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« Devenir acteur de sa vie »

Photo: Moumouni Ibrahim, membre de la rédaction valaisanne de Voix d'Exils

Photo: Moumouni Ibrahim, membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

« Égalité des chances dès l’enfance ». C’est sous ce nom que l’OSEO Valais a lancé un projet d’intégration avec les réfugiés érythréens installés sur la commune de Sion. Voix d’Exils est allé à la rencontre de Véronique Barras, sa coordinatrice, pour en savoir un peu plus. 

La section valaisanne de l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO) est une organisation centrée sur l’insertion socio-professionnelle, dont celle des migrants. C’est dans ce cadre que le projet « Égalité des chances dès l’enfance » a été mis sur pied. Il repose sur le principe de « parents-relais », à savoir des personnes-ressources, formées par l’OSEO Valais sur l’éducation préscolaire et sur le système scolaire en Valais, avec un petit regard sur ce qui se passe après l’école primaire. Les supports de cours ont été créés par l’OSEO Valais en collaboration avec des partenaires tels que la direction des écoles, la Consultation parents-enfants, l’Office éducatif itinérant.

Identifier les familles ayant besoin d’un accompagnement

Plusieurs communautés ont été ciblées dont, en premier lieu, celle des Erythréens. Treize parents-relais ont été formés pour accompagner les familles installées sur la commune de Sion. Véronique Barras explique : «Quand une direction des écoles de la Ville de Sion organise une réunion, seuls les parents qui ont un niveau de formation assez élevé se déplacent. On se rend compte que les personnes qui ont le plus besoin d’aide ne viennent pas; c’est donc à nous d’aller vers elles ». Dans le cas de la communauté érythréenne, la première séance de rencontre a été organisée en 2014 ; le projet a été présenté aux parents, il leur a été expliqué comment les parents-relais pouvaient les aider dans l’éducation de leurs enfants, notamment pour comprendre tous les documents qu’ils reçoivent de l’école et qu’ils ne comprennent pas mais aussi pour apprendre les bonnes pratiques en termes d’alimentation ou de stimulation. La majorité des familles a adhéré au projet. Elles ont été invitées à compléter un questionnaire visant à déterminer leurs besoins. Une fois les données recueillies et analysées, il s’est avéré qu’une quinzaine de familles avait réellement besoin d’accompagnement. L’OSEO Valais s’est concentrée sur elles et, à la dernière rencontre du printemps 2016, elles ont pu s’inscrire à différents ateliers.

En 2017, l’accompagnement des parents-relais sera également proposé à d’autres communautés. Chaque parent-relais se verra confier cinq ou six familles.

Un délicat travail d’approche des communautés

Il n’a pas été facile d’aller chercher les personnes-ressources dans les différentes communautés. Pour chacune, il a fallu trouver la bonne approche, en tenant compte des particularités et des sensibilités.

Pour la communauté arabe (qui regroupe les pays du Moyen-Orient et certains pays d’Afrique), le fait que plusieurs pays partagent une même langue semble être un avantage; il permet d’appliquer un croisement des interventions, c’est-à-dire qu’on fera intervenir de préférence un parent-relais irakien dans une famille syrienne, par exemple. On note que, très souvent, il est plus facile de recevoir un conseil d’une personne qui ne fait pas partie de son cercle connu.

Chez les Erythréens, la problématique est différente : ici, beaucoup de complications et de points de frictions se manifestent entre les anciens et les nouveaux arrivés.

Dans la communauté turque c’est encore différent, car le contexte de cette population en Valais est particulier. Véronique Barras précise : « Ce sont des gens qui se sont installés il y a une trentaine d’années, majoritairement du côté d’Ardon et de Vétroz, pour travailler dans la fonderie. Actuellement, on est à la troisième génération, mais des problématiques d’intégration persistent parce que les enfants et même les petits-enfants continuent d’aller chercher maris et femmes en Turquie ».

« Pour la communauté somalienne, c’est une autre réalité. C’est une communauté où le poids des anciens est écrasant. On a dû apprendre à slalomer pour pouvoir atteindre les personnes qui allaient être efficaces dans le projet, en donnant l’impression à ceux qui contrôlent tout qu’on s’adressait à eux ».

Un projet qui s’adresse à tous les migrants sans discrimination

L’objectif est d’arriver à l’égalité des chances pour tous les enfants. Pour l’OSEO Valais, les enfants ne doivent pas attendre que les parents aient un permis de séjour durable avant de commencer à s’intégrer. Le statut de résidence en Suisse d’un migrant n’est pas son affaire ; ce qui compte, ce sont les personnes.

Des migrants qui prennent leur destin en main

Véronique Barras décrit le cœur du projet : « notre objectif final est de permettre aux migrants de devenir les acteurs de leur vie, de casser cette image qui les place toujours dans la posture de recevoir. On donne au migrant un appartement, de l’aide sociale, alors que là, c’est la communauté qui se mobilise, c’est elle qui prend en charge ses propres compatriotes, avec le soutien des professionnels de l’intégration. On peut avoir une intégration réussie sans renier sa culture, ses origines et en partageant une vie associative très forte au sein de sa communauté. Pour moi, c’est une évidence ». Véronique Barras tient aussi à adresser, en conclusion, un message aux Suisses : « L’intégration, ça prend du temps ; les Italiens ne se sont pas intégrés du jour au lendemain, ni les Portugais, ni les gens des Balkans. Aujourd’hui, je crois que c’était déjà le cas avec le Kosovo, les migrants arrivent chez nous, en plus, avec des traumatismes, avec des expériences de vie très rudes et cela constitue une difficulté supplémentaire dans leur processus d’intégration ». Un appel à la mémoire, à la patience et à la confiance.

Moumouni Ibrahim,

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Ibrahim Moumouni est très actif dans le bénévolat auprès des requérants d’asile valaisans. De ce fait, il collabore régulièrement avec plusieurs projets d’entraide.




Un défilé de mode haut en couleurs au Botza

Photo: David Crittin, Voix d'Exils

Photo: David Crittin, Voix d’Exils.

Le 11 juin 2013 fut une journée spéciale pour la communauté du Botza, le principal centre de formation et d’occupation du Valais. Le bruit habituel des outils et des machines a cessé pour laisser la place à d’autres sons comme de la musique, des rires et le claquement des talons hauts: c’était le jour de la mode.

Les femmes qui ont participé aux ateliers de couture de Rarogne, Ardon, Martigny et Saint-Gingolph

Photo: David Crittin, Voix d'Exils.

Photo: David Crittin, Voix d’Exils.

étaient fières de présenter leurs productions lors d’un véritable défilé. Pour une journée – leur journée – elles ont toutes été transformées en top modèles, avec de lumineux maquillages, des coiffures sophistiquées et des robes incroyables.

Les origines de ces femmes, qui viennent de pays tels que la Somalie, l’Erythrée, le Sri Lanka, le Nigeria, le Soudan, la Russie, le Kosovo, la Turquie et le Tibet ont donné une diversité unique aux œuvres présentées. Par ailleurs, une petite fille et deux mannequins hommes ont pris part au spectacle et ont reçu, plus particulièrement la petite fille, bien sûr, de grands applaudissements.

Le programme était un enchantement autant pour les tops modèles d’un jour que pour le public. «C’était merveilleux de voir ces costumes et le style des femmes qui défilaient sur le podium», a déclaré un spectateur érythréen. Un autre observateur provenant du Gabon s’est exclamé: «je voudrais voir un événement aussi surprenant encore et encore ! Cela m’a fait plaisir et je me suis souvenu des robes traditionnelles de mon pays. »

Photo: David Crittin, Voix d'Exils.

Photo: David Crittin, Voix d’Exils.

De même, deux travailleuses sociales, Marylin Duc et Sarah Kesteloot, ont déclaré que le spectacle était une bonne initiative et un moyen d’intégrer les gens dans la société.
Victoria, un modèle nigérian, a souligné que «depuis toute jeune, j’avais le souhait de travailler dans la mode. Étonnamment, mon rêve a commencé à devenir réalité aujourd’hui. C’est la première fois que je faisais face au public dans un défilé de mode et, pourtant, je crois avoir réalisé une bonne performance. J’ai surtout appris que j’avais encore une vie en attendant le résultat de ma procédure de demande d’asile. Je suis vraiment heureuse de cela. »

La top modèle érythréenne Ayesha nous a fièrement dit que: «C’était très stimulant. J’ai passé un bon moment. Je n’oublierai jamais cet événement et le sentiment que j’ai ressenti pendant la manifestation. » Selamawit, une autre top model  érythréenne, a confié que: «C’était une première et cela a changé quelque chose en moi. Je suis maintenant plus confiante et la couture va être mon hobby. Ce fut une bonne expérience pour moi. »

Tous les mannequins d’un jour ont réalisé leurs robes lors des cours de formation dans les ateliers de

Photo: David Crittin, Voix d'Exils.

Photo: David Crittin, Voix d’Exils.

couture. Les styles et les inspirations sont très variés: certaines robes étaient absolument modernes et le public a eu le plaisir d’apprécier des robes traditionnelles africaines ainsi que tibétaines.

Cette journée spéciale laissera une impression lumineuse derrière elle. Vous vous demandez peut-être quand aura lieu le prochain défilé? Si c’est le cas, vous devrez être patient car la réponse est : en 2015 seulement! Le temps nécessaire pour les couturières de renouveler leurs inspirations.

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 




Un défilé de mode pour célébrer la féminité et la diversité

Bérivane originaire de Turquie. Photo: David Crittin

Une vingtaine de requérantes d’asile du canton du Valais ont célébré leur féminité à travers un défilé de mode qui s’est tenu, le 16 juin dernier, au  centre de formation « le Botza ». Retour sur des exhibitions de vêtements finement confectionnés par des femmes pleines de talents.

Eloroe originaire d’Erythrée. Photo: David Crittin

L’asile ne saurait être exclusivement un univers de personnes vulnérables en quête de protection. On y trouve aussi parfois du glamour. Une vingtaine de requérantes d’asile en ont donné la preuve en participant, le 16 juin dernier, à un défilé de mode  baptisé « Patch world » au centre de formation Le Botza.  Sous les applaudissements du public, les requérantes, transformées en top models, ont défilé avec des tenues originales qu’elles avaient confectionnées elles-mêmes. « Nous avons voulu faire de ce défilé une vitrine du formidable travail accompli par les femmes des ateliers de couture de tout le canton du Valais », explique Virginie Disero, responsable de l’espace femme au Botza. La diversité de l’origine de ces femmes, qui venaient d’Angola, de Somalie, d’Erythrée, du Sri-Lanka, d’Afghanistan ou encore de Russie, a donné une touche spéciale aux créations présentées. Robe en satin de coton évasée, corsage en lin, veste en denim, tunique en mousseline, blouse fleurie… la soixantaine de tenues minutieusement taillées par des requérantes du Bas, du Haut et du centre du Valais a charmé le public. « C’était magnifique de voir ces costumes et l’élégance des femmes qui défilaient ! J’ai cependant regretté le fait qu’on n’ait pas eu la possibilité d’acheter les vêtements » indique Renée Praz, présidente de « Jardin des passions », une association de femmes brodeuses à Ardon.

« Marque de reconnaissance »

Helina, originaire d’Ethiopie

Evénement peu ordinaire dans le monde de l’asile, ce défilé est un symbole particulier pour chacune des top models. Pour Bérivane, « c’est, avant tout, une marque de reconnaissance que j’ai voulu porter au talent de couturière de ma mère ». Drapée dans une robe de soirée en satin rouge, la Turque avoue avec fierté qu’elle n’oubliera jamais le regard que le public a posé sur elle lors de sa parade. De son côté, l’Ethiopienne Helina témoigne que: « Le fait de savoir que les coupes que j’ai réalisées de mes propres mains ont plu aux spectateurs m’a montré que je peux encore avoir une vie au-delà de tout ce que j’ai traversé avant d’arriver en Suisse ».

Pour que la partie soit une réussite, « il a constamment fallu remonter le moral des top models », précise Evelyne, couturière au Botza. « Je leur ai dit : cette journée est la vôtre. Il faut que vous montriez au public de quoi vous êtes capables. Elles ont vaincu la peur pour que la partie soit un succès ». Une réalité que confirme la Serbe Zlata : « Avant ma première sortie, une peur bleue s’est emparée de moi car c’était la première fois que je faisais face au public. Mais lorsque j’ai pris mon courage à deux mains, tout s’est bien passé et je me suis sentie à l’aise lors de toutes mes sortie ».

Des rêves plein la tête

Pour l’heure, les rideaux sont tombés sur l’édition 2011 du « Patch world », mais

« La mariée ». Photo: David Crittin

l’événement a ravivé dans le cœur de plusieurs requérantes un désir latent de faire carrière dans la mode. De  l’Erythréenne, Eloroe à la Serbe Zlata, en passant par l’Ethiopienne Hélina… beaucoup aspirent à devenir couturière, créatrice de mode ou encore mannequin. « Les défilés n’étant pas autorisés dans mon pays, l’exil m’a donné l’occasion de découvrir mes  talents pour la couture et de les cultiver. J’en suis comblé et j’espère faire carrière dans ce domaine », lance

« La mariée »

l’Afghan Daoud, seul homme ayant pris part au défilé. La concrétisation d’un tel rêve en Suisse passe tout d’abord par une réponse positive à leur demande d’asile. Beaucoup en sont bien conscients et certains s’en remettent à Dieu. « J’ai toujours voulu devenir mannequin », confie Eloroe qui ajoute : « Je prie que la Suisse m’octroie l’asile pour que j’accomplisse enfin mon rêve ».   

Constant KOUADIO, Dusan et CDM

Membres de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils