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Vingt jours, dix pays, un exil

Sur un quai de gare en Macédoine / Photo: Youssef

Le périple de deux jeunes syriens vers la Suisse



Youssef*, un jeune Syrien de 30 ans, a travaillé comme ingénieur électricien dans son pays. Aujourd’hui, il pratique le même métier, mais en Suisse. Au-delà de cette apparente stabilité et continuité dans sa vie, Youssef a connu les dangers de l’exil et les risques pris par toute personne qui quitte son pays pour un avenir meilleur. Vous trouverez ci-dessous les détails du voyage qu’il a entrepris avec sa sœur et les difficultés qu’ils ont a rencontrées sur le chemin de la migration au travers des 10 pays qu’ils ont parcourus pour rejoindre la Suisse depuis la Syrie.

De la Syrie vers le Liban et la Turquie

Youssef et sa sœur ont décidé de fuir la Syrie. Ils se sont rendus, début août 2015, de Damas à Tripoli au Liban où ils sont montés à bord d’un bateau en direction de Mersin en Turquie. Leur voyage a duré deux jours. Puis, ils ont pris un taxi en direction de la ville d’Izmir, mais le trajet a été beaucoup plus long que le premier et a duré 14 heures.

À Mersin, Youssef a contacté un passeur appelé « Abu Mowaffaq » et s’est mis d’accord avec lui sur une somme de 1’100 dollars US. Youssef et sa sœur ont rejoint un groupe de trois personnes et sont restés dans la maison du passeur pendant six jours, où ils ont tous attrapé la gale à cause de l’insalubrité des oreillers et des couvertures.

Six jours plus tard, au soir, ils se sont rendus en compagnie d’autres groupes – au total près de quarante personnes – vers la ville de Bodrum, lieu d’embarcation qui se trouve à deux heures d’Izmir. Comme le bateau n’était pas prêt à partir, tous ont dû attendre sur le rivage pendant quatre heures, mais en vain. Le passeur était absent. Quand ce dernier est finalement arrivé, il leur a apporté de la nourriture et leur a demandé de se cacher pour le lendemain, avant de s’enfuir rapidement.  Après plus de 19 heures d’attente, la police turque les a interpelés et arrêtés pour ensuite les emmener à la gare routière la plus proche. Ils ont donc été contraints de retourner à Izmir.

De la Turquie à la Grèce

Le lendemain, Youssef et sa sœur ont tenté une nouvelle fois d’effectuer la traversée en bateau et sont donc retournés à Bodrum. Ils y sont arrivés au milieu de la nuit à deux heures du matin. Au lever du soleil, ils sont montés dans la barque et le début du voyage a alors été marqué par les prières de toutes et tous et par les pleurs des enfants. Un quart d’heure après le départ, les garde-côtes turcs les ont attaqués en mer afin de les forcer à regagner la côte turque, mais les passagers du bateau ont ignoré ces appels et ont continué à naviguer. Les garde-côtes ont alors tiré en l’air pour les effrayer et ont fait plusieurs tentatives pour les arrêter. Mais en vain. Les garde-côtes ont alors été contraints de les laisser poursuivre leur chemin. Moins de dix minutes plus tard, ils ont rapidement été interceptés par les garde-côtes grecs qui les ont emmenés sur l’île de Kos. A leur arrivée, ils ont été escortés jusqu’à un bureau pour enregistrer leurs noms afin que les autorités puissent statuer sur leur décision d’expulsion de la Grèce.

Île Kos, Dodécanèse, Grèce / Photo: Ibrahim
Sur l’Île de Kos, Dodécanèse, Grèce / Photo: Youssef

La police grecque les a ensuite emmenés dans un camp dans lequel ils devaient passer plusieurs jours dans l’attente d’une décision de renvoi. Mais tous, y compris Youssef et sa sœur, ont décidé d’aller immédiatement acheter des billets de transports pour se rendre à Athènes.

Lieu indéterminé, Grèce / Photo: Ibrahim
Lieu indéterminé, Grèce / Photo: Youssef

De la Grèce à la Macédoine et de Macédoine à la Serbie

Le lendemain matin, Youssef et sa sœur ont embarqué sur un petit bateau et ont voyagé ainsi pendant près de 14 heures. Lorsqu’ils sont arrivés, un ami de la famille, qui possédait un appartement à Athènes, les attendait sur place. Ils sont restés chez lui quatre jours.

Au port d'Athènes, Grèce / Photo: Ibrahim
Au port d’Athènes, Grèce / Photo : Youssef

Après cela, ils sont montés dans le bus et se sont dirigés vers la frontière macédonienne avec pour destination une gare ferroviaire. Ils sont alors montés à bord du train destiné à transporter les réfugiés à la frontière serbe et leur voyage a duré huit heures. Ils sont arrivés à minuit, puis ils ont attendu jusqu’au petit matin par peur des voleurs et des bandes qui rôdaient sur la route des voyageurs le long de la frontière serbo-macédonienne. Puis, ils ont marché vers le premier village de Serbie et de là ils ont pris un bus vers la capitale, Belgrade, où ils ont séjourné dans un hôtel pendant deux jours. Ils se sont ensuite dirigés vers la frontière hongroise à travers les champs de maïs. En chemin, ils ont été surpris par la présence de policiers qui arrêtaient et empêchaient les exilé·e·s de poursuivre leur chemin. Youssef et sa sœur ont donc décidé de se cacher dans les champs jusqu’à ce que la police quitte les lieux.

De la Serbie à la Hongrie

Le lendemain matin, un homme et sa femme sont passés, par hasard, par là et leur ont proposé de les emmener en voiture jusqu’à la ville hongroise de Budapest en échange d’une somme d’argent. Ils les ont alors effectivement conduits à destination, en compagnie d’une vingtaine d’autres personnes. Toutefois, lorsqu’ils sont arrivés en ville et qu’ils sont sortis de la voiture, ils se sont retrouvés face à deux voitures de police. Tout le groupe s’est alors mis à courir et s’est caché dans un parking pendant quatre heures où ils ont contacté un autre passeur qui les avait informés que deux voitures les attendraient dans le centre-ville à côté d’un hôtel. Malheureusement, la police était à l’affût et a confisqué les véhicules et arrêté les chauffeurs.

De la Hongrie à l’Autriche et de l’Autriche à l’Allemagne

Peu de temps après, ils ont recontacté le passeur qui leur a demandé d’attendre le lendemain de sorte à ce qu’il puisse se débrouiller pour leur fournir deux nouvelles voitures pour les emmener en Allemagne. Ils ont alors passé cette nuit dans le jardin jusqu’au lendemain matin, puis sont partis dans des directions différentes, traversant l’Autriche, sans s’arrêter, jusqu’à ce qu’ils rejoignent le premier village d’Allemagne appelé Passau où Youssef et sa sœur se sont arrêtés. Certains autres membres du groupe qui se trouvaient avec eux à ce moment ont été malheureusement pris dans un piège frauduleux et ont été renvoyés en Serbie.

De l’Allemagne à la Suisse

Après être arrivés vers deux heures du matin au village de Passau, Youssef, sa sœur et leurs compagnons de route encore présents ont passé quatre heures dans les rues. À six heures du matin, la police allemande les a arrêtés et emmenés au poste de police. Deux heures plus tard, ils ont été relâchés et ont pris le train en direction de Munich. À leur arrivée à Munich, Youssef et sa sœur se sont séparés du reste du groupe. Leur oncle les attendait sur place et c’est lui qui les a conduits pendant quatre heures dans sa voiture jusqu’à ce qu’ils entrent sur le territoire suisse et plus précisément par la ville de Rheinfelden, le 20 août de la même année.

Durant les 20 jours qu’a duré le périple de leur migration, Youssef et sa sœur ont traversé pas moins de dix pays avant de finalement demander l’asile en Suisse.

*Youssef: nom d’emprunt

Doaa Sheikh al Balad

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« Vous devez partir immédiatement, ils vont vous tuer »

Martha Campo en campagne électorale en 2015 lors des élections municipales de Palmira Valle.

Tout quitter pour avoir une chance de vivre en paix

C’était en août 2018. Je ne me souviens plus du jour. Je me souviens juste qu’il faisait très chaud comme d’habitude dans mon pays. C’était une journée de travail, je quittais les bureaux de la Cour situés sur la Carrera 32 à Palmira Valle, ma ville natale en Colombie. En marchant dans le couloir, j’ai croisé un homme en uniforme militaire. Je ne l’ai pas reconnu jusqu’à ce qu’il soit très proche de moi : c’était le commandant de la police de sécurité.

Une semaine auparavant, je l’avais déjà vu à l’entrée du parc des expositions ; il s’était approché du véhicule dans lequel je me trouvais. C’était la première fois que je le voyais. Il a demandé à l’un de mes gardes du corps si j’étais Martha Campo et s’il pouvait me parler. Avec leur permission, il s’est approché de moi et m’a dit qu’il devait absolument me parler. Il m’a donné un rendez-vous pour le lendemain auquel je ne me suis pas rendue. A l’époque, je vivais comme dans une grande paranoïa car j’avais fait l’objet de plusieurs tentatives d’assassinats et je savais que les autorités étaient impliquées. Donc, je préférais les éviter et les ignorer.

De gauche à droite: Andrés Villamizar, Jairo Carrillo & Martha Campo, PLC, Colombie, session du conseil de l’Internationale socialiste à l’ONU, New York, 11-12 juillet 2017. Source: https://www.internacionalsocialista.org/consejos/nueva-york-2017/#gallery-48

« Il faut que nous parlions de toute urgence »

A la Cour, il s’est à nouveau approché de moi et m’a dit: « Venez dans mon bureau, il se trouve devant la Cour, il faut que nous parlions de toute urgence ». J’ai terminé ma procédure devant le tribunal, puis j’ai demandé à l’un de mes gardes du corps de m’accompagner de l’autre côté de la rue pour me rendre au bureau du commandant. A mon arrivée, il m’a priée de m’asseoir et a demandé à sa secrétaire de quitter le bureau. Il m’a dit qu’il allait me révéler ce qu’il s’organisait contre moi mais, avant de commencer, il m’a demandé de ne pas divulguer son nom, car dans ce cas, il se ferait sûrement tuer ou on s’en prendrait à sa famille. Les premiers mots qu’il m’a dit ont été : « Vous devez partir immédiatement d’ici, ils vont vous tuer ». Puis il m’a expliqué qui étaient impliqués, que de hauts fonctionnaires, des colonels et des policiers avaient donné des ordres, qu’ils avaient l’intention de libérer des criminels et de les engager pour commettre mon meurtre. Il m’a également informée qu’il ne faisait pas confiance à l’unité de protection nationale car c’était de là qu’était venu l’ordre du colonel en chef qui disait que mes plaintes étaient infondées, que tout allait bien, qu’il n’y avait pas d’attaques contre moi et que toutes les plaintes que j’avais déposées allaient être supprimées. Leur plan était d’entrer chez moi pour m’assassiner en faisant comme s’il s’agissait d’un cambriolage ou d’un fait divers.

Martha Campo en campagne électorale en 2015 lors des élections municipales de Palmira Valle.

« Je ressentais de la terreur à chaque feu rouge »

Avertie et mortellement effrayée, je suis partie et j’ai averti mes gardes du corps de ce qui se passait. C’étaient des jours difficiles. Je ne pouvais plus trouver le sommeil, je ressentais de la terreur à chaque feu rouge qui stoppait mon véhicule. Je ne savais pas quoi faire pour protéger ma famille; en particulier Daniel, mon plus jeune fils, qui avait alors dix ans. Cela a duré environ un mois.

Le 10 septembre de la même année 2018, je suis allée travailler comme d’habitude. En tant que journaliste, j’étais fortement liée à la politique sociale de ma commune. J’avais aussi travaillé comme chancelière départementale à la défense et à la représentation des femmes. Dans ce cadre, j’ai porté de vives plaintes contre la corruption du gouvernement, et surtout au sujet d’une grande fraude électorale qui s’est produite lors des élections à la mairie de Palmira Valle de 2015.

Martha Campo représente l’internationale socialiste des femmes pour la Colombie.

« Mes souvenirs se sont bloqués »

Je suis rentrée chez mon père où je vivais depuis un mois et demi à cause d’autres tentatives d’assassinats qui visaient ma personne. C’était un quartier familier où tous les voisins me connaissaient depuis que j’étais enfant. À l’heure du déjeuner, mes gardes du corps m’ont laissée à l’intérieur de la maison. Ils se sont assurés que tout allait bien et sont partis pour manger. 15 minutes se sont écoulées, mes filles aînées étaient en visite avec leurs enfants et nous déjeunions ensemble. Une de mes filles est sortie pour faire du shopping mais s’est rendu compte que quelque chose n’allait pas… Quand elle a essayé de rentrer, on lui a tiré dessus. Elle a alors couru en s’efforçant de refermer la porte. A ce moment-là, un des tueurs à gage a donné de forts coups de pied contre la porte pour l’enfoncer. Mon autre fille est alors venue l’aider à maintenir la porte… Je me souviens du bruit des coups de feu qui résonnent dans ma tête comme un écho, des cris assourdissants de mes filles me demandant d’appeler les gardes du corps, ou la police, qu’ils allaient me tuer. A ce moment-là la porte a été détruite et mes souvenirs se sont bloqués.

Il n’y a alors que du silence dans mon esprit. Je ne vois rien, je ne sais pas ce qui s’est passé, je ne sais pas comment nous avons été libérés. L’impact était si grand que peu importe combien j’essaie de me souvenir de ce moment je ne trouve pas. Je me souviens seulement avoir regardé la rue pour me rendre compte que ma maison était bouclée par des équipes de la police judiciaire ; un de mes gardes du corps se tenait debout à l’extérieur et parlait avec un policier ; il y avait du verre brisé et du sang par terre.

Annonce de la tentative d’assassinat de Martha Campo sur le média colombien N & D, le 12 septembre 2018.

« Fuir pour sauver ma famille »

L’une de mes filles a été kidnappée, torturée puis violée et l’autre a frôlé la mort en recevant une balle dans la jambe. C’est à ce moment-là que j’ai pris la décision de fuir mes terres pour sauver ma famille. En prenant d’abord mon fils – Daniel – nous nous sommes réfugiés à Bogota, la capitale, puis quelques jours plus tard nous avons pris la direction de la Suisse.

Cela fait partie de mon histoire parce que j’ai émigré de mon pays, parce que je suis maintenant réfugiée en Suisse. Mais il y a des milliers d’autres histoires – peut-être plus terribles encore que la mienne – qui forcent des personnes à abandonner leur maison, leur vie, tout ce qu’ils ont construit, et qui les obligent à tout quitter pour chercher une nouvelle destination et avoir une chance de vivre en paix.

 

Martha Campo

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 

Biographie de Martha Campo

Je m’appelle Martha Cecilia Campo Millan. En Colombie, avant mon exil, j’ai exercé plusieurs fonctions et emplois à la fois dans le domaine de la politique – notamment la politique des femmes – et en tant qu’entrepreneuse en communication.

Je suis une professionnelle en journalisme et droits de l’homme, également professionnelle de l’administration, écrivaine et poète. Dans ma carrière politique je suis représentante internationale des femmes de l’organisation nationale des femmes colombiennes et membre de l’internationale socialiste des femmes, représentante de l’assemblée générale des femmes du département de Valle del Cauca, vice-présidente du parti socialiste libéral de la vallée de Palmira.

Je suis aussi une femme d’affaires dans le domaine des communications, ancienne directrice de plusieurs chaînes radio et télévision comme television CNC, radio en Caracol ou radio palmira.

J’ai dû m’exiler de Colombie car j’ai dénoncé des fraudes électorales survenues lors des élections à la mairie de Palmira Valle en 2015. J’ai dénoncé des actes de corruption et j’ai été victime de plusieurs attentats. Le Ministère de la protection m’a affecté des gardes du corps et une camionnette blindée et je devais en permanence porter un gilet pare-balles pour me protéger.

 

 

 




« 3 minutes avec Lucia »

Keerthigan Sivakumar recevant son prix.

Keerthigan Sivakumar recevant son prix pour son film « 3 minutes avec Lucia » et Lucia.

«3 minutes avec Lucia» est un court métrage qui dresse le portrait d’une femme sans-papiers qui vit en Suisse depuis 10 ans. Le réalisateur, Keerthigan Sivakumar, étudiant à l’Ecole romande d’arts et communication (Eracom) et ancien rédacteur de Voix d’Exils, s’est vu décerner un prix pour son film, l’an dernier, lors d’un festival organisé par la Berner Beratungsstelle für sans-papiers. Interview.

Quel est votre parcours, votre formation ?

J’ai suivi un cursus scolaire jusqu’au secondaire au Sri-Lanka. Le système est proche du système scolaire anglais. Une fois en Suisse, j’ai commencé à apprendre la langue française et j’ai participé au programme d’activité de l’EVAM  « Voix d’Exils » qui permet à des requérants d’asile d’acquérir des compétences dans le domaine de la communication et du  journalisme.

Début 2014, grâce aux compétences que j’ai pu acquérir dans le domaine du journalisme, j’ai déposé mon dossier pour intégrer ma formation actuelle en communication visuelle à l’Eracom et j’ai été admis. J’avais des lacunes au début, à cause de la langue, puis je me suis amélioré. Il me reste encore des efforts à fournir pour réussir mon travail de diplôme cette année.

Qu’est-ce qui vous a motivé à réaliser ce film « 3 minutes avec Lucia » ?

C’est par le biais d’une amie qui habite à Berne et qui m’avait parlé du festival du court métrage « Film ab » et dont la thématique était l’immigration clandestine. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de réaliser ce film et de participer à ce concours. Cette envie ne vient pas spécifiquement de mon histoire. Je ne connaissais pas de personnes sans-papiers. A travers ma procédure d’asile, j’ai plutôt côtoyé des requérants d’asile, des refugiés et des requérants d’asile déboutés.

C’est quoi la différence entre un sans-papier et un requérant d’asile ?

Le requérant d’asile, c’est une personne qui fait une demande d’asile politique et dont la procédure est en cours. Un sans-papiers est une personne qui n’a pas de statut en Suisse : son existence n’est donc pas connue des autorités. Autrement dit c’est un clandestin.

Affiche du concours

Affiche du concours.

Qu’est-ce que le film nous apprend sur les sans-papiers ?

Le sujet du film est le témoignage de Lucia, une femme sans-papiers, les difficultés qu’elle rencontre au quotidien et le regard de la société vis-à-vis des laissés pour compte. Ce concours a été organisé par une Fondation Suisse alémanique – la « Berner Beratungsstelle für sans-papiers » – qui vient en aide aux personnes sans-papiers.

Quel message voudriez-vous faire passer à travers ce court métrage ?

Simplement, j’aimerais encourager les gens à aller à la rencontre des personnes dont  beaucoup ignorent l’existence et les difficultés qu’elles endurent. Pendant ces trois minutes, face à la camera, je découvre en même temps le récit de ce personnage dont la vie n’a pas fait de cadeaux.

Comment avez-vous trouvé votre personnage principal Lucia ?

C’est à travers une association d’entraide pour les sans-papiers que j’ai pu prendre contact avec Lucia. Ce n’est pas facile de rencontrer des sans-papiers car ils sont très peu visibles. Dès la première rencontre, j’ai compris que c’était la bonne personne. Elle est très naturelle et raconte les choses simplement.

Avez-vous reçu des soutiens pour réaliser ce film ?

Oui, j’ai reçu des soutiens. D’une part, l’association qui m’a permis de rencontrer Lucia qui vivait en Suisse depuis 10 ans. Je lui ai proposé mon projet, elle était d’accord. On a pris rendez-vous pour le tournage et j’ai choisi mon appartement pour tourner. D’autre part, j’ai eu accès à du matériel professionnel grâce à mon entourage. J’ai choisi un cadrage simple, sans effets spéciaux, pour mettre en avant Lucia et son récit.

Qu’est-ce que ça vous fait d’avoir reçu ce prix ?

Je suis très fier et content pour Lucia. Ce prix lui revient, elle est un personnage incroyable. Malgré ce qu’elle endure depuis 10 ans, elle reste positive et garde le sourire. Bref, elle me fascine. Elle est aussi une personne exemplaire qui représente positivement les sans-papiers. Je suis aussi fier de moi, c’est le premier prix que j’ai reçu, c’est la première fois que je reçois un prix reconnu par un jury.

Qu’est-ce qui vous a permis de vous distinguer des autres candidats ?

C’est peut-être la personnalité de Lucia, mais aussi l’originalité et la simplicité avec lequel on a tourné qui a plu au jury. D’ailleurs, une personne du jury a dit : « C’est comme s’il n’y avait rien entre le personnage et la caméra. »

TM

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos:

 

 

 

 

 




Un pont pour relier les cultures et les générations

"Le pont" en construction. Photo: Etat du Valais.

« Le pont » en construction. Photo: Etat du Valais.

Venez vibrer à Sion à l’occasion des festivités du bicentenaire du Canton du Valais!

Dans notre monde incertain, une chose reste heureusement immuable : les valaisans savent faire la fête. Par chance, il en est une qui se prépare, et de dimension historique ! Les 7 et 8 août prochains, le Canton de Valais célèbrera le bicentenaire de son entrée dans la Confédération (1815-2015). Il y aura des discours, de la musique, de la raclette, de la viande séchée et du fendant… Mais aussi l’invitation des migrants au cœur de la fête. La rédaction valaisanne de Voix d’Exils se penche sur l’un des treize projets retenus pour ces festivités à savoir « Le pont 1815-2015 ». Cette œuvre spectaculaire, tout de bois et de métal, a été bâtie par des requérants d’asile pour rappeler le destin partagé entre les femmes et les hommes d’ici et d’ailleurs, d’hier et aujourd’hui. Marquant de notre présence à ce grand rendez-vous du donner et du recevoir autour de ce pont pour que la canicule cède la place à la chaleur humaine en chantant, dansant et en défilant dans la fraternité.

« Nous ne sommes pas seulement des requérants d’asile, mais également des professionnels »

Abdi Abdilahi Edow, l'un des artisans du pont. Photo: Etat du Valais

Abdi Abdilahi Edow, l’un des artisans du pont. Photo: Etat du Valais

Abdi Abdilahi Edow, de nationalité somalienne, participant à un programme de formation en menuiserie, est l’un des artisans de ce pont. Impressions.

Voix d’Exils : Quelle est votre impression à propos de la réalisation du pont 2015 ?

Abdi Abdilahi Edow: Comme migrant installé en Valais, je suis content de participer à ce projet. Je sors de cette expérience en ayant beaucoup appris sur mon métier, mais aussi sur le plan humain. Je suis fier de laisser mon empreinte sur un projet qui a réuni les migrants et les collaborateurs de l’Office de l’asile du Valais.

A votre avis, quel regard les gens vont-ils poser sur cette réalisation ?

Je pense qu’un projet comme celui-ci met en évidence un savoir-faire ; il permet d’installer la confiance car on va considérer l’individu dans toute sa diversité. Nous ne sommes plus seulement des requérants d’asile, mais également des professionnels doués de compétences.

Votre mot de la fin ?

Je suis fier de l’opportunité que le Canton du Valais m’a donné de participer un projet historique.

Informations

Les festivités du bicentenaire du Canton du Valais se dérouleront les 7 et 8 août 2015 sur le Cour Roger Bonvin à Sion. Voir le programme de la manifestation en cliquant ici

Pour voir le film du lancement du projet cliquez ici

Voix d’Exils est partenaire média du projet « Le pont 1815-2015 »

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« Une personne qui a tout perdu est animée par une force inouïe »

FBradley Roland interviewé par Amra de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils. Photo: Voix d’Exils.

FBradley Roland interviewé par Amra de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils. Photo: Voix d’Exils.

Interview de FBradley Roland, auteur d’un nouveau roman consacré à l’immigration clandestine

Voix d’Exils s’est rendu le 4 mai dernier au Salon du livre et de la presse de Genève, à l’occasion de la parution d’un nouveau livre : « Air Mawari ». L’auteur, Fbradely Roland, ancien rédacteur du site et journaliste-éditorialiste, propose au public de mieux comprendre les motivations qui poussent, chaque mois, des milliers de migrants à prendre le large pour rejoindre l’Europe au péril de leur vie.

Qu’est-ce qui vous a inspiré l’écriture de ce livre ?

Dès que je regarde la télévision, le sujet de la migration est présent. On parle en boucle de ces gens qui traversent la Méditerranée pour rejoindre l’Europe. Or, certains journalistes et politiciens font du militantisme : ils disent que les Africains et les Arabes « envahissent l’Europe ». Ceux-là font preuve de mauvaise foi. En tenant ce genre de propos, ils ne font pas du bien à la société, car ils montent les gens les uns contre les autres. de plus, ces acteurs parlent des migrants comme de nombres ; or ce sont des êtres humains, ils ne sont pas réductibles à des chiffres! En Europe, on ne se rend simplement pas compte à quel point c’est difficile de tout abandonner et de partir de chez soi.

Le problème, c’est que dans le traitement du sujet de la migration, on dit presque jamais rien à propos des parcours des migrants. Le livre que je viens de publier à La Doxa Editions permet d’expliquer ce qui amène un migrant, un beau matin, à quitter sa maison. Trop souvent, les gens ne se rendent pas compte que les migrants partent à cause de la guerre, alors qu’ils sont obligés de s’en aller. C’est comme si la plupart des Européens ne savaient pas cela à cause des informations véhiculées par certains médias de masse. Il y a une réalité, une vérité touchante derrière le phénomène de la migration. Il faut comprendre les causes cachées avant de juger les histoires personnelles.

FBradley Roland en interview avec Voix d'Exils. Photo: Voix

FBradley Roland interviewé par Amra de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils. Photo: Voix d’Exils.

Pourquoi avez-vous choisi le titre « Air Mawari » ?

J’ai choisi de faire de l’humour noir. Lorsque l’on voyage, les noms des compagnies aériennes contiennent le mot « air » : Air France par exemple. Mawari, c’est la forêt où les clandestins se cachent pour que la police ne les trouve pas et où ils attendent les passeurs pour traverser la mer. Certains d’entre eux y arrivent, d’autres meurent. Comme tu prendrais l’avion pour voyager, les clandestins, eux, prennent « Air Mawari ».

Est-ce une sorte d’autobiographie ? Si ça ne l’est pas, comment avez-vous réussi à écrire votre livre avec autant de détails ?

Ce n’est pas une autobiographie ! D’ailleurs, je le mentionne dans les remerciements : ce livre est l’aboutissement d’années de recherches. Il relate l’expérience de personnes réelles ayant vécu l’exil. La plupart des faits sont vrais : j’ai rencontré ces migrants, je suis allé en Espagne par exemple. Certains d’entre eux sont encore dans la forêt. Mais j’ai choisi un angle romanesque : c’est-à-dire qu’à partir de faits réels, j’en ai fait un roman.

FBRADLEY Roland présente son nouveau livre: "Air Mawari" au Salon du Livre et de la presse de Genève.

Fbradley Roland présente son nouveau livre: « Air Mawari » au Salon du Livre et de la presse de Genève.

Pourriez-vous nous résumer en quelques mots votre livre ?

Le roman raconte l’histoire invraisemblable de Claudy, un immigré clandestin et celle de ses compagnons de route. Leur périple est dangereux et même souvent mortel. Ils sont à la recherche d’un avenir meilleur et sont prêts à traverser déserts et mers pour y parvenir et atteindre l’Europe.

Quel est votre ressenti face à la situation de ces migrants qui traversent la Méditerranée au péril de leur vie?

C’est une coïncidence que le livre sorte au même moment où tant de migrants meurent chaque jour en mer Méditerranée. Mais c’est un livre global, qui ne parle pas que d’une trajectoire : il parle de l’immigration clandestine en général. On parle beaucoup de ces migrants en ce moment, mais des gens meurent depuis des années déjà sur les routes de l’exil. Une personne qui a tout perdu, qui n’a plus rien à attendre de son pays est animée par une force inouïe. Elle préfère risquer sa vie en fuyant que de rester mourir dans son pays. La question qu’il faudrait se poser est : « pourquoi les gens prennent-ils la décision de quitter leur pays ? » Car, lorsqu’on est bien chez soi, on ne s’en va pas.

Quelles sont vos attentes au Salon du livre et de la presse de Genève?

Je veux présenter mon livre, le dédicacer et expliquer certaines choses aux lecteurs. Ce Salon donnera plus de visibilité à mon livre et surtout au phénomène de l’immigration.

Fbradley Roland en séance de dédicaces d'"Air Mawari". Photo: Voix d'Exils

Fbradley Roland en séance de dédicaces d' »Air Mawari ». Photo: Voix d’Exils

Comment s’est passé le processus de publication de votre livre

J’ai envoyé mon manuscrit à plusieurs éditeurs. En retour, ces derniers me soumettaient leurs conditions. J’ai été d’accord avec celles proposées par de La Doxa Éditions, car c’est un éditeur militant qui s’intéresse à l’immigration.

Amra

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos

Air Mawari par Fbradly Roland, La Doxa Éditions

Première de couverture d' »Air Mawari » de Fbradley Roland, La Doxa Éditions, 2015.

Le livre est en vente sur le site internet de l’éditeur  et sur le site amazone.fr  pour la modique somme de 12 euros.

AIR MAWARI : un laisser-mourir pour clandestins

FBRADLEY ROLAND

144 pages

La Doxa Editions

Avril 2015