculer dans le camp ennemi et de perdre du même coup le contrôle de précieuses richesses naturelles. La peur d’une avancée adverse a mené à une politique sans scrupule et à des interventions militaires, notamment en Afrique. L’exemple du Congo est frappant : Patrice Lumumba, considéré comme proche du régime soviétique, a été tué par une combinaison d’agences belges et américaines au profit de Mobutu, plus « occidento-compatible », qui est par la suite devenu – entre 1965 et 1997 – l’un des plus rudes dictateurs jamais connus en Afrique.

Les richesses naturelles dont disposent bon nombre de pays en voie de développement – bien que souvent exploitées par un pays du bloc Nord – expliquent également le maintien à long terme de ces dirigeants assoiffés de pouvoir. Avec un accès presque sans surveillance à ces ressources et à l’argent qu’elles génèrent, les dictateurs en ont profité pour acheter des armes et s’enrichir.

 

Mahinda Rajapakse, Président du Sri Lanka depuis 2005. affiche de Mahinda, prise en 2009 (CC BY 2.0)

Mahinda Rajapakse, Président du Sri Lanka depuis 2005. affiche de Mahinda, prise en 2009 (CC BY 2.0)

Le népotisme au service de dynasties familiales

Au quotidien, ces dictatures érigent en norme les violations de la constitution, l’impunité, la gabegie, ou encore la torture de leurs adversaires politiques. Le népotisme devient également monnaie courante, à l’image du Sri Lanka, où le président Mahinda Rajapakse, arrivé au pouvoir en 2005, a mis en place une véritable dynastie familiale. Un de ses frères est le président du parlement, un autre est le ministre du développement économique, un troisième frère n’est autre que le puissant et redouté secrétaire d’Etat au ministère de la défense, enfin son fils, Namal Rajapakse, joue également un rôle important dans les affaires du gouvernement.

Une bonne partie des dirigeants des pays en développement foulent leur Constitution nationale (s’il y en a une) et se déclarent président à vie. Cela les pousse à un point de non-retour, prenant ainsi la direction du despotisme sans autorité légale. Ils créent tant de dégâts qu’ils ont peur de quitter le pouvoir par crainte de représailles. Ils savent que ceux qu’ils ont blessés voudront avoir leur revanche.

Quelques rares exemples de démocratie

Sous l’influence de quelques meneurs européens, comme Gorbatchev ou Mitterrand, qui prônent plus de démocratie pour le continent africain, la donne a malgré tout évolué au passage des années 80. Dès 1991, des conférences nationales se tiennent, des mutations voient le jour dans les administrations, des nouvelles constitutions sont rédigées : la démocratie est en marche. Plus récemment, l’Afrique du Nord a également semblé faire un pas vers la démocratie. Le « printemps arabe », déclenché en Tunisie en 2011, a fait tomber le régime de Ben Ali (24 ans de règne), celui de Kadhafi en Lybie (42 ans) et de Moubarak en Egypte (30 ans).

 

Denis Sassou Nguesso, President of the Republic of the Congo, addresses the general debate of the sixty-fourth session of the General Assembly. 25/Sep/2009. United Nations, New York. UN Photo/Marco Castro. www.unmultimedia.org/photo/

Denis Sassou Nguesso, President of the Republic of the Congo, addresses the general debate of the sixty-fourth session of the General Assembly.
25/Sep/2009. United Nations, New York. UN Photo/Marco Castro. www.unmultimedia.org/photo/

Mais, malgré ces bouleversements, les régimes autoritaires refont souvent surface, à l’image du pouvoir autoritaire réintroduit en Egypte durant le court passage à la présidence de Mohamed Morsi, qui est resté au pouvoir de 2012 à 2014. Ce dernier a néanmoins été élu démocratiquement. D’autres pays n’entrevoient, eux, aucun signe de changement. C’est notamment le cas du Congo Brazzaville, ou Denis Sassou, président de 1979 à 1992, règne à nouveau sur le pays depuis 1997.

Il semble donc que les valeurs traditionnelles de la démocratie mettront du temps à s’installer dans les habitudes des pays du tiers-monde, Afrique en tête. Quelques nations ont malgré tout réussi à assurer une transition présidentielle démocratique. C’est le cas de la Tanzanie, du Ghana, de l’Afrique du Sud, de la Mauritanie, ou encore du Botswana. Les autres nations doivent s’en inspirer.

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Débat à l’Université de Neuchâtel autour du renvoi des criminels étrangers

De gauche à droite

Les intervenants et intervenantes du débat. Photo: Voix d’Exils.

A l’occasion de la Journée internationale des droits de l’Homme, le Centre Suisse de compétence pour les droits humains (CSDH) a organisé à l’Université de Neuchâtel une conférence-débat sur la question du renvoi des criminels étrangers en lien avec le droit au respect de la vie familiale et le respect du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Le mercredi 11 décembre dernier, sous la modération de la journaliste Valérie Kernen, les conseillers d’État neuchâtelois en charge de l’Économie et de l’Action sociale, Jean-Nathanaël Karakash, et vaudois en charge de l’Economie et du Sport, Philippe Leuba, ainsi que la politologue Nicole Wirchmann ont décortiqué ce thème, tout en revenant sur la question de faire cohabiter la sécurité intérieure et le respect des droits fondamentaux. Relevons tout de suite que le Service des migrations (SMIG) de Neuchâtel et l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) dépendent des départements dirigés par Messieurs Karakash et Leuba.

Plus de 2000 étrangers expulsés de Suisse depuis 2008

La politologue Nicole Wirchmann est revenue sur les différents instruments juridiques suisses qui prévoient le renvoi des criminels étrangers et qui protègent les droits de l’enfant. Selon les statistiques qu’elle a fournies, depuis 2008, plus de 2000 criminels étrangers sur le 1,2 million d’étrangers vivant en Suisse ont été expulsés et le pic a été atteint en 2010 avec 550 expulsions. Elle a par ailleurs souligné qu’«un étranger non Européen condamné à une peine privative de liberté de longue durée (12 mois au minimum), ou qui a fait l’objet d’une mesure pénale, peut voir son permis de séjour révoqué et être expulsé de la Suisse. Les Européens, pour être expulsés, doivent constituer une menace réelle et porter une atteinte d’une certaine gravité sur la sécurité de la société ou en cas de récidive». Donc, les Européens jouissent d’une protection très importante. Ensuite viennent les détenteurs d’une autorisation d’établissement (permis C) et les personnes mariées avec des Suisses ou des Suissesses ou ayant des enfants suisses et, enfin, les personnes détentrices d’autorisation de séjour (permis B). En définitive, conclura-t-elle, «plus votre droit de séjourner en Suisse est consolidé, plus votre durée de séjour en Suisse est longue, plus vous êtes protégé contre un renvoi». La politologue a terminé son exposé en précisant que la décision de renvoi d’un étranger criminel est prise par l’autorité cantonale en charge des questions relatives à la migration à la suite d’une action juridique où les cours et tribunaux décident si le renvoi de la personne est légitime ou non. Toutefois, a-t-elle indiqué, la Cour européenne des droits de l’homme n’accepte pas le renvoi des personnes mineures.

Aucun mineur étranger vivant en famille expulsé dans le canton de Vaud

Parlant de la pratique du renvoi des criminels étrangers dans le canton de Vaud, «canton réputé répressif et dur en matière de renvoi des étrangers criminels», selon les termes de la journaliste Valérie Kernen, le Conseiller d’État vaudois Philippe Leuba, en fonction depuis 2007, soutient que «lorsque les conditions légales permettent une révocation d’une autorisation de séjour ou d’une autorisation d’établissement, j’ai demandé à mes services d’analyser systématiquement les situations. Pour les détenteurs de permis C, c’est moi personnellement qui assume la révocation et c’est une décision très lourde à prendre, parce que vous touchez de très près la vie humaine dans ce qu’elle a de chair et d’os. Et j’estime qu’il appartient au politique de l’assumer et pas à l’administration. Pour les permis B et N, c’est l’administration qui est compétente en la matière, sous réserve évidemment d’une voie de recours au Tribunal Fédéral. Le taux de validation de nos décisions par le Tribunal Fédéral est très important et on a très peu d’échecs. Nos décisions sont rarement cassées, rendant le renvoi effectif lorsque le pays d’origine de la personne à expulser a signé un accord de réadmission avec la Suisse». S’agissant du renvoi des mineurs, M. Leuba a indiqué qu’il ne connaît pas dans le canton de Vaud de cas d’expulsion de mineurs ayant une famille en Suisse, sauf le cas d’un mineur Africain non accompagné venant d’Italie, renvoyé dans le cadre des accords de Dublin.

S’agissant de «l’amalgame qui assimile les requérants d’asile à des délinquants en puissance», le conseiller d’État Leuba affirme qu’il condamne cet amalgame à travers une politique expliquée, assumée et démontrée et lutte, par ailleurs, contre les politiques de «yakafokon» (ndlr : le yakafokon est une expression qui s’emploie pour critiquer et se moquer des personnes qui proposent à d’autres des solutions simplistes et irréalistes car négligeant des obstacles majeurs), dont l’initiative de l’Union démocratique du centre (UDC) sur le renvoi des criminels étrangers est l’illustration. Pour M. Leuba, «si l’initiative de l’UDC a été acceptée par une majorité de Suisses, c’est parce qu’elle a profité d’un sentiment populaire», relevant tout de même que «lorsqu’on expulse un étranger qui refuse délibérément de respecter notre ordre juridique, c’est comme ça qu’on démontrera qu’on a une politique cohérente et équilibrée».

Approche prudente sur le renvoi des criminels étrangers dans le canton de Neuchâtel

Intervenant en dernier lieu, le conseiller d’État neuchâtelois Jean-Nathanaël Karakash, en fonction depuis mai 2013, a relevé que dans le canton de Neuchâtel, les recours contre les décisions de révocation des autorisations de séjour et d’établissement sont traités par lui. «A Neuchâtel, on applique le droit, en tenant compte de la pesée des intérêts, de l’examen de la proportionnalité au cas par cas, du risque de récidive, de la prise de conscience, de la durée de séjour en Suisse, de la solidité des liens sociaux, de la situation familiale, de la nationalité, de la possibilité du retour au pays, de l’état de santé, de la connaissance de l’infraction, de l’existence des liens de mariage, de l’intérêt des enfants, autant de facteurs qui sont analysés», a-t-il dit, avant de poursuivre : «A Neuchâtel, on est plutôt dans une approche prudente, et si on considère qu’il y a risque de récidive assez faible et un danger limité pour la société d’accueil, on a une possibilité de réexaminer le dossier, plutôt que de voir nos décisions être révoquées. Neuchâtel se trouve dans un arbitrage constant d’allocations de moyens, l’opportunité de déployer un arsenal pour rendre des décisions de recours et pour exécuter les renvois lorsqu’ils sont possibles». Selon M. Karakash, «il est aberrant de gaspiller les fonds publics lorsque la personne qu’on a renvoyé de la Suisse y retourne au même moment que les personnes qui ont exécuté son renvoi». Il s’interroge aussi sur la pertinence des lenteurs de dispositifs qu’on met en place pour forcer les renvois.

Quid du renvoi d’un père de famille ?

Au cours du débat, répondant à une question de l’avenir de la famille en cas de révocation du permis de séjour et d’expulsion du père, M. Leuba a noté que dans le canton de Vaud, «si c’est le père qui est expulsé, la famille a la possibilité de le suivre, mais ce n’est pas parce qu’on révoque le permis B ou C de Monsieur Dupont, que celui de Madame Dupont doit aussi tomber. Le traitement est individualisé et ne concerne pas les autres membres de la famille». Cependant, a-t-il précisé, «pour une personne mineure, la procédure d’expulsion est collective car un mineur ne peut être séparé de ses parents».

Évoquant la mise en œuvre de l’initiative de l’UDC sur le renvoi des criminels étrangers, votée le 28 novembre 2010 et adoptée par 53% des citoyens ayant participé au scrutin, les trois orateurs ont unanimement reconnu des difficultés d’application, car l’initiative entre en conflit avec le droit international, surtout sur les points qui contreviennent à des principes fondamentaux comme ceux de la proportionnalité et des droits de l’homme. Il y a également le problème des ressortissants des pays dont la Suisse n’a pas signé d’accords de réadmission.

Pour la politologue Wirchmann, le débat sur le renvoi des criminels étrangers fait apparaître un conflit entre le renvoi, les considérations de la famille et l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle souligne qu’il y a globalement un conflit entre les droits de l’homme et la démocratie et entre le droit national et le droit international.

Pour M. Karakash, «on ne peut pas appliquer l’initiative UDC comme telle. La population l’a votée en connaissance de cause en sachant qu’elle ne serait pas applicable». Pour M. Leuba, «le peuple était informé mais n’en a pas tenu compte, il faut que la population ait la conviction qu’une politique normale est possible ».

Position du Tribunal fédéral

En fin de débat, la position du Tribunal fédéral (TF), qui refuse l’application de l’initiative de l’UDC parce qu’elle viole le droit international, a été expliquée. Dans sa jurisprudence du 12 octobre 2012, le TF affirme que le droit international impératif prime sur le droit national, qu’il soit constitutionnel ou légal. Or, le droit international parle de la proportionnalité en cas de renvoi, tandis que la Constitution suisse parle de l’automaticité du renvoi des criminels étrangers. D’où la nécessité, pour les autorités cantonales en charge des questions relatives à la migration, d’appliquer la Constitution et le droit pénal suisses avec le risque de voir en cas de recours leurs décisions cassées par le TF ou la Cour européenne des droits de l’homme.

Fin novembre 2013, le Conseil fédéral prévoyait de revoir le texte de l’initiative afin de le conformer au droit international impératif et mi-février 2014, la Commission des institutions politiques du Conseil des États a décidé de reprendre la grande majorité des propositions de l’UDC pour mettre en œuvre le renvoi des criminels étrangers.

Paul Kiesse

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




Une conférence-débat pour mieux cerner les contours du mot «intégration»

De gauche à droite, le député UDC Pierre Hainard, le conseiller communal Miguel Perez et la modératrice Claude Grimm. Photo: Voix d'Exils

Les orateurs de la conférence-débat « Migration, Citoyenneté et Intégration ». Photo: Voix d’Exils.

Les thèmes «Migration, Citoyenneté et Intégration» ont été débattus dans le cadre de la journée interculturelle qui s’est déroulée le samedi 7 septembre 2013 à La Chaux-de-Fonds. Organisé par Josianne Jemmely, la représentante de la communauté africaine résidant sur les montagnes neuchâteloises, ce débat, qui a clos la manifestation, a confronté quatre orateurs aux visions parfois fort divergentes à propos de la signification du mot «intégration». Compte-rendu.

La conférence-débat «Migration, Citoyenneté et Intégration» a réuni autour d’une table quatre orateurs, à savoir : le conseiller national socialiste zurichois Andreas Gross, le député UDC de La Chaux-de-Fonds Pierre Hainard, le conseiller communal écologiste du Locle Miguel Perez et le professeur ordinaire de migration et citoyenneté Gianni d’Amato de l’Université de Neuchâtel. Environ 300 personnes, essentiellement des migrants sri-lankais et africains, se sont rendues à cette journée interculturelle qui a été ponctuée par des danses et contes sri-lankais, ainsi que d’un défilé de mode africaine.

Développant le sujet, le conseiller national et membre du Conseil de l’Europe Andreas Gross a estimé que par rapport à la Suisse alémanique «la Suisse romande est traditionnellement plus ouverte en matière d’immigration et seulement les cantons romands ont octroyé aux immigrés le droit de vote au niveau cantonal».

Le conseiller communal Miguel Perez, un immigré espagnol, a, quant à lui, partagé son expérience personnelle en affirmant qu’il avait été «traumatisé» en arrivant en Suisse car, enfant, il avait dû s’adapter au changement de milieu. Pour lui, l’intégration n’est pas un vain mot, «elle s’obtient par la langue, les études et le travail».

Quant au député Pierre Hainard, il a indiqué que l’intégration n’est pas dictée par l’État, mais qu’elle est le résultat de la volonté du migrant qui décide de vivre en Suisse. «L’intégration est un droit, mais surtout un devoir de chaque migrant. Si un migrant refuse de s’intégrer, refuse d’apprendre la langue, ne respecte pas les lois et vit toujours aux frais de l’État, moi je dis que le permis de séjour (permis B) ou d’établissement (permis C) doit lui être refusé ou retiré», a-t-il martelé.

Le professeur Gianni d’Amato est, quant à lui, d’avis que «la réussite dans les études et le travail est un facteur d’intégration des immigrés». Selon lui, l’immigration récente a commencé dans les années 50 avec une immigration économique. La connaissance de la langue a son importance dans l’intégration, tout comme les qualifications qu’on peut acquérir, surtout pour les jeunes. Le travail est aussi important pour intégrer les immigrés dans la société, a-t-il souligné.

L’ensemble des orateurs ont unanimement reconnu que les partis politiques ont un rôle à jouer dans l’intégration des immigrés. Pour le député UDC Pierre Hainard, «les partis politiques ont le rôle d’intéresser un maximum d’électeurs, mais à l’UDC on a peu d’immigrés et il ne faut pas désespérer». Le conseiller communal écologiste Miguel Perez lui a rétorqué «qu’il est suicidaire pour un immigré d’adhérer à l’UDC, car c’est un parti anti-immigration».

Après le brillant exposé des orateurs, il s’en est suivi une partie dédiée aux questions du public au cours de laquelle les intervenants ont reconnu les efforts fournis par le canton pour l’intégration des immigrés, bien qu’il existe des cas de discrimination à l’embauche et de xénophobie dans certains milieux. La question du peu d’intérêt que manifestent les immigrés naturalisés Suisses ou détenteurs d’un permis d’établissement pour participer aux échéances électorales a également été épinglée. Certains immigrés ont reconnu qu’ils viennent de pays dans lesquels le jeu politique n’est pas démocratique, ce qui pourrait expliquer en partie le problème. L’assistance a par ailleurs vivement souhaité que de tels thèmes soient régulièrement abordés, afin de sensibiliser les immigrés sur les questions d’intérêt général lors des différentes votations.

Paul Kiesse

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

 «La politique envers l’autre est un miroir de la politique envers les siens»

A la question de Voix d’Exils de savoir si la Suisse peut être considérée comme une terre d’asile comme la France, la Suède ou le Canada, le conseiller national socialiste Andreas Gross soutient que «chaque pays a ses spécificités et ses problèmes». Il pense que la France et même la Suède ne sont pas de bons exemples, car il y a énormément de ghettoïsation et de violences. Et la violence est, selon lui, un critère pour mesurer le succès de l’intégration. La Suisse a un grand pourcentage d’étrangers sur son sol, «mais elle a fait trop peu d’efforts pour les intégrer. Elle a pensé que la nature, l’école, la famille le ferait automatiquement». Selon lui, «on commence à apprendre qu’il faut faire beaucoup plus pour que tout le monde trouve sa place ici». Il avance également que «le problème est qu’il y a aussi beaucoup de Suisses qui pensent qu’ils n’ont pas encore trouvé leur place en Suisse et que c’est eux qui votent souvent contre une politique libérale envers les immigrés, parce qu’ils ne se sentent pas assez soutenus par l’Etat». Et dans ce sens, «ils ne sont pas prêts à donner aux autres ce qu’ils pensent eux-mêmes n’avoir pas assez reçu». Pour Andrea Gross, «c’est un aspect qu’on a peut-être pas assez discuté, réfléchi. La politique envers l’autre est un miroir de la politique envers les siens».

P.K.