1

Revue de presse #32

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils

Sous la loupe : Grèce : un nouveau camp sera construit à Lesbos d’ici l’été 2021 / Renforcement de la coopération entre l’Union européenne et l’Organisation internationale pour les migrations / Plus d’un tiers de la population en Suisse est issue de la migration

Grèce : un nouveau camp sera construit à Lesbos d’ici l’été 2021

La Tribune de Genève, le 12.10.2020

Suite à l’incendie qui a réduit en cendres le camp de Moria en septembre, le ministre grec des migrations, Notis Mitarachi, a annoncé qu’un nouveau camp permanent sera érigé sur l’île de Lesbos d’ici l’été 2021. Le ministre a soutenu que la structure en question sera équipée d’un système de protection contre les incendies et procurerait des conditions de vie « décentes » à ses occupants.

Notis Mitarachi a également souligné qu’un programme ambitieux financé par l’Union européenne et dont la finalité est la construction de camps fermés sur les îles grecques de Samos, Kos et Leros était en cours de préparation.

 

Renforcement de la coopération entre l’Union européenne et l’Organisation internationale pour les migrations

Organisation internationale pour les migrations (OIM), le 13 octobre 2020

Afin de faire progresser leur partenariat, des hauts fonctionnaires de l’Union européenne (UE) et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) se sont rencontrés virtuellement le mardi 13 octobre 2020. Les discussions ont porté sur l’évolution de la politique migratoire, la mise en œuvre des politiques migratoires sur le terrain, ainsi que la voie à suivre pour la coopération stratégique entre l’UE et l’OIM.

A cette occasion, le Directeur général de l’OIM, António Vitorino, a déclaré que : « La bonne gouvernance de la migration repose sur des partenariats internationaux, une politique globale et une excellence opérationnelle. Nous nous engageons à poursuivre la coopération avec l’UE et les États partenaires dans le cadre d’une alliance stratégique de valeurs communes. Ensemble, nous pouvons mettre à profit les opportunités de la mobilité humaine et relever les défis communs avec l’engagement de ne laisser personne de côté ».

Stefano Sannino, représentant du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), a quant à lui soutenu que : « La gestion des migrations nécessite des solutions et un partage des responsabilités à l’échelle mondiale. Le nouveau Pacte sur la migration et l’asile rappelle l’importance des partenariats internationaux et sur mesure, qui doivent être au cœur de la politique extérieure de l’UE en matière de migration. Le renforcement de la coopération est essentiel pour garantir que les migrations se fassent par des voies sûres et régulières, dans l’intérêt de tous ».

 

Les personnes issues de la migration représentent 37,7% de la population âgée de plus de 15 ans en Suisse

RTS.ch, le 13 octobre 2020

En Suisse, les personnes issues de la migration représentent 37,7% de la population âgée de plus de 15 ans a annoncé l’Office fédéral de la statistique (OFS). Cette dernière aurait augmenté de 1,3% entre 2018 et 2019. En outre, selon l’OFS, au cours des 15 dernières années, la proportion de personnes sans passé migratoire de 15 ans et plus en Suisse a diminué de 10%.

Les cantons avec le plus haut taux de résidents de 15 ans et plus issus de la migration sont Genève (61,2%), Bâle-Ville (51.1%), le Tessin (50,7%) et le canton de Vaud (50%).

Sur le marché du travail, la première génération occupe une place moins favorable que les personnes non issues de la migration pour tous les indicateurs de l’intégration sur le marché du travail pris en compte par l’OFS. Pour la deuxième génération, la situation varie : elle compte notamment davantage de chômeurs que la population non issue de la migration, mais présente le même taux de salariés dans le domaine des fonctions dirigeantes. L’OFS souligne néanmoins que le statut migratoire ne peut « en aucun cas être considéré comme le seul facteur explicatif » de ces situations. D’autres variables comme l’âge et le niveau de formation peuvent expliquer ces différences.

Masar Hoti / Voix d’Exils

 




« J’obtiendrai mon permis B quand je serai au paradis »

CC0 Creative Commons
PoseMuse

Les travaux herculéens pour l’obtention du précieux sésame

« Il semble que j’obtiendrai mon permis B quand je serai au paradis! » me rétorque sur un ton à moitié sarcastique Monsieur Karim*, âgé de 70 ans, ancien professeur de sciences et directeur adjoint de l’une des plus grandes écoles secondaires de Damas.

C’est un groupe de Syriens, titulaires de permis F, admission provisoire humanitaire 1. La plupart d’entre eux ont plus de 60 ans et sont arrivés en Suisse presque à la même période, il y a cinq ou six ans, à la suite de la guerre civile dévastatrice en Syrie.

Le déracinement

Ces personnes ont vécu et travaillé dur toute leur vie dans leur pays. Comme un arbre immense, elles ont étendu leurs racines et leurs feuilles, construit un vaste réseau de relations sociales, familiales et professionnelles au fil des ans, puis en un tour de main , elle ont été déracinés et jetés sur des rivages étrangers.

Beaucoup d’entre elles menaient une vie relativement confortable avant la guerre. L’idée de s’installer en Suisse ne leur avait jamais traversé l’esprit. Elles pensaient que leur séjour serait court et qu’elles retourneraient dans leur pays lorsque la guerre arrivera à son terme! Maintenant, après sept ans de guerre destructrice, il n’y a pas aucune lumière au bout du tunnel.

La marginalisation

Ici, en Suisse, la majorité de ces personnes ont vu leur demande d’asile rejetée. Stigmatisées et marginalisées comme « vielles et âgées », elles ont été privées du droit de voyager pour voir leurs proches dispersés dans les pays voisins, de travailler (sans compter qu’à cet âge, il est presque impossible de trouver du travail!), et exclues de presque tous les programmes d’intégration comme étant inaptes au marché du travail!

Khaled*, un homme dans la soixantaine, qui n’a jamais cessé de travailler dans son pays, raconte avec exaspération comment chaque fois qu’il demande à son assistant social de l’inscrire dans un cours de français ou dans un travail bénévole, il reçoit la même réponse : « vous êtes une personne âgée ».

Les travaux herculéen du permis B

Je ne veux pas soulever ici la question des raisons pour lesquelles ces personnes qui ont fait face à une menace imminente pour leur vie dans leur pays n’ont pas obtenu le statut de réfugié et la protection durable et stable garantie par le Haut Commissariat au Réfugiés des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Mais, je voudrais plutôt dire que, confrontées à toutes ces restrictions et barrières, ces personnes sont obligées de passer par des tâches herculéennes afin d’obtenir le permis B! La première: être indépendant, c’est-à-dire ne pas être au bénéfice de l’assistance sociale. La deuxième : être socialement, professionnellement et linguistiquement intégré! Ce en plus d’une longue liste d’autres conditions et demandes…

C’est un véritable dilemme !

Donc, il semble que M. Karim, l’ancien professeur de sciences, ait bien calculé sa chance, en supposant qu’il pourrait probablement obtenir son permis B après 15 ans de séjour en Suisse, ou beaucoup plus tôt, Comme il l’avait prédit ci-dessus !

*Noms d’emprunt

Hayro

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Notes :

1- Le permis F peuvent varier selon s’il s’agit d’une admission provisoire avec la qualité de réfugié ou d’une admission provisoire humanitaire.

2- Différentes instances internationales comme le HCR se sont prononcées sur le statut des personnes admises à titre provisoire. Elles ont émis des critiques et des recommandations sur le sort qui leur est réservé




The lady with the dog

CC0 Creative Commons

Reflection on displacement, aging and integration

I have been working hard for 35 years and was so immerged in my work that I rarely thought of my age. I loved my job: teaching. But, things turned upside down all of a sudden, and a ferocious tsunami has flung me violently into other shores.

At the refugee camp, I was in constant combat with all visions of my past. The attempts to kick them out by various means: meditation, yoga… came to nothing. Being a passionate fan of reading, I frequented the public libraries which provide a quiet and tranquil place for readers as well as for nappers! These libraries were very much like a kitchen full of mouth-watering food and delicacies, forbidden for me to eat. The shelves were packed with all sorts of books and publications mainly in French, a language I knew nothing about save few expressions and words which still lingered in my memory from the distant past. I was very much like a blind man groping his way in a room crammed with furniture. Ironically, during my practice as an English teacher I stuffed the heads of my students over years with advises on how to learn a foreign language. Now, I find myself at a loss.

I still remember an incident which happened to me some times ago. One day, while I was engaged in reading a book in a quiet park, I felt something is sniffing my hand. I pulled it out instinctively and found myself facing a dog barking at me, followed immediately by a barrage of angry words in French from a lady, the owner of the dog. What I could make out was that: “The dog would not eat you!” Had I knew French well, I would have told her “I know Madam! But your dog might have bitten me!” We both lacked something, I the language, she some manners.

Nevertheless, the thought of my upcoming French language courses – given to refugees as a part of integration program – would sometimes lift up my spirits. Kind of light at the end of the tunnel.  I would see everyday lots of students streaming down the main camp-route, heading towards “École”, and was wondering why my name was not included in the lists!

Then, one day my social assistant told me rather softly, to make it sound less painful: “The Establishment encourages young refugees to integrate not people at your age“. A shiver ran through my body. How time passes quickly ! Psychologists say teachers are most prone to the traumatic effects of aging as soon as they quit their job or retire. Yet, this was not what I felt. It was not the realization that I am growing old. It was something else, more poignant more distressing.

Had I been here 20 years ago, things would have been different! Completely different! But, there was no time for self-pity and pathetic feelings. I needed badly these courses; otherwise, I was going to “disintegrate” in no time between the four walls of my small cell.

Fortunately, the word “motivated “, a term commonly used here, came to my rescue. I was motivated! So, I started my intensive courses, together with many young refugees who spoke every other language except French; a good number of them were “unmotivated”! Even so, at the start of each new course, the word “aged” would replace “motivated”, and I had to struggle again to have my name included in the lists. Interestingly, the responsible of the courses, a very nice person of my age would argue in favor of the “rules”, while I would request an “exception”. Then as if to comfort me, he would tell me that he too was going to retire very soon!  What a comfort!

Yet, I have to admit that “old age” had at least one “advantage”! I was elected each time as a “delegate” of the class, not so much for my competences, but rather out of respect the African and Asian students still have for the grey hair! Moreover, teachers were considerate and one of them made some nice remarks about the age 60, saying that it is the period of maturity, relaxation and vacationing…!

Finally, I know well that “motivation” and “old age” do not go hand in hand as far as “labor market” is concerned. Yet, I know also that the key to “integration“, in the broader sense of the word (cultural, social, and psychological) is, the acquisition of the language skills  of the country, no matter whether the person is old or young, or else the incident above of the lady with the dog will be the alternative.

Hayrenik DONO  

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos:

Cliquer ici pour lire la version française de l’article.




La dame avec le chien

CC0 Creative Commons

 

Réflexion sur l’exil, le vieillissement et l’intégration

J’ai travaillé dur pendant 35 ans et j’étais tellement immergé dans mon travail que j’ai rarement pensé à mon âge. J’ai aimé mon travail: l’enseignement. Mais les choses ont tourné à l’envers tout d’un coup, et un tsunami féroce m’a jeté violemment sur d’autres rives.

Au camp de réfugiés, j’étais dans un combat constant avec toutes les visions de mon passé. Les tentatives de les chasser par divers moyens: la méditation, le yoga … n’ont abouti à rien. Etant un passionné de lecture, je fréquentais les bibliothèques publiques qui offrent un endroit calme et tranquille pour les lecteurs ainsi que pour faire la sieste ! Ces bibliothèques étaient très bien, comme une cuisine pleine de nourriture appétissante et de délices, mais qu’il était interdit pour moi de manger. Les étagères étaient remplies de toutes sortes de livres et de publications principalement en français, une langue que je ne connaissais pas, sauf quelques mots et expressions qui subsistaient encore dans ma mémoire d’un passé lointain. Je ressemblais beaucoup à un aveugle tâtonnant dans une pièce remplie de meubles. Ironiquement, pendant ma pratique en tant que professeur d’anglais, j’ai bourré la tête de mes étudiants au fil des ans de conseils sur la façon d’apprendre une langue étrangère. Maintenant, je me retrouve perdu.

Je me souviens encore d’un incident qui m’est arrivé il y a quelques temps. Un jour, alors que j’étais en train de lire dans un parc tranquille, j’ai senti que quelque chose reniflait ma main. Je l’ai retirée instinctivement et me suis retrouvé face à un chien qui aboyait sur moi, suivi immédiatement par un flot de mots en français d’une dame en colère, la propriétaire du chien. Ce que je pouvais comprendre était: « Le chien ne vous mangera pas! » Si j’avais bien connu le français, je lui aurais dit « Je sais Madame! Mais votre chien aurait pu me mordre! » Nous avons tous deux manqué de quelque chose : moi la langue, elle quelques manières.

Néanmoins, la pensée de mes prochains cours de français – donnés aux réfugiés dans le cadre du programme d’intégration – me remontait parfois le moral. Comme une lumière à la fin du tunnel. Je voyais tous les jours beaucoup d’étudiants dévaler la route du foyer principal, se dirigeant vers école, et je me demandais pourquoi mon nom ne figurait pas dans la liste ! Puis, un jour, mon assistante sociale m’a dit plutôt doucement, pour le faire sonner de manière moins douloureuse: «L’établissement encourage les jeunes réfugiés à s’intégrer, non des personnes de votre âge ». Un frisson m’a traversé le corps. Comme le temps passe vite ! Les psychologues affirment que les enseignants sont les plus exposés aux effets traumatiques du vieillissement dès qu’ils quittent leur emploi ou prennent leur retraite. Mais, ce n’était pas ce que je ressentais. Ce n’était pas la réalisation que je vieillis. C’était quelque chose de plus poignant, de plus angoissant. Si j’avais été ici il y a 20 ans, les choses auraient été bien différentes ! Complètement différentes ! Mais, il n’y avait pas de temps pour l’apitoiement sur soi et les sentiments pathétiques. J’avais terriblement besoin de ces cours; sinon, j’allais me « désintégrer » en un rien de temps entre les quatre murs de ma petite chambre.

Heureusement, le mot « motivé », un terme couramment utilisé ici, est venu à mon secours. J’étais motivé ! J’ai donc commencé mes cours intensifs avec de nombreux jeunes réfugiés qui parlaient toutes les langues sauf le français, et bon nombre d’entre eux étaient « démotivés » !  quand même, au début de chaque cours, le mot « âgé » remplaçait « motivé », et je devais lutter à nouveau pour que mon nom soit inclus dans les listes. Fait intéressant, le responsable des cours, une personne très gentille de mon âge plaidait en faveur des « règles », alors que je demandais une « exception ». Puis, comme pour me réconforter, il me disait que lui aussi allait partir à la retraite très bientôt ! Quel réconfort !

Pourtant, je dois admettre que « la vieillesse » avait au moins un « avantage »! J’ai été élu à chaque fois comme un « délégué » de la classe, pas tellement pour mes compétences, mais par respect que les étudiants africains et asiatiques ont encore pour les cheveux gris ! De plus, les enseignants étaient prévenants et l’un d’entre eux a fait quelques remarques agréables au sujet de l’âge de 60 ans, en disant qu’il s’agissait de la période de maturité, de détente et de vacances …!

Enfin, je sais bien que «  la motivation » et « la vieillesse » ne vont pas de pair en ce qui concerne le « marché du travail ». Néanmoins, je sais aussi que la clé à « l’intégration », au sens large du terme (culturel, social et psychologique), est l’acquisition des compétences linguistiques du pays, que la personne soit âgée ou jeune, sinon l’incident ci-dessus de la dame avec le chien sera l’alternative.

Hayrenik Dono

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils