1

« Je devais construire ma renaissance »

Wael Afana. Photo: Voix d’Exils.

Les fruits suaves et les fruits amers de l’exil



Un jour, je me suis dit : « Je veux aller en Suisse, vers un pays qui puisse reconnaître mes qualifications ». Aussitôt, une autre partie de moi-même a réagi : « Quelle folie de vouloir t’en aller ! Dans ton pays bon et tolérant, un âne peut rester caché et espérer déjeuner. Mais là-bas, tu seras découvert en moins d’un quart d’heure ! Ecoute mon conseil et reste ici ! »

Mon expérience de l’immigration n’est pas aussi dramatique que tant d’histoires lues sur Internet ou entendues dans le centre pour réfugiés où j’ai séjourné. Je suis arrivé légalement en Suisse, par avion, et n’ai pas connu les conditions très dures que d’autres ont traversées, risquant la mort par noyade ou l’épuisement dans les forêts à suivre leurs passeurs.

Mon exil a commencé au moment où j’ai quitté ma famille et ma maison pour un endroit inconnu. Des obsessions ont commencé à surgir. Serai-je capable de réorganiser ma vie ? J’éprouvais les symptômes de l’exil, qui se manifestaient par la peur, la tension et l’agitation.

Je savais que ma capacité d’adaptation dépendait de ma facilité à absorber et à surmonter la crise de la séparation ; je devais construire ma renaissance.

Si tout se passait normalement, ma vie devait changer et évoluer : j’allais rencontrer de nouveaux amis et me familiariser avec les sites, les lieux, les langues, les coutumes, le climat et peut-être une nouvelle profession et un nouveau statut socio-économique. Tout ce que je craignais, à la suite de ma décision, c’était de renforcer des sentiments de culpabilité et de dépression.

La vie dans un centre pour requérants d’asile

J’ai été transféré dans un centre pour requérants d’asile dans une ville éloignée avec un grand nombre d’immigrants de différents pays, langues et cultures. J’ai essayé de m’adapter et j’ai même aimé rencontrer des personnes de tant d’horizons différents. La langue n’était pas un obstacle pour moi en raison de ma maîtrise de l’anglais. J’ai appris bien des choses durant ce séjour et j’ai effectué des travaux bénévoles au service de mes collègues immigrants.

Mon arrivée au camp a coïncidé avec l’avènement du mois sacré du Ramadan, avec ses rites religieux, le rassemblement de la famille et la préparation des plats les plus délicieux. J’ai souffert émotionnellement et psychologiquement d’être éloigné de ma famille pendant ce mois sacré. La séparation est comme la mort, surtout dans les circonstances liées à l’émigration. Elle est le plus souvent définitive.

Que pensent les Suisses ?

Parfois, je me demande comment les Suissesses et les Suisses nous voient. Eux aussi doivent être touchés par notre arrivée. La présence d’étrangers contribuera-t-elle à changer la structure et le tissu de la société ? Je pense que la société d’accueil ressent, à différents niveaux, une sorte de menace envers sa civilisation et son identité culturelle, la pureté de sa langue, sa foi religieuse, et son identité collective en général. En témoigne la réaction de certaines droites européennes envers les immigrés.

D’un autre côté, il existe une autre tendance qui a une vision différente de l’immigration et qui est plus ouverte. Elle voit dans les immigrés une richesse culturelle et une diversité sociale qui valorisent le pluralisme, l’ouverture et le brassage des cultures.

Trop âgé pour s’intégrer ?

Généralement, les personnes plus âgées ne souhaitent pas émigrer ou faire des changements abrupts dans leur vie ; cela leur coûte trop de quitter leurs proches et les choses auxquelles elles tiennent, qui sont pour elles une source de sécurité et de réconfort. Si elles émigrent malgré tout, c’est pour des raisons impérieuses.

L’immigré perd sa langue maternelle et s’éloigne ainsi de toutes ses expériences passées ; son enfance et ses souvenirs se perdent. Il doit se mettre à apprendre le plus rapidement possible la langue du pays d’accueil.

Franchir cette étape à mon âge (55 ans) fut particulièrement difficile. Malgré mes tentatives, je n’ai pas eu l’opportunité de bénéficier de cours intensifs de langue dans une école.

Je sais que je dois découvrir mes outils et m’explorer comme un enfant. Je suis obligé de répéter les expériences et lutter pour me protéger ; je dois aussi conserver les choses précieuses qui me restent de ma patrie.

Pour conclure, ma migration peut être vue comme un état de remise en question et d’expérimentation de mes qualifications pour savoir jusqu’où je peux aller dans cette aventure, car elle contribue à élargir les choix mentaux et les expériences psychologiques.

Wael Afana

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




« Dans le quotidien d’un requérant d’asile »

« Dans le quotidien d’un requérant d’asile », un film documentaire réalisé par Arash Nurani, Suisse, 2020.

Un film de Arash Nurani à découvrir en première mondiale sur Voix d’Exils aujourd’hui!

Il était annoncé en novembre et le voici enfin! Nous avons l’immense plaisir de vous présenter en première mondiale sur Voix d’Exils: « Dans le quotidien d’un requérant d’asile », un film documentaire réalisé par Arash Nurani (alias Damon) et produit par Voix d’Exils.

Damon s’intéresse depuis plusieurs années à la vie quotidienne des personnes en procédure d’asile du canton de Vaud (en Suisse) où il réside. Il décide alors de réaliser son premier film documentaire sur ce sujet, un projet qu’il mène dans le cadre de sa participation à Voix d’Exils. Fin 2019, le projet se concrétise lorsqu’il rencontre Farid Darabi, un requérant d’asile originaire d’Iran comme lui. Un ami commun les présente l’un à l’autre car ils partagent une passion commune pour la musique. Durant quatre mois, entre janvier et avril 2020, Damon partage avec lui son quotidien et réalise son film à partir de cette expérience.

« Ce film parle du quotidien de Farid, un requérant d’asile qui réside dans le Canton de Vaud et aborde les thèmes de la liberté et de l’espoir » Arash Nurani (alias Damon) réalisateur du film.

Le film est d’une durée de 18 minutes et les échanges sont en farsi. Pour activer les sous-titres français ou anglais, merci de suivre les 4 étapes qui se trouvent sous la fenêtre dans laquelle apparaît le film.

Dans le quotidien d’un requérant d’asile, un film documentaire de Arash Nurani (alias Damon), Suisse, 2020.

4 clics pour visionner le film

Étape 1

Suivant votre navigateur, il se peut que l’icône soit différente et se présente ainsi:

Étapes 2 et 3

Étape 4

Un film à diffuser largement

Compte tenu de la situation sanitaire, il n’était pas envisageable d’organiser des projections publiques pour la sortie du film. Du fait qu’il est produit sous licence libre creative commons, à l’instar de tous les contenus de Voix d’Exils, vous pouvez soutenir ce projet en le diffusant largement à travers vos réseaux sociaux.

N’hésitez pas à partager avec nous vos impressions en déposant un commentaire à la fin de cet article.

Bon visionnage!

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« J’étais toujours sur internet pour apprendre le français durant le confinement »

Dellagha Nazekmir. Photo: Naz Noori / Voix d’Exils.

 

 

Vivre le confinement seul

Le confinement a provoqué un changement brusque de notre mode de vie et nous a conduit à nous retrouver en famille, en couple, entre colocataires ou encore seul(e). Rencontre avec Dellagha Nazekmir, jeune homme âgé de 25 ans originaire d’Afghanistan. Il vit en Suisse depuis sept ans et travaille dans la construction de routes. Il a été contraint d’arrêter son travail durant un mois et s’est retrouvé isolé durant le confinement.

Un podcast produit par Voix d’Exils. Un grand merci à Rachel Berry du Pôle Orientation-Emploi de l’EVAM qui nous a permis de rencontrer Dellagha Nazekmir

Naz Noori

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 




Expérience innovante dans une classe de français EVAM

Photo prise lors d’un conseil de classe – Les élèves avec, au premier rang à gauche, Ricardo, enseignant. Au deuxième rang, deuxième depuis la gauche, Simona, éducatrice, et deuxième depuis la droite, Ana, enseignante. Auteur: Hajar / Voix d’Exils.

Paroles de prof. : « Grâce à la pédagogie coopérative, les élèves participent démocratiquement aux prises de décision »

Le Centre de formation de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) n’hésite pas à sortir des chemins battus. Pour permettre aux élèves de participer activement à leur propre formation, l’enseignant Ricardo Da Silva et l’éducatrice Simona Lungu ont mis en place un conseil de classe au fonctionnement démocratique. Dans cet espace de libre parole, les élèves sont à égalité avec leurs enseignants pour exprimer leurs besoins, faire des propositions, apprendre à négocier et voter si nécessaire.

Voix d’Exils est retourné sur les bancs d’école pour rencontrer les différents protagonistes.

Voix d’Exils : Pourriez-vous nous expliquer ce qu’est un conseil de classe ?

Ricardo Da Silva : C’est un lieu d’échanges qui réunit sur un plan égalitaire, les élèves, les enseignants et les éducateurs. Une fois par semaine, dans une salle de cours, nous déplaçons les tables et créons un cercle de parole. Le fonctionnement du conseil de classe est cadré par quelques règles de base : le respect mutuel, les tours de parole, l’écoute sans interruption. Assis en cercle, nous décidons au début de chaque conseil qui prendra le rôle de président et qui prendra celui de secrétaire et rédigera le procès verbal. Ces deux personnes ont des pouvoirs spéciaux comme celui de distribuer équitablement la parole, de gérer le déroulement et de prendre note des décisions dans le cahier de classe. Lors des 45 minutes que dure le conseil, nous suivons une forme de rituel avec quelques étapes fixes : ouverture du conseil, météo individuelle et collective (chacun exprime comment il se sent, son état d’esprit), consultation de la boîte aux lettres et prise de connaissance des billets qui s’y trouvent, discussion, votes et clôture du conseil.

Pourquoi avoir pris cette initiative ?

C’est parti d’un problème de cohérence de cadre entre les différents intervenants dans ma classe. Les élèves, de niveau avancé, ont beaucoup de cours et de modules à suivre en plus des cours de français. Quand j’ai commencé la session, en août 2019, j’étais professeur principal et à partir de début octobre, j’ai partagé la classe avec ma collègue Ana Baeriswyl. En plus, pour des questions de formation continue, j’ai dû m’absenter et mes divers remplaçants ont fait état de difficultés à « tenir la classe ». La multiplication des intervenants posait problème aux élèves qui avaient du mal à s’adapter. C’est à ce moment précis que ma responsable, Laurie Durussel, m’a demandé de trouver une solution en nous laissant libres de choisir les moyens adéquats pour y parvenir. Voilà comment le conseil de classe a vu le jour en octobre 2019.

Ricardo exhibe fièrement un document coécrit par tous les membres du conseil de classe. Auteur: Hajar / Voix d’Exils.

 Quelle est votre source d’inspiration ?

Principalement les pédagogues français Célestin Freinet et Fernand Oury. Le premier a commencé à développer de nouvelles formes de pédagogies au sortir de la première guerre mondiale. Son approche dite de pédagogies coopératives considère la classe comme une microsociété. Dans une démocratie, une classe doit pouvoir fonctionner aussi de manière démocratique. Freinet, comme d’autres pédagogues de son époque, se pose de manière originale les questions de l’autorité, la critique des rapports de pouvoir dans la classe, l’auto-formation et l’apprentissage en autonomie, la collaboration, l’approche pratique en ateliers d’expérimentation, l’importation participative de sciences et de techniques, les classes découvertes, le jeu et la créativité, le développement de l’esprit critique et l’éducation à la citoyenneté démocratique. Dans le cadre de notre travail – tant éducatif que pédagogique – cet horizon nous semblait en adéquation avec les buts que nous poursuivons : l’intégration par le dialogue interculturel, la tolérance, l’explicitation des attentes, des besoins et des valeurs de chacun.ne et la négociation d’un être-ensemble pour la mise en activité du groupe autour d’un projet fédérateur.

Dans une classe « standard », c’est le professeur qui prend les décisions. Le pouvoir donné au conseil de classe ne change-t-il pas la donne ?

Oui, effectivement, mais cela va dans le sens d’une responsabilisation des élèves. Je vous donne un exemple : un jour, nous avons fait passer un test surprise aux élèves. Peu après, il y a eu un conseil de classe et les élèves ont manifesté leur mécontentement. Les discussions ont donné lieu à une règle qui a été votée et selon laquelle les professeurs devaient avertir les élèves avant de leur faire passer un test. Le délai d’annonce avant le passage d’un test a été décidé après une négociation parce qu’il y avait plusieurs propositions de délai. Finalement, nous nous sommes mis d’accord sur deux jours. Après ce conseil de classe, il n’y a plus eu de tests non annoncés et plus de tensions à ce sujet.

Quel a été l’objet de votre première discussion lors du premier conseil de classe ?

Nous avons établi la liste des règles à respecter pour le bon fonctionnement de la classe. Le premier sujet traité a été celui du téléphone portable parce que beaucoup d’élèves oubliaient d’éteindre leur téléphone ou d’enlever le son. Normalement, les règles de l’EVAM interdisent l’usage du téléphone en classe. Lors de notre première séance, les élèves ont expliqué que le téléphone leur servait aussi pour chercher la traduction des mots qu’ils ne comprennent pas. De plus, certains élèves, qui ont des enfants en bas âge, peuvent recevoir un appel de la garderie quand il y a un problème. D’où le besoin exprimé de pouvoir garder son mobile pour répondre à un coup de fil important ou urgent. Donc, il a été décidé à l’unanimité que tous les élèves peuvent garder leur téléphone en classe, mais ils doivent demander à leur prof avant de pouvoir l’utiliser. Nous avons aussi convenu de quelques règles de base comme le respect du droit à l’image, les échanges d’informations digitales dans le groupe classe et avons aussi pu évoquer des règles de déontologie numérique pour le groupe.

Après discussion, élèves et enseignant.e.s votent dans une ambiance détendue. Auteur: Hajar / Voix d’Exils.

Comment fonctionne le vote ?

Les élèves ont à leur disposition des billets sur lesquels ils peuvent écrire des propositions, des critiques ou des remerciements, puis ensuite les glisser dans une boîte à lettres prévue à cet effet. Au début de chaque séance du conseil, on regarde ce qu’il y a dans la boîte, puis on parle des points écrits sur les billets. Par exemple, plusieurs participants avaient évoqué le problème du bruit dans la classe qui les empêchait de se concentrer. Après discussion, il est ressorti que ce problème ne s’appliquait que dans certains cas et nous avons pu discuter de ce qui nous importait, dégager un consensus là où il pouvait y en avoir un et formuler différentes propositions pour régler ou du moins réduire le problème. Les propositions ont été soumises au vote en trois catégories : pour, contre et abstention. Certaines propositions ont été refusées, mais celles qui ont été acceptées à la majorité ont été inscrites dans le règlement de classe.

Quel rôle joue le conseil de classe dans l’apprentissage du français ?

Pour qu’un conseil de classe fonctionne bien, il faut idéalement que les élèves aient un niveau de langue B1 pour pouvoir argumenter et défendre leur point de vue. Comme nous avons pu le constater, un conseil de classe peut avoir un effet stimulant sur une classe de niveau A2 déjà, et cela malgré les difficultés linguistiques. De plus, le conseil de classe peut aussi servir à identifier les besoins des participants, à définir ensemble les objectifs d’apprentissage, à discuter et réguler le déploiement de la prestation au fur et à mesure de la session et éventuellement à négocier une adaptation.

Qu’apporte l’expérience du conseil de classe aux enseignants ?

Nous obtenons davantage d’adhésion de la part des élèves en les associant aux décisions prises lors des conseils de classe. Dans ce cadre, les petits problèmes du quotidien tels que: bruits, téléphones, savoir-être en groupe, besoins pédagogiques particuliers, surcharge de cours, difficultés des apprenants à s’adapter à différents styles pédagogiques, peuvent être discutés en commun afin d’éviter l’accumulation de frustrations qui pourrait conduire à de plus grands problèmes. Ce partage permet aussi de désamorcer les éventuels conflits entre élèves et de neutraliser les triangulations. De plus, du point de vue de l’efficacité professionnelle, c’est gratifiant de pouvoir observer un tel investissement des élèves et de constater l’accélération des apprentissages.

L’un des objectifs de l’EVAM c’est l’autonomie des bénéficiaires. Votre expérience de pédagogie coopérative va dans ce sens, me semble-t-il…

Oui, bien sûr ! D’ailleurs plusieurs collègues qui avaient entendu parler de notre conseil de classe ont décidé de l’introduire dans leurs propres groupes. D’autres conseils de classe auraient dû démarrer en mars 2020, mais le début du confinement dû au COVID-19 nous a obligés à temporiser cet élan. Forts de notre expérience, nous sommes à disposition pour partager nos outils et conseiller tous les collègues qui souhaiteraient se lancer dans l’expérience.

Paroles d’élève : « Je peux voter librement pour la première fois de ma vie ! »

Lors des conseils de classe, on écoute les autres intervenant.e.s sans les interrompre et en respectant leur point de vue.

Les élèves ont accepté de partager leur expérience de pédagogie participative et d’expliquer en quoi elle leur permet d’avancer.

Voix d’Exils : en quoi le conseil de classe est-il important pour vous ?

« Je viens d’un pays dans lequel je n’ai jamais pu voter une loi. Ce conseil n’est pas très grand, mais il me donne l’occasion de m’exprimer, de pouvoir faire des choix et de voter librement pour la première fois de ma vie. »

« Le conseil de classe nous apprend le savoir vivre ensemble, par exemple à écouter son interlocuteur sans l’interrompre et à construire un dialogue avec lui.»

« Grâce à cette expérience, on apprend beaucoup sur la culture suisse, la santé, la citoyenneté et aussi à pratiquer la lecture et l’écriture. »

« Ça donne beaucoup d’expérience, de la confiance en soi, on apprend à se présenter. »

« Grâce au conseil de classe, on a la possibilité de parler des problèmes qu’on rencontre dans les différentes classes. (Certains élèves ont des cours de mathématiques, de correspondance, de santé, d’autonomie numérique, des ateliers emploi, des ateliers à choix entre phonétique, jeux de rôles et écriture créative le mercredi après-midi, ndlr). »

« Ce conseil de classe est une plus-value ! »

Est-il facile ou difficile de prendre une décision tous ensemble ?

« Franchement, ce n’est pas facile parce qu’on doit beaucoup réfléchir et on n’est pas toujours d’accord sur la décision à prendre concernant un même sujet. »

Propos recueillis par:

Mamadi Diallo

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 




« L’apprentissage de la langue locale est la clé de l’intégration »

Une classe de français à Ste-Croix. Photo: Oumalkaire / Voix d’Exils

Premiers pas vers l’autonomie financière et sociale

La Suisse, au même titre que les pays d’Europe qui accueillent des demandeurs d’asile, leur propose des cours de langue. Apprendre la langue du lieu c’est, pour les migrants, le premier pas d’un processus d’intégration qui comprend également la découverte d’une culture différente de celle de leur pays d’origine. Pour en savoir plus sur cet apprentissage, Voix d’Exils a interviewé Monsieur Hedy Ben Naceur, professeur de français à l’EVAM (Établissement vaudois d’accueil des migrants).

Voix d’Exils : Depuis combien de temps enseignez-vous le français à l’EVAM ?

Hedy Ben Naceur : Je travaille à l’EVAM depuis une quinzaine d’années.

Avez-vous du plaisir à enseigner la langue française à des personnes étrangères ?

Oui c’est très intéressant de faire de l’enseignement dans le cadre de l’EVAM parce que j’aide les personnes migrantes à apprendre la langue locale et me sens utile aussi.

La facilité ou la difficulté à apprendre le français sont-elles en lien avec la culture d’origine des apprenants ?

Je ne pense pas qu’il y ait un lien culturel. Tout le monde est capable d’apprendre. Par contre, le parcours de chacun, son état de santé, son âge, la détresse que vivent certains, peuvent être des facteurs de ralentissement de l’apprentissage.

Quelles méthodes utilisez-vous pour enseigner le français ?

La méthode suivie par l’EVAM est l’approche actionnelle. C’est une méthode qui est basée sur la mise en situation des apprenants.

Comment se déroulent les premiers cours de français donnés aux tout débutants ?

On enseigne d’une manière gestuelle avec des images. On leur apprend tout d’abord à se présenter, puis on étoffe progressivement la complexité des exercices.

Pourquoi l’apprentissage du français est-il prioritaire dans l’Agenda Intégration de la politique de l’asile ?

L’apprentissage de la langue est la clé de l’intégration parce que la langue permet de communiquer avec les autres. Parler la langue locale permet aussi de faire un apprentissage, d’apprendre un métier, puis de travailler, de gagner sa vie, d’avoir un salaire. Au bout du compte, parler la langue permet de devenir autonome pas seulement au niveau financier mais aussi socialement.

Quelles sont les conséquences pour les migrants qui n’apprennent pas la langue du lieu où ils habitent ?

Ceux qui n’apprennent pas la langue du pays d’accueil dépendront toujours de l’aide des autres et n’auront donc pas d’autonomie. Ils risquent l’isolement et leur intégration sera difficile.

Propos recueillis par :

Oumalkaire
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils