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Nos différences sont une grande richesse

 

Masar Hoti. Photo: Ahmed Mohammed / Voix d’Exils.

Réflexion

Nos différences, les façons de les aborder aujourd’hui comme dans le futur, l’influence positive du pouvoir de l’amour : tels sont les sujets abordés dans cette réflexion proposée par Masar Hoti, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Grâce à son besoin d’existence et aux biens naturels, l’être humain a eu l’opportunité d’explorer le monde. Depuis toujours, l’humanité est en lutte constante avec la nature pour assurer son existence. Grâce à ses besoins, elle a toujours été dans l’observation de la nature et de ses biens. Par conséquent, lors de cette observation, les gens ont été exposés à des choses sur lesquelles ils n’avaient aucune connaissance, des choses appartenant au monde végétal, animal et aquatique.

Ce manque de connaissances a également influencé sur la mauvaise méthode d’observation et sur la mauvaise approche des biens que la nature nous offre. Ne pas savoir les choses a causé des préjugés qui ont amené une grande peur. Par conséquent, nous avons eu une mauvaise approche. Nous approchons et abordons encore aujourd’hui de manière irrespectueuse et sauvage les biens que la nature nous offre.

Pour cela, nous sommes arrivés à la situation actuelle dans laquelle de nombreuses espèces du monde animal, aquatique et végétal sont en voie d’extinction. L’extinction de ces biens naturels, ce déséquilibre de l’écosystème a pour conséquence ce grand changement climatique que nous connaissons. Peut-être que ce changement climatique a également affecté l’émergence de diverses maladies, dont certaines sont mortelles et auxquelles l’humanité est confrontée aujourd’hui.

Je pense que sur cette planète, tout ce qui existe à commencer par nous, les humains, mais aussi les animaux, les plantes et le monde sous-marin a son rôle et son importance. Je pense que l’univers est UN, et tout ce qui y est créé a sa place, sa valeur et une fonction très importante dans le processus existentiel, évolutif et écologique. Tout ce qui compose l’univers est existentiellement, merveilleusement, parfaitement et nécessairement lié.

Je pense que c’est la même chose pour nous et pour les différences entre nous, qu’elles concernent nos pensées, notre sexe, notre développement humain, notre couleur de peau, notre langue, notre origine, notre culture, nos traditions, nos coutumes, etc. Je pense que ces différences sont existentielles. Celles-ci nous rendent beaucoup plus intéressants, plus beaux, nous permettent d’aller de l’avant et de nous développer davantage.

En raison de nos mauvaises approches de nous-mêmes et des autres espèces qui nous entourent nous avons fait des erreurs. Ces erreurs sont dues au fait que nous nous sommes concentrés sur la vision des différences entre nous de l’extérieur (surface) et non de l’intérieur (contenu).

Je pense donc que la coexistence entre nous est nécessaire mais pour en jouir il faut se concentrer sur la fonction et non sur la surface. Je pense que c’est seulement lorsque nous regardons les choses dans leur essence que nous pouvons goûter leurs fruits.

La coexistence entre les peuples est comme un trésor

Les différences entre nous sont des choses essentielles pour notre existence. Avec elles, le monde est beaucoup plus beau, plus intéressant et il est toujours en évolution constante. Mais ce qui est essentiel, c’est que le monde est toujours en circulation peu importe s’il progresse ou s’il régresse. Je pense que cela est très important, très intéressant, essentiel et vital pour notre existence.

Imaginez un instant que nous vivions sans nos différences. Le monde dans lequel nous vivons serait-il intéressant ? Si nous avions, par exemple, toutes et tous la même apparence, les mêmes pensées, les mêmes goûts, les mêmes désirs, la même langue, la même intelligence, le monde se serait-il développé tel qu’il est aujourd’hui ?  Moi, personnellement, je ne le pense pas.

Je pense que les êtres humains sont comme les fleurs : leur beauté se cache dans leurs variétés et leurs parfums. Imaginez qu’il n’y ait qu’un seul type de fleur et qu’elle n’ait qu’un seul parfum, serait-elle aussi belle et intéressante qu’elle l’est aujourd’hui ? Je ne le crois pas.

Le constat est pareil avec des personnes ayant des différences de pensées, de cultures, de traditions, d’idéologies, et parlant des langues différentes. N’est-ce pas un miracle merveilleux ?

Je pense que nous avons mal compris ces différences entre nous ! Au cours des siècles, nous avons eu diverses guerres et haines qui ont causé des régressions intellectuelles et économiques.

Certaines des différences entre nous sont dues aux systèmes que nous avons traversés. Nous avons également des différences entre nous en raison de notre passé héréditaire. Je pense ici à l’héritage légué par nos ancêtres se rapportant aux traditions, coutumes, habitudes, légendes, folklores, modes de vie etc. Ces différences sont enrichissantes car elles nous donnent une excellente occasion de profiter des traditions, de l’éducation et des cultures de l’autre. Elles nous permettent ainsi de nous compléter et de nous développer davantage. Malgré toutes les différences que nous avons, nous sommes essentiellement pareils au niveau des choses existentielles et essentielles. A partir de l’anatomie du squelette jusqu’aux cellules, tissus, organes, etc. nous sommes pareils. Ce qui est également vital à comprendre, c’est que nous ressentons toutes et tous les mêmes choses, ce indépendamment de notre couleur de peau, de notre langue, de nos origines. Par exemple, la tyrannie, la douleur, la haine, la liberté, l’amour, la joie etc.

La coexistence entre les peuples de différentes couleurs, traditions, cultures, ayant des coutumes et parlant des langues différentes est comme un trésor composé de différents diamants et d’or. Les différences que nous avons sont celles qui nous attirent et nous développent, car tout ce qui nous distingue comble aussi les lacunes que nous avons. Les différences nous attirent, nous complètent, nous unissent.

Avez-vous vu comment les parties d’un aimant aux pôles opposés se rejoignent et créent une partie plus forte, plus stable et plus grande ?

L’homme est une valeur pour l’homme

Tout le problème, comme je l’ai dit au début, est de savoir comment nous comprenons les choses et comment nous les abordons.

Pour commencer à profiter des choses de grande utilité mentionnées ci-dessus, nous devons d’abord éliminer les préjugés et commencer à aborder les choses avec connaissance et amour, en particulier les choses qui nous distinguent. La source de tout mal est la haine, comme l’amour est la source de tout bien.

Nous avons donc vraiment besoin d’éduquer les futures générations avec amour et non avec haine. Tout cela, je pense, dépend de nous : est-ce que nous voulons aborder les choses comme le philosophe anglais Thomas Hobbes qui affirmait que « l’homme est un loup pour l’homme »? Ou voulons-nous changer d’approche ? Cela voudrait dire qu’il faudrait commencer à aborder les choses avec amour.

Je pense que nous ne devons pas penser que « l’homme est un loup pour l’homme ». Néanmoins, bien sûr que si nous regardons l’homme de cette façon cela pourrait devenir vrai. Je pense cependant que nous devrions regarder les choses d’une autre manière et commencez à penser que « L’homme est une valeur pour l’homme ». Cela pourrait conduire notre être vers la paix, la prospérité et un développement plus rapide et plus grand.

Le remède ici est l’amour. La seule force qui éradique la haine est la force sacrée de l’amour. Je pense que c’est la graine qui devrait être semée et cultivée dans les générations à venir. Peut-être que la haine terrestre ne nous permet pas d’admirer la beauté du ciel.

La Suisse: un exemple pour le monde

Lorsque je suis arrivé en Suisse, j’ai vu un très bon exemple de coexistence dont je souhaiterais vous faire part. En effet, j’ai vu la société Suisse coexister à merveille avec des personnes des couleurs et de langues différentes venant du monde entier. Il y avait des milliers des personnes hébergées en tant que demandeuses d’asile ou réfugiées.

L’État suisse comme une mère au grand cœur les abrite, les nourrit et les guérit. Elle essaie de les intégrer dans la société avec différents programmes d’intégrations comme des cours de langues ou divers autres modules qui leur permettent de potentiellement trouver un métier ou d’intégrer un apprentissage par la suite. Cela donne également la possibilité d’étudier à celles et ceux qui souhaitent étudier.

A travers mon article, je voudrais donc remercier du fond du cœur l’Etat suisse pour son humanité. Cet Etat est un très bon exemple pour le monde entier sur la façon d’aborder les choses qui nous enrichissent.

Masar Hoti

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




«En Suisse, nous essayons de favoriser une approche pragmatique de l’accueil des migrants»

Gabriela Amarelle, déléguée à l’intégration de la Ville de Lausanne. Photo: Voix d'Exils

Gabriela Amarelle, déléguée
à l’intégration de la
Ville de Lausanne. Photo: Voix d’Exils.

Le Bureau lausannois pour les immigrés (le BLI) vient de reprendre son nom d’origine et d’abandonner son ancienne appellation : le Bureau lausannois pour l’intégration des immigrés. L’occasion d’ouvrir une réflexion autour des pratiques helvétiques d’accueil des migrants en compagnie de Gabriela Amarelle, déléguée à l’intégration de la Ville de Lausanne. Interview.

Voix d’Exils : Le Bureau lausannois pour les Immigrés, ex Bureau lausannois pour l’intégration des immigrés, a repris son nom d’origine, pour quelle raison ?

Gabriela Amarelle : Le terme d’intégration, fortement controversé, a toujours contenu de nombreuses ambiguïtés, notamment quand son acception se limite à servir d’euphémisme pour « assimilation ». Pour tenir compte de notre approche inclusive, qui ne fait pas porter la responsabilité de l’intégration uniquement sur les immigrés, la Municipalité a décidé tout récemment de revenir à l’appellation d’origine, à savoir « Bureau lausannois pour les immigrés ». Cette appellation a pour avantage de mettre en avant l’effort investi par la collectivité lausannoise pour combler les inégalités qui persistent dans tous les domaines de la vie quotidienne à l’égard de la population migrante, tout en gardant la dénomination et l’abréviation connue depuis plus de quarante ans.

Le BLI a pour mission de favoriser l’intégration des étrangers. Comment définissez-vous « l’intégration » ?

Dans la Loi fédérale sur les étrangers, elle est définie comme un « processus réciproque » entre les personnes qui arrivent en Suisse et la société d’accueil. La promotion de l’intégration, selon l’Office fédéral des migrations, vise un accès égal aux ressources sociales, politiques et économiques disponibles dans notre société, afin de pouvoir participer pleinement à la société et à ses prises de décisions. Cette définition, largement consensuelle aujourd’hui, implique que l’intégration nous concerne toutes et tous, immigrés et autochtones. L’intégration constitue, dès lors, un enjeu majeur en matière de cohésion sociale.

Quelles sont les actions et les mesures entreprises par le BLI pour intégrer les migrants ?

Les mesures mises sur pied par le BLI pour favoriser l’égalité des chances visent premièrement à orienter sur les thèmes liés à la migration : cours de français, formation, travail par exemple. Nous avons développé, en collaboration avec les services communaux concernés, un ambitieux programme d’accueil destiné justement aux personnes nouvellement arrivées. L’information et la formation sont également au coeur de l’action du BLI car, de notre point de vue, il est essentiel de favoriser l’accès aux prestations. Le BLI met également sur pied des mesures destinées à prévenir le racisme et contribue à favoriser la participation citoyenne sous toutes ses formes, par exemple, en favorisant la vie associative et de quartier et en informant sur les droits politiques. En tant qu’organe de l’administration communale, notre rôle est aussi de sensibiliser à l’interne de l’administration sur ces thématiques.

La politique d’intégration, telle quelle s’est développée en Suisse, est-elle, selon vous, efficace pour créer une coexistence harmonieuse entre les étrangers et les autochtones ?

La Suisse est un pays fédéraliste. La définition d’une politique publique requiert, en Suisse plus qu’ailleurs, le respect des partenaires et une implication réelle de ceux-ci. La force du modèle helvétique est que chaque niveau étatique – Confédération, cantons, communes – est important et contribue, dans l’idéal, à la définition de la politique d’intégration. Bien sûr, il peut y avoir de fortes divergences sur le plan politique, et aussi en matière d’enjeux financiers entre tous les partenaires. La recherche du compromis helvétique n’est pas un mythe… et cela prend du temps, de la patience, de l’énergie. Dans un système tel que le nôtre, avec un enchevêtrement parfois complexe des compétences, l’approche est forcément pragmatique. Cela implique, aussi en matière de politique d’intégration, des réponses concrètes plurielles selon les régions. Je crois qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas une seule politique d’intégration en Suisse. Car les contextes régionaux dans lesquels nous vivons, ont un impact réel sur les politiques locales d’intégration. La proximité peut être un atout.

Quelles sont les principales difficultés que rencontrent les migrants dans le processus d’intégration ?

La population migrante, tout comme la population suisse, est fortement hétérogène. Chaque parcours est différent. Si l’on essaie de parler globalement, les obstacles les plus récurrents sont dus au statut juridique des personnes, et les difficultés liées à l’obtention ou non d’un permis de séjour. Pour les ressortissants hors de l’Union européenne, notamment, il est particulièrement difficile d’obtenir un travail. Et bien sûr, pour apprendre le français, nous ne sommes pas, là non plus, tous égaux !

Quels sont les autres modèles de politiques publiques permettant cette coexistence harmonieuse entre les étrangers et les autochtones ?

On me demande souvent si en Suisse, nous sommes plus proches du modèle français ou du modèle britannique … Je crois qu’en Suisse nous nous méfions des modèles et que nous essayons de favoriser une approche pragmatique, avec l’ambition, sans y arriver parfois, de prendre du bon dans chacun des systèmes. A Lausanne, et certainement aussi du côté de la Suisse romande en général, nous essayons de conjuguer le respect des valeurs citoyennes – telles le principe d’égalité de traitement et l’égalité entre hommes et femmes -, et le respect de la personne qui nous fait face dans son individualité. Identifier ce qui nous rassemble, plutôt que ce qui nous différencie, est aussi une piste pour échapper au communautarisme.

Propos recueillis par :

Samir

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos :

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