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Revue de presse #37

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils

Sous la loupe : La Suisse condamnée pour le renvoie d’un gambien homosexuel / En matière d’asile, il n’existe aucune solution qui satisfasse tout le monde / L’Europe tire la sonnette d’alarme sur le sort des migrants en Grèce / Le big data pour mieux comprendre les migrations en Europe

La Suisse condamnée pour le renvoi d’un Gambien homosexuel

Le 24 heure, le 17 novembre 2020

La Suisse a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) car elle a voulu renvoyer un ressortissant gambien homosexuel dans son pays. Dans un arrêt rendu le mardi 17 novembre 2020, la CEDH a considéré à l’unanimité qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention qui traite de l’interdiction des traitements inhumains et dégradants. Rappelant que l’existence d’une loi réprimant les actes homosexuels ne suffit pas à exclure un renvoi, la Cour européenne a souligné que l’orientation du recourant pourrait être découverte s’il revenait en Gambie. Le Tribunal fédéral avait considéré en 2018 que le réseau familial de l’intéressé suffirait à le protéger et que la situation des homosexuels s’était améliorée dans ce pays. Les juges de Strasbourg ne partagent pas cet avis. Ils estiment que la Suisse aurait dû s’assurer que les autorités locales auraient la capacité et la volonté de protéger leur ressortissant contre les mauvais traitements qu’il pourrait subir du fait d’acteurs non-étatiques.

Ursula von der Leyen : en matière d’asile, il n’existe aucune solution qui satisfasse tout le monde

Euroactiv, le 19 novembre 2020

Organisée par le Parlement européen et le Bundestag allemand, avec la collaboration des parlements portugais et slovène, la conférence interparlementaire sur la migration et l’asile a eu lieu le 19 novembre 2020. Durant la conférence, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a mis en lumière à quel point l’immigration de travailleurs qualifiés est importante, car elle contribue au développement des entreprises européennes. Néanmoins, le système qui ne fonctionne plus selon ses dires inquiète les pays qui se trouvent aux frontières extérieures de l’UE (l’Italie, la Grèce et l’Espagne) et qui ont besoin de la solidarité des autres États membres.

Selon elle, les points cruciaux qu’il faudrait traiter sont au nombre de trois. Le premier se rattache aux raisons qui poussent les gens à partir. Le second correspond à la nécessité de mettre en place un système de retours commun. Le troisième point concerne les voies légales d’entrées en Europe. Néanmoins, « une solution qui satisfasse tout le monde n’existe pas » conclut la présidente. Il faudrait par conséquent œuvrer à la recherche d’un compromis, sans oublier les préoccupations des pays qui craignent de ne pas réussir à gérer l’accueil des migrants.

L’Europe tire la sonnette d’alarme sur le sort des migrants en Grèce  

La Tribune de Genève, le 19 novembre 2020

Dans le cadre d’un rapport publié le jeudi 19 novembre 2020, le comité anti-torture du Conseil de l’Europe (CPT) a fortement dénoncé le sort réservé aux migrants placés en rétention en Grèce. Conscient que le nombre important de migrants entrant dans le pays place les autorités grecques face à un « défi important », le CPT prône pour une « approche européenne coordonnée ». En regrettant l’approche considérée comme punitive menée par les autorités, le CPT rappelle que la situation migratoire face à laquelle se trouve le pays ne lui permet pas d’être dispensé de ses obligations en matière de droits de l’homme. Concrètement, les auteurs du rapport dénoncent les conditions de rétention des migrants, tout particulièrement à la frontière terrestre avec la Turquie ainsi que sur l’île de Samos. Les observateurs soulignent leur incompréhension face à la rétention de bébés et de jeunes enfants dans des conditions décrites comme traumatisantes. Ils dénoncent également les conditions dans les cellules où sont logés les migrants. Le rapport qualifie ces dernières comme étant inhumaines et dégradantes. En outre, tout en questionnant l’implication de l’agence européenne Frontex dans des cas de refoulements de migrants, les auteurs se disent inquiets des actes commis par les garde-côtes grecs pour empêcher les bateaux transportant des migrants d’atteindre les îles grecques et demandent aux autorités grecques de prendre les mesures nécessaires.

Du côté d’Athènes, on invoque la saturation des centres de rétention afin d’expliquer la situation sur l’île de Samos. La police grecque, quant à elle, considère que les présumées pratiques inhumaines et dégradantes de refoulement à la frontière sont sans fondement.

Le big data pour mieux comprendre les migrations en Europe

Euronews, le 16 novembre 2020

Le Centre de connaissances sur la migration et la démographie (KCMD) envisage la migration à travers le prisme du Big Data. L’objectif de leur travail est d’établir des modélisations pour mieux comprendre la migration et contribuer au développement de programmes d’intégration plus efficaces et plus cohérents. Les données disponibles sur le marché du travail européen permettent d’identifier les secteurs qui font face à une pénurie de main-d’œuvre. Ces données montrent également dans quels secteurs les migrants contribuent à l’atténuation des pénuries de main-d’œuvre. Une étude menée lors de la première vague de la pandémie de Covid-19 a montré qu’en moyenne, 13% des travailleurs des secteurs essentiels – en matière de réponse au coronavirus dans l’Union européenne – étaient des migrants. Les cinq catégories les plus représentées sont les professionnels de l’enseignement, les travailleurs agricoles qualifiés, les professions intermédiaires dans la science et l’ingénierie, les préposés aux soins personnels et enfin, les personnels d’entretien et aidants.

Masar Hoti

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Formation, emploi, intégration

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Interview de Madame Anne Poffet, responsable du Bureau d’Insertion Professionnelle du Canton du Valais

 « Nous y arriverons »-« Wir schaffen das ». Tel fut l’engagement d’Angela Merkel, chancelière de la République allemande, quand elle ouvrit ses frontières, en septembre 2015, à près d’un million de réfugiés. Madame Anne Poffet, responsable du Bureau d’Insertion Professionnelle (BIP) à Sion, dans le Canton du Valais, exprime la même volonté de réussir, face à la rédaction valaisanne de Voix d’Exils venue à sa rencontre. Là s’arrête la comparaison. Car après, à chacune ses responsabilités et ses armes face aux hommes, au temps et à l’espace.

Voix d’Exils : Pouvez-vous nous présenter le BIP ?

Madame Anne Poffet : Le BIP est un bureau d’insertion professionnelle mis en place à l’intention des personnes relevant du droit d’asile en Valais. Nous sommes installés dans des bureaux au centre-ville de Sion depuis une année et demi, et regroupés en deux structures : le Service promotion de la Croix-Rouge Valais qui s’occupe des personnes avec un permis de réfugié F ou B et la plateforme emploi de l’Office de l’asile qui s’occupe des permis N ou F admission provisoire. Nous sommes six collaborateurs à plein temps pour aider et accompagner toutes ces personnes de l’asile à trouver du travail.

Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils. Anne Poffet (deuxième depuis la gauche) entourée des rédactrices et rédacteurs de la rédaction valaisanne

VE : Quelles sont les opportunités offertes ici ?

A.P : Il y a des différences selon le permis que vous avez : pour les permis N, en premier emploi, il y a six domaines d’activités autorisés: la santé, l’agriculture, l’économie domestique, l’hôtellerie-restauration, la boucherie, et la boulangerie. Attention, il n’est pas possible de passer par une agence de travail temporaire pour un premier emploi. Le premier travail doit être une activité lucrative (le bénévolat ou la participation à un programme de formation ne sont pas pris en considération).

Les permis F, F réfugiés et B sont autorisés selon leurs compétences à exercer dans tous les domaines d’activité sans restriction.

Je tiens à signaler que chez nous, en Suisse et en Valais, 75% des embauches se font grâce au réseau. C’est pour ça qu’il est important de faire des stages, pour rencontrer des gens, se faire des contacts.

VE : Avec un CFC est-on sûr d’avoir un travail ?

A.P : Non, mais c’est une bonne clé. Le salaire sera plus élevé pour une personne qui a un CFC que pour une personne qui n’en a pas.

VE : Comment peut-on demander le soutien du BIP ?

A.P : La demande de soutien au BIP passe toujours par l’assistant(e) social(e). Ce dernier doit vérifier certains critères avant d’inscrire son client au BIP. Il doit notamment voir s’il y a des possibilités de garde d’enfants pour les familles monoparentales, vérifier que le niveau de langue est suffisant (minimum A2), que la personne n’a pas de problèmes de santé physique ou psychique empêchant l’exercice d’une activité lucrative et que la personne est motivée et proactive dans son insertion professionnelle

VE : Est-il possible de trouver du travail en dehors du canton, le BIP s’implique-t-il ?

A.P : Nous avons le mandat d’aider les personnes qui habitent en Valais et qui veulent travailler en Valais. Pour travailler à l’extérieur du canton, avec un permis B, les démarches seront plus faciles qu’avec un N. Dans tous les cas, les administrations cantonales sont impliquées et c’est le canton de l’employeur qui prend la décision finale; le BIP aidera le candidat à remplir les papiers nécessaires.

VE : Y a-t-il une limitation d’âge pour accéder à certaines formations ?

A.P : il n’y a pas de limitation d’âge. Il y aura toujours un niveau de maîtrise de la langue selon les études à entreprendre. On exigera au moins le niveau B1 pour le CFC. Pour l’Université : B1, B2, voire C1. La principale difficulté, pour une personne plus âgée, c’est de se rendre compte que les cours vont vite, et qu’elle sera assise sur les bancs aux côtés de personnes bien plus jeunes !

VE : Pouvez-vous nous parler de la collaboration entre le BIP et l’EVAM de Lausanne par rapport à la formation dans le domaine de la santé?

A.P : Oui, l’EVAM propose un Certificat d’auxiliaire de santé sur 6 mois spécialement pour les personnes migrantes. Jusqu’ici, deux ou trois places par session sont réservées aux candidats valaisans et, en échange, les Vaudois peuvent obtenir des places dans les formations en Valais, notamment dans l’agriculture.

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VE : Peut-on devenir son propre patron ?

Mme A.P : Pour les permis N, ce n’est pas possible en premier emploi. Et pour les permis F et B, il faut faire une demande spéciale accompagnée d’un business plan cohérent. qui sera soumise au Service Industrie, Commerce et Travail. Le futur entrepreneur ne recevra cependant pas d’argent du bureau ou de l’assistance, il doit investir son propre argent.

VE : Y a-t-il déjà un bilan de votre action ? Des statistiques ?

A.P : Il est difficile de parler du bilan du BIP. Il serait plus juste de parler du bilan global de tout l’Office de l’asile, car l’intégration professionnelle est une priorité actuellement. Tous les collaborateurs, qu’ils soient assistants sociaux, professeurs de français, responsables d’ateliers de formation sont, à leur mesure, des agents d’insertion. Mais voici quelques chiffres: 85% des personnes suivies par le BIP et la Croix-Rouge Valais ont été placées dans des entreprises pour des stages, et plusieurs ont trouvé un emploi fixe. C’est très encourageant.

Une grande partie de notre travail reste consacrée à informer les patrons et les employeurs potentiels – car certains ne connaissent pas toujours bien ce que nous faisons – afin de construire avec eux de solides liens de confiance.

Les efforts de l’équipe du BIP sont en train de changer les perspectives des requérants d’asile en Valais. Ce constat fait, il ne faut pas oublier qu’il répond à une demande fondamentale des requérants eux-mêmes : comme n’importe quel être humain, chacun a envie de se réaliser à travers un travail.

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Ps: depuis notre entretien, la Confédération a fait passer l’aide à l’intégration des migrants de 6’000 CHF à 18 000 CHF par individu (réfugiés et admissions provisoires)




Accueil de requérants d’asile en Valais : bientôt trois ans pour le centre des Barges

Les jardins des Barges. Photo: Voix d'Exils

Les jardins des Barges. Photo: Voix d’Exils.

A la fin du mois de mai, la rédaction valaisanne de Voix d’Exils a eu l’occasion de visiter le centre de formation et d’hébergement pour requérants des Barges à Vouvry. Les rédacteurs ont pu découvrir ce vaste domaine utilisé par l’office valaisan de l’asile depuis 2011. Ils ont également fait la rencontre de migrants et encadrants qui font vivre le site au quotidien.

Situé au beau milieu de la plaine du Rhône, le domaine des Barges à Vouvry s’étend à perte de vue, entouré de paysages magnifiques, au cœur des Alpes et à quelques kilomètres du lac Léman. Ce domaine de 5’000 m2 appartient à l’Etat du Valais. Depuis août 2011, il est utilisé par l’office valaisan de l’asile. Il sert de structure de formation et de 2ème accueil pour requérants d’asile. « 26 migrants y séjournent actuellement, hommes et femmes, entourés par 6 encadrants », précise Claude Thomas, responsable du centre. Le nombre de pensionnaires est en baisse, conséquence des derniers durcissements de la loi sur l’asile. « Nous avons la capacité d’accueillir une quarantaine de personnes », énonce le chef des lieux.

Depuis 2011, 152 requérants d’asile sont passés par les Barges. Sans véritable problème disciplinaire, se félicite Claude Thomas : « dans 90% des cas, cela se passe bien. Les quelques difficultés que nous rencontrons sont surtout liées à des incompréhensions linguistiques et parfois à la consommation d’alcool ». Mais ces dérives alcoolisées appartiennent au passé, promettent les résidents actuels que nous avons rencontrés. Quant à la cohabitation avec la population locale, elle est plutôt réussie selon Claude Thomas : « par ignorance, certains ont peur, d’autres sont ouverts. A nous de faire passer un message positif, même si ça prend du temps ».

Claude: le responsable des Barges (au centre) accompagné des 4 membres présents ce jour-là de la rédaction de Voix d'Exils. Photo: Voix d'Exils.

Claude: le responsable des Barges (au centre) accompagné des 4 membres présents ce jour-là de la rédaction de Voix d’Exils. Photo: Voix d’Exils.

Composé de deux grandes maisons et plusieurs ateliers, le domaine des Barges compte aussi de nombreux terrains pour le jardinage. De quoi héberger les différentes formations proposées sur place : cours de français, de couture et de coiffure, atelier cuisine, service, nettoyage, coupes de bois de feu, tri de bouchons ou encore agriculture. Les produits frais cultivés au domaine des Barges sont ensuite conditionnés ou utilisés dans les cuisines des différents foyers pour migrants du canton. Dans le même ordre d’idée, les requérants contribuent eux-mêmes à la rénovation du centre, dans le cadre d’ateliers liés au bâtiment. Les requérants participent également aux projets d’utilité publique en collaboration avec les communes environnantes. Mais malgré cette offre de formation, peu de requérants parviennent à trouver un emploi sur le marché suisse. « Leurs chances sont maigres, explique Claude Thomas. Pour les détenteurs d’un permis N, les possibilités se limitent à des domaines où le personnel manque : l’agriculture, les ménages privés et collectifs, les professions de la boulangerie-boucherie et l’hôtellerie restauration. La situation se simplifie avec un permis F ».

Malgré cette réalité, Claude Thomas encourage vivement les requérants à se former : « la vie est longue, on ne peut pas savoir ce qui se passera demain. Il vaut mieux avoir un diplôme dans son CV que de rester les bras croisés. Même si le requérant retourne dans son pays natal, personne ne pourra lui enlever ce qu’il aura appris ici ».

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Marie-Pascale: la prof de français dans sa salle de cours. Photo: Voix d'Exils.

Marie-Pascale: la prof de français dans sa salle de cours. Photo: Voix d’Exils.

« Travailler avec les requérants : un vrai partage »

Elle est suissesse, elle a 48 ans. Elle, c’est Marie-Pascale Chambovey, qui travaille au domaine des Barges depuis 2 ans comme professeur de français. La « maman des Barges », comme la considèrent les résidents, vit sa première expérience d’enseignante auprès d’étrangers. Rencontre.

Voix d’Exils : Marie-Pascale, expliquez-nous en quoi consiste votre travail ?

Marie Pascale : Je donne des cours de français chaque matin. Ces classes sont obligatoires. Chaque élève vient une demi-journée par semaine à mon cours. A mon avis, l’intégration passe par la connaissance de la langue française. J’essaie donc de leur apprendre des choses qui leur seront utiles au quotidien. Pour moi, ce n’est pas important qu’ils sachent la différence entre l’imparfait et le passé simple. Il est par contre nécessaire qu’ils apprennent certains aspects pratiques, c’est pourquoi j’organise des sorties de groupes sur le terrain, à la gare ou dans des magasins, afin que les requérants apprennent à se débrouiller eux-mêmes dans ces lieux.

D’où viennent les élèves à qui vous enseignez ?

La plupart sont originaires d’Afrique. Les femmes viennent d’Erythrée et d’Ethiopie. Les hommes d’Algérie, de Guinée équatoriale, de Turquie, de Syrie, du Maroc, de Tunisie, de Guinée, de Mauritanie, du Niger, d’Irak, d’Israël et du Libéria.

Et quelle est votre relation avec ces migrants ?

Cela se passe bien. Certains m’appellent même « la maman des Barges ». On vit dans un esprit familial. Je suis à leur disposition pour les aider et les renseigner tout au long de la journée.

La serre qui se trouve sur le domaine. Photo: Voix d'Exils.

La serre qui se trouve sur le domaine. Photo: Voix d’Exils.

Quelles sont les principales différences entre l’enseignement à l’école obligatoire et dans un centre pour requérants ?

Le côté administratif de l’enseignement obligatoire n’existe pas : pas de réunions avec les parents, pas de notes, etc. Par contre, le niveau n’est pas homogène. Les requérants présentent des niveaux très différents. Les Erythréens, par exemple, n’ont jamais étudié le français, au contraire d’autres Africains qui le parlent bien. Il faut donc une bonne planification qui s’adapte à chacun.

Vous semblez passionnée par ce travail. On sent chez vous une véritable vocation. Est-ce que cet emploi comporte malgré tout des aspects négatifs ?

Effectivement, on peut même parler d’une vocation familiale pour l’enseignement. Mes parents exerçaient la profession, je le fais également et ma fille s’y destine. Il est vrai aussi qu’enseigner à des requérants d’asile est très différent. A moi de chercher de nouvelles méthodes afin de faciliter leur apprentissage de notre belle langue.

A travers votre travail est-ce que votre vision des migrants a évolué ?

J’apprends tous les jours au contact des migrants. C’est un vrai partage de richesses. Pour moi, travailler aux Barges est un rayon de soleil. Le parcours de vie de nos requérants est parfois lourd. A nous de les encadrer au mieux : un vrai et passionnant défi !

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 

 




« Connais-tu ton pays ? »

Photo : Najet OUERGHI

Le vendredi 25 mai 2012, le Groupe suisses-étrangers de Moudon, dont le but est « d encourager, promouvoir et soutenir les relations suisses-étrangers dans la région moudonnoise », organisait pour la cinquième fois une excursion afin découvrir ou de redécouvrir la Suisse. Cette année, le thème proposé était « la Suisse et son agriculture ». Deux rédacteurs de Voix d’Exils se sont joints au groupe. Compte-rendu d’une journée mémorable !

A 06:30, sur la place du Bicentenaire à Moudon, nous sommes 44 participants, essentiellement des couples de retraités et quelques jeunes. On nous avait demandé de porter une chemise blanche. « Il fait beau et nous vous souhaitons une bonne excursion ! », lance M. Claude Vauthey, responsable de la commission des étrangers de la commune de Moudon.

En montant dans le bus, une surprise nous attend. Chaque participant trouve sur son siège un sac rouge qui contient de la nourriture pour l’excursion ainsi que des brochures décrivant la politique agricole suisse, l’approvisionnement en blé de la Suisse au 20e siècle, l’alimentation saine, un fascicule « le lactose en cause », un guide de la table familiale, ainsi qu’un foulard rouge sur lequel est écrit « Connais-tu ton pays ? ».

Photo: Najet OUERGHI

Direction la ferme Chalabruz

En chemin, le bus est égayé par des animateurs qui nous parlent des six fermes appartenant à la commune de Moudon et des familles qui les gèrent. Arrivés à la ferme Chalabruz, à 07:00, nous sommes chaleureusement accueillis par la famille Richardet qui gère cette ferme avec l’aide d’un apprenti. Nous apprenons que la commune de Moudon possède cette ferme depuis trois siècles. Son domaine s’étend sur quarante hectares et elle produit essentiellement des denrées alimentaires : céréales, tomates et autres. Nous commençons la visite par une présentation générale de l’activité de la ferme, suivie d’un petit déjeuner préparé la famille Richardet. Ensuite, nous visitons le poulailler qui accueille six mille poules qui pondent en moyenne 5200 œufs par jour, qui sont ensuite vendus dans les magasins « Coop ». Claude Vauthey remet des cadeaux  à la famille pour la remercier de son accueil.

Départ pour la Suisse alémanique

A 8h00, nous reprenons la route direction le canton de Schaffhouse en passant par le canton de Zürich. Un des animateurs prend la parole pour nous donner des informations à propos de ces deux cantons. Nous apprenons alors que le canton  de Zürich est le plus peuplé de Suisse et que le canton de Schaffhouse a acheté sa liberté à l’empire d’Autriche en 1415.

Nous arrivons à 12h25 à la commune de Buchberg, dans le canton de Schaffhouse, où nous sommes reçus par le syndic : M. Hanspeter Kern. Nous traversons le Rhin pour nous rendre à l’Eglise catholique, construite à 350 mètres au-dessus du niveau de la mer. C’est l’endroit idéal pour voir la beauté de la nature. En plus, nous découvrons la ville-frontalière allemande Büsingen.

Photo: Najet OUERGHI

Escale à  Flaache

Le vent souffle et le soleil brille toujours, c’est très agréable ! A 13h00, nous nous arrêtons à une ferme privée, située à Flaache dans le canton du Zürich. Nous sommes accueillis par M. Ernst Bachmann, sa femme, Mme Madeleine Bachmann et un apprenti. La ferme a été construite en 1950. Nous sommes invités à manger le repas qu’ils nous ont préparé. Après le repas, un groupe accompagne Monsieur Bachmann et l’autre groupe part avec l’apprenti visiter l’exploitation. Le domaine agricole s’étend sur trente hectares de cultures. Il y a aussi 35 vaches qui produisent chacune environ 26 litres de lait par jour. Vers 15h15, après avoir pris une collation et remis des cadeaux à la famille de Monsieur Bachmann, nous l’applaudissons et le remercions pour son accueil.

Retour à Moudon en passant par la Gruyère

Sur le chemin du retour, les organisateurs proposent un concours portant sur la géographie suisse qui évaluait les connaissances acquises durant la journée. Les questions étaient difficiles et les heureux gagnants reçoivent des cadeaux et sont applaudis. A 20h00, nous arrivons enfin en Gruyère, où un responsable de la fromagerie du Grand Pré nous montre l’enceinte où sont fabriqués les fromages et la grande halle où on les stocke. A la fin de la visite, M. Claude Vauthey lui remet un cadeau et chaque visiteur reçoit du fromage et du beurre. Ainsi s’achève cette excursion qui nous laissera un souvenir inoubliable !

Hochardan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Photos :

Najet OUERGHI

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Perspectives post-formation au Botza: entre espoirs et désillusions des requérants d’asile

Dramane k en train de souder. Photo: CDM

Animés par l’envie se prendre en charge, de nombreux requérants d’asile se forment au centre valaisan de formation le Botza. Mais, au final, ils se heurtent à des difficultés d’accès au marché du travail entraînant souvent chez eux incompréhension et déceptions ; ce que tente de dissiper, sans relâche, le personnel des foyers d’accueil.

Courbé sur une machine, lunettes de soudeur sur les yeux, Dramane k* a l’air bien concentré. « La moindre erreur de découpage des barres de fer risque de compromettre les marches d’escaliers métalliques que je fabrique », lance-t-il. Cela fait plus de huit mois que ce requérant d’asile d’origine africaine est en formation en serrurerie au Botza, centre valaisan de formation pour requérants d’asile. L’homme, d’une vingtaine d’années, accorde beaucoup d’importance à cet apprentissage car « j’espère vivement que l’attestation que je recevrai à la fin me permettra de trouver facilement un emploi et de gagner ma vie » confie-t-il.

Cette phrase semble ne pas faire l’unanimité parmi ses camarades d’atelier. « Il faut arrêter de rêver, les attestations du Botza ne sont pas reconnues par les entreprises. J’ai beaucoup d’amis qui sont passés par ici. Ils sont tous à la maison aujourd’hui », réplique le requérant d’asile Babel F*. Notre enquête nous a permis de rencontrer Lawal W*., requérant africain qui a suivi, neuf mois durant, une formation en peinture dans ce centre. « Depuis un an que j’ai fini mon apprentissage, je cherche en vain du boulot. Je suis réduit à cueillir occasionnellement de la vigne. Une activité qui n’a rien à voir avec la peinture que j’ai apprise. Ça fait mal de rester à ne rien faire alors qu’on a l’envie de travailler ». Ces propos mitigés, mêlant espoir et désillusion résume l’état d’âme de nombreux requérants qui s’interrogent sur l’opportunité que leur offrent les formations qu’ils reçoivent au Botza. A en croire leurs propos, cette interrogation s’accompagne souvent d’une dose de déception. « On ne comprend pas pourquoi on nous forme si on ne peut pas trouver du travail avec nos attestations », déclare Babel F., l’air visiblement dépité.

« Ça fait mal de rester à rien faire »

Pour Roger Fontannaz, directeur du Botza,« C’est une erreur d’assimiler l’attestation de fin de formation que nous délivrons à des diplômes reconnus par les entreprises à l’embauche ». « Nos formations », explique-t-il, « ont pour objectif d’occuper les requérants en les mettant à l’abri des effets pervers de l’inactivité. Elles visent aussi à leur permettre d’organiser leur vie en fonction de l’issue de leur demande d’asile ». Selon lui, les connaissances dispensées visent à éviter à ceux qui n’obtiendront pas l’asile de retourner dans leur pays sans aucune capacité, mais au contraire avec des connaissances qu’ils pourront développer pour vivre chez eux en travaillant pour se réinsérer. Quant à ceux qui auront l’asile, cela leur permettra une meilleure adaptation au marché suisse de l’emploi.

C’est d’ailleurs le cas de l’Irakien, Rafik D.* qui, au bénéfice d’un permis F, a pu décrocher son premier emploi d’aide-cuisinier grâce à la formation reçue au Botza. « Ce travail se déroulait en montagne et il fallait avoir, au préalable, des connaissances en cuisine », se rappelle-t-il. « J’ai pu convaincre mon employeur grâce à l’attestation que j’ai eue après mes douze mois de formation ».

Il faut souligner que la législation reste l’un des obstacles majeurs qui empêche les requérants d’asile d’accéder aisément au marché du travail. L’emploi des détenteurs de permis N (autorisation provisoire de séjour pour requérants d’asile, ndlr) étant géré par le Service des populations et des migrations, la pratique a montré que les requérants sont plus souvent autorisés à travailler en montagne qu’en plaine. Très souvent, il y a peu de possibilités de décrocher son premier emploi sans passer par le secteur de l’agriculture ou des activités ayant trait avec la montagne.

« Les requérants refusent d’accepter la réalité »

Jusque-là, le Botza dispense aux requérants une panoplie de formations allant des métiers du bâtiment à la restauration en passant par la maçonnerie, la menuiserie et la peinture. Des cours de couture, de coiffure, de langue française, d’informatique et même d’initiation au métier de journaliste y sont également disponibles. Loin de s’arrêter là, le centre envisage de diversifier davantage ses offres avec un programme d’agriculture – précisément l’horticulture – qui sera mis en route d’ici quelques mois.

Mais en même temps, il importe de prendre des mesures pour éviter aux requérants d’asile des désillusions sur les perspectives après leur formation. « Nos collègues qui administrent les foyers d’accueil ne cessent et ne cesseront de répéter aux requérants la faiblesse des possibilités d’accès au marché de l’emploi avec un permis N », déclare Roger Fontannaz. Et de conclure : « La vérité, c’est que les requérants croient tellement à un futur en Suisse qu’ils refusent d’accepter la réalité qu’on a beau leur expliquer. Néanmoins, leur faire accepter cela est l’un des défis que tente de relever au quotidien tout le personnel travaillant dans l’asile. C’est un travail de longue haleine ».

Constant Couadjio et CDM

Membres de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

*Noms d’emprunt