1

Réflexions sur la mort d’Akakyevich

Ni

Le monde a plus que jamais besoin de compassion et de sympathie et non de guerres! 

L’un des personnages les plus mémorables, créé par l’écrivain russe Nicolas Gogol (1809-1852) dans sa magnifique nouvelle« Le Manteau » (1843), est Akaky Akakievich. Un héros tragique dont la mort pathétique est un rappel constant de la triste fin de l’homme vulnérable dans un environnement dépourvu d’empathie humaine.

Le nouvelle raconte la courte vie d’un malheureux fonctionnaire de classe inférieure de Saint-Pétersbourg qui est poussé à la mort par un système bureaucratique et l’insensibilité des personnes qui l’entourent. Il met l’accent sur la question fondamentale de « la brutalité de l’homme à l’homme ».

Certains de mes plus chers souvenirs sont liés au « Manteau ». Le récit m’a impressionné d’abord en tant qu’adolescent. Plus tard, dans les années quatre-vingt, je l’ai enseigné en tant que professeur d’anglais aux filles du lycée dans ma ville d’origine Qamishli, en Syrie.

L’enseignement, en fait, n’était pas du tout un travail facile dans cette région rurale, négligée, du nord-est du pays, principalement peuplée de descendants de réfugiés traumatisés qui ont fui les atrocités en Turquie pendant et après la Première Guerre mondiale: comme les Syriaques, Arméniens, Kurdes, Assyriens, Chaldéens et bien sûr les Arabes.

Les écoles reflétaient très bien les divisions dans la communauté. L’ambiance était loin d’être amicale. Les étudiants se regroupaient dans les salles de classe en fonction de leurs fortes appartenances ethniques, tribales et religieuses. La communication entre eux était rare alors que les langues ethniques résonnaient régulièrement partout. Ajoutez à cela, que ni les étudiants ni leurs parents se souciaient vraiment de l’anglais comme matière scolaire.

En ce qui concerne les enseignants, ils ont d’abord dû passer l’épreuve longue et ardue des préjugés et des stéréotypes, avant de gagner la confiance des étudiants. Malheureusement, j’étais l’un de ces enseignants, étant un descendant d’une famille de réfugiés Arméniens.

Néanmoins, mon expérience dans l’enseignement du « Manteau » donnait des résultats complètement différents. À partir de la première lecture de l’histoire, (normalement, il fallait trois périodes de lecture, chacune d’une durée de 50 minutes qui s’étalaient sur deux semaines pour terminer une lecture) je remarquerais un changement notable dans le comportement de mes étudiants. Un intérêt inhabituel pour ce récit, ainsi qu’une profonde sympathie pour le pauvre fonctionnaire, remplaçait les bavardages quotidiens et l’apathie de la classe. Ils suivaient avec passion le déclin dramatique d’Akakievich, se faisant insulter et harceler par les uns et les autres. Curieusement, il semblait que la tragédie de notre héros rapprochait les différents groupes. La classe abandonnait progressivement ses divisions habituelles, et laissait place à plus d’intimité et de convivialité. Les échanges dans la langue arabe officielle devenaient fréquents parmi eux. Certaines filles commenceraient même à partager le même banc et à lire dans les mêmes livres scolaires, ce qui n’était pas le cas avant. C’était en fait la mort d’Akakievich qui les bouleversait profondément et qui faisait briller leurs yeux avec des larmes innocentes. C’était comme une catharsis pour eux.

Je me demandais toujours comment cette situation a changé en si peu de temps? Comment se fait-il que les couches de préjugés et de méfiance aient disparu en l’espace de quelques jours et que les sentiments humains de compassion, de pitié et d’amour spontanés prenaient le pas? Quel en était le secret?

À ma grande surprise, la réponse est venue d’une des filles: « Monsieur », me dit-elle en arabe: « Le Manteau raconte notre triste histoire. Nous nous lamentons en réalité sur notre propre destinée, et pas sur celle d’Akakievich ! ». Submergée par les émotions, elle ne pouvait plus continuer.

Maintenant que la guerre en Syrie est entrée dans sa septième année et que la moitié de la population du pays est déplacée, je me souviens parfois des mots prophétiques de cette fille de 16 ans et je me demande où la destinée l’a jetée au milieu de ce jeu insensé.

Dono

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Le 09 mai 2017




Une 33ème édition endiablée du Carnaval de Lausanne

Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d'Exils

Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Vaud : le Carnaval a fait la joie des petits, des grands et celle notre photographe Giorgi

La 33ème édition du Carnaval de Lausanne s’est tenue du 4 au 7 mai dernier. La rue centrale et les principales places du centre-ville ont vibré aux sons endiablés des guggenmusiks et ont été égayées par les cortèges, orchestres et concerts. Ces activités, offertes à la population, ont fait la joie des petits et des grands mais aussi celle de notre photographe Giorgi qui s’est empressé d’immortaliser ces scènes de joies excentriques et colorées. Cette fête était aussi une belle célébration de la diversité. Les participants – provenant des cinq continents – ont chacun contribué à cette célébration en y apportant  leur touche d’originalité. En plus des festivités, il y avait de nombreux manèges et animations qui ont enchanté les familles et surtout les enfants. Le Carnaval de Lausanne est organisé chaque année entre fin avril et début mai.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d'Exils

Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d'Exils

Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d'Exils

Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« Au COSM, nous offrons un service d’accompagnement et de soutien aux requérants d’asile »

M. Luzolo Raoul Lembwadio, délégué aux étrangers du canton de Neuchâtel. Photo: Paul KIESSE

Le Service de la cohésion multiculturelle (COSM) est une structure de l’administration cantonale de Neuchâtel qui intervient dans le domaine de l’intégration des étrangers et de la prévention du racisme. Son chef ad interim est le délégué aux étrangers, Luzolo Raoul Lembwadio, qui est de surcroît psychologue et spécialiste en migration. Interview.

Voix d’Exils: quels sont les objectifs assignés au COSM?

Raoul Lembwadio : Le COSM est un service de l’Etat de Neuchâtel, rattaché au Département de l’Economie. Ce service a été créé en 1990 pour appliquer la loi sur l’intégration des étrangers. Il a pour objectif de promouvoir de bonnes relations entre tous les habitants du canton (suisses et étrangers) fondées sur la non-discrimination. La volonté du gouvernement neuchâtelois est de promouvoir l’égalité des droits et des devoirs pour tous les résidents du canton. Pour le canton de Neuchâtel, l’intégration est considérée comme un processus d’adaptation mutuelle au niveau individuel et collectif des populations suisses et étrangères et entre les communautés étrangères et les institutions neuchâteloises.

En 22 ans d’existence, le COSM a-t-il atteint ses objectifs?

Le COSM a essayé, essaie et essaiera encore de remplir sa mission et n’a pas la prétention d’un travail achevé. Pour le canton de Neuchâtel, l’intégration est un processus d’adaptation, c’est donc un éternel recommencement. Comme la migration d’ailleurs, il y a des arrivées et il y a des départs. Toutefois, on peut dire que la mission du COSM est atteinte parce qu’à Neuchâtel, il n’y a pas de conflits communautaires.

Quelles sont les difficultés que rencontrent les étrangers qui viennent habiter Neuchâtel et comment votre service les aide-t-il à les surmonter?

Il y a des difficultés d’ordre collectif et individuel. Collectif, c’est l’exemple de la langue pour les personnes non francophones; et individuel, c’est le cas des parcours des personnes: permis, travail, formation, logement, etc. Le COSM a un centre de consultations et d’informations sociales ouvert à tous, ainsi qu’un centre de prévention du racisme. Les étrangers peuvent bénéficier également d’autres prestations du COSM comme des cours de langues, des traductions, ou un accompagnement.

Le COSM a également pour mission de prévenir le racisme. Que faites-vous concrètement?

Concrètement, nous avons un centre de prévention du racisme et quand on dit prévention, ça ne veut pas dire nécessairement lutte. Nous, on travaille en amont, on veut éviter le racisme. Lorsqu’une personne se sent victime de racisme, notre centre est ouvert pour la recevoir, nos spécialistes vont analyser s’il s’agit de racisme, d’incompréhension ou encore de mauvaise humeur. Si le racisme est avéré, ils vont l’orienter ou proposer des moyens à mettre en place, s’il faut porter plainte ou faire de la médiation.

En France, il y a un débat sur le vote des étrangers aux élections locales, alors qu’à Neuchâtel, les étrangers participent aux élections communales. Pourquoi permettre aux étrangers de voter?

C’est une volonté du peuple neuchâtelois de donner aussi la parole aux personnes qui n’ont pas le passeport suisse, mais avec lesquelles il partage un espace commun. Il y a cette volonté du canton de Neuchâtel de favoriser le vivre ensemble. Nous partageons un espace commun et les étrangers peuvent donner leurs avis sur les choses d’ici et maintenant.

Le droit de vote des étrangers existe depuis 1949. Depuis 2002, les étrangers au bénéfice d’une autorisation d’établissement (permis C) et qui sont domiciliés dans le canton de Neuchâtel depuis au moins cinq ans peuvent voter sur le plan cantonal. Et, depuis 2007, les étrangers au bénéfice d’une autorisation d’établissement (permis C) peuvent être élus sur le plan communal après au moins un an de domicile dans le canton.

Les requérants d’asile n’ont pas facilement accès à l’emploi. Quel rôle joue votre service pour l’intégration de cette catégorie d’étrangers dans le monde professionnel?

En principe, les prestations du COSM sont offertes à tous, sans distinction du permis de séjour. Toutefois, vous conviendrez avec moi que lorsque nous sommes sûrs et certains que les chances pour qu’une personne reste en Suisse sont nulles, il ne sert pas à grand chose de se focaliser dessus. Beaucoup d’employeurs se posent la question de savoir si, avec un permis N, la personne va rester ou partir. Au COSM, nous ouvrons nos cours à tous. Les requérants d’asile avec le permis N peuvent suivre les cours de français, on les aide à rédiger leurs CV, on les aide aussi à postuler, nous offrons un service d’accompagnement et de soutien.

Le COSM organise le prix « Salut l’étranger » pour favoriser l’intégration des étrangers. Pouvez-vous nous en parler?

Le Conseil d’Etat neuchâtelois a institué le 20 mars 1995 un prix annuel doté de 7000 francs suisses intitulé « Salut l’étranger ». Ce prix est destiné à récompenser une personne ou un groupe de personnes de tous âges et de toutes nationalités, domiciliée dans le canton qui, par une œuvre, un spectacle, un acte, voire une parole ou une attitude aura permis:

– une prise de conscience de la nécessité du dialogue inter-ethnique et inter-religieux afin de favoriser le respect de l’autre et la diversité des cultures;

-la promotion de la tolérance;

-le rejet de toute exclusion basée sur l’appartenance à une ethnie, une religion ou une nationalité.

Que pensez-vous de Voix d’Exils?

C’est une bonne chose. Aujourd’hui, tous les moyens de communication doivent être utilisés pour défendre une cause ou pour la divulgation d’une problématique complexe telle que l’asile. Donc j’apprécie beaucoup. Si ce blog peut apporter la lumière en interne et en externe, ça serait un outil de communication pour les requérants d’asile.

Propos recueillis par Paul KIESSE

Paul KIESSE

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils