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« Je devais construire ma renaissance »

Wael Afana. Photo: Voix d’Exils.

Les fruits suaves et les fruits amers de l’exil



Un jour, je me suis dit : « Je veux aller en Suisse, vers un pays qui puisse reconnaître mes qualifications ». Aussitôt, une autre partie de moi-même a réagi : « Quelle folie de vouloir t’en aller ! Dans ton pays bon et tolérant, un âne peut rester caché et espérer déjeuner. Mais là-bas, tu seras découvert en moins d’un quart d’heure ! Ecoute mon conseil et reste ici ! »

Mon expérience de l’immigration n’est pas aussi dramatique que tant d’histoires lues sur Internet ou entendues dans le centre pour réfugiés où j’ai séjourné. Je suis arrivé légalement en Suisse, par avion, et n’ai pas connu les conditions très dures que d’autres ont traversées, risquant la mort par noyade ou l’épuisement dans les forêts à suivre leurs passeurs.

Mon exil a commencé au moment où j’ai quitté ma famille et ma maison pour un endroit inconnu. Des obsessions ont commencé à surgir. Serai-je capable de réorganiser ma vie ? J’éprouvais les symptômes de l’exil, qui se manifestaient par la peur, la tension et l’agitation.

Je savais que ma capacité d’adaptation dépendait de ma facilité à absorber et à surmonter la crise de la séparation ; je devais construire ma renaissance.

Si tout se passait normalement, ma vie devait changer et évoluer : j’allais rencontrer de nouveaux amis et me familiariser avec les sites, les lieux, les langues, les coutumes, le climat et peut-être une nouvelle profession et un nouveau statut socio-économique. Tout ce que je craignais, à la suite de ma décision, c’était de renforcer des sentiments de culpabilité et de dépression.

La vie dans un centre pour requérants d’asile

J’ai été transféré dans un centre pour requérants d’asile dans une ville éloignée avec un grand nombre d’immigrants de différents pays, langues et cultures. J’ai essayé de m’adapter et j’ai même aimé rencontrer des personnes de tant d’horizons différents. La langue n’était pas un obstacle pour moi en raison de ma maîtrise de l’anglais. J’ai appris bien des choses durant ce séjour et j’ai effectué des travaux bénévoles au service de mes collègues immigrants.

Mon arrivée au camp a coïncidé avec l’avènement du mois sacré du Ramadan, avec ses rites religieux, le rassemblement de la famille et la préparation des plats les plus délicieux. J’ai souffert émotionnellement et psychologiquement d’être éloigné de ma famille pendant ce mois sacré. La séparation est comme la mort, surtout dans les circonstances liées à l’émigration. Elle est le plus souvent définitive.

Que pensent les Suisses ?

Parfois, je me demande comment les Suissesses et les Suisses nous voient. Eux aussi doivent être touchés par notre arrivée. La présence d’étrangers contribuera-t-elle à changer la structure et le tissu de la société ? Je pense que la société d’accueil ressent, à différents niveaux, une sorte de menace envers sa civilisation et son identité culturelle, la pureté de sa langue, sa foi religieuse, et son identité collective en général. En témoigne la réaction de certaines droites européennes envers les immigrés.

D’un autre côté, il existe une autre tendance qui a une vision différente de l’immigration et qui est plus ouverte. Elle voit dans les immigrés une richesse culturelle et une diversité sociale qui valorisent le pluralisme, l’ouverture et le brassage des cultures.

Trop âgé pour s’intégrer ?

Généralement, les personnes plus âgées ne souhaitent pas émigrer ou faire des changements abrupts dans leur vie ; cela leur coûte trop de quitter leurs proches et les choses auxquelles elles tiennent, qui sont pour elles une source de sécurité et de réconfort. Si elles émigrent malgré tout, c’est pour des raisons impérieuses.

L’immigré perd sa langue maternelle et s’éloigne ainsi de toutes ses expériences passées ; son enfance et ses souvenirs se perdent. Il doit se mettre à apprendre le plus rapidement possible la langue du pays d’accueil.

Franchir cette étape à mon âge (55 ans) fut particulièrement difficile. Malgré mes tentatives, je n’ai pas eu l’opportunité de bénéficier de cours intensifs de langue dans une école.

Je sais que je dois découvrir mes outils et m’explorer comme un enfant. Je suis obligé de répéter les expériences et lutter pour me protéger ; je dois aussi conserver les choses précieuses qui me restent de ma patrie.

Pour conclure, ma migration peut être vue comme un état de remise en question et d’expérimentation de mes qualifications pour savoir jusqu’où je peux aller dans cette aventure, car elle contribue à élargir les choix mentaux et les expériences psychologiques.

Wael Afana

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




FLASH INFOS #92

Photo: Wikilmages / Pixabay.com

Sous la loupe : Joe Biden contre le programme « Rester au Mexique » / Suisse : vers une augmentation des demandes d’asile ? / Le problème des centres pour migrant.e.s en Lituanie

Joe Biden contre le programme « Rester au Mexique »

Tribune de Genève, le 30.12.2021

L’actuel président des États-Unis Joe Biden s’est récemment positionné en faveur d’une interruption du programme d’immigration « Rester au Mexique », officiellement nommé « Protocoles de protection de l’immigration » (PPM).

Cette politique d’immigration controversée, mise en œuvre en 2019 par l’administration de l’ancien président Donald Trump, permet de renvoyer les demandeurs et demandeuses d’asile au Mexique pendant que leur dossier est en cours de traitement.

Zahra Ahmadiyan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Suisse : vers une augmentation des demandes d’asile ?

Tribune de Genève, le 30.12.2021

Dans une interview parue jeudi 30 décembre dans le journal alémanique « le Blick », le chef du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) Mario Gattiker a annoncé s’attendre à une hausse des demandes d’asile en Suisse pour l’année à venir. Il l’estime à environ 15’000 pour 2022, contre 14’500 en 2021.

L’augmentation de ces demandes serait liée à l’instabilité politique dans plusieurs pays d’Afrique, où la pandémie a aggravé la détresse économique.

L. B.

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Le problème des centres pour migrants en Lituanie

infomigrants.net, le 24.12.2021

En raison de la multiplication des flux migratoires passant par la Biélorussie, le nombre de personnes en situation d’exil tentant de rejoindre la Lituanie de manière irrégulière a connu une hausse sans précédent. Pour y faire face, ce pays voisin de la Biélorussie a mis en place en urgence des centres pour exilé·e·s où les conditions de vie s’avèrent problématiques.

C’est le cas du centre de Medininkai qui est divisé en cinq parties, séparées par des clôtures bâchées dont deux sont réservées aux hommes et trois autres aux femmes, aux familles et aux personnes homosexuelles. Au total, le centre compte environ 800 personnes. Les exilé·e·s dorment dans des containers installés à la hâte et manquent de tout, principalement de savon. Il arrive également que l’eau dans les douches reste froide une journée complète, ce même lorsqu’il fait moins -10 °C. Les personnes dans le centre s’irritent facilement car les garde-frontières lituaniens ont tendance à leur manquer de respect sans raison, en les traitant de « criminels » ou de « voyous ».

De nombreuses personnes dans cette situation ont fait appel après avoir vu leur demande d’asile rejetée. Le Parlement lituanien a d’ailleurs approuvé des amendements sur le statut juridique des personnes étrangères, autorisant à les garder en détention jusqu’à 12 mois lorsque le pays est en situation d’urgence, comme c’est le cas actuellement. Leur détention peut dorénavant être prolongée de six mois si leur demande est refusée.

L. B. et Z. A.

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




A quoi ressemble le quotidien des requérants vivant en foyer ?

Zahra Ahmadiyan devant le foyer de Sainte-Croix
Photo: Voix d’Exils

« Le manque d’intimité, c’est le plus difficile à supporter ! »

À son arrivée en Suisse, notre rédactrice iranienne Zahra découvre les difficultés de la vie en foyer. Seule, désorientée, elle va lutter pour acquérir les codes de cet univers inconnu qui heurte sa sensibilité mais lui réserve aussi de beaux moments de solidarité. Son témoignage.

« J’ai d’abord été hébergée dans le Centre d’enregistrement et de procédure de Vallorbe, dans le canton de Vaud. A la réception, un homme m’a demandé de remplir une fiche traduite en farsi, ma langue maternelle, avec les informations habituelles : nom, prénom, date de naissance, langues… Une femme m’a ensuite fouillée de la tête aux pieds et a contrôlé mon sac à dos.

Puis, j’ai attendu, assise sur un banc, sans que personne ne s’occupe de moi ou ne me donne une quelconque explication. J’étais tétanisée à l’idée qu’on me renvoie en Iran. Après une demi-heure, un homme est venu me chercher, m’a accompagnée jusqu’à la chambre qui m’avait été attribuée et m’a donné une couverture, un oreiller et des articles de toilette.

Dans la chambre, il y avait six lits superposés, et cinq femmes de plusieurs nationalités qui me regardaient. Leurs visages me semblaient étranges… J’avais 24 ans, et c’était la première fois que je quittais mon pays. Je n’avais jamais vu de peau noire, de cheveux aussi blonds, d’yeux bridés, même leurs habits étaient bizarres… Tout dans ce Centre était nouveau et désécurisant. J’ai éclaté en sanglots.

Par chance, deux jeunes Afghanes qui parlaient le dari, une langue proche du farsi, m’ont servi de guides et ont partagé leur repas avec moi. Elles m’ont aussi appris que plusieurs rumeurs circulaient dans le Centre. Par exemple, certains migrants pensaient que les petits capteurs anti-incendie installés dans toutes les chambres étaient en fait des caméras qui nous espionnaient. Moi, je n’y ai pas cru une seconde et j’en ris encore quand j’y repense aujourd’hui !

La peur d’être expulsée

Le lit collé au mien était occupé par une vieille femme malade qui toussait sur moi et s’essuyait le nez avec ma couverture. Elle se levait au milieu de la nuit, déroulait un petit tapis et faisait ses prières. J’étais très énervée contre elle, car elle m’empêchait de dormir.

On avait toutes et tous un espace personnel dans l’armoire disponible dans chaque chambre, mais on ne pouvait rien mettre sous clé. Les Securitas avaient le droit de fouiller en tout temps les armoires pour vérifier qu’on n’y cachait pas des marchandises interdites. Parfois, les migrants se volaient des affaires entre eux.

Le matin, on déjeunait rapidement entre 7h00 et 7h30 au réfectoire. C’était bon, il y avait du pain, du beurre, de la confiture, des cornflakes, du lait, du thé et du café. Le midi et le soir, il y avait aussi des horaires stricts à respecter. A tous les repas, des Securitas surveillaient que personne n’emporte un fruit ou du pain pour aller les manger ailleurs ou les apporter à quelqu’un.

On recevait 21 francs par semaine pour nos achats personnels : cigarettes, friandises, produits de toilette, etc. Mais on avait l’interdiction de ramener de la nourriture au Centre.

Après 13 jours à Vallorbe, j’ai été transférée dans un foyer de l’Établissement Vaudois d’Accueil des Migrants (EVAM) à Sainte-Croix. J’ai quitté le Centre à 8h30 et je suis arrivée à ma nouvelle adresse 12 heures plus tard complètement épuisée car j’avais passé la journée à prendre des trains, des bus, à marcher, à me perdre…

Lorsque je suis arrivée à mon premier rendez-vous, au Service de la population (SPOP) à Lausanne, j’ai croisé dans la salle d’attente des Afghans qui m’ont dit « Ici c’est le Centre de renvoi ! » J’ai pensé qu’on allait m’expulser et j’ai beaucoup pleuré. Finalement, on m’a donné des papiers d’identité et on m’a demandé de passer à un bureau de l’EVAM situé à l’autre bout de la ville.

Quand j’ai enfin trouvé cette nouvelle adresse, c’était pour qu’on m’explique que je devais traverser tout le canton pour rejoindre le foyer de Sainte-Croix. Quelle journée horrible ! Je me sentais complètement perdue, j’avais peur et je n’avais mangé qu’un biscuit et bu un peu de thé de toute la journée.

Des tensions entre requérants

A mon arrivée au foyer de Sainte-Croix, on m’a fourni un matelas, des draps, un oreiller et des ustensiles de cuisine, puis on m’a conduite jusqu’à ma chambre. Elle était occupée par trois femmes.

En me promenant pour faire connaissance avec mon nouvel environnement, j’ai vu que l’évier de la cuisine était bouché par des eaux usées et des déchets. Les toilettes et les salles de bain aussi étaient sales. J’ai découvert par la suite que les espaces publics du foyer étaient correctement entretenus au quotidien, mais la propreté ne durait pas longtemps. Chaque jour, il y avait des disputes parce que certains migrants qui avaient sali la cuisine ou les salles de bains ne voulaient pas les nettoyer et cela créait beaucoup de tensions entre nous.

Le jour de mon arrivée, je n’avais qu’une envie c’était de quitter ce foyer, j’avais le ventre vide et j’ai commencé à pleurer. Heureusement, une jeune Afghane qui habitait là depuis quelque temps a eu pitié de moi et m’a invitée à partager son repas.

Contrairement à Vallorbe, il n’y avait pas de réfectoire à Sainte-Croix. En soi, c’était plutôt une bonne chose, car ça nous occupait de faire les courses et de préparer à manger. Et c’était aussi agréable de pouvoir préparer des plats de notre pays natal. Mais, avec une seule cuisinière pour 19 personnes c’était compliqué, et puis il fallait aussi trouver une place pour manger à la petite table disponible dans chaque chambre.

Le studio, oasis de tranquillité et de paix

Une de mes trois voisines de chambre passait l’essentiel de son temps sur son lit en compagnie de son copain. Ils discutaient, écoutaient de la musique, mangeaient ensemble. Parfois, elle invitait d’autre filles et garçons à venir les rejoindre. Ils occupaient tout l’espace et faisaient beaucoup de bruit, je ne pouvais pas changer d’habits ou me reposer, sans compter que le manque d’intimité me rendait dingue !

Le règlement interdisait d’amener des hommes dans la chambre, et je me suis plainte à plusieurs reprises auprès de mon assistante sociale qui, à chaque fois, a demandé à un Securitas de passer et de mettre les intrus à la porte. Le Securitas faisait le travail et ma chambre retrouvait un peu de calme pendant deux ou trois jours, mais après le cirque recommençait.

Parfois, ma voisine sortait le soir pour rejoindre son copain à l’extérieur. Quand elle revenait, elle nous réveillait en faisant du bruit et en allumant la lampe. Elle s’excusait en riant…

Après une année et deux mois de vie au foyer, j’ai enfin emménagé dans un petit studio à Grandson. J’y ai découvert le bonheur de me reposer, me laver, me préparer à manger dans un environnement sain et paisible ! »

Zahra

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« Pour moi, le fil de l’espoir est rompu… »

Illustration: Kristine Kostava / Voix d’Exils

Le parcours chaotique d’un requérant d’asile algérien en Suisse

Après avoir été victime de nombreuses tentatives de meurtre, de menaces verbales et morales, Rachid Boukhemis, 60 ans, décide de quitter l’Algérie pour retrouver la paix et la sérénité dans un pays démocratique. Ce professeur d’arabe laisse derrière lui sa famille, ses amis et ses biens.

Plein d’espoirs en une vie meilleure lors de son arrivée à Vallorbe, fin 2017, il va rapidement déchanter. Considéré comme cas Dublin pour être passé par la France sur le chemin de l’exil, il recevra une réponse négative à la demande d’asile qu’il a déposée en Suisse. Son rêve s’effondre et vire au cauchemar lorsque, un matin d’été, les forces de police viennent l’arrêter à son domicile pour le renvoyer en France. Il sera brutalisé et brièvement emprisonné avant d’être relâché complètement traumatisé. Rachid Boukhemis est l’un des rédacteurs de Voix d’Exils, à ce titre il a voulu témoigner de son douloureux parcours sur notre site.

« Hébergé dans un premier temps au centre d’enregistrement de Vallorbe, j’ai ensuite été envoyé dans le foyer de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) de Bex, dans le canton de Vaud. Ensuite, j’ai reçu une décision négative de la part du Secrétariat d’État aux migrations et j’ai été transféré au foyer d’aide d’urgence d’Ecublens.

En état de choc

Le 17 août 2018, à cinq heures du matin, alors que j’étais endormi, j’ai entendu une clé tourner dans la serrure. Le gardien du foyer est entré dans la chambre et, en me montrant du doigt, il a dit aux deux policiers qui l’accompagnaient: « C’est celui-là ! ». Je me suis assis sur mon lit en me frottant les yeux.

Un policier m’a demandé de m’habiller et d’emporter avec moi les médicaments que je prenais. J’ai obéi aux ordres. On m’a mis des menottes aux poignets. C’était la première fois que je voyais ces bracelets en fer d’aussi près…

J’ai été emmené au poste de police de Bussigny où j’ai tout d’abord été fouillé et forcé à me déshabiller. C’était la première fois que je me retrouvais complètement nu devant des étrangers.

Puis j’ai été placé en cellule, comme si j’étais un criminel. Je suis resté silencieux, j’étais en état de choc. Après deux heures environ, la porte de ma cellule s’est ouverte et on m’a demandé de monter à l’étage pour prendre mes empreintes digitales.

Suite à cela, j’ai été conduit à l’aéroport de Genève où je devais prendre un avion à destination de Nantes, en France, conformément à la procédure Dublin.

Quand est arrivé le moment d’embarquer, j’ai refusé de monter à bord. Le policier qui m’avait mené à la porte d’embarquement a alors commencé à me frapper jusqu’à ce que mon sang coule. La femme qui nous accompagnait, probablement une employée de l’aéroport, a réagi et a demandé au policier d’arrêter. Le capitaine de l’avion a, quant à lui, fermé la porte de l’avion et a dit qu’il ne m’emmènerait pas dans son vol. Pendant que nous descendions l’escalier qui nous avait menés à la porte d’embarquement, le policier continuait de me frapper.

Prisonnier sans culpabilité

Suite à cela, deux autres policiers m’ont emmené à la prison de Champ-Dollon à Genève. Pour dissimuler les violences commises contre moi, le responsable de la prison m’a demandé de me laver pour enlever les traces de sang. Sentant la fièvre monter, je me trouvais dans un état d’horreur, d’étonnement et de douleur. En réalité, j’étais un prisonnier sans culpabilité.

Vers 14h30, le gardien m’a informé que la prison avait reçu un ordre de libération immédiate. Une fois relâché, j’ai marché à pieds jusqu’à l’hôpital de Nyon où je suis resté jusqu’au matin. J’ai été examiné par un médecin qui a produit un certificat médical dans lequel il a confirmé que je présentais de multiples lésions, hématomes et plaies sur tout le corps. Certificat que j’ai transmis à la rédaction de Voix d’Exils.

De retour à Lausanne, j’ai contacté un avocat. Il m’a dit que le dépôt d’une plainte contre le policier me coûterait au minimum 4’000 francs suisses, et que cela ne me garantissait pas de gagner le procès, car un policier équivaut à deux témoins. J’ai alors décidé d’abandonner l’idée de porter plainte parce que je n’avais pas d’argent.

Je suis à ce jour pleinement conscient des conditions de vie sans espoir qu’endurent les réfugiés et du traitement brutal qui leur est réservé.

Pour moi, désormais, le fil de l’espoir est rompu. »

 

Rachid Boukhamis

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Des aides pour les victimes de violence

Suite au témoignage de notre rédacteur, la rédaction a contacté plusieurs institutions pour savoir auprès de qui et comment les victimes de violences peuvent obtenir une aide.

·  Selon nos interlocuteurs et interlocutrices du Service d’Aide Juridique aux Exilé-e-s (le SAJE) et du Centre Social Protestant (le CSP), la médiatisation et/ou l’ouverture d’une procédure judiciaire sont les principaux chemins que peuvent emprunter les personnes requérantes d’asile si elles se retrouvent dans une situation similaire à celle vécue par Rachid. Par conséquent, les tarifs habituels pratiqués par les avocats s’appliquent et la somme annoncée par notre rédacteur bien qu’élevée est exacte.

·   Les centres LAVI, conformément à la Loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions, aident les personnes victimes de violences physiques, sexuelles ou psychiques. Leurs interventions se situant à l’intersection des domaines juridique, psychologique et social. Ces centres proposent un soutien aux victimes ainsi que l’octroi de prestations financières (dont les honoraires d’avocat), en fonction de l’atteinte subie. On peut faire appel à ces centres dans les cantons romands, soit à Genève, Vaud, Fribourg, Valais, Neuchâtel et Jura.

·  Que l’on soit résident ou de passage à Genève, on peut, en cas de différend avec la police cantonale ou les polices municipales, faire appel à l’organe de médiation police (l’OMP). A noter que le recours à la violence physique n’est pas considéré comme un différend. Ainsi, si des violences physiques ont eu lieu, l’OMP invite à dénoncer les faits ou à porter plainte auprès des autorités compétentes.

Jovan Mircetic

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 

 




Revue de presse #36

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils

Sous la loupe: Procédure d’asile trop rapide et problèmes de traduction lors des auditions / Une double peine frappe les personnes sans passeport suisse / La pandémie a accru la vulnérabilité des migrants / L’OIM dénonce l’incapacité des Etats à décider d’un dispositif de secours en Méditerranée

Présidente d’ASYLEX, Léa Hungerbühler : procédure d’asile trop rapide et problèmes de traduction lors des auditions

Le Temps, le 4 novembre 2020

Léa Hungerbühler préside ASYLEX, une association spécialisée dans l’assistance juridique en ligne. En pleine pandémie, les conseils en ligne ont explosé et l’association a gagné cette année de nombreux recours au Tribunal fédéral en faveur de personnes enfermées à Zürich au Centre de détention administrative. Possédant des antennes à Bâle, Berne Zurich en Suisse romane et au Tessin, l’association parvient à aider les requérants d’asile grâce à un vase réseau de juriste et d’avocats bénévoles. En outre, l’organisation est soutenue par de nombreux experts en droit des réfugiés et de la migration.

Publié le 07 octobre 2020, un rapport de la Coalition des juristes indépendants a révélé de nombreux problèmes dans la nouvelle procédure accélérée pratiquée depuis le mois de mars 2019. A ce sujet, dans le cadre d’une interview accordé au Temps, la présidente de l’association a souligné : « je pense, comme beaucoup d’autres juristes que la procédure est trop rapide, trop superficielle. Il y a des problèmes de qualité des traductions durant les auditions d’asile, il y a des employés racistes, il y a un énorme problème avec l’isolement des requérants d’asile dans les centres fédéraux qui y subissent une quasi-détention. »

Au sujet des problèmes de traduction lors des auditions, la présidente de l’organisation soutien qu’il y a des interprètes qui se positionnent du côté du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) ce qui a pour effet de rendre les requérants d’asile moins à l’aise et moins ouverts. « Durant les auditions beaucoup d’interprètes ne font pas une traduction fidèle et ne sont pas compétents, elles ou ils utilisent des termes qui ne conviennent pas. Ensuite il peut arriver, selon les situations, que la première audition se fasse en français, puis la deuxième en allemand alors que la décision finale soit en italien. Cela rend la compréhension des procès-verbaux et de la décision souvent difficile. De l’information précise peut se diluer à chaque fois qu’on utilise plusieurs traducteurs sur un dossier unique » conclu-t-elle.

Une double peine frappe les personnes sans passeport suisse

L’Événement syndical, le 18 novembre 2020

Le 31 octobre 2020, lors de la conférence des migrations d’Unia qui s’est tenue à Berne, les délégués ont réclamé une plus grande protection des travailleurs immigrés particulièrement fragilisés par la pandémie du Covid-19. En soulignant que les salariés sans passeport suisse travaillent principalement dans les métiers essentiels où les salaires sont bas et les conditions de travail précaires, le syndicat a mis en lumière qu’en période de fermeture d’entreprises et de licenciements, les migrants sont exposés à un double danger : le risque de perdre leur emploi et leur permis de séjour. Les délégués ont demandé la suppression de cette double peine qui est imposée aux salariés sans passeport suisse. Selon le syndicat, le fait de bénéficier de l’aide sociale pendant et en raison de la crise du coronavirus ne peut pas être interprété par les autorités comme le signe d’une intégration insuffisante. Et les personnes doivent avoir accès aux assurances sociales sans encourir de sanctions sur le plan du droit des étrangers.

Les délégués exigent également l’accueil immédiat de réfugiés vivant dans les camps des îles grecques et en Grèce continentale, et ce indépendamment de leur âge ou de leurs liens avec la Suisse. Selon le syndicat, le Conseil fédéral doit s’engager pour la création de routes migratoires sûres, et contre les renvois forcés illégaux aux frontières extérieures de l’UE. De plus, les procédures d’asile doivent être conduites dans le respect des personnes, avec une réelle reconnaissance des motifs de fuite spécifiques aux femmes.

La pandémie a accru la vulnérabilité des migrants

ONU Info, le 10 novembre 2020

Selon un rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies, publié le 10 novembre 2020, la pandémie du Covid-19 a aggravé l’insécurité alimentaire et a accru la vulnérabilité des migrants ainsi que des familles qui dépendent des envois de fonds. Les communautés contraintes de quitter leur foyer en raison de conflits, de violences et de catastrophes sont également concernées.

Les deux agences des Nations Unies avertissent que le bilan social et économique de la pandémie pourrait être dévastateur. Selon le rapport, les 164 millions de travailleurs migrants dans le monde, en particulier ceux qui travaillent dans le secteur informel, sont parmi les plus touchés par la pandémie. Ces derniers travaillent souvent dans des secteurs temporaires ou saisonniers pour de faibles salaires sans avoir accès aux systèmes de protection sociale. En période de crise économique, ces populations sont souvent les premières à perdre leur emploi. Sans revenu durable, le rapport avertit donc que de nombreux migrants seront non seulement poussés à rentrer chez eux, mais qu’ils provoqueront également une baisse temporaire des envois de fonds dans leur pays d’origine. « Les envois de fonds des travailleurs à l’étranger vers leurs familles au pays se sont également taris, ce qui a entraîné d’immenses difficultés. En conséquence, les taux de sous-alimentation montent en flèche dans le monde entier », a fait valoir M. António Vitorino, chef de l’OIM. Comme pour aggraver ces projections, le PAM prévoit que d’ici à la fin de 2021, au moins 33 millions de personnes supplémentaires pourraient être poussées vers la famine en raison de la seule baisse prévue des envois de fonds.

D’une manière générale, « l’impact de la pandémie sur la façon dont les gens se déplacent est sans précédent ». En effet, les mesures et les restrictions mises en place dans plus de 220 pays, territoires ou zones pour contenir la propagation du coronavirus ont limité la mobilité humaine, les possibilités de travailler et de gagner un revenu. Une situation qui a mis à rude épreuve la capacité des personnes migrantes et déplacées à se procurer de la nourriture et à satisfaire d’autres besoins fondamentaux. Les deux agences appellent la communauté internationale à faire en sorte que tous les efforts soient faits pour limiter l’impact immédiat sur les plus vulnérables, tout en assurant des investissements à plus long terme qui garantissent une voie vers la reprise. « L’impact de la crise de Covid-19 sur la santé et la mobilité humaine menace de faire reculer les engagements mondiaux, notamment pour le Pacte mondial sur les migrations, et d’entraver les efforts en cours pour soutenir ceux qui ont besoin d’aide », a conclu António Vitorino.

L’OIM dénonce l’incapacité des Etats à décider d’un dispositif de secours en Méditerranée

Le Nouvelliste, le 12 novembre 2020

Au moins 74 migrants sont décédés dans un naufrage survenu le 12 novembre au large de la Libye. Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), l’embarcation transportait plus de 120 personnes. Les autorités libyennes et des pêcheurs ont pu ramener 47 rescapés à terre. A cet effet, L’OIM a une fois de plus dénoncé l’incapacité des Etats à décider d’un dispositif de secours en Méditerranée. Elle souhaite un mécanisme clair de débarquement dans des ports sûrs. Selon l’organisation, depuis janvier, au moins 900 personnes sont décédées dans ces naufrages. Des milliers d’autres ont été ramenées en Libye où elles font face à des détentions arbitraires et des menaces de violations des droits de l’homme identifiées par l’Organisation des Nations Unies (ONU). En outre, l’OIM a observé une augmentation récente des départs depuis la Libye (près de 3000 depuis un peu plus d’un mois). Les conditions de détention des migrants dans des centres surchargés se détériorent, selon l’OIM. Par ailleurs, l’agence onusienne appelle également à lever les restrictions contre les ONG qui œuvrent en mer. A cet effet, elle demande de réévaluer la zone de sauvetage libyenne pour permettre à des acteurs internationaux d’aider les personnes en difficulté.

Masar Hoti 

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils