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FLASH INFOS #134

Sous la loupe : la migration: réponse à la pénurie de main-d’œuvre ? / Le patron a répondu :« ici on ne sert pas les arabes ! »/ Asile : le gouvernement argovien déclare l’état d’urgence

Voici nos sources pour creuser les sujets:

La migration, réponse à la pénurie de main-d’œuvre ?

Albinfo.ch, le 21 décembre 2022

Le patron a répondu : ici on ne sert pas les Arabes !

20 minutes, le 13 janvier 2023

Asile : le gouvernement argovien déclare l’état d’urgence

Arc Info, le 13 janvier 2023




Un hommage à Eli

Evangelista Mañón Moreno. Auteure: Renata Cabrales / Voix d’Exils

Victime d’un féminicide

Un policier a tué Evangelista Mañón Moreno – alias Eli – le 19 mars 2021 à Bussigny, une commune à proximité de Lausanne. D’origine dominicaine, Evangelista Mañón Moreno était une mère de quatre enfants âgée de 43 ans. Cet assassinat a été rapporté dans la plupart des journaux comme un « drame conjugal » dans la rubrique des faits divers (Le Nouvelliste – 19.03.2021; Lausanne Cité – 20.03.2021; La Liberté – 20.03.2021; Le Matin – 20.03.2021; 20 Minutes – 20.03.2021). Cette manière de qualifier un féminicide par les médias ne peut continuer d’être acceptable.

Le mouvement Offensive contre le féminicide  définit le féminicide comme « la mort violente de filles, de femmes et de personnes considérées comme féminines, en raison de leur genre. Ils se produisent au sein de la famille, dans la sphère domestique ou au sein d’autres relations interpersonnelles et affectent toutes les régions, sphères et classes de notre société. Les féminicides sont l’expression du monde violent dans lequel nous vivons, où les femmes, les filles et les personnes considérées comme féminines en particulier sont souvent exposées à des violences multiples et doivent se défendre contre des violences basées sur leur genre, leur sexualité, leur classe ou leur origine ».

Par ailleurs, en raison de différents facteurs tels qu’économiques ou le manque de documents leur permettant d’obtenir l’autorisation de rester dans le pays d’arrivée, les femmes migrantes sont plus vulnérables et sont parfois obligées d’entretenir des relations abusives de dépendance ou de violences physiques et émotionnelles, dont l’isolement les empêche de trouver un moyen de sortir de situations aussi difficiles. Des recherches ont analysé ce phénomène :

« Les recherches sur la violence à l’égard des femmes issues ou non de la migration menée en Allemagne (centrées sur des femmes turques et de l’ex-Union soviétique) ont, sur la base d’analyses statistiques de corrélation, montré que, par rapport aux femmes allemandes, une exposition accrue à la violence ne peut que partiellement être expliquée par l’origine (par des valeurs religieuses et traditionnelles, des normes et des rôles stéréotypés). Ce sont avant tout des facteurs tels qu’une plus grande vulnérabilité en raison du cadre de vie (conditions sociales et économiques, stress induit par la migration ainsi que tensions dans les rapports entre les sexes), de maigres ressources (formation, revenu, implication dans la vie professionnelle, connaissances linguistiques, savoir et possibilités de soutien, etc.) et les barrières posées par le droit étranger qui ont pour effet d’une part d’accroître le risque de violence domestique et d’autre part aussi de rendre plus difficile l’abandon des relations fondées sur la violence » (Schröttle & Ansorge 2008 ; Schröttle & Glammeier 2014) ; www.ebg.admin.ch, juin 2020.

Mais la situation a été plus alarmante pendant la pandémie du COVID-19 en Suisse comme dans d’autres pays. « En Suisse, toutes les deux semaines, une femme est tuée par son mari, son partenaire, son ex-partenaire, son frère ou son fils, parfois par un inconnu » peut-on lire dans le journal Le Courrier de Genève en date du jeudi 28 octobre 2021. En effet, en raison du confinement avec leur agresseur pendant la pandémie, de plus en plus de femmes étaient victimes de féminicides; et les chiffres ont augmenté de manière alarmante, en Espagne par exemple: « depuis la levée de l’état d’urgence sanitaire le 9 mai, une femme est tuée tous les trois jours par son partenaire ou ancien partenaire, contre une moyenne un féminicide par semaine », rapporte Le Temps dans son édition du 28 juin 2021.

Il est temps à présent de reconnaître le féminicide comme un grave problème social.

Renata Cabrales

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Hommage à Eli ce samedi 19 mars

La collectif pour la mémoire d’Eli appelle à un hommage pour le premier anniversaire du féminicide de Evangelista Mañón Moreno (Eli) samedi 19 mars 2022 à Lausanne à la Riponne.

Un autre article traitant du même sujet:

FÉMINICIDE : DE LA VIOLENCE À L’HOMICIDE




Des belles «Promess»

Un dessin signé Saras Pages

Une illustration signée Saras Pages.

Enquête

Dans le courant du mois de juillet 2013, une opération policière dénommée «Promess» a été menée dans le canton de Neuchâtel à l’encontre des dealers. Suite à cela, Nicolas Feuz, procureur du canton de Neuchâtel, a soutenu, dans un article de 20 minutes paru le 4 juillet 2013, que « [presque] 90% des demandeurs d’asile originaires de l’Afrique de l’Ouest hébergés par le canton s’adonnent au trafic de cocaïne ». Surpris par cette allégation, la rédaction vaudoise de Voix d’Exils a mené une enquête pour vérifier la consistance de ce chiffre et Fbradley Roland a pris sa plume pour écrire un édito.

Les chiffres de M. le procureur disséqués par Voix d’Exils

Pour vérifier si neuf requérants ouest-africains sur dix seraient des dealers dans le canton de Neuchâtel, la rédaction vaudoise a procédé à une enquête qui s’est déroulée en deux étapes.

Dans un premier temps, nous avons tenté de nous procurer le rapport de l’opération Promess afin de vérifier la méthodologie qui aboutissait au chiffre divulgué à la presse. Mais, malgré nos investigations, nous n’avons pas réussi à obtenir ce rapport. Dans un courriel envoyé par M. le procureur à la rédaction vaudoise, ce dernier mentionne que «[l]’opération PROMESS regroupe en réalité autant de dossiers qu’il y a eu d’appréhensions policières et/ou de personnes formellement mises en cause dans ce cadre, ce qui représente plus d’une centaine à ce jour […] Les autres informations contenues dans ces nombreux rapports demeurent pour l’heure bien évidemment couvertes par le secret de fonction et le secret d’instruction».

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Les chiffres précis et officiels n’étant pas accessibles, nous avons alors opté pour une méthode comparative. Nous avons contacté l’Office fédéral des migrations (ODM) pour obtenir une liste du nombre total de requérants, notamment ceux d’origines ouest-africaines, enregistrés depuis l’année 2010 jusqu’au premier semestre de l’année 2013 dans le canton de Neuchâtel, afin de vérifier si les chiffres avancés dans l’article sont plausibles. Après analyse, nous nous sommes rendus compte que les chiffres (ou du moins leur interprétation) s’avèrent vraisemblablement très différents des chiffres divulgués par le procureur.

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Selon les données fournies par l’ODM, sur les 433 requérants d’asile ressortissants d’Afrique de l’Ouest, 164 sont originaires du Nigeria et 279 viennent des autres pays de cette région.

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Si, sur 130 interpellations (avec une marge d’erreur sur la « centaine » citée plus haut) 70% concernent des Nigérians (« la majorité » citée dans l’article), alors 30% des requérants d’asile (91 Nigérians et 39 Autres) sont arrêtés pour deal face à 70% des ressortissants d’Afrique de l’Ouest qui ne dealent pas.

Donc, d’une part, les dealers sont une minorité parmi les requérants d’asile ouest-africains et, d’autre part, selon le procureur, ceux qui dealent seraient en majorité des ressortissants d’un seul pays parmi 15.

Ces résultats sont bel et bien différents de ceux avancés par le Ministère public et la police neuchâteloise. Plus loin, dans ledit article, Monsieur Feuz ajoute : «[qu]’on arrête de nous dire que seule une petite partie des requérants ouest-africains pose problème et fait de l’ombre aux autres, c’est tout simplement faux».

Il est bien connu que les chiffres ne parlent pas d’eux-mêmes. La diffusion de tels chiffres dans l’espace public – avec les conséquences dévastatrices pour l’image des communautés africaines qu’ils engendrent – mérite une fine analyse. Dans ce cas précis, il faut prendre garde à la formulation. A savoir, si la majorité des dealers arrêtés sont des Nigérians et que le Nigeria est en Afrique de l’Ouest, alors il n’est pas faux de dire que 90% des dealers sont d’Afrique de l’Ouest. En revanche, au vu des chiffres, il y a une forte majorité de migrants d’Afrique de l’Ouest qui ne deal pas. Par conséquent, il est entièrement faux de dire que 90% des Africains de l’Ouest sont des dealers, 70% d’entre eux ne l’étant pas.

Loin des polémiques, cet article vise à contrecarrer des amalgames fâcheux qui, malheureusement, préjudicient beaucoup de requérants d’asile. S’agissait-il d’un effet d’annonce ? Pourquoi donc la presse n’a-t-elle pas interrogé ce chiffre, alors même qu’il paraissait surdimensionné ? Comment empêcher que de tels phénomènes se reproduisent à nouveau ?

Seul un travail de vérification est susceptible de restituer les faits, mais le mal est malheureusement trop souvent déjà fait.

Elom et Bamba

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

En Helvétie du deal : chacun trouve son bonheur !

Édito

Nicolas Feuz, procureur du Ministère public du canton de Neuchâtel, se félicite que le nombre de dealers ait diminué, que près de 150 grammes de cocaïne et 12’000 francs suisses aient été confisqués. Et par la même annonce que 56 trafiquants ont été condamnés à de la prison ferme pour une durée d’un à six mois. La présence des dealers en ville de Neuchâtel s’est raréfiée depuis l’opération baptisée «Promess», «La grande majorité des personnes interpellées sont des Nigérians», explique sans ambages Nicolas Feuz dans les colonnes du journal 20 minutes. Mais l’article ne précise pas le nombre de demandeurs d’asile à Neuchâtel, n’indique pas si l’opération est uniquement ciblée sur les ouest-africains, ni qui sont les «vendeurs-grossistes», ou encore comment des trafiquants confinés dans des hôtels luxueux arrivent à recevoir leurs marchandises. Répondre à ces questions permettrait de mieux comprendre et d’analyser ces faits. Comment donc ne pas s’offusquer du manque de volonté en Suisse d’ouvrir un débat en dehors des biais politiques et de ses amalgames fâcheux sur les questions de l’immigration, de la vente de drogues et du racisme ? Un pan du voile devrait être soulevé sur au moins quatre points pour clarifier ces épineuses questions: la corrélation drogue-immigration, les manipulations politiques de cette question, le sensationnalisme qui en est fait autour par les médias et la réalité du terrain.

En attendant cela, on peut dire que la vie en Suisse restera «belle» pour beaucoup de monde. Les barons de la drogue «cinq étoiles» s’en mettent plein les poches; la presse fait feu de quelques boulettes de cocaïne par ci par là et vend ses titres à tour de bras, certains politiciens en profitent pour se faire élire ou pour gagner des votations, une partie de la population s’en met plein les narines, et les petits détaillants ouest-africains jouent au chat et à la souris avec la police.

Bref, en Helvétie du deal, chacun trouve son bonheur!

FBradley Roland

Journaliste, contributeur externe de Voix d’Exils