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FLASH INFOS #127

Sous la loupe : Les centres fédéraux pour requérant.e.s d’asile frôlent la saturation / Médecins sans Frontière crie au scandale après une négligence de Malte / Le CSP ouvre un nouveau galetas à Renens

Les centres fédéraux pour requérant.e.s d’asile frôlent la saturation
Swissinfo, 25.10.2022

En raison de capacités insuffisantes d’hébergement et d’encadrement, une nouvelle mesure a été mise en place le 27 octobre par la Secrétariat d’État aux migrations (SEM), pour permettre aux centres fédéraux de rester en mesure d’accueillir les nouvelles personnes requérantes d’asile. Avec cette nouvelle décision, certain.e.s vont être temporairement attribué.e.s aux cantons plus tôt qu’auparavant, soit avant même que les 140 jours réglementaires ne soient passés.

Charles Williams Soumah
Membre de la rédaction vaudoise de Voix dExils

Médecins sans Frontière crie au scandale après la négligence de Malte
Euronews, le 28.10.2022

Médecins Sans Frontières (MSF) accuse les autorités de Malte de ne pas avoir rempli son obligation d’assistance après avoir porté secours à 371 personnes migrantes en mer Méditerranée, notamment trois femmes enceintes, et 22 enfants – dont un nourrisson de 11 mois – qui venaient des côtes libyennes. Ce malgré le fait qu’elles aient été informées de cette traversée. Certains des personnes migrantes étaient épuisées et entièrement déshydratées après avoir traversé la mer pendant trois jours.

L.B.
Membre de la rédaction vaudoise de Voix dExils

Le CSP ouvre un nouveau galetas à Renens
Lausanne Cités, le 24.10.2022

Le Centre Social Protestant Vaud (CSP) a annoncé qu’une nouvelle boutique de vêtements de seconde main sera ouverte dès le 5 novembre à la rue Neuve 10 à Renens. La future boutique est également à la recherche de bénévoles afin de répondre à la demande de personnes qui veulent faire des achats de manière durable.

Kristine Kostava
Membre de la rédaction de Voix d’Exils




«Voilà, je devais le dire un jour : je suis raciste»

Aldo Brina. Photo: Greg Clément.

Une réflexion d’Aldo Brina

Aldo Brina est Chargé d’information sur l’asile au CSP Genève et s’engage depuis 2007 au cœur du réseau de défense des réfugiés. Dans la réflexion ci-dessous que nous publions dans son intégralité, Aldo Brina s’interroge sur ce qu’est le racisme, puis sur la manière de le combattre, y compris dans ses formes les plus sournoises.

«Voilà, je devais le dire un jour : je suis raciste.

Je sais, ça risque de surprendre pas mal de monde. Quinze ans à défendre le droit d’asile, plusieurs années à présider la coordination contre la xénophobie. Mais il fallait que je le dise.

Il fallait que je le dise parce qu’en fait, en Suisse, je me sens très seul, parce qu’il n’y a pas de racistes. Dans la conception dominante, raciste, tu l’es ou tu l’es pas. Et l’immense majorité a décidé qu’elle ne l’était pas. Les racistes, ce sont seulement ces types qui ont un drapeau du troisième Reich, ou qui affirment que les noirs sont des singes, et plus personne, ou presque, n’a ça ou ne dit ça. Donc il n’y a plus de raciste, et la lutte contre le racisme, c’est une exagération.

Ben moi je ne suis pas de cet avis. Alors je le dis haut et fort : je suis raciste. Le racisme ce n’est pas qu’une opinion qu’on clame, c’est aussi des pensées fluides qui pénètrent les esprits les mieux intentionnés, des cimetières indiens (et africains) sur lesquels on a construit notre présent, des institutions qui font partie de l’état de droit tout en étant, dans des mesures variables, racistes.
Une émission de télévision très regardée titrait : la Suisse est-elle raciste ? Ça n’a aucun sens. La question n’est pas de l’être ou de ne pas l’être. La question c’est qu’est-ce qu’on fait de ces réflexes, de ces pensées, de ces comportements, de cette histoire que nous partageons toutes et tous. Comment les combattre comme on a vaincu le féodalisme, la peine de mort ou le tabagisme ?

Moi, j’avoue, quand je croise une personne noire en bas de mon boulot, mon premier réflexe c’est de penser qu’elle vient consulter une de nos permanences juridiques on sociales. Pas qu’elle est peut-être la patronne de la société informatique qui vient réparer notre réseau ou une journaliste qui vient couvrir une conférence de presse.

Le parlement qui me représente comprend 0% de femmes ou d’hommes noir-e-s. C’est pas le même pourcentage quand je prends le bus.

Chaque jour, pour appliquer les lois de mon pays, des équipes de police arrêtent au petit matin des familles, le plus souvent noires ou racialisées, les mettent dans un avion de force. Des décisions de justice ont reconnu des insultes racistes dans ce cadre mais moi, je dors pareil la nuit. Je vois des personnes noires se faire contrôler dans la rue et je ne me pose pas trop de questions. La police s’occupe des délinquants, non?

Donc comprenez, je ne me sentais pas complètement à ma place parmi tous ces gens, bien-pensants, qui ne sont pas du tout racistes, jamais. Donc cet aveu, ça m’enlève un poids.

Je force le trait et j’entends d’ici les cris d’orfraie : s’infliger une telle culpabilité, blabli blabla. Une responsabilité, pas une culpabilité. Pas se lamenter, pas se flageller, mais se rappeler que y aura toujours du boulot. On ne vous demande pas d’être jugé-e-s avec le policier qui a assassiné George Floyd, on aimerait juste que vous vous demandiez que faire pour que cela soit impossible en Suisse.

Je suis raciste et, d’ailleurs, j’ai très peu d’ami-e-s noir-e-s. Trop peu.
Une prochaine fois, je vous expliquerai que je suis aussi sexiste…»

Chroniques de l’asile

Aldo Brina a publié en mars 2020 « Chroniques de l’asile » aux Editions Labor et Fides. L’auteur décrit le quotidien des actions menées par le Secteur réfugiés du Centre social protestant, à Genève et les limites qu’il rencontre avec ses collègues pour venir en aide aux personnes en procédure d’asile. Il tente notamment de comprendre « ce qui motive des êtres humains à en aider d’autres à pouvoir vivre dignement et ce qui, dans notre époque, fait obstacle à ce geste fondamental ».

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 




« L’initiative de l’UDC pour le renvoi effectif des criminels étrangers nous ramène au système du bannissement »

Magalie Gafner, sociologue et juriste au Centre Social Protestant (CSP) Lausanne.

Magalie Gafner, sociologue et juriste au Centre Social Protestant (CSP) Lausanne.

Voix d’Exils a  rencontré Magalie Gafner, sociologue et juriste au Centre Social Protestant (CSP) de Lausanne pour s’interroger sur les enjeux de l’initiative du 28 février prochain dites de renvoi effectif des étrangers criminels.

Quelle est la différence entre la dernière initiative concernant le renvoi des criminels étrangers et celle-là ? Est-ce uniquement une « mise en œuvre » de la précédente ?

L’application faite par le Parlement de l’initiative sur le renvoi des étrangers délinquants laisse une marge d’interprétation aux juges, leur permettant de traiter différemment un migrant fraîchement arrivé et qui commettrait un délit et une personne née en Suisse qui commettrait le même acte.

 Dans cette initiative « Pour le renvoi des étrangers criminels », quelles catégories d’étrangers sont visées ?

A priori toutes les  catégories d’étrangers sont visées : du touriste à l’étranger de la deuxième ou troisième génération. Il est toutefois clair qu’un renvoi automatique, tel que prévu dans l’initiative de mise en œuvre, contrevient à l’interprétation faite par la Cour de justice de l’Union Européenne qui exige un danger actuel pour l’ordre public et réfute toute automaticité. Sans remise en cause de l’Accord sur la libre circulation des personnes, le texte constitutionnel ne pourrait s’appliquer aux ressortissant-e-s européens. De plus, ce texte, mènera à des violations très systématiques de l’article 8 de la Convention Européenne des Droit de l’Homme qui protège la vie familiale mais aussi la vie privée, soit notamment l’enracinement ancien d’une personne dans une société quand bien même elle  n’en n’aurait pas la nationalité. Là aussi, soit on renonce à appliquer cette convention, soit on renonce à appliquer le nouvel article constitutionnel aux migrants installés de très longue date ou qui auraient leur famille en Suisse et dont le ou les crimes ne revêtent qu’une gravité relative.

Est-ce que cette initiative pose des problèmes (ou pas ?) du point de vue du droit ?

 

En plus des difficultés soulevées à la question précédente, l’initiative entrave clairement le travail du juge qui doit appliquer le cadre légal à une situation particulière et respecter le principe de proportionnalité.

Pensez-vous que cette initiative va renforcer la sécurité de la population suisse ?

Si cette campagne participe à créer un sentiment d’insécurité, la modification de la Constitution ne changera rien à la sécurité objective en Suisse, puisque aujourd’hui les bases légales et la pratique des tribunaux permettent déjà de renvoyer les étrangers qui mettent en danger l’ordre public. Les seules personnes qui ne peuvent être actuellement renvoyées et qui présentent un danger ne le pourront pas non plus avec cette initiative, puisqu’il s’agit de personnes dont l’identité est impossible à établir et/ou qui ne sont pas réadmises par leur Etat national.

Cette initiative ne risque-t-elle pas de créer un régime de « double peine » ?

Il est clair qu’une sanction de renvoi qui s’ajoute à une peine pénale purgée est une double peine.

Dans quelle « direction » les différentes initiatives de l’UDC nous mènent ?

Ces initiatives nous éloignent d’une certaine conception du droit et nous ramènent  à travers des réponses apparemment simples au système ancien du bannissement qui, indépendamment des questions éthiques que cela soulève, n’est, dans une société mondialisée, qu’une illusion.

Propos recueillis par:

Rama Kouria

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Info :

Article paru dans le 20 minutes qui détaille des cas de figure concrets de renvois

 

 

 

 




«Sans la communication, on est prisonnier de ses pensées»

Nazli Cogaltay, réalisatrice du documentaire "LAL"

Nazli Cogaltay, réalisatrice du documentaire « LAL »

D’origine kurde, Nazli Cogaltay ne parle pas un mot de français lorsqu’elle arrive en Suisse en 2010 pour y demander l’asile. Etrangère dans un pays inconnu, elle fait d’abord la douloureuse expérience de ne pas pouvoir communiquer avec sa société d’accueil, puis s’affranchit progressivement de son isolement grâce à ses efforts pour apprendre le français. S’inspirant de son vécu, elle décide alors de tourner un documentaire sur cette problématique. Intitulé « LAL » (muet en langue kurde) et tourné dans le canton de Vaud, son film donne la parole aux migrants et dévoile certaines difficultés qu’ils rencontrent. Interview de cette ancienne rédactrice de Voix d’Exils.

Voix d’Exils : Qu’est-ce qui vous a motivée à réaliser ce documentaire?

Nazli Cogaltay : A mon arrivée en Suisse, j’ai rencontré des difficultés à communiquer. Lors d’un entretien important, un malentendu concernant un mot mal interprété par mon interlocuteur m’a fait prendre conscience de l’importance de cette problématique de la communication. Par la suite, j’ai réfléchi et j’ai imaginé ce qu’endurent les personnes migrantes qui vivent en Suisse et qui n’arrivent pas à communiquer. C’est de là que ma motivation est née.

Pourquoi avez-vous choisi de vous exprimer à travers la vidéo ?

Pour des questions d’efficacité. La communication visuelle attire deux fois plus l’attention sur un fait ou un évènement qu’une émission radio. Et aussi, elle est plus crédible et permet de mieux atteindre mon public.

Pourquoi ce titre « LAL »  ( « Muet ») ?

Je suis d’origine kurde, et « LAL » en kurde signifie « muet ». J’ai donné ce nom à mon documentaire, parce que les migrants ne peuvent pas s’exprimer à cause de la barrière de la langue. Ils doivent apprendre à parler une langue étrangère et, en attendant de pouvoir le faire, ils sont « LAL ».

Pour vous, que signifie la communication?

La communication permet de libérer ses idées et ses sentiments. A travers ce documentaire, j’ai essayé de montrer que sans la communication on est prisonnier de ses pensées, pour la simple raison qu’on ne peut pas se faire comprendre et comprendre l’autre. Une migrante d’origine kurde vivant en Suisse depuis trois ans m’a dit : « Quand je n’arrive pas à communiquer je me sens en insécurité ». Parler la langue du pays permet de s’intégrer.

Quel message véhicule votre documentaire?

Tout d’abord, je convie en particulier la population d’accueil, et aussi tous les migrants à le regarder. A travers les interviews des uns et des autres, j’ai fait ressortir la volonté des migrants de s’intégrer malgré les difficultés rencontrées, notamment en matière de communication.

Où avez-vous tourné votre film?

Je l’ai tourné au Centre de formation de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants à Longemalle, au foyer EVAM de Crissier, à la cathédrale de Lausanne et devant le centre d’enregistrement de Vallorbe.

Comment avez-vous choisi les interviewés ?

Mon choix s’est porté sur les migrants non francophones comme les Érythréens, les Tibétains, les Kurdes et les Afghans. Chaque intervention est accompagnée d’une musique provenant de leur pays d’origine. J’ai aussi filmé des professeurs, un responsable pédagogique et un psychiatre qui s’investissent dans le processus d’intégration des migrants en les aidant à parler et à écrire en français. Je profite de l’occasion pour remercier tous ces intervenants qui ont chacun apporté leur contribution pour la réalisation de ce documentaire.

Financièrement, où avez-vous trouvé les fonds pour réaliser le tournage ?

J’ai réalisé ce documentaire avec les moyens du bord.

Où l’avez-vous déjà diffusé ?

Deux fois au Centre de formation de l’EVAM à Longemalle, à l’association RERS à Lausanne, à Mozaïk à Appartenances, au centre socioculturel lausannois Pôle Sud, au Centre social protestant et au Gymnase de Chamblandes.

Comment a réagi le public ?

Du côté des migrants, ils retrouvaient leur quotidien, soit leurs problèmes de communication et soulignèrent l’importance de pouvoir communiquer avec leur société d’accueil. Du côté des autochtones, c’était une révélation pour beaucoup d’entre eux. Une Suissesse m’a confié à la fin de la projection : «Je n’ai jamais imaginé que les migrants souffraient autant de ne pas pouvoir communiquer, et moi qui pensais qu’ils vivaient assez heureux. J’étais loin de la réalité, jusqu’à ce que je visionne ce documentaire !»

Y a-t-il d’autres projections prévues?

Bien sûr, j’ai prévu de nouvelles projections, mais les dates et les lieux seront communiqués ultérieurement.

En tant que réalisatrice de ce documentaire, êtes-vous satisfaite du résultat ?

Oui ! Je n’ai pas réalisé un documentaire professionnel, mais avec le peu que d’argent que j’avais à disposition, je peux dire que mon objectif est largement atteint. A chaque projection, j’ai partagé des émotions, de l’enthousiasme et du plaisir avec le public. J’ai récolté beaucoup de soutiens et d’encouragements. C’est très touchant de savoir que mon message a bien passé.

Ce tournage a-t-il fait évoluer votre regard sur la communication ?

Dans mon expérience personnelle, j’ai vu l’importance de la communication et un documentaire en est sorti. En réalisant ce documentaire, j’ai rencontré de nombreuses personnes, mon réseau s’est élargi grâce à la communication. J’ai aussi appris à mieux communiquer. Pour moi, c’est un outil indispensable. Quand j’interviewais des migrants, certains étaient ouverts et d’autres non, faute de pouvoir s’exprimer. Mais ils faisaient un effort pour se libérer des maux qui les rongent. J’ai alors vu l’impact que pouvait avoir la communication sur une personne qui parle et l’autre qui l’écoute.

Parlez-nous de vos projets ?

« LAL » est en fait la première partie d’un documentaire qui en compte trois autres que je vais prochainement finaliser.

Propos recueillis par :

El Sam

Journaliste à la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos:

Pour visionner le film « LAL » de Nazli Cogaltay  cliquez ici