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Essayer jusqu’au succès

Photo: rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

Le dossier de la rédaction: les migrants entrepreneurs

Les difficultés rencontrées en tant qu’étranger et le drame d’avoir perdu une jambe n’ont pas su venir à bout de l’espoir de Hassan.

Hassan Ibrahim Mohamad, d’origine kurde d’Irak, est né à Dhok dans une famille engagée en politique. Il a un frère et quatre sœurs. Quand il était enfant, il a perdu une jambe à cause d’une mine. Il a fait 6 ans d’école. Ensuite il a appris le métier de coiffeur chez son oncle. Puis il a dû quitter son pays pour des raisons politiques. Il vit à aujourd’hui à Neuchâtel depuis 14 ans où il a développé ses activités. Il parle 5 langues : le kurde, l’arabe, le turc, le français et l’allemand.

Nous l’avons rencontré dans son salon à Neuchâtel pour lui poser quelques questions sur son parcours.

Voix d’Exils : Depuis votre arrivée en Suisse, qu’avez-vous fait ?

Hassan Ibrahim Mohamad : Quand je suis arrivé en Suisse en 2003, je ne connaissais personne et je ne parlais pas le français. Après un séjour dans un premier centre en Suisse, j’ai été envoyé aux Verrières dans le canton Neuchâtel dans un centre de premier accueil. J’y suis resté 6 mois et on ne pouvait pas sortir à cause de la neige et des intempéries. J’ai demandé à mon assistant qu’il me prête une tondeuse en lui disant que j’étais coiffeur. A partir de ce moment, j’ai pu pratiquer mon métier gratuitement dans le centre pour passer le temps. Après j’ai été transféré à Corcelles dans un appartement. Quelques fois j’allais chez des amies pour leur faire une coupe de cheveux à prix réduit.

Comment vous est venue l’idée de devenir un coiffeur indépendant ?

J’ai réfléchi et j’ai constaté que j’avais les capacités et l’expérience pour améliorer ma situation. Au début, j’ai cherché sans succès jusqu’au moment où j’ai trouvé par hasard un fauteuil de coiffeur dans un petit local dans un magasin de vêtements à Neuchâtel et je l’ai loué. J’ai travaillé là et j’ai eu très vite beaucoup de clients. Après, grâce à mon meilleur ami Kamaran, j’ai trouvé un salon à la Chaux-de-Fonds que j’ai loué en 2007. À partir de ce moment je suis devenu indépendant. On a bien travaillé et on a eu beaucoup de clients et c’est ainsi que j’ai appris le français. En 2010, j’ai ouvert un nouveau salon à Neuchâtel mais, en 2011, comme j’étais fatigué par les déplacements, j’ai cédé le salon de la Chaux-de-Fonds à mon ami Jalal. Au début, j’avais trois fauteuils donc trois employés et maintenant j’en ai cinq et cette année j’ai ouvert une entreprise de déménagements et de nettoyages qui s’appelle SRL (NDLR : Grâce à ses succès dans ses activités, Hassan a pu embaucher neuf personnes : cinq coiffeurs et quatre déménageurs.)

Photo: rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

 

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontré ?

Mon grand souci c’était de ne pas parler français et c’est pour cela que je ne trouvais pas de travail.

Quel est votre conseil pour les nouvelles personnes migrantes qui arrivent en Suisse ?

Premièrement, il faut savoir parler la langue du pays, c’est la clé qui ouvre toutes les portes du travail et qui montre nos capacités, et grâce à ça on peut s’intégrer dans la société Suisse.

Que pensez-vous de la Suisse ?

J’ai beaucoup voyagé en Europe mais c’est en Suisse que j’ai ressenti le plus de sécurité. La Suisse est un petit pays mais grand à l’intérieur. La Suisse a de très beaux paysages et elle a des habitants fidèles aux valeurs du pays.

Est-ce que vous avez déjà pensé à retourner dans votre pays d’origine ?

Au début j’ai réfléchi, et j’ai pensé repartir quand mon pays serai en paix mais j’ai deux enfants qui sont nés en Suisse. Quand je vais en vacances pour trois semaines dans mon pays d’origine, mes enfants demandent toujours : « Papa, quand est-ce qu’on rentre à la maison ? » La Suisse est leur pays.

Je considère moi aussi la Suisse comme mon pays, car elle m’a donné tous mes droits. Je resterai fidèle à la Suisse, je ne la laisserai jamais.

Revan Noori

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




« Créer un business était la seule solution pour nous »

M. Mathiyarasan, propriétaire du S.M.T. New Asia Shop. Photo: Sara

Fuyant la guerre civile au Sri Lanka qui opposait le gouvernement Sri lankais aux Tigres tamouls, les premiers Tamouls ont trouvé refuge en Suisse dans les années quatre-vingt. A cette époque, la majorité des Tamouls travaillait dans des restaurants comme aides-cuisiniers et plongeurs. Avec le temps et grâce à leur travail acharné, certains ont réussi à devenir chef de cuisine ou propriétaire de restaurants et à servir leurs propres clientèles. D’autres ont ouvert des épiceries. Les entreprises dirigées par des Tamouls se multiplient à partir des années 90 et occupent une bonne place dans les commerces tenus par des étrangers en Suisse. Voix d’Exils est allé à la rencontre de Mathiayarasan, le patron du plus ancien magasin sri-lankais de Lausanne sis à la rue du Simplon 12 : le S.M.T New Asia Shop.

Nous sommes le jeudi 24 mai 2012, il est 14 heures et c’est le moment creux de la journée. Renseignant les clients présents dans le magasin tout en déballant des palettes de marchandises qui viennent d’être réceptionnées, Mathiayarasan est néanmoins disponible pour répondre à quelques questions.

Photo: Sara

Voix d’Exils : Pouvez-vous retracer l’histoire du S.M.T. New Asia Shop?

Mathiyarasan : J’étais soldat et j’ai été blessé durant la guerre civile. J’ai donc dû quitter mon pays en 2003. Lorsque ma femme et moi sommes arrivés en tant que demandeurs d’asile en Suisse, j’étais vraiment triste pour elle car elle cherchait du travail et n’en trouvait pas. Elle ne voulait pas rester à l’aide sociale. Mais je ne voulais pas qu’elle fasse un travail de nettoyeuse dans un restaurant ou un bureau. A ce moment-là, je travaillais dans un autre magasin. Cela me révoltait, qu’en général, les employeurs chargent les employés Tamouls pour réaliser les travaux les plus durs. Moi, j’étais souvent submergé de travail. Ma femme et moi, nous avons alors songé à créer notre propre business. C’était la seule solution pour nous. Après des efforts acharnés pendant huit ans, j’ai enfin ouvert mon propre magasin en reprenant le S.M.T New Asia Shop. Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas fait de grands bénéfices, mais ma femme jouit de son indépendance et elle semble très contente.

Photo: Sara

Est-ce un bon travail ?

Notre revenu ne suffit pas. Si on avait des enfants, il faudrait que l’un de nous trouve un autre travail. Pour le moment, on dégage des bénéfices pour payer un salaire. C’est tout. A cause des préparatifs nécessaires pour le lendemain, ma femme et moi travaillons de 06h00 jusqu’à 20h00 tous les jours, week-ends compris. Nous n’avons pas de temps pour nous, même pour cuisiner. Il est parfois arrivé qu’on doive jeter une grande partie des produits à la poubelle à cause du retard d’une livraison de légumes du Sri Lanka par exemple. En outre, ma femme se retrouve souvent face un problème grave l’après-midi. Il arrive que lorsqu’elle est seule dans le magasin, des jeunes gens ivres entrent et la perturbent. Quelques fois, ils ont essayé de voler des produits du magasin et on a dû déposer plainte auprès de la police.

Photo: Sara

Quels genres de produits vendez-vous le plus ?

Le riz, les épices, les fruits en conserve, les légumes frais, les exhausteurs de goût, le dal, les haricots, les lentilles et les poissons Indiens. Nous vendons aussi du Siddhalepa, qui est une baume à base de plantes très populaire an Sri Lanka.

Qui sont vos clients ?

Des Européens, des Suisses, des Sri Lankais, des Africains, des touristes…On reçoit plus de 150 personnes chaque jour.

Où avez-vous trouvé les fonds pour ouvrir votre magasin ?

J’ai vendu le terrain résidentiel que j’avais chez moi et j’ai investi l’argent dans ce magasin. Cela m’a coûté plus de CHF 8000.- pour réaliser les travaux de rénovation qui étaient nécessaires pour la reprise du magasin.

Quels sont vos plans d’avenir ?

J’aimerais retourner chez moi, je l’espère dans moins de 10 ans. Je conseille aux jeunes de ne pas ouvrir leur propre négoce avant d’avoir acquis les connaissances nécessaires. Je leur conseille aussi d’étudier dur et de choisir un métier qui leur permette de ne pas travailler plus de huit heures par jour et de profiter de la vie.

Propos recueillis par :

Sara

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils