1

La peur et le bonheur

Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Un premier accouchement en Suisse riche en émotions

Je m’appelle Kokob, je viens d’Erythrée. Je vis en Suisse depuis bientôt trois ans ; j’y ai rejoint mon mari qui dispose d’un droit de séjour. Ma propre situation administrative est encore incertaine. En 2016, j’ai donné le jour à notre premier enfant, une petite fille, à l’hôpital cantonal de Sion.

C’était la première fois que je vivais l’expérience de la grossesse et de l’accouchement et en plus je n’avais pas de papiers ! Cette situation m’a fait vivre des émotions très fortes : j’étais tellement préoccupée avec ma procédure, chaque jour j’attendais avec espoir une réponse qui ne venait pas ! J’étais surtout inquiète que mon stress puisse affecter mon enfant. Quand j’ai dû me rendre à l’hôpital, j’étais remplie de peur. Mais au moment où l’infirmière m’a prise en charge,  le poids des soucis s’est envolé. Après, tout s’est bien passé, je me suis sentie en sécurité et heureuse. Ma fille Maria est venue au monde et nous a remplis de joie.

C’est le soin et l’amour que j’ai reçu à l’hôpital qui me font écrire ce témoignage.

J’aimerais vraiment prendre le temps de remercier du plus profond de mon cœur tous les médecins et les infirmiers de l’hôpital du Valais à Sion qui ont changé ma peur en bonheur ; je le fais aussi au nom des autres femmes enceintes qui ont accouché à l’hôpital valaisan.

Aujourd’hui, ma fille a presque deux ans ; je n’ai toujours pas de régularisation de séjour. Je l’attends tous les jours avec plein de chagrin dans mon cœur, sachant qu’il est question de la sauvegarde de ma famille, construite avec amour en compagnie de mon mari. Mais nous gardons espoir en regardant grandir dans la confiance notre petite fille.

Kokob Mebrahtu

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils     

 

 

 

 




PAN-MILAR : une association qui prépare les migrantes à la naissance

Association PAN-MILAR. Photo: Luc Chessex

PAN-MILAR est une association vaudoise à but non lucratif qui offre des cours de préparation à la naissance aux femmes migrantes, en tenant compte de leurs spécificités migratoires, linguistiques et culturelles. Témoignage.

Voilà quelques mois déjà que j’ai découvert à travers mon parcours professionnel, les cours de préparation à l’accouchement destinés aux femmes migrantes qui sont offerts en différentes langues. Ils sont animés par des sages-femmes et des interprètes communautaires de l’association Appartenances. J’ai eu la chance de pouvoir en discuter avec l’une des sages-femmes qui s’occupe d’une session de cours: Eliane Schnabel.

A l’origine du projet

Eliane Schnabel m’a raconté la genèse du projet en rappelant qu’il a émergé d’une expérience au sein de la FAREAS (Fondation vaudoise pour l’accueil des requérants d’asile) à laquelle a succédé l’EVAM (Etablissement vaudois d’accueil des migrants). A la base, ce n’était pas un projet cantonal mais, progressivement, il s’est étendu et, aujourd’hui, il est le seul d’une telle ampleur au niveau national. Ayant atteint une telle dimension, il est sorti de la FAREAS et été renommé PAN-MILAR (Préparation à la naissance – migrantes, Lausanne et régions).

Association PAN-MILAR. Photo: Luc Chessex

Cette association à but non lucratif est reconnue d’intérêt public et reçoit des subventions, entre autres, du Service de la santé publique de l’Etat de Vaud et travaille en partenariat avec la maternité du CHUV. PAN-MILAR collabore aussi avec divers services et associations tels que les Centres PROFA, la section vaudoise de la Fédération Suisse des Sages-femmes ou, encore, le Centre Femmes d’Appartenances. Les cours sont coordonnés par des sages-femmes indépendantes qui travaillent en étroite collaboration avec les interprètes communautaires, tout ceci étant chapeauté par une coordinatrice générale, qui est également une sage-femme.

Accompagner les femmes migrantes dans leur vécu de la grossesse

L’association considère que l’un des buts premiers de son action est d’accompagner des femmes pour qu’elles tentent d’identifier l’impact de la migration dans le vécu de leur grossesse et leur représentation de l’accouchement. Il s’agit, bien entendu, aussi de les préparer à vivre un accouchement harmonieux en connaissant le déroulement d’une naissance. Le travail des sages-femmes tente également de favoriser la prise de conscience de ce qui se passe dans le corps des femmes enceintes. Elles cherchent aussi à comprendre et à partager les enjeux du rôle des parents et les changements qui vont s’opérer dans leurs vies. Elles s’intéressent également à comprendre ce qui se passe durant l’allaitement et encouragent les femmes à pouvoir profiter, pour celles qui le peuvent, de ces moments privilégiés avec l’enfant.

Association PAN-MILAR. Photo: Luc Chessex

L’association observe qu’elle est un possible vecteur pour favoriser l’intégration par le renforcement des connaissances culturelles autour de la thématique de la naissance, ainsi que par une meilleure connaissance des habitudes et normes socioculturelles du pays d’accueil.

L’importance de pouvoir communiquer dans sa langue maternelle

Actuellement, il existe quatre lieux où se déroulent les sessions de cours : Aux 4 coins à Renens, au Jardin Ouvert à Yverdon, au CHUV et au Centre Femmes à Lausanne. L’équipe est constituée de 6 sages-femmes, de 17 médiatrices culturelles régulières, et de plus de 20 interprètes occasionnelles prêtes à traduire les cours en plus de 35 langues différentes, dont : le turc, l’albanais, le tamoul, le croate, l’amharique, l’arabe, le tigrinya, le serbe, le somali et l’espagnol. PAN-MILAR peut offrir également des accompagnements en chinois, russe, mogol, polonais et thaï. Il est même possible de demander encore d’autres langues grâce à la venue d’une nouvelle médiatrice.

Eliane Schnabel souligne l’importance d’être à l’aise pour pouvoir s’exprimer sur des

Association PAN-MILAR. Photo: Luc Chessex

thématiques finalement très intimes et culturellement très fortes. Elle me dit que, pour elle, la possibilité de se faire comprendre dans sa langue maternelle, de se sentir à l’aise et de pouvoir s’exprimer ouvertement, librement et émotionnellement – si les femmes en ont envie – est primordial. Elle donne des cours tous les lundis soirs dans les locaux des 4 Coins, à Renens. Elle insiste sur la volonté d’avoir des groupes formés de plusieurs langues différentes au sein d’un même cours, afin que la langue ne soit pas une barrière, mais également pour favoriser une prise de conscience pour ces femmes qui pourront, peut-être, déceler un certain universalisme dans cette expérience de vie. Ainsi, elles peuvent remarquer qu’elles vont retrouver, malgré des différences parfois fortes, des préoccupations ou des soucis similaires que partagent d’autres femmes, pourtant issues de cultures différentes de la leur. Eliane Schnabel me confie que pouvoir sentir certaines similitudes est très important. Ceci permet, selon elle, une « groupalité » plus grande, ce qui offre la possibilité de sortir d’un certain individualisme. Eliane me dit être ravie et que cela marche bien. Elle souligne qu’il s’agit d’une occasion unique de se rencontrer dans cette unité et relève qu’ensemble, elles rigolent, partagent et se reconnaissent.

Pouvoir partager l’expérience de la grossesse

En écoutant attentivement ce qu’elle me racontait, une question m’est venue et je lui ai demandé si les futurs papas participent à ses cours. Elle m’a confirmé la présence d’hommes aussi et précise que les femmes peuvent être accompagnées de qui elles souhaitent. Contrairement aux cours généralement donnés en Suisse, elle n’insiste pas pour que les hommes soient présents. Il s’agit là, parfois, d’un choix personnel ou culturel. Eliane me fait part du plaisir qu’elle a de voir les femmes arriver le premier soir, encore méfiantes ou prudentes parfois, qui reviennent ensuite aux séances suivantes pour se laisser découvrir et découvrir le groupe. Elle me dit que souvent, cela crée des liens entre les futures mamans. Le cours n’est évidemment pas qu’une suite d’informations sur des procédures. Pour Eliane, il s’agit avant tout d’une sorte de reconnaissance de ces femmes et de ce qu’elles vivent. Elle met en avant le courage qu’il a fallu à certaines d’entre elles pour faire un pas vers ce nouveau lien. Elle me dit que cela est positif, car si elles ont besoin ou envie d’aller vers d’autres choses ensuite, c’est parfois par le courage passé qu’elles en trouveront la force.

Association PAN-MILAR. Photo: Luc Chessex

Pour Eliane, il est également important qu’elles se sentent en confiance, évidemment, mais aussi qu’elles soient reconnues dans leur savoir relatif au maternage. Elle les amène ainsi à trouver des réponses à leurs soucis en les incitants à puiser dans leurs propres connaissances et souligne qu’il est nécessaire qu’elles se sentent respectées et écoutées. Les cours d’Eliane se passent à Renens Aux 4 Coins, lieu d’accueil enfants-parents, inspiré de la Maison Verte. Pour elle, ce lieu est important puisque par la suite, les mamans pourront revenir avec leur enfant. Connaissant l’endroit, il pourra être un possible point de chute où elles pourront être prises en charge et dire ce qu’il leur arrive sans être jugées.

Après la naissance, une rencontre est organisée pour celles qui le souhaitent. Eliane souligne que bien que submergées par ce moment de vie, celles qui viennent ont beaucoup de plaisir à se retrouver.

Je tiens à remercier ici Eliane Schnabel, pour notre échange et à saluer son engagement notamment auprès de ces femmes.

Sitara CHAMOT

Membre du Lausanne Bondy Blog

Article adapté, qui a été initialement publié par le Lausanne Bondy Blog le 15 octobre 2012

www.lausannebondyblog.ch

Infos :

Association PAN-MILAR

Fondation Profa

Association Appartenance

Espace Aux Quatre Coins

Centre Hospitalier Univeritaire Vaudois (Chuv)

Fondation suisse des sages-femmes




La maternité en Suisse et en Afrique : une comparaison

La maternité est une période de la vie qui peut se vivre très différemment selon le pays et le continent dans lequel se trouve la mère. Les infrastructures et les mœurs qui encadrent ce moment peuvent en effet considérablement varier. Comparaison entre le cas de la Suisse et celui de l’Afrique.

En Suisse, grâce au système d’assurance maladie, il y a peu de discriminations dans la prise en charge des patients. Tous les patients, quels que soient leur situation sociale ou niveau de vie, ont la même valeur face au personnel soignant. Ces derniers poursuivent un objectif commun, celui de sauver des vies humaines. Que ce soit le bien-être physique, mental et psychique, tout acte médical se fait en toute conscience et est précédé d’une explication au patient. Il arrive que dans certains cas, le patient engage son consentement par sa signature.

En Afrique, il n’y a pas d’assurance maladie, chaque acte médical facturé est payé directement par le patient et cela crée une grande différence dans la qualité des soins médicaux qui sont dispensés en fonction des moyens du malade. Avec la pauvreté, l’argent passe au premier plan par rapport aux soins, ce quel que soit l’état de la personne. Il faut payer la facture ou donner un gage avant de bénéficier d’un soin quelconque, même pour un cas de grossesse. C’est pourquoi il y a plus de décès surtout pour les cas d’urgence. Le personnel soignant peut se montrer vite agacé et énervé lorsqu’on lui pose des questions, cependant, les explications finissent par être données à la fin des soins.

En Suisse, on prend en considération si la grossesse est désirée ou pas.

L’avortement est autorisé et remboursé par l’assurance maladie en Suisse. On peut aussi éviter une grossesse non désirée, grâce à la sensibilisation donnée aux jeunes gens sur la contraception par différentes associations. Cela s’appelle « le planning familial ». Les personnes en difficulté peuvent le contacter en cas de besoin ou pour demander conseil. On peut également s’informer sur internet. Les jeunes filles peuvent se procurer la pilule contraceptive avec une ordonnance médicale auprès d’une pharmacie, la pilule restant à la charge de la patiente. Une toute jeune fille concernée par un problème de grossesse non désirée aura la garantie du secret médical de la part du « planning familial » et de l’hôpital car, en Suisse, on atteint la majorité sexuelle à l’âge de 16 ans. La conséquence est qu’il y a moins d’enfants abandonnés.

Par contre, en Afrique, la sensibilisation des jeunes pour éviter des grossesses non désirées se fait surtout à l’école, à un certain âge, sauf pour certaines familles. Ceci pose un problème car tous ceux qui ont abandonné l’école ou n’ont pas été scolarisés faute de moyens ne bénéficient pas de cette information.

L’avortement n’étant pas autorisé par la plupart des Etats africains, certaines femmes le font en cachette. Elles ne réussissent pas toujours, parce que cela ne se fait que dans des petits dispensaires privés et dans de mauvaises conditions. Comme en Suisse, les pharmaciens exigent une ordonnance pour la pilule, seuls les préservatifs sont permis. Face à ces situations dramatiques, la conséquence est qu’on trouve beaucoup d’enfants dans la rue.

En Suisse, une grande considération est accordée à la femme enceinte.

En Suisse, lors de l’accouchement, on autorise la femme enceinte à désigner une personne de son choix pour l’assister lors de la naissance de son enfant. Il s’agit généralement son mari ou un autre membre de la famille, ce qui n’est pas le cas en Afrique.

Ce qui est le plus marquant pour moi est la considération qui est accordée à la femme enceinte en Suisse. Elle est protégée, respectée, même dans les lieux publics. Elle est également soutenue par différentes associations lorsqu’elle n’a pas de moyens.

Par contre, en ce qui concerne le personnel soignant, c’est pareil qu’en Afrique, c’est en fonction des humeurs de chacun! Il y a ceux qui sont appréciés par les patients parce qu’ils sont gentils, toujours prêts à les écouter et à les servir sans se fâcher, ni manifester leur fatigue. Il y en a d’autres, par contre, qui ne sont pas appréciés, parce qu’ils se montrent moins compréhensifs, moins gentils.

En tant que personne migrante, j’ai vécu cette belle expérience qu’est la venue de ma magnifique petite fille en Suisse et je peux confirmer ce qui précède.

Nancy

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

Informations :

Liste et coordonnées des centres de planning familial en Suisse

http://www.svss-uspda.ch/fr/fampla.htm