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Revue de presse #11

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils.

Sous la loupe : Demandes d’asile : attention aux mauvaises traductions /A Genève, les sans-papiers ont le ventre creux / En Afrique, le Covid-19 n’arrête pas les migrations

Une mauvaise traduction peut faire basculer la vie d’un demandeur d’asile

Asile.ch 08.05.2020

En Suisse, des problèmes de traduction lors des auditions impliquant des requérants iraniens, afghans, yézidis, érythréens et kurdes ont été dénoncés. Les interprètes seraient mal formés, mal aiguillés et souvent mal surveillés. Les apartés durant les auditions et les contacts lors des pauses sont formellement interdits mais seraient pourtant fréquents. Il n’est pas rare que des tensions entre requérants et interprètes dégradent le cours d’une audition.

Le Tribunal administratif fédéral (TAF) est régulièrement appelé à se prononcer sur ce problème. Dans un arrêt du 17 février 2020, il précise qu’une mauvaise traduction conduit à un établissement incomplet, voire inexact de l’état de fait, viole gravement le droit d’être entendu du recourant et doit conduire à l’annulation de la décision du Secrétariat d’État aux migrations (SEM).

Dans une lettre adressée fin janvier à Mario Gattiker, le directeur du SEM, soixante-six experts en droit d’asile, dont des juristes, avocats et professeurs de droit, ont demandé l’instauration d’un enregistrement audio des auditions d’asile et l’organisation d’une formation spécifique pour les interprètes.

Plusieurs pays d’Europe ont déjà mis en place le dispositif d’enregistrement. C’est le cas de la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Finlande, la Suède, la Pologne, la Slovénie et Malte. D’autres comme l’Italie, Chypre et les Pays-Bas sont en voie de suivre leurs voisins. Son adoption par la Suisse, lui permettrait d’améliorer la qualité de la procédure et contribuerait à l’harmonisation du droit d’asile en Europe.

Pour l’heure, le SEM assure qu’en matière de traduction il est l’un des meilleurs dans le domaine, mais reconnaît néanmoins l’existence de bavures et s’est dit ouvert à l’enregistrement audio des auditions d’asile. A suivre.

 

Affamés, les travailleurs précaires sortent de l’ombre

ATS, 10.05.2020

A Genève, la crise du Coronavirus touche durement les travailleurs précaires, parmi lesquels une majorité de sans-papiers. Plus forte que la peur de s’exposer à découvert, la faim pousse cette population jusque-là très discrète à sortir de l’ombre. Et la Suisse découvre effarée des images de files interminables qui se forment depuis deux semaines les samedis devant la patinoire des Vernets.

Après des heures d’attente, hommes et femmes parfois accompagnés d’enfants repartent avec un colis de produits alimentaires. De quoi tenir jusqu’à la semaine suivante. Les partenaires sociaux, parmi lesquels la Ville de Genève qui coordonne l’opération, s’inquiètent face à l’augmentation croissante du nombre de personnes fragilisées.

Alors qu’en Suisse romande, et en particulier à Genève, cette population cachée prend le risque de se montrer pour chercher à manger, il n’en va pas de même en Outre-Sarine. Dans les villes de Zurich, Berne et Bâle, les sans-papiers évitent de s’exposer par crainte de se faire arrêter par la police puis expulser. Les distributions de nourriture ont donc lieu dans la plus grande discrétion, loin des caméras des médias.

A noter que l’opération Papyrus qui avait permis en 2017-2018 la régularisation de plusieurs milliers de clandestins à Genève, n’a pour l’heure pas trouvé d’équivalent du côté alémanique.

 

Malgré la pandémie, les flux migratoires continuent

RTBF, 09.05.2020

Malgré la pandémie, des milliers d’Africains continuent de tenter la périlleuse traversée du Sahara via le nord du Niger et la Libye dans le but d’atteindre les côtes méditerranéennes puis l’Europe. Selon des témoignages recueillis, ils préfèrent pour beaucoup mourir du coronavirus que de vivre dans la misère.

Depuis 2015, un plan anti-migrants a été mis en place à la frontière entre le Niger et la Libye. Tout au long de la crise sanitaire, les forces de sécurité ont intensifié leur surveillance pour que les mesures de fermeture des frontières soient respectées. Les mesures anti-coronavirus ont encore aggravé encore la situation puisque les routes elles aussi sont complètement bloquées.

Malgré la solidité du dispositif mis en place, les mouvements migratoires se sont poursuivis. En moins de deux mois, plus de 300 migrants ont été interceptés par l’armée nigérienne du côté de sa frontière avec la Libye.

D’autres migrants interceptés dans le Sahara ont été placés en quarantaine durant 14 jours sur des sites temporaires nigérians où l’Office International pour les Migrations (OIN) a accueilli environ 1600 personnes bloquées dans le désert depuis la fermeture des frontières à fin mars.

 

Oumalkaire / Voix d’Exils

 

 




Revue de presse #9

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils.

Sous la loupe : Covid-19, les Africaines en première ligne / Asile, une Suisse peu généreuse / Surpeuplé, un camp grec part en fumée / La Grèce ouvre des hôtels aux migrants

Covid-19, sensibiliser les Africaines

Jeune Afrique, 27 avril 2020

En Afrique, les systèmes de santé fonctionnent en grande partie grâce au travail invisible et gratuit des femmes. Il en va de même pour l’économie, dont l’essentiel repose sur leurs solides épaules puisqu’elles assurent 60% de l’agriculture vivrière. Une agriculture essentiellement tournée vers l’autoconsommation et l’économie de subsistance. Sur les marchés locaux, ces mêmes femmes constituent la majorité des marchands et des clients.

Or, de par leur rôle central, les Africaines sont tout particulièrement menacées par le Covid-19. D’autant que, malgré l’instauration de l’état d’urgence sanitaire dans beaucoup de pays du continent, le respect des mesures de prévention pose problème.

Faute d’actions de sensibilisation qui leur seraient spécifiquement destinées, les femmes pourraient bien devenir, malgré elles, les vecteurs par excellence du Covid-19. La communication sur ce fléau doit absolument progresser car, dûment informées, les Africaines ont le pouvoir de contenir la propagation du virus.

22 MNA accueillis en Suisse ? Ce n’est pas assez !

asile.ch, 28 avril 2020

La Suisse entend renforcer son soutien à la Grèce dans le domaine de l’asile. Elle va financer des projets humanitaires, fournir des tentes et des lits pour les camps de réfugiés, envoyer des garde-frontières en renfort et accueillir vingt-deux requérants d’asile mineurs non accompagnés (MNA) pour autant qu’ils aient de la famille en Suisse.

Alors que la communication officielle et certains médias saluent l’élan de solidarité suisse, Aldo Brina, chargé d’information sur l’asile du CSP Genève, se montre plus critique. Selon lui, le nombre de migrants auxquels la Suisse a décidé d’ouvrir ses portes est insignifiant face à la multitude de migrants bloqués en Grèce – parmi lesquels 5000 MNA – dans des conditions catastrophiques sur les plans sanitaire et humain.

Accueillir des requérants d’asile mineurs là où ils ont des proches qui peuvent s’occuper d’eux n’est pas un acte de générosité, rappelle Aldo Brina, mais la simple application du cadre légal en vigueur prévu par le Règlement Dublin.

Moralité ? Au vu des besoins, la Suisse peut et doit faire plus.

Camp de réfugiés grec en flammes

RTBF, 14 avril

Le camp de migrants surpeuplé de Vathy, situé sur l’île grecque de Samos, fermera avant la fin de l’année, a promis le ministre grec de l’immigration, Notis Mitarakis, après une inspection des lieux. Les migrants devraient être transférés dans un autre camp, situé à sept kilomètres de là.

Cette annonce survient après que des luttes entre migrants africains et afghans ont donné lieu à des incendies qui ont ravagé Vathy pendant deux jours, détruisant des tentes, des huttes et des maisons en préfabriqué. C’est du moins la version donnée par des organisations humanitaires.

La police, qui a interpellé 22 migrants, a une autre explication. Selon elle, des migrants ont bouté le feu au camp dans l’intention de forcer le gouvernement à les ramener sur le continent.

Quoi qu’il en soit, la situation est assurément explosive dans un camp qui abrite 6800 migrants, soit dix fois plus que sa capacité maximale.

Des migrants hébergés dans des hôtels en Grèce

RTBF, 14 avril 

Des politiciens et des ONG demandaient avec insistance mais en vain que les camps de migrants grecs soient complètement vidés étant donné leur surpopulation et les conditions d’hygiène déplorables. Covid-19 oblige, des mesures ont enfin été prises. Quelque 1000 réfugiés vulnérables en provenance des camps de Lesbos et d’autres îles grecques ont été transférés provisoirement dans des hôtels désertés par les touristes.

Cette opération a été rendue possible grâce aux efforts concertés du HCR (Agence des Nations Unies pour les réfugiés), de l’Organisation internationale pour les migrations, du gouvernement grec et de la Commission européenne.

Selon la Grèce, près de 10’000 migrants auraient déjà fait le voyage du camp à l’hôtel lors des trois premiers mois de l’année.

En vertu de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, les migrants peuvent être renvoyés en Turquie uniquement depuis les îles.

Oumalkaire / Voix d’Exils




Employer les bons termes lorsqu’on parle de phénomènes migratoires : Un défi pour les journalistes!

Sophie Malka, responsable du journal en ligne Asile.ch attire l'attention des participantes et participants sur les enjeux des statistiques. Photo: Giorgi, membre de la rédaction vaudoise de Voix d'Exils

Sophie Malka, responsable du journal en ligne asile.ch. Photo: Giorgi, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Un glossaire à l’attention des journalistes a été débattu lors d’une rencontre à Genève

Jeudi 13 octobre 2016, des journalistes, des blogueurs, ainsi que des représentants d’associations et d’instances officielles en charge de l’accueil des migrants se sont rencontrés à Genève, à l’initiative de l’association genevoise Vivre Ensemble. Cette rencontre visait à réfléchir et débattre des termes employés par les journalistes lorsqu’ils parlent d’asile et de migration dans le but de constituer un glossaire de la migration. Retour sur cette journée enrichissante à laquelle a assisté la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

En 2013, l’association Vivre Ensemble lance un projet dénommé « le comptoir des médias », dont le but est de contribuer à produire une information basée sur les éléments factuels et dénudée de préjugés à propos des phénomènes migratoires. Les informations produites par divers médias suisses sont alors vérifiées afin d’éviter qu’elles soient inexactes ou susceptibles d’alimenter des idées reçues auprès du public.

Anya Klug. Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d'Exils.

Anja Klug. Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

La création d’un glossaire de la migration, soumis à la discussion des participantes et participants de la journée, est dans la continuation logique du travail entrepris par le comptoir des médias. D’emblée, Sophie Malka, responsable du journal en ligne asile.ch, souligne la connaissance parfois très approximative des journalistes des phénomènes migratoire. Face à ce constat, Vivre Ensemble a constitué un outil destiné aux journalistes afin de leur fournir des notions utiles et des contacts d’organisations pour faciliter leur travail de vérification des informations. « L’objectif [de notre démarche ndlr.] étant de ne pas stigmatiser les travaux des médias, ni d’imposer ou aseptiser un discours unique, mais de réfléchir et d’échanger sur le contenu du glossaire. Notre association est militante dans le sens qu’elle cherche à renforcer le droit des réfugiés. Nous l’assumons totalement et notre outil est l’information : l’un des piliers de la démocratie » a précisé Sophie Malka.

Des « flux » et des « stocks »

Lors de la série de conférences qui ont précédé les ateliers thématiques, Martine Brunschwig Graf, la présidente de la Commission fédérale contre le racisme, a souligné l’importance de réhumaniser le langage lorsqu’on parle de migration et d’éviter des notions comme « flux » ou « stocks ». Elle mentionne à ce titre, non sans humour, que le terme de NEM (non entrée en matière) lui avait évoqué « les fameux rouleaux de printemps » la première fois qu’elle l’avait entendu. De même, certains sujets prennent une importance exagérée et sont non contrôlés par les journalistes. Elle cite, par exemple, les moyens de communication comme les courriers des lecteurs ou les commentaires en ligne des articles qui sont « des caisses de résonnance disproportionnées faiseuses d’une opinion du café du commerce ». Un contrôle est dès lors nécessaire pour vérifier que les termes employés restent dans la légalité. En l’absence de ce contrôle, la confusion entre l’information et l’intox est, toujours selon Madame Brunschwig Graf, un risque auquel le journaliste doit savoir faire face.

Martine Bunschwig Graf

Martine Brunschwig Graf, présidente de la Commission fédérale contre le racisme. Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Une telle maîtrise passe, selon Anja Klug, directrice du Bureau du HCR pour la Suisse, par une information correcte issue d’une recherche minutieuse et complète des événements, ainsi que par l’emploi d’une terminologie correcte au niveau juridique. Anja Klug a illustré l’importance que revêtent les mots lors de la publication d’une information, en distinguant, entre autres, les termes de réfugié et migrant, qui ont des significations distinctes. Dès lors, les confondre peut poser des problèmes considérables à ces deux catégories de populations. Cependant, les mots ne sont pas seulement tributaires du champ médiatique mais également du cadre juridique. À ce titre, les termes d’illégaux et de demandeurs d’asiles déboutés nécessiteraient d’être supprimés car ils n’indiquent pas que ces personnes aient besoin de l’aide internationale. D’où l’importance du glossaire, qui aidera les journalistes à trouver un vocabulaire adéquat.

Nicolas Roget au centre évoque l'importance du tzravail des journaliste. Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d'Exils.

Nicolas Roget (deuxième depuis la droite). Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Dominique Von Burg, président du Conseil suisse de la presse, a ajouté qu’un vocabulaire adéquat émane également du respect de la charte de déontologie journalistique en plus de la recherche de vérité et d’une information correcte. Il admet que parler de migration c’est relater de phénomènes complexes mais souligne, en même temps, le devoir de distance et de décodage des propositions politiques par les journalistes qui sont susceptibles de produire des confusions. C’est ainsi que « la droite parle plutôt de « migrants » et que la gauche parle plutôt de « réfugiés » et qu’on mélange allègrement tout » relève-t-il. Cette relation entre les médias et le politique se retrouve aussi au niveau institutionnel. Nicolas Roguet, délégué du Bureau de l’intégration des étrangers du canton de Genève, met en exergue le fait que les journalistes produisent davantage des informations utiles aux institutions au travers d’articles employant de bonnes terminologies et démontrant une compréhension du sujet et du domaine. Il gratifie aussi le travail que mène le comptoir de médias pour garantir l’équilibre et la justesse de l’information qui est très importante pour les institutions.

Dominique Von Burg. Photo: Georgi

Dominique Von Burg. Photo: Georgi, rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Décortiquer les statistiques et les mots 

S’en est suivi des ateliers de travail qui visaient à créer une réflexion commune sur les termes employés par les journalistes ou les chiffres produits par certaines institution dans le domaine de la migration. L’objectif final étant de contribuer à alimenter un glossaire qui serve aux journalistes à produire une information qui soit correcte, factuelle et qui n’alimente ni la peur, ni les stéréotypes sur les personnes réfugiées, en procédure d’asile ou migrantes. Un exemple de question qui initiait la réflexion d’un des ateliers était : « Réfugiés ou migrants, quel mot utiliseriez vous pour une famille syrienne fuyant la guerre, un opposant politique turc et un adolescent gambien fuyant la famine ? À mes yeux, ce sont tous des refugiés » répond une blogueuse. Mais, dans les faits, la Confédération accorderait un permis provisoire aux premiers, l’asile au second, et une non-entrée en matière au dernier.

Des ateliers studieux. Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d'Exils

Des ateliers studieux. Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

L’atelier numéro 3 animé par Sophie Malka abordait le problème des confusions pouvant résulter d’un emploi inadéquat des statistiques sur les mouvements migratoires en Suisse. Selon elle, le corps des gardes-frontières ne comptabilise pas les personnes migrantes qui résident sur le sol helvétique mais alimente ses statistiques sur la base des entrées et sorties du territoire national. Dès lors, une même personne peut tenter de franchir la frontière et être renvoyée à plusieurs reprises, ce qui semble être largement le cas à Chiasso dans le canton du Tessin. De ce fait, parler de « personnes » pour décrire des mouvement induit, selon Sophie Malka,  le lecteur en erreur, car cela conduit à une surestimation du nombre de personnes effectivement rentrées ou renvoyées de Suisse. « Le chiffre de plus de 4’000 renvois à la frontière suisse durant le seul mois de juillet de cette année qui a été avancé est en réalité biaisé. Dans les faits, environ 1’000 personnes faisant des allers et retours sur le territoire suisse auraient été renvoyées » conclut-elle.

Un procès-verbal a été établi à la fin de la journée qui nourrira le glossaire du comptoir des médias des échanges fructueux qui ont eu lieu durant toute cette journée du 13 octobre. Ce glossaire deviendra, avec un peu de chance, un véritable outil de travail et de référence pour aider les journalistes à accomplir leur devoir d’information.

Propos recueillis par :

Niangu Nginamau

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 




Faites connaître la brochure « Réfugiés | Halte aux préjugés » !

Une brochure disponible en 3 langues. La méconnaissance des faits constitue un terreau propice aux idées-reçues. La brochure réalisée par Vivre Ensemble cherche à confronter ces préjugés à la réalité de l’asile en Suisse. L’objectif est d’inciter chacune et chacun à rester critique face aux informations, parfois erronées, véhiculées sur la problématique des réfugiés. Et à repousser les limites de l’intolérance et du rejet.

Disponible ici : http://asile.ch/halte-aux-prejuges/