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Ma belle vue

Photo de Sameer Srivastava sur Unsplash.com.

L’espace « Belle vue » du centre fédéral pour requérants d’Asile (CFA) de Giffers n’est pas uniquement un balcon d’où l’on peut contempler le paysage, depuis ce bâtiment géographiquement éloigné de tout, c’est également un carrefour d’aventures et de regards croisés. Je raconte mon passage par cet endroit et je partage mon intention actuelle de m’approprier, sans permis, la magnifique vue du foyer de St-Gingolph, en Valais, où je vis désormais.

« Belle Vue », c’est un lieu de rencontres éphémères mais avec des récits de toute une vie. C’est un endroit sympa, le seul endroit ouvert du CFA Giffers où, lorsqu’on en ressort, on ne subit pas de fouille par la sécurité.

La fameuse Belle Vue est l’espace fumeur, clôturé de fils barbelé pour éviter d’éventuelles chutes suicidaires. Car certaines histoires racontées ici donnent le vertige.

Comment tu t’appelles?

Je m’appelle Mireille

Tu viens d’où?

De la Côte d’Ivoire.

Mais quand les camarades de Belle Vue te demandent d’où tu viens, ils veulent connaître ton pays d’origine. 

Vous me demanderez peut-être pourquoi je ne leur ai pas révélé le mien.

Quand je suis arrivée au CFA de Boudry, des informations sur le tableau d’affichage ont attiré mon attention. Parmi elles, un communiqué proposait une aide au retour aux ressortissant.e.s du Burundi. J’ai trouvé ce communiqué étrange. Je me suis demandée pourquoi un seul pays pouvait être ciblé alors que le centre accueille des hommes et des femmes de très nombreuses nationalités : l’Ukraine, la Turquie, ­la Tunisie, la Tchétchénie, le Maroc, la Jordanie, l’Iran, le Congo, le Cameroun, l’Ethiopie, l’Afghanistan, etc. 

Répondre que je viens de la Côte d’Ivoire, c’était pour éviter d’être un objet de curiosité. Je n’ai pas non plus inventé ce pays; j’ai décollé directement d’Abidjan et je résidais là-bas depuis six ans.

Revenons à notre Belle vue du CFA de Giffers. 

Idrissa, originaire de Guinée, me raconte qu’il vient de passer 18 ans en Europe. Je l’écoute avec toute l’attention d’une apprentie.

Pourquoi es-tu ici alors? Ici au centre je veux dire? Lui demandais-je, avec mes yeux étonnés.

Je cherche un permis, je n’ai pas pu en avoir un dans tous les pays où je suis passé.

Ah, tu penses que tu auras quelque chose ici?

En fait, avant d’aller en Allemagne puis en Espagne, j’avais d’abord eu un refus ici, en Suisse, explique Idrissa avec une voix épuisée.

Sans me rendre compte de la gravité de la situation je lui lance : Ah quel courage! 

18 ans c’est rien, s’indigne Rachid, un camarade Tunisien assis sur une table à côté.

A Belle vue, il n’y a pas vraiment de secrets. Tout le monde écoute tout le monde. Là-bas, il y a des experts en matière d’asile. Évitez surtout de suivre leurs conseils. 

Moi je viens de faire 32 ans, poursuit Rachid en tirant sa chaise pour se joindre à nous. C’est une longue histoire ; 12 ans en Belgique, 10 ans en France et 14 en Allemagne et aucun permis.

Je pense qu’il s’est trompé soit sur le total, soit sur le nombre d’années qu’il a passé dans chaque pays.

A Belle Vue, même les mensonges sont permis et certaines histoires peuvent gâcher la vue et l’espoir.

D’habitude, j’aime poser beaucoup de questions pour mieux comprendre le pourquoi du comment. Là, curieusement, je m’abstiens.

Cette fois-ci, ça ira, soyons tous courageux! leur dis-je avec un sourire de soutien. 

A vrai dire, je m’adressais plus à moi-même qu’à eux. Car je me demandais si j’allais pouvoir tenir longtemps dans cet environnement.

Tournant mon regard, je vois Samia, une camarade géorgienne, le visage froissé, les larmes aux yeux… Une de ses compatriotes la prend dans ses bras. Je comprends tout de suite ce qui vient de lui arriver : sa demande d’asile a été refusée. Je vais vers elle pour la réconforter à mon tour.

A Belle Vue, il y a également des bonnes nouvelles. Derrière Samia, je vois Lulu, une autre camarade Erythréenne, un grand sourire aux lèvres, criant qu’elle vient d’obtenir le statut de réfugiée. Et là, j’hésite: Par quoi commencer? Par les félicitations ou par les consolations?

Je juge bon de commencer par ces dernières. Cela dans le but de ne pas mélanger les sujets.

Fort heureusement, en face de Belle Vue, à l’intérieur, il y a une salle de jeu.

C’était mon espace préféré. Le tennis de table était mon échappatoire. Je devenais un peu championne, avec un autre angle de vue. J’oubliais carrément que j’étais à l’intérieur d’un bâtiment hautement surveillé. 

La durée maximale de séjour au CFA Giffers est fixée à 140 jours. J’en étais à mon 132ème, quand on m’a annoncé que j’allais être transférée le lendemain. Je n’avais toujours aucune réponse par rapport à mon dossier. J’étais inquiète.

Quand j’ai su que ma prochaine affectation était quelque part dans le canton du Valais, mes camarades connaisseurs de Belle Vue m’ont cité tous les noms des foyers de ce canton, sauf celui de St-Gingolph, où je me trouve aujourd’hui. 

Je me suis quand même interrogée sur certaines choses. Si, par exemple, ma prochaine demeure ne serait pas située dans un endroit éloigné de tout, ou si sa clôture ne serait pas en barbelés… Qu’en sera-t-il de la liberté là-bas? Sera-t-elle régulée avec des horaires prédéfinis et des fouilles à chaque entrée?

Pour ne pas sombrer dans le désespoir, j’ai dû m’inventer une histoire : je vais désormais être une grande exploratrice. Je pars à l’aventure, vers l’inconnu, dans un endroit différent de celui que j’ai connu. Cette sortie allait me permettre de m’échapper et de casser la routine du CFA de Giffers. J’ai pris ma résolution: « effectuer un bon et heureux voyage, peu importe le trajet ».

Quelle belle vue ! C’est le cri qui m’a échappé en descendant de la voiture qui m’a amenée à mon nouveau foyer, à St-Gingolph. Réaliser que j’allais habiter, pour une durée indéterminée, au bord du lac Léman a été une bonne nouvelle pour moi.  

J’ai été agréablement surprise par l’accueil : les responsables du foyer m’ont aidé à porter mes bagages, non pas pour aller les fouiller mais pour les déposer gentiment dans ma nouvelle chambre. 

Avant de franchir les portes du foyer de St-Gingolph, j’ai déclaré : « Rien de rien ne me gâchera cette belle vue ».

Mais croyez-moi, il y aura toujours quelqu’un ou quelque chose avec la mission de bousiller votre magnifique panorama.

Cet endroit me plaît beaucoup, affirmais-je devant mes nouveaux camarades.

« La plupart de celles et ceux qui viennent ici sont contents », me fait savoir Ladji avec un sourire accueillant. 

Il me révèle qu’il y en a également qui ne rêvent que de quitter cet endroit. Surtout celles et ceux qui ont déjà obtenu leur permis depuis un bon moment. 

« Ici, parfois c’est compliqué », me chuchote-t-il à l’oreille.

Une autre camarade s’approche.

Je m’appelle Anny, bienvenue! Moi, quand je suis arrivée ici, je pleurais matin et soir, me confie-t-elle.

Je ne voulais pas me laisser contaminer par cette évidente incertitude du lendemain. J’avais une résolution à honorer: « un bon et heureux voyage, c’est tout ». Je lui demande alors sévèrement : Comment ça tu pleurais

Je trouvais cet endroit tellement loin de tout, répond Anny.

Loin? Loin par rapport à quoi? De toute façon, je suis déjà très loin. Et ce n’est pas seulement la distance terrestre qui rend le voyage long et lointain, mais également le temps qui s’écoule. Et le temps sera encore très long même après l’obtention du permis et de toutes ces autres choses dont on a toujours besoin. 

L’écrivain suisse Denis de Rougemont a dit dans « Journal d’un intellectuel en chômage » que « Posséder ce n’est pas avoir. Ce n’est pas même l’usage éventuel de quelque chose.  Mais c’est user en fait de cette chose-là. C’est donc un acte, et pas du tout un droit. Et ce n’est pas une sécurité, ni rien qui dure au-delà du temps qu’on en jouit. »

Ainsi, la plage et le beau paysage de St-Gingolph seront miens pendant que le temps s’envole. Chaque jour, je choisirai le meilleur angle de vue et j’en profiterai sans modération.

Mireille Niyonsaba

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 




Les femmes en Suisse sont en grève le 14 juin

Senawbar, originaire d’Afghanistan. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Zoom : six migrantes vivant en Suisse témoignent de la condition des femmes dans leur pays d’origine

En cette journée du 14 juin 2019, LA journée tant attendue par les femmes en Suisse, les rédactrices de Voix d’Exils se sont intéressées aux migrantes inscrites dans des programmes d’activité proposés par l’EVAM (Établissement vaudois d’accueil des migrants). Elles leur ont demandé quelle est la situation des femmes dans leur pays d’origine : ce qui leur est accessible en matière de scolarité, de vie familiale et professionnelle, d’héritage, de soutien social, de latitude à s’organiser en associations pour revendiquer leurs droits…

Six d’entre elles: Wafa, Merveille, Senawbar, Diana, Gladys et Oumalkaire ont accepté de témoigner.

 

Wafa, Yéménite

Wafa, originaire du Yemen. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Yemen. Source: Wikipedia

« Avec la guerre qui ravage le pays depuis 2014, les femmes tentent de faire face à la situation d’urgence. Elles voient leurs pères, frères, maris et fils partir au front, certains pour ne jamais revenir. Tandis qu’un embargo frappe le Yémen et le paralyse – il dépend à 90% des importations – les enfants meurent de faim ou de maladies bénignes tandis que les femmes décèdent en nombre affligeant sur les tables d’accouchement.

Dans ce contexte, les Yéménites ont commencé à dire NON au système patriarcal et à participer à la vie politique. Exposées et rendues vulnérables par la violence ambiante, beaucoup d’entre elles se sont mobilisées. Résultat : sur les 565 personnes appelées à rédiger la nouvelle constitution et à penser le nouveau Yémen voulu par le peuple, le quart sont des femmes.

Certes les choses changent, mais il reste du chemin avant que la société yéménite très conservatrice et très à cheval sur la loi islamique autorise les femmes à remplacer leurs pères, frères et maris dans la prise de décisions portant sur leur éducation (en particulier dans les milieux ruraux) ou sur le choix de leur époux, pour ne mentionner que ces exemples-là.

Actuellement, les préoccupations premières des femmes restent centrées sur les questions basiques de survie au quotidien en temps de guerre ; des questions tellement graves et aigües, que malgré leur bravoure, elles ne peuvent se disperser dans d’autres revendications. »

 

Merveille, Congolaise

Merveille, originaire de RDC. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

RDC Congo. Source: Wikipédia

« En République démocratique du Congo (RDC), les femmes jouissent des mêmes droits fondamentaux que les hommes, tels que l’accès automatique à l’éducation à tous les niveaux, le droit à une succession équitable, le droit de voter et de se faire élire.

Cependant, la route vers l’égalité est encore longue. Par exemple, la majorité des Congolaises doivent obtenir l’autorisation de leur mari pour pouvoir travailler. Et quand elles reçoivent cette précieuse autorisation, ce n’est pas gagné pour autant. En raison du peu de confiance personnelle qu’elles ont développé depuis leur enfance, certaines préfèrent s’auto-écarter, laissant le chemin libre aux hommes pour occuper les postes à responsabilités.

Par ailleurs, les Congolaises se sentent libres de porter plainte – et le font souvent – en cas de harcèlement sexuel. Mais quand on les questionne sur le viol et les violences conjugales, elles se renferment et gardent le silence. Bien que des structures d’accompagnement existent et sont là pour les aider, la peur du jugement de la société est la plus forte.

Le même comportement de repli sur soi s’observe par rapport à l’homosexualité qui n’est pas du tout toléré et qui est même considéré comme une abomination. Par peur d’être rejetées, les femmes concernées n’osent pas faire leur « coming out ».

Fortement désapprouvé dans une société où les familles sont généralement nombreuses et les femmes mariées valorisées pour leur fécondité, l’avortement est peu répandu, illégal et se pratique par conséquent dans la clandestinité. »

 

Senawbar, Afghane

Senawbar, originaire d’Afghanistan. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Afghanistan. Source: Wikipédia.

« Malgré le recul général consécutif à l’arrivée des Talibans dans les années 90, les Afghanes participent depuis plusieurs décennies à la vie politique de leur pays. Elles sont représentées à 27,7% au Parlement et au Sénat et bénéficient d’un quota de 20% dans les conseils communaux.

Mais il ne faut pas se fier aux apparences, car ici encore l’égalité hommes-femmes reste à conquérir. Les conditions de vie, dictées par la politique et la loi musulmanes – qui se confondent -, ne sont pas favorables aux femmes. C’est le cas notamment pour le droit de succession. Certes, les Afghanes peuvent hériter, mais la part qui leur est réservée s’élève à 25% contre 75% pour leurs frères.

Considérées comme d’éternelles mineures, leur liberté de mouvement est, quant à elle, assujettie à l’autorisation soit de leur père ou de leur frère quand elles ne sont pas mariées, soit à l’autorisation de leur mari quand elles le sont.

Théoriquement, les Afghanes ont le droit d’étudier, de travailler et de s’organiser en associations, mais dans les régions où la loi islamique est dure, elles le font à leurs risques et périls. Sans compter que celles qui travaillent gagnent beaucoup moins que leurs collègues masculins et sont souvent menacées de mort. »

 

Diana, Syrienne

Diana, originaire de Syrie. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Syrie. Source: Wikipedia

« En Syrie, les femmes chrétiennes bénéficient de beaucoup plus de droits

que les femmes musulmanes. Elles sont libres de choisir notamment: de leurs choix, notamment leurs études, leur carrière, leur mari, etc.

Les chrétiennes participent à la vie politique, économique et administrative du pays, et bénéficient de l’autonomie de gestion de leur patrimoine. Cependant, beaucoup d’entre elles sont dans une vision traditionnelle de la femme et préfèrent s’occuper de leur mari et des enfants.

En cas d’abus sexuels, elles ont le droit de porter plainte et sont encouragées à le faire. Mais, en raison du poids de « la réputation » sur la vie sociale, les femmes renoncent à dénoncer leur agresseur.

En général, les femmes syriennes ont une bonne opinion d’elles-mêmes et sont admirées et respectées par leur entourage. Catholiques et musulmanes partagent des règles communes : la virginité avant le mariage, l’interdiction de l’avortement, etc.

Celles qui ont dû s’exiler suite à la guerre souffrent d’être loin de chez elles, mais découvrent avec intérêt la liberté de pouvoir travailler comme les hommes le jour, et redevenir femmes et mères le soir ! »

 

Gladys, Ivoirienne

Côte d’Ivoire. Source: Wikipédia.

« En Côte d’Ivoire, les femmes ont le droit de voter depuis 1955. Tout n’est pas rose pour autant. Bien que la politique de l’État prône l’éducation pour tous, la scolarité des femmes reste mal vue dans les régions rurales, en raison de certaines coutumes locales  passéistes. Mais dans les régions urbaines, on constate des ouvertures en faveur d’une intégration des femmes dans la vie professionnelles.

En matière de travail et d’égalité de salaires, les Ivoiriennes ont trouvé en leurs maris leurs meilleurs avocats. En effet, les hommes qui ont besoin des revenus de leurs compagnes pour qu’elles contribuent financièrement au ménage, revendiquent et se battent avec elles pour leurs droits !

Alors que les femmes sont absentes des milieux masculins tels que l’armée et l’ingénierie, au cours de ces cinq dernières années, on a relevé des avancées dans d’autres domaines tels que la police et la gendarmerie qui se féminisent peu à peu.

Paradoxalement, les Ivoiriennes bénéficient de l’autonomie pour gérer leurs biens alors qu’elles n’ont pas de droits en matière de succession…

Concernant les violences faites aux femmes, la Côte d’Ivoire ne recense que peu de structures dédiées à l’accueil et à l’accompagnement des victimes. Malgré quelques avancées, la société ivoirienne reste très fermée sur des points tels que le respect des coutumes, les bonnes mœurs, l’importance de la famille, et préfère que le « linge sale se lave en famille ».

Des sujets comme l’homosexualité – qui peut entraîner la peine de mort – restent tabous. Une vision partagée aussi bien par la société que par l’Etat. »

 

Oumalkaire, Djiboutienne

Oumalkaire, originaire de Djibouti. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Djibouti. Source: Wikipédia.

« A 100% musulman, depuis son indépendance en 1977, Djibouti se montre plutôt favorable à l’octroi de droits aux femmes. Elles vont à l’école comme leurs camarades masculins, ont le droit de voter depuis belle lurette (acquis avant l’indépendance), et connaissent une certaine indépendance matérielle que leur prodigue leur droit au travail et à une rémunération équitable.

De même que les Ivoiriennes, les Djiboutiennes bénéficient de l’appui de leurs maris qui apprécient l’aide financière apportées par le travail féminin pour subvenir aux frais du ménage.

Malheureusement, le droit de succession n’est pas respecté et a besoin d’un bon coup de pouce. La femme n’a droit qu’à la moitié de ce que reçoit son frère.

Donc, les parts de deux femmes comptent pour celle d’un homme. Elles n’ont pas le droit de se plaindre contre une décision prise par un membre masculin de la famille ou de porter des revendications politiques.

Malgré les violences conjugales ou autres formes de violences commises à leur encontre, les femmes ne peuvent pas compter sur l’aide d’associations, car celles-ci sont quasiment inexistantes. »

Propos recueillis par :

Marie-Cécile Inarukundo

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Les Rencontres d’ici et d’ailleurs à Sion

Le défilé des communautés. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Le défilé des communautés. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Un 10ème anniversaire très festif

Cela fait 10 ans que les Rencontres d’ici et d’ailleurs (REDIDA) favorisent la bonne entente interculturelle dans la ville de Sion, où 120 nationalités cohabitent paisiblement. Une décennie, cela se fête !  

Au terme d’une semaine culturelle du 20 au 27 août, le week-end a fait place à de nombreuses animations. Le vendredi soir, la place du Scex à Sion était noire de monde, certes avec plus de gens d’ailleurs que d’ici : une vraie mosaïque humaine composée d’Asiatiques, d’Occidentaux, d’Africains, de Latino-américains. Tous les âges étaient représentés. Les gens se pressaient pour voir le défilé des communautés en costumes traditionnels, apprécier la danse, la musique et aussi déguster les cuisines du monde. Les enfants, de leur côté, avaient accès à un espace de loisirs et à un jardin de rencontre avec des conteurs.

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils a pu rencontrer les organisateurs, Monsieur Jean-Pascal Fournier, Président de REDIDA et Madame Christel Jost Sawadogo, déléguée à l’intégration de la Ville de Sion et coordinatrice des événements organisés par REDIDA. Elle a aussi approché quelques communautés participantes pour leur demander quel sens elles donnaient à cette fête.

Un langage universel

Dans son discours d’ouverture, Jean-Pascal Fournier a souligné que tous ces ingrédients de la fête avaient un langage universel. Il a souligné que la manifestation était vivante et que le côté novateur de l’édition 2016 se remarquait à travers le défilé et la présentation des communautés étrangères dans leurs habits traditionnels.

En expliquant les objectifs de REDIDA, Christel Jost Sawadogo a, quant à elle, insisté sur l’importance de « la sensibilisation de la population aux questions de rencontre, de diversité culturelle et du vivre ensemble ». A travers la participation d’une trentaine de communautés étrangères aux côtés des Suisses avec leur légendaire raclette, il y a lieu de se dire que le fruit est palpable.

Pour perpétuer son festival culinaire, REDIDA a mis à disposition de chaque communauté deux tentes pour « leur permettre […] d’échanger et de discuter avec le public», comme l’a souligné Christel Jost Sawadogo. Et Jean-Pascal Fournier de poursuivre : « si vous voulez réunir les gens, […] la cuisine est une porte d’entrée, […] un bon moyen de rentrer en contact avec eux ».

Un régal

La fête a été un régal, non seulement pour le palais, mais aussi pour les yeux, le nez, les oreilles, bref, l’humain avec ses cinq sens était convié. Dans une ambiance chaleureuse, Valaisans et étrangers ont pu trouver ce qui les rassemble et amène leurs cœurs à communier.

Pour le président et la coordinatrice des REDIDA, le bilan est positif malgré la mauvaise surprise faite par la pluie le samedi soir. L’échange, la discussion et le dialogue avec le public ont bel et bien eu lieu. La satisfaction est de mise également pour les communautés étrangères.

Que vive REDIDA!!!

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Christel Jost Sawadogo et Jean-Pascal Fournier.

Christel Jost Sawadogo et Jean-Pascal Fournier.

 

Angola. C’est leur première participation. « Cette fête permet aux gens de se connaître et de se rapprocher des autres communautés. Nos enfants en grandissant connaîtront ainsi d’autres cultures. ». Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Angola. C’est leur première participation. « Cette fête permet aux gens de se connaître et de se rapprocher des autres communautés. Nos enfants en grandissant connaîtront ainsi d’autres cultures. ». Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

 

Communauté tamoule originaire du nord du Sri-Lanka. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Communauté tamoule originaire du nord du Sri-Lanka. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

 

Thaïlande. Cette dame qui participe aux REDIDA pour la quatrième fois apprécie beaucoup et trouve qu’il y a une belle équipe organisatrice. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Thaïlande. Cette dame qui participe aux REDIDA pour la quatrième fois apprécie beaucoup et trouve qu’il y a une belle équipe organisatrice. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

 

Quelques spécialités d’ailleurs. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Quelques spécialités d’ailleurs. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

 

 




Une Miss Diaspora africaine élue en Suisse pour lutter contre l’excision

De gauche à droite:  2ème dauphine, Miss Diaspora africaine, 1ère dauphine

De gauche à droite: 2ème dauphine, Miss Diaspora africaine, 1ère dauphine. Photo: Voix d’Exils.

Le samedi 24 août a été la soirée de la beauté africaine à La Chaux-de-Fonds, dans le canton de Neuchâtel. En effet, dans le cadre de Neuchatoi 2013, un vaste programme d’activités culturelles et sportives organisé dans le but de permettre une meilleure connaissance et une meilleure compréhension entre Suisses et personnes issues de la migration, l’association ivoirienne «Loucha», qui lutte contre l’excision, a organisé la première édition de l’élection de Miss Diaspora africaine en Suisse.

Douze candidates originaires de sept pays africains (Tchad, Cameroun, Mali, République Démocratique du Congo, Guinée, Côte d’Ivoire et Nigeria) ont participé à ce concours de beauté et l’élue est la Congolaise Vanessa Katambayi, une assistante en soins de santé communautaire de 20 ans dont huit passés en Suisse. La 1ère dauphine et la 2ème dauphine sont la tchadienne Ketsia Manitha et la malienne-camerounaise Fatima Fadimatou Sow Linda.

Sensibiliser le public au problème de l’excision

Devant un parterre composé de spectateurs et spectatrices africains et suisses, qui ont rempli aux trois-quarts la grande salle de la Maison du peuple, le jury a désigné la Congolaise Vanessa Katambayi qui s’est distinguée de ses onze concurrentes par son expression orale, les tenues traditionnelles et modernes qu’elle a portées et la maîtrise de la danse traditionnelle congolaise, a précisé l’informaticien togolais Stephane Tora, président du jury. Les candidates ont défilé en tenue traditionnelle africaine, en maillot de bain et en tenue de soirée et ont exprimé leurs ambitions au cas où elles seraient élues. Émue, la Miss Diaspora africaine en Suisse n’a pas manqué d’exprimer ses sentiments : «Ça me fait plaisir d’avoir participé à ce concours. La lutte contre l’excision me touche et je voudrais soutenir les femmes dans ce combat. »

L’association «Loucha», qui signifie «lève-toi» en yacouba, une langue parlée en Côte d’Ivoire et au Liberia, existe depuis avril 2009. Sa présidente-fondatrice – Odile Parel – explique le motif de l’organisation d’un concours de beauté par la communauté africaine vivant en Suisse: «L’idée est de faire passer le message de la lutte contre l’excision en organisant ce concours».  «On n’a pas besoin d’être excisée pour lutter contre l’excision», soutient-elle. En plus de la couronne et d’autres avantages attachés à son sacre, la Miss africaine en Suisse aura droit notamment à un séjour d’une semaine en Côte d’Ivoire.

L’excision en Afrique

L’excision est une mutilation génitale féminine pratiquée couramment en Afrique et qui touche 125 millions de femmes à travers le monde selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). L’excision est illégale dans presque tous les pays du monde et des ONG luttent pour son abolition. «L’ONG Loucha lutte contre l’excision parce que j’ai été moi-même excisée à l’âge de 9 ans. Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, 42% de femmes sont excisées et continuent de l’être. La Miss Diaspora africaine élue en Suisse sera notre ambassadrice et rencontrera en décembre de cette année la première dame ivoirienne qui préside aussi une association qui s’occupe d’enfants et la Miss Côte d’Ivoire parce que je suis moi-même membre du comité d’élection de Miss Côte d’Ivoire. En tant qu’ambassadrice, la Miss élue en Suisse parlera de l’excision partout où elle sera, même là où elle administre des soins de santé», déclare Odile Parel.

Quid de l’excision en Suisse?

Selon l’UNICEF, l’excision est aussi pratiquée en Suisse et affectait, en 2008, 7000 fillettes et femmes. Depuis le 1er juillet 2012, l’interdiction explicite de l’excision est entrée en vigueur en Suisse. L’article 124 du code pénal suisse condamne «Celui qui aura mutilé des organes génitaux féminins, aura compromis gravement et durablement leur fonction naturelle ou leur aura porté toute autre atteinte sera puni d’une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins. Quiconque se trouve en Suisse et n’est pas extradé et commet la mutilation à l’étranger est punissable.»

Paul Kiesse

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




Edito. Fillon versus Copé : des relents de la crise ivoirienne à l’UMP ?

Fillon et Copé côte à côte. Photo: UMP (CC BY-NC-ND 2.0)

François Fillon et Jean-François Copé côte à côte (de gauche à droite). Photo: UMP (CC BY-NC-ND 2.0)

« On pourrait ironiser lourdement sur les invraisemblables irrégularités de ce scrutin, auprès de quoi le congrès socialiste de Reims semble être une partie de bridge entre gentlemen, et le duel Gbagbo-Ouattara une votation de canton suisse », écrit Alexis Brézet, rédacteur en chef du journal Le Figaro, dans son édito du 21 novembre passé. Un journal pourtant réputé être de droite. Comme quoi, l’UMP (l’Union pour un mouvement populaire) est devenue la risée du monde politique.

A l’instar de la crise ivoirienne de décembre 2010 à avril 2011, le parti de la droite française s’est retrouvé avec deux candidats qui se disputent la présidence depuis quatre semaines après les élections. Un parallèle qui intrigue. Voici donc deux des éminents anciens membres du gouvernement français qui avaient mis à pied d’œuvre l’armée française pour aller « pacifier » la Côte d’Ivoire – un pays souverain – au nom de la démocratie. Il y a à peine deux ans de cela. Un pays africain requerrait-il aussi une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU pour une intervention armée en France ? Certes, certains diront qu’il ne s’agit en rien d’une élection présidentielle, d’un État et, qu’à ce titre, tout parallèle serait scabreux… Pourtant, d’autres diront que, contrairement à Gbagbo, Fillon a préféré ne pas sacrifier tout le monde pour ses intérêts personnels… Et que le « problème » de l’élection de l’UMP est déjà réglé. Que Copé n’a jamais été au gouvernement sous Sarkozy.

Mais, nous conviendrons qu’il s’agit tout de même dans les deux cas de conflits post-électoraux. En Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo demandait un recomptage des voix. En France, François Fillon demande aussi un recomptage des voix. Le recomptage des voix fut refusé à Laurent Gbagbo. Le recomptage des voix fut également refusé à François Fillon.

Incroyable ironie du sort, car François Fillon était le Premier ministre français pendant le conflit post-électoral en Côte d’Ivoire! Avait-il qualité, en tant que chef du gouvernement français en 2011, de venir résoudre un conflit post-électoral en Côte d’Ivoire en faisant intervenir l’armée française? A présent que lui-même a du mal à accepter le résultat des urnes dans son propre pays : la France, la grande « donneuse de leçons » ? Quelles « leçons » doivent tirer les Ivoiriens en particulier et les Africains en général ? Où sont passés les discours sur la démocratie et tout le tralala au moment même où Fillon est en train de remettre aussi en doute la transparence de la Cocoe, la Commission de contrôle des opérations électorales de l’UMP ? Est-il vrai que la dictature est aussi l’art de faire appliquer aux autres des lois et pratiques qui ne doivent jamais s’appliquer à soi-même?

FBradley Roland,

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils