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FLASH INFOS #102

Centre fédéral pour réquréants d’asile de Zürich / SEM / Twitter

Sous la loupe : En Suisse, les centres fédéraux d’asile sont débordés / Allemagne : les femmes et les enfants ukrainiens exposés au risque de trafic humain / « Le mur de la honte » : une stratégie superficielle face à la migration algérienne



En Suisse, les centres fédéraux d’asile sont déjà débordés

RTS, le 16.03.2022

Le 15 mars dernier, la Suisse comptait plus de 5’000 réfugié·e·s ukrainien·ne·s arrivé·e·s dans le pays. Face à cette situation, les Centres fédéraux d’asile se sont retrouvés débordés, entrainant notamment de longues files d’attente au Centre fédéral de Zurich où les réfugié·e·s se sont rendu·e·s pour obtenir un permis S.

Le Secrétariat d’Etat aux Migrations (SEM) a par ailleurs assuré que « Personne n’est laissé à la rue ». Dans cette optique, la Municipalité de Zurich a décidé d’ouvrir une grande salle sportive pour les personnes en attente d’un permis S. La Confédération a, quant à elle, annoncé vouloir favoriser les enregistrements numériques pour soulager les Centres fédéraux.

Karthik

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Allemagne : Les femmes et les enfants ukrainiens exposés au risque de trafic humain

infomigrants.net, le 11.03.2022

Depuis le début de la crise migratoire liée à la guerre en Ukraine, la gare centrale de Berlin est devenue un point de passage important pour des milliers d’ukrainien·ne·s, en majorité des femmes et des enfants. La vulnérabilité de cette population augmente leur risque d’être la cible de réseaux de trafic humain et de prostitution.

En effet, d’après la police allemande, des femmes et des mineurs non accompagnés voyageant seuls ont été approchés à la gare centrale par des personnes leur proposant de l’argent pour les loger dans leur demeure.

L. B.

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

« Le mur de la honte » : une stratégie superficielle face à la migration algérienne

infomigrants.net, le 10.03.2022

Depuis la fin du mois de février, des murs d’environ quatre mètres de haut cloisonnent plusieurs plages d’Aïn el Turk, une ville côtière située à l’ouest d’Oran.

Des sources proches de l’administration de la ville ont déclaré à Algérie Part Plus que « ces murs en béton font partie d’une stratégie globale décidée par les autorités locales » pour « bloquer définitivement l’accès aux plages d’Oran aux réseaux de migrants » qui tentent de traverser la Méditerranée. Certains parlent d’un « mur de la honte » et affirment qu’il sera difficile d’arrêter les citoyen·ne·s algérien·ne·s qui bravent chaque jour la haute mer dans leurs petits bateaux pour fuir le désespoir de leur situation actuelle.

Le phénomène migratoire n’est pas nouveau en Algérie et s’est particulièrement amplifié depuis l’année dernière dans cette région qui est le point de départ de la totalité des exilé·e·s de l’ouest algérien.

Renata Cabrales

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Les flux migratoires inversés

John Rodenn Castillo / unsplash.com.

Réflexion de Alcibiades Kopumi sur le cas du Portugal

Les flux migratoires constituent un phénomène global, un mouvement perpétuel que suit l’humanité tout au long de son existence. En ce sens, il ne serait pas exagéré de considérer que tous les humains soient des migrant·e·s qui partent, pour différentes raisons, d’un point A de la planète pour s’établir sur un point B, ce soit provisoirement, soit définitivement.  

Quand on se penche sur la question de la migration, on y trouve presque exclusivement un regard naïf – voire méprisant – qui voit ce phénomène comme ayant un sens unique: de partout –  mais surtout de l’Afrique – vers l’Europe. Ce qui est faux. 

En effet, il existe des mouvements migratoires très importants, établis depuis des siècles, qui vont de l’Europe vers l’Afrique et qui ont cours depuis l’époque des colonisations jusqu’à nos jours. Or, de ces mouvements de « migrations inverses », il n’est jamais question.

Prenons un exemple récent d’un tel phénomène de migration: celui des Portugais·e·s vers l’Angola.

Au début des années 2010, le Portugal a connu une longue période sombre marquée par une profonde dépression de son économie. Ayant été soumis à plusieurs programmes de sauvetages successifs sous forme de prêts menés par la troïka – la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international – avec le but de maitriser tous les indicateurs macro-économiques du pays, le Portugal s’est vu imposer de très dures mesures d’austérité.

Affectés par des taux très élevés de chômage, des baisses de salaires massives et privés de perspectives de vie, des dizaines de milliers de Portugais·e·s ont alors pris la décision d’emprunter la voie de la migration vers l’Angola, à la recherche de meilleures conditions de vie.

Selon les estimations du journal portugais o Público, environ 150’000 Portugais·e·s travaillaient en Angola en 2013. À l’inverse, le rapport annuel du Service des Étrangers et des Frontières du Portugal indique qu’à la même période, seulement 20’177 Angolais·e·s vivaient au Portugal. Autrement dit, la migration des Angolais·e·s vers le Portugal s’avère être sept fois moins importante que celle des Portugais·e·s vers l’Angola.

Plus précisément, le nombre de migrant·e·s provenant de la péninsule ibérique en Angola s’est vu multiplié par dix entre 2008 et 2015. En effet, l’Angola a délivré près de 45’000 permis de séjour ou de travail à des Portugais·e·s en 2011, contre 12’000 en 2008. Et entre 2008 et 2015, le nombre de ressortissant·e·s du Portugal enregistré·e·s au consulat du Portugal en Angola est passé d’environ 73’000 à plus de 134’000.

Tout comme pour le cas de Portugal, des mouvements similaires à partir d’autres pays européens vers d’anciennes colonies – par exemple de la France vers le Maroc – ont lieu et ce également pour des raisons économiques.

L’étude des flux migratoires inversés met ainsi en lumière une face cachée peu connue et peu médiatisée des phénomènes migratoires. Pourtant, comme l’illustre le cas du Portugal, la réalité du flux migratoire de ce pays vers l’Angola est bien plus conséquente que celui de l’Angola vers le Portugal. Cette réflexion nous amène à questionner les raisons légitimes qui justifient ces mouvements migratoires. Pourquoi donc il semble si naturel que des citoyen.nes européen.nes migrent vers des pays du Sud pour des raisons économiques – qui pourtant sont légitimes – alors que, les personnes des pays du Sud – en particulier d’Afrique – qui, pour la plupart, fuient leur pays pour sauver leur vie, sont en général perçues comme des potentiels migrant.e.s économiques illégitimes, voire même des criminels?

Alcibiades KOPUMI

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Méditons Méditerranée

Bord de la mer, Casablanca. Auteur: Youssrawiki CC BY-SA 3.0

Bord de la mer, Casablanca. Auteur: Youssrawiki CC BY-SA 3.0

Le scenario de la mort relayé en direct par les médias ne finit toujours pas de révéler ses horreurs en pleine mer. La Méditerranée s’est mue en nécropole sous le regard médusé des forces navales d’une Europe qui veut se barricader face à l’afflux des migrants. Mais n’oublions pas que cette situation dramatique est en partie le fruit des politiques d’ajustements structurels qui, autrefois, frappaient l’Afrique et qui, aujourd’hui, ravagent l’Europe.

Fuir la mort ou la pauvreté est, en soi, un réflexe inhérent à notre espèce, quel que soit notre origine géographique. Mais fuir la pauvreté ou la mort pour une autre mort est devenu un phénomène inquiétant qui mériterait une réflexion plus sérieuse de la part du gotha politique de ce monde.

Les ravages des ajustements structurels

En Afrique subsaharienne, les politiques d’ajustements structurels des années 90, édictées par les institutions financières internationales, ont jeté les bases d’une fragilisation du tissu social. Déjà, les signes avant-coureurs d’une déroute s’annonçaient à cause des mauvaises gestions des gouvernants. C’était l’époque de ce qu’on appelait les « départs volontaires » et les « retraites anticipées » issus des réformes économiques recommandées par la Banque mondiale et le Fond Monétaire International. Ces « départs volontaires » étaient des mesures concertées de déflation du personnel, encouragées par l’État, pour alléger sa masse salariale jugée trop lourde. Une indemnité substantielle était alors versée aux fonctionnaires candidats à cette démission négociée. Les ajustements structurels ont conduit à la suppression des subventions et des aides de l’État aux secteurs primaire et secondaire. Ces secteurs, piliers importants de l’économie, avaient encore besoin d’appuis financiers pour assurer un fonctionnement convenable. Ces mesures politiques et économiques n’ont finalement pas porté leurs fruits, mais ont plutôt mené à la corruption et à l’affairisme au sein des élites politiques, ainsi que l’accentuation de l’exode rurale des paysans appauvris vers les grandes villes dans l’espoir d’une vie meilleure. Cette masse d’hommes, venus des villages, démunis des ressources permettant d’affronter un marché de l’emploi quasi inexistant, se lance alors dans l’entrepreneuriat. Ainsi se développent, ce qu’on appelle dans certaines métropoles africaines, les « marchands-ambulants » : des petits commerçants qui vendent leurs marchandises à la sauvette dans les rues.

Tout allait plus ou moins bien jusqu’au moment où l’inflation, le coût exorbitant de la vie et le chômage des jeunes étaient devenus intenables à cause de ces politiques économiques inhumaines et inadéquates. Certains États africains, dans la même lancée, ont même encore jetés de l’huile sur le feu en délivrant des licences de pêche aux grands chalutiers européens qui sont alors venus vider les côtes poissonneuses. Une initiative qui n’a pas tardé à tuer ce secteur avec la raréfaction des poissons qui, par conséquent, sont devenus plus chers dans les marchés locaux.

« Barca-Barsakh »

Ce fut le début d’une aventure meurtrière, de l’explosion de la bombe à retardement qui ne finit de faire des victimes jusqu’à présent. En effet, lorsque les jeunes pêcheurs d’Afrique de l’Ouest commençaient à rentrer bredouille car ne trouvant plus de poissons en mer, l’idée d’émigrer en pirogues était enfin une alternative plus lucrative que cette pêche devenue moribonde. Alors, le phénomène « Barca-Barsakh » (Barcelone ou la Mort) est devenu la nouvelle formule pour rallier l’Europe en pirogues. Beaucoup de jeunes candidats à l’exil: hommes, femmes et parfois même enfants s’embarquent dans les barques de la mort pour tenter l’impossible au péril de leur vie. Tout était bon pour payer le billet de la traversée : les parents vendaient bijoux, propriétés ou même leurs maisons dans l’espoir de voir un fils revenir un jour nanti et plus apte à entretenir toute la famille dans de meilleures conditions.

Hélas, les échecs des premiers voyages par la mer n’ont pas été assez dissuasifs pour les candidats potentiels. D’autres ont quitté le Mali, le Nigeria, la Gambie, les deux Guinées (Conakry et Bissau) pour rallier les côtes sénégalaises en vue de tenter l’aventure des pirogues.

Que d’espoirs perdus, que de jeunes engloutis par la mer, que de familles anéanties…

Le spectre de la mondialisation

Aujourd’hui, il faut aussi dire que le spectre de la mondialisation ne cesse toujours de menacer, avec ses gros nuages sombres qui n’augurent que le désespoir pour une certaine jeunesse. Les pirogues du « Barca-Barsakh » sont devenues désuètes, car des accords entre les gouvernements sénégalais et espagnol ont permis de stopper et de décourager le flux migratoire qui empruntait cette voie.

Face à un manque de mesures d’accompagnement concrètes pour l’insertion des jeunes dans certains pays africains, et face aux nombreux régimes dictatoriaux qui emprisonnent, persécutent ou musèlent les peuples, le mouvement migratoire humain continue de plus belle sa longue marche vers « l’Eldorado » européen.

Après la chute du régime de Kadhafi en 2011, et la pagaille politique en Libye qui s’en est suivie, le désert du Sahara voit de nouveaux caravaniers venus du Moyen-Orient et de l’ouest du continent africain s’ajouter à ceux d’Érythrée, du Soudan, de Somalie pour affronter la grande bleue méditerranéenne.

Que de peines, que de souffrances, mais pas de regrets de la part de ces candidats qui préfèrent laisser leur peau en essayant de joindre l’autre rive, plutôt que de mourir dans la fatalité d’une vie qui semble leur réserver que de l’adversité.

La Méditerranée est devenue sujette à méditations. Sa traversée, par cette jeunesse qui ne semble pas craindre d’y rester, doit plus que heurter les consciences, elle doit encourager une réflexion plus humaniste pour une solution durable.

ISSA

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils