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Quand deux mains se joignent

Le mariage d’Afkar, membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils. Photo: Anaïs Salson.

Le monde renaît

Elle n’a pas eu peur de la glace qui couvrait les trottoirs de Sierre, ce vendredi 14 janvier. Elle s’est mariée, comme une reine, sur 10 centimètres de talons. Robe de mousse blanche et petite veste façon ocelot. C’était un mariage du temps de COVID, seuls les mariés et leurs témoins étaient acceptés dans la salle de mariage. Une autre y serait allée en baskets, avec un vague colifichet dans les cheveux…Pas elle. 

Afkar, ancienne rédactrice de Voix d’Exils, a toujours partagé avec nous, le cœur ouvert, les difficultés de son parcours en Suisse : l’apprentissage du français, le renoncement à sa vie d’avant, l’éloignement de son pays, le Yémen, les pressions déraisonnables de l’administration pour accélérer son intégration. Nous l’avons vue parfois au bord des larmes et même, allez, nous l’avons vue pleurer tout court.

Ce 14 janvier, elle irradiait au bras de son mari. Les invités l’attendaient sur le trottoir gelé, au bord de la route cantonale. Il y a eu des youyous, des cris de joie, des grappes d’enfants surexcités, sur leur 31, dont un petit coriace de deux ans qui cherchait à partir tout seul à l’aventure. Les absents, éloignés à des milliers de kilomètres, étaient aussi présents, sur l’écran des téléphones portables.

C’était vers 17h, l’heure où les Sierrois quittaient le bureau pour commencer leur week-end… une file ininterrompue de voitures longeait le trottoir. Remarquant cette joie parfaite, insolente, démonstrative, les chauffeurs se sont mis à klaxonner, les uns derrière les autres, pour célébrer aussi. Insolite, dans le rugueux Valais, mais beau : ils faisaient d’Afkar, Yéménite, admise provisoirement en Suisse, une Sierroise. Tout simplement. 

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Refoulée à la porte des Nations Unies

Le Palais des Nations Unies à Genève. Auteur: Wikimédia Commons.

Le jour où j’ai perdu mon identité

Le permis F, attribué par la Suisse aux personnes admises provisoirement sur son territoire, n’est pas reconnu comme une pièce d’identité officielle. Il peut entraver la vie quotidienne de ses détenteurs. Une rédactrice de Voix d’Exils en a fait l’expérience.

C’était le 20 Juin 2019. J’étais à Genève pour participer à une conférence aux Nations Unies, en tant que défenseuse des Droits de l’homme, dans le cadre de la Journée Mondiale des Réfugiés.
Je ne peux oublier la frustration que j’ai ressentie lorsque je me suis vu refuser l’accès en salle parce que j’étais uniquement en possession d’un permis F, délivré pourtant par l’autorité suisse.

Lorsque je vivais encore au Yémen, mon pays d’origine, je venais régulièrement participer aux travaux de l’organisation onusienne. Mon passeport et mon accréditation étaient suffisants pour accéder aux commissions.

Suite à mes ennuis politiques, j’ai fait une demande d’asile en Suisse. Suivant la procédure, j’ai déposé mon passeport auprès du Secrétariat d’Etat aux Migrations (SEM) et, quelques temps après, j’ai reçu un permis N. J’ai continué ainsi à participer à certains travaux dans cet organisme, sans restrictions.

Aujourd’hui, admise à titre provisoire et disposant d’un permis F, l’accès m’est interdit, suite à l’application de nouvelles règles plus strictes. Voici l’essentiel de la discussion éprouvante qui s’est engagée entre l’agent de sécurité qui s’opposait à mon passage et moi:

 

Afkar : Bonjour Monsieur.

L’agent de sécurité : Bonjour Madame.

Je souhaite obtenir un badge, voici le nom de l’organisation que je représente. (lui présentant mon accréditation)

Votre pièce d’identité s’il vous plaît !

La voici (lui remettant mon permis F)

Madame, je suis désolé, ce document ne prouve pas votre identité.

Que voulez-vous dire Monsieur ?

Ceci est un permis de résidence provisoire. Vous ne pouvez pas avoir accès à la salle pour des raisons de sécurité. Vous devez lire les informations inscrites derrière… Un passeport est requis.

Oui, mais il s’agit d’un document officiel établi par l’administration suisse. Il y a quelques mois, j’étais ici même avec un permis N. Qu’est-ce qui a donc changé ?

Je ne sais pas. Et maintenant, Madame, retirez-vous, je dois continuer mon travail, s’il vous plaît !

 

Qui suis-je ? Où est donc mon identité ? Que me reste-t-il comme possibilité d’action au service de mes convictions et de mes idéaux ?

Afkar

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 

 

 

 




« C’était une opportunité unique pour faire connaître ma vie de requérante d’asile »

 

Afkar (deuxième depuis la gauche) est membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils. Elle partage son vécu au micro de l’émission Caravane FM / RTS. Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

 

L’émission « Caravane FM » de la RTS est passée au foyer valaisan « Le Temps de Vivre »

A l’heure des discours passionnés sur la crise migratoire, Caravane FM, à son habitude, a choisi l’immersion. C’est au foyer « Le Temps de Vivre », situé aux Mayens-de-Chamoson dans le canton du Valais, que Lionel Fresard et Jean-Francois Michelet, les deux animateurs de l’émission, ont garé leur caravane, du 28 au 30 août 2019. Leur but : partager le quotidien des hommes, des femmes et des enfants qui un jour ont tout quitté, leur donner la parole et recueillir leurs histoires de vies.

Aux commandes de leur radio locale éphémère, les deux complices de l’information sociale ont tendu leur micro aux résidents. Loin de tout voyeurisme, la magie du respect et de la dignité a fait le reste, avec, au final, une production riche en paroles, musiques et émotions.

Afkar, membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils, y a participé :

« En me tendant le micro, Caravane FM a en quelques sorte valorisé mon existence en tant que personne humaine. J’ajoute qu’elle s’est ralliée à Voix d’Exils, de la plus belle des manières, en me donnant un champ d’expression plus élargi. Témoigner au micro d’une émission qui sera diffusée à la télévision suisse est une occasion rare. C’était une opportunité unique pour moi de faire connaître et partager mes expériences personnelles ainsi que ma vie de requérante d’asile »

Rendez-vous le mercredi 20 novembre 2019 à 20h10, sur RTS la première pour suivre cinquante-deux minutes d’une réalité humaine pas toujours connue.

Afkar et Bin

Membres de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

A vos agendas:

Rendez-vous le mercredi 20 novembre 2019 à 20h10 sur RTS la première 

L’émission de la RTS « Caravane FM » au foyer valaisan « le Temps de Vivre ». Photo: la rédaction valaisanne de Voix d’Exils.