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Grandir spirituellement en faisant le Ramadan

Photo: Tim Abbott (CC BY-NC-ND 2.0)

Photo: Tim Abbott (CC BY-NC-ND 2.0)

Pendant le mois du Ramadan, qui se déroule cette année du 9 juillet au 8 août, les musulmans pratiquants s’abstiendront de boire, de manger et d’avoir des rapports sexuels du lever au coucher du soleil. Par cette pratique, les fidèles entendent se purifier, se rapprocher d’Allah et gagner le paradis. Deux rédacteurs musulmans de Voix d’Exils ont souhaité partager la signification de ce rituel.

Ramadan – qui signifie le neuvième mois du calendrier islamique – est un mois sacré qui commémore un événement fondamental de l’histoire des musulmans : c’est en effet lors de ce mois que le Coran a été révélé par l’ange Gabriel au Prophète Mohammed au cours de la Nuit du Destin. Le jeûne du Ramadan est aussi le quatrième des cinq piliers de l’islam, à savoir : la profession de foi selon laquelle il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah, la prière à cinq reprises par jour, l’aumône à faire aux pauvres et le pèlerinage à la Mecque.

Durant le mois de Ramadan, le jeûne ne concerne pas que l’estomac. Tout le corps se met au diapason. La langue ne doit pas proférer de médisances, les yeux ne doivent pas regarder des choses interdites par la religion, les mains ne doivent pas toucher ou prendre ce qui ne lui appartient pas, les oreilles ne doivent pas écouter des futilités, et les pieds ne doivent pas aller dans des endroits où les gens s’amusent, sont dévêtus ou font la fête. Plus largement, les musulmans contrôlent leurs passions et prennent leurs distances avec tout ce qui est interdit par l’islam comme l’hypocrisie, le mensonge, la tricherie, l’adultère et le vol.

Les croyants effectuent leurs cinq prières obligatoires au lever du soleil, à midi, l’après-midi, au coucher du soleil et le soir. La prière leur sert de rempart contre les passions qui détournent du droit chemin et met à distance les vices tels que le tabac et l’alcool. Tout au long de leur jeûne, les musulmans pensent à leur santé et à celle des personnes de leur entourage, ils ressentent la douleur de ceux qui ont faim et ils prennent conscience de la valeur des biens que Dieu leur offre tel que la nourriture. Mais tout le monde ne peut pas faire Ramadan et dans le Coran, il est indiqué que le jeûne est une obligation pour tout musulman en âge et en capacité de le faire. Mais certains peuvent en être exemptés, comme les personnes âgées, les malades et les femmes enceintes ou allaitant un nouveau-né. Après s’être abstenus de boire, de manger, de fumer et d’avoir des relations sexuelles du lever jusqu’au coucher du soleil, les musulmans se réunissent la nuit tombée à la maison ou à la mosquée pour prier, briser le jeûne en mangeant quelques dattes puis partager le repas.

Tout au long du Ramadan, les musulmans mettent leur patience, leur humilité et leur spiritualité à l’épreuve. Le jeûne est pour eux la marque de l’obéissance à Dieu, et les fidèles s’inscrivent ainsi dans la tradition des prophètes de l’islam. Certaines personnes prennent leurs vacances en période de Ramadan pour pouvoir prier jusque tard dans la nuit et se rapprocher ainsi de Dieu et du paradis. Car Ramadan est la période privilégiée pour demander le pardon de ses péchés et capitaliser les bonnes actions car, en cette période particulière dans la vie des croyants, les bonnes actions comptent double.

A la fin du Ramadan, les musulmans organisent une grande fête, l’«Eid al Fitr» ou «fête de la rupture du jeûne », qui peut durer trois jours. Lors de cette fête, ils visitent leur famille et se rendent à la mosquée pour célébrer la fin de ce mois consacré à Dieu.

Lamin et Samir,

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« Une dernière occasion de clamer leur révolte »

M. Olivier Messer, animateur pastoral

M. Olivier Messer, animateur pastoral, apporte écoute et soutien aux requérants d’asile placés en détention administrative.  Pour Voix d’Exils, il rend visible la difficile réalité de ces détenus.

 

Voix d’Exils : Comment définissez-vous le travail d’un aumônier?

L’aumônier est une présence d’Église dans des milieux de vie divers, comme les prisons, les hôpitaux, les écoles, etc. Son premier témoignage est sa simple présence qui rappelle celle de son Église en rejoignant les gens là où ils sont, là où ils vivent.

Il apporte un soutien spirituel aux personnes qui le souhaitent et peut, si la personne le désire, cheminer avec cette dernière sur une période plus ou moins longue. Il peut parfois apporter une aide matérielle, mais généralement cela est assuré par d’autres intervenants, comme les services sociaux par exemple.

Depuis combien de temps visitez-vous les lieux de détention administrative pour requérants d’asile déboutés?

Cela fait trois ans maintenant, mais de façon assez irrégulière, je le reconnais. J’ai surtout mis l’accent sur les visites aux détenus des prisons, ainsi qu’aux jeunes privés de liberté. Il faut en effet savoir que mon collègue protestant et moi-même sommes envoyés par nos Église et mandatés par l’Etat pour assurer le service d’aumônerie de tous les établissements pénitenciers du canton du Valais, ceci incluant le centre pour requérants d’asile de Granges. Le temps qui nous est attribué pour cela représente seulement 20% ! (1 jour pour 5 établissements…).

Quelle est votre expérience particulière d’aumônier auprès des requérants d’asile en situation de détention administrative ? Que pouvez-vous leur offrir ?

La question de l’offre est intéressante, car elle revient régulièrement lorsque je rencontre des requérants retenus : que pouvez-vous nous offrir ? Il est alors essentiel d’être pleinement honnête et précis : je suis ici pour vous offrir un soutien et un accompagnement spirituel, pour entendre ce que ces évènements révèlent en vous, comment cette situation que vous traversez vous parle intérieurement, dans une confidentialité absolue. Bien entendu, leur premier espoir est que je puisse influer sur la décision de renvoi dont ils font l’objet, mais là n’est clairement pas notre rôle. Et l’aumônier se doit d’être très clair sur ce point et inviter le requérant à se tourner vers son avocat, la justice, etc. Une fois cela exprimé, nous rentrons parfois dans de belles et douloureuses confidences sur la manière dont est vécu ce renvoi et cet emprisonnement (car il faut être sincère, il s’agit bien de cela au vu des conditions de détention), sur les espoirs mis dans ce voyage parfois très risqué vers la Suisse et la crainte de retourner au pays, par risque de violence ou par honte vis-à-vis de sa famille. Puis vient souvent la question de Dieu : quelle que soit la religion dont se réclame le détenu, la foi demeure souvent comme la seule valeur restante. Même si je perds tout, Dieu est présent, témoin de ma vie et ultime lumière vers laquelle se diriger. Cette foi permet de ne pas sombrer et de conserver une étincelle d’espoir.

Observez-vous une demande, un besoin de la part des requérants d’asile ? Le questionnement spirituel est-il important parmi ces détenus ?

Un besoin marquant est sans doute celui d’exprimer leur révolte face au système et au refus qu’ils ont reçu de la Suisse. Comme aumônier, nous arrivons au moment où tout est joué puisqu’ils sont en attente d’être physiquement renvoyés dans un autre pays. Une fois qu’ils comprennent que nous n’avons pas d’influence sur la justice, c’est un peu comme une dernière occasion de clamer leur révolte. Alors, une fois cette révolte entendue, on peut entrer dans le dialogue vrai et profond, si la personne accepte d’aller sur ce chemin. Et on touche au spirituel, au sens de l’existence, aux choix de vie, au sens à donner à ce que l’on traverse, qu’on le considère comme une épreuve ou comme une opportunité.

Pouvez-vous estimer la proportion de croyants parmi les requérants que vous rencontrez ?

Ceux que j’ai rencontrés m’ont toujours dit croire en quelqu’un ou en quelque chose.

Les détenus sont d’origines très diverses, avec des appartenances religieuses multiples. Les musulmans ont-ils aussi accès à un encadrement religieux ?

Pour l’instant, il n’y a pas d’aumônier musulman dans les établissements valaisans. Mon collègue protestant et moi-même sommes aussi à disposition des croyants d’autres religions, surtout pour l’écoute. Il faut aussi avouer qu’il est difficile de trouver un imam pour ce ministère.

Avez-vous observé des conversions? Avez-vous déjà baptisé quelqu’un dans un centre de détention administrative?

Je n’ai pas vécu ce genre d’évènement. Qui sait si l’avenir m’offrira cette joie ? A noter toutefois que je suis animateur pastoral de formation, donc laïc ; si un détenu souhaite recevoir un sacrement comme le baptême, mais aussi le pardon de ses fautes par exemple, j’entre alors en contact avec un prêtre. C’est lui qui pourra administrer le sacrement.

A titre personnel, que pensez-vous de la politique d’asile menée par la Suisse?

Je pense que la politique d’asile de la Suisse est réfléchie et témoigne aussi de sa volonté d’être reconnue comme une terre d’accueil.

Je peux toutefois lui reprocher les cas dans lesquels la personne – parfois même la famille entière – habite notre pays depuis plusieurs années et se voit soudainement déboutée, alors qu’elle est déjà bien intégrée. Je pense primordial que les décisions d’accepter une demande d’asile ou non soient prises beaucoup plus rapidement par nos autorités, même si cela implique la mise en place de postes administratifs supplémentaires. Il s’agit de la vie d’êtres humains et nous n’avons pas le droit de négliger cela.

Enfin, je pense que les conditions de détentions de ces personnes dans le centre valaisan sont inadmissibles et doivent impérativement être améliorées. Pour cela, il est important de sensibiliser l’opinion publique sur cette problématique, afin d’obliger ensuite les pouvoirs politiques à bouger.

C’est pourquoi je tiens à vous remercier, car par cette interview, vous permettez aussi de rendre visible la difficile réalité de ces détenus administratifs retenus en Valais.

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Un requérant d’asile rencontre la foi

baptême à l’Eglise de Vouvry en Valais

Gaby Yao, un jeune Ivoirien de 21 ans, a reçu le sacrement du baptême en l’Eglise de Vouvry. Voix d’Exils l’a rencontré pour comprendre sa démarche.

 

 

Voix d’Exils : Vous avez été baptisé durant la messe du Samedi Saint en l’Eglise de Vouvry. Quel a été votre cheminement ?

En Côte d’Ivoire, j’ai suivi le catéchisme chez les Sœurs et j’ai même commencé à préparer le baptême : j’ai accompli la première étape, puis la deuxième, d’un parcours qui en comptait trois, mais j’ai tout abandonné quand le foot a pris ma tête.

Arrivé en Suisse, j’ai commencé à fréquenter l’église de Vouvry. Un jour, j’ai parlé avec le curé et ai demandé à être baptisé. C’est ainsi que ma préparation a commencé. Elle a duré trois mois jusqu’à la cérémonie du 7 avril dernier. Ce fut un moment exceptionnel, j’étais le seul à être baptisé ce soir-là.

Qui sont vos parrain et marraine ?

Mon parrain est le responsable du programme d’occupation de jardinage au Centre des Barges. Il a accepté tout de suite. Il a dit qu’il était vraiment touché que je pense à lui. Je suis son premier filleul. Ma marraine est une dame Suissesse qui habite le domaine des Barges. Je suis son seul filleul adulte. Tous deux m’aident à m’adapter et à m’intégrer du mieux possible en Suisse.

Avez-vous pu informer votre famille de votre baptême ?

Mon papa est décédé, mais j’ai pu joindre ma mère ; comme toutes les mamans, elle a pleuré ; elle m’a recommandé ensuite de garder mon caractère, de persévérer dans mon chemin et a promis qu’elle allait prier pour moi.

Le témoignage de Gaby nous rappelle que les requérants d’asile ne se réduisent pas à un numéro N, figés dans l’attente d’une décision à leur demande d’asile. Durant leur séjour en Suisse, ils vivent une vie d’humains ordinaires, intégrés dans leur société d’accueil. Ils se forment, travaillent, tombent amoureux, font du sport et certains, comme Gaby, tentent l’aventure spirituelle.

Pita

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils