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Exilé·e·s et solidaires

Équipe d’accueil de l’EVAM / Photo: Karthik Neelamagen / Voix d’Exils

Zoom sur un programme d’utilité communautaire de l’EVAM

En raison de la guerre qui a cours actuellement en Ukraine, de nombreuses personnes et familles viennent chercher refuge en Suisse. Dans le Canton de Vaud, 3500 Ukrainiens et Ukrainiennes ont été accueillis par l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (l’EVAM) selon un décompte établi début mai par le canton de Vaud. C’est dans ce contexte qu’un programme d’utilité communautaire (PUC) spécifique a été mis en place par l’EVAM afin de gérer au mieux le flux continu et massif des arrivées.

Les programmes d’utilité communautaire visent à valoriser et consolider les compétences des personnes migrantes, qu’elles soient spécifiques à un métier ou transversales, ainsi qu’à développer un esprit d’entraide au sein de la communauté migrante du Canton. La mission du programme Accueil Ukraine est la suivante: lorsque les personnes migrantes en provenance d’Ukraine se rendent à la réception du siège administratif de l’EVAM à Lausanne, ces personnes sont accueillies et accompagnés dans leurs premiers pas en Suisse par l’équipe de l’accueil Ukraine, qui est composée de personnes migrantes aux origines différentes. De cette manière, les nouveaux arrivants bénéficient de l’expérience de personnes exilées ayant déjà entrepris ces démarches en Suisse.

Karthik Neelamagen, rédacteur à Voix d’Exils, s’intéresse à la solidarité et l’entraide qui existent entre les personnes issues de cultures et de nationalités différentes. Il est allé à la rencontre de Géraldine Hofer, responsable du Pôle accueil et services, et des 6 membres de l’équipe du programme afin de mieux comprendre leur leur rôle et leur ressenti dans l’accueil des personnes réfugiées ukrainiennes.

Pour écouter le podcast, cliquez sur le lecteur ci-dessous:

Karthik Neelamagen

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Mieux communiquer, pour mieux accompagner

De gauche à droite: Lorenza Pastore, cheffe du projet FALC, et Arzu Ayvazova, membre du groupe contrôle et qualité du projet FALC.
Photo: Voix d’Exils.

L’EVAM améliore sa communication avec ses bénéficiaires en adoptant le français facile à lire et à comprendre.



Pour une institution qui œuvre dans le champ du social, réussir à se faire comprendre par ses bénéficiaires permet de mieux les accompagner. Or, pour bien se faire comprendre, il est nécessaire d’adapter son langage au public auquel on s’adresse, a fortiori lorsque ce public ne maîtrise pas bien la langue de l’émetteur. Pour cette raison, de plus en plus d’institutions sociales romandes adoptent le français facile à lire et à comprendre (le FALC), une méthode qui a pour but de simplifier le langage afin de rendre l’information plus accessible. C’est notamment le cas de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants – l’EVAM – qui utilise progressivement le FALC dans toutes ses communications avec ses bénéficiaires depuis 2020. Ainsi, l’EVAM a rédigé en FALC les pages de son nouveau site internet qui s’adressent spécifiquement à son public.

Afin de mieux comprendre les enjeux de la mise en œuvre du FALC à l’EVAM, Voix d’Exils a donné la parole à deux personnes qui sont au cœur de ce projet : Lorenza Pastore, responsable du pôle Administration du Domaine formation et mesures d’intégration de l’EVAM, cheffe du projet FALC et Arzu Ayvazova, originaire d’Azerbaïdjan, bénéficiaire de l’EVAM et membre du groupe contrôle qualité du projet FALC.

Découvrez notre interview ci-dessous:

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Niko Nikoladze

Niko Nikoladze. Source: Wikimedia commons

Portrait d’un homme qui a traversé son temps

Célèbre publiciste, critique, personnalité publique et politique géorgienne, Niko Nikoladze a vécu dans quatre réalités bien différentes : il est né pendant la dictature en Russie, il a vécu et travaillé en Géorgie, alors qu’elle était encore une province russe, il a participé au développement de la première république démocratique de Géorgie, et il est mort sous le régime soviétique. Niko Nikoladze était progressiste et engagé pour le succès de son pays durant toutes les étapes de sa vie. Il est également l’arrière-grand-père de l’actuelle présidente de la Géorgie: Salome Zurabishvili. Dans cet article, Kristine Kostava, rédactrice géorgienne de Voix d’Exils, présente le travail de cette icône nationale et son chemin en Europe.

Niko Nikoladze est né en Géorgie le 27 septembre 1843, dans ma ville natale de Kutaisi et il a également vécu dans mon village Didi Jikhaishi. Il a étudié au gymnase de Kutaisi dans le domaine de l’enseignement technique, mais il a ensuite décidé d’étudier le droit. Il s’est donc rendu en Russie, dans la ville de Saint-Pétersbourg, car à cette époque il n’y avait pas de faculté de droit en Géorgie.

En septembre 1861, des conflits éclatent à Saint-Pétersbourg. Les étudiants protestent contre le durcissement de l’accès aux formations universitaires. Niko Nikoladze est alors arrêté avec 12 autres étudiants géorgiens après une manifestation de trois jours. Mais, sur ordre de l’empereur russe Alexandre II, tous les étudiants sont rapidement libérés.

Rencontre avec la modernité européenne

En 1863, Niko Nikoladze retourne en Géorgie, mais il repart aussitôt en France et continue ses études à l’Université de la Sorbonne. Il collabore avec de nombreuses célébrités comme Giuseppe Garibaldi, Victor Hugo, Alphonse Daudet, Émile Zola et Karl Marx. Ce dernier lui propose d’être le représentant de la Première Internationale dans le Caucase. Cette proposition est délicatement refusée par Niko Nikoladze qui pense que ce ne serait pas bon pour son pays. À Paris, il contribue à développer l’éclairage public.

Niko Nikoladze était un leader d’opinion de son temps qui, avec son éducation, son talent et sa perspicacité a étudié les meilleurs exemples des styles de vie et compétences techniques européens afin de les ramener en Géorgie et les développer autant que possible. Mais il ne s’intéressait qu’aux exemples qui étaient progressistes et qu’il estimait bénéfiques pour son pays.

Plus tard, Niko Nikoladze quitte la France pour la Suisse. Il déclare : « Je suis plus intéressé par la Suisse. Comment un pays avec aussi peu de ressources primaires comme la Suisse peut-il être plus riche que la Géorgie qui elle est très riche en ressources ? ». Pendant son séjour en Suisse, en 1868, il obtient un diplôme de l’Université de Zurich et soutient sa thèse de doctorat intitulée « Le désarmement et ses conséquences économiques et sociales » (publiée dans un livre séparé en français à Genève). En 1866, Nikoladze publie son premier livre en français: « Le gouvernement et la nouvelle génération », puis il fonde en 1868 la revue Sovremennost à Genève. De manière générale, Niko Nikoladze estime que la presse peut faire une grande différence dans l’éducation et le développement de la société. Lorsqu’il devient un publiciste et un activiste bien connu, il déclare : « J’aime le journalisme de tout mon cœur et de toute mon âme, mais personne n’a besoin de ce métier aujourd’hui. Il semble que je sois né trop tôt ou trop tard. »

De retour en Géorgie

Dans les années 1870, il retourne en Géorgie où il est alors actif dans les activités municipales et publiques de la capitale. Il met en œuvre des projets importants qui provoqueront plus tard un tournant pour la Géorgie. Il fonde notamment la première banque du pays. En vivant en Europe, il a pu évaluer le rôle de la banque et du commerce dans le développement et le progrès du pays. C’est pourquoi il souhaite que les jeunes soient impliqués dans ce travail et que la Géorgie se développe de cette manière. Niko Nikoladze voyait également l’avenir du pays dans le développement de l’industrie et de l’agriculture. Il pensait qu’un pays où presque tout est importé et qui ne crée pas de produits lui-même ne peut pas se développer. Niko Nikoladze était un générateur d’idées. Il n’y a pas eu un seul projet municipal qui n’ait été rédigé par lui durant cette période.

À titre d’exemple, en 1883, il n’y avait pas de transports municipaux en Géorgie. Sur son insistance, un tramway à chevaux a été introduit. Il fonctionnait à l’aide deux chevaux et le véhicule se déplaçait sur des rails. Il a également élaboré le plus grand port dans la ville de Poti. D’ailleurs, il a voyagé à huit reprises en Europe pour voir les ports en construction, ou récemment construits, afin d’ensuite les reproduire en Géorgie. Avec le port, il construit aussi un mur spécial qui absorbe les vagues de la mer pendant les tempêtes et résout ainsi le problème de protéger les gros navires sur le rivage. Il a été le premier à importer d’Europe une machine à laver, un réfrigérateur, un séparateur de lait, un vélo à deux roues, un appareil photo Kodak, une machine à écrire américaine qui imprime en plusieurs langues, un cadran solaire et bien d’autres nouveauté technologiques.

Pour l’indépendance de la Géorgie

Le nom de Niko Nikoladze est lié à la déclaration d’indépendance de la Géorgie en 1918 et à la création de la République démocratique de Géorgie. En 1917, il fonde le Parti national-démocrate géorgien, dont il a été le président. Il avait déjà le soutien de l’Allemagne et seule une trêve avec la Turquie était nécessaire. La trêve a été signée avec la Turquie le 26 mai, après quoi la Géorgie a été déclarée république indépendante.

En 1920, Niko Nikoladze se rend à Londres en tant que chef de la délégation de la Manganese Export Society et membre de la Georgian Economic Mission. Il est cependant contraint de quitter le mandat de l’Assemblée constituante lors de déplacements professionnels car il ne peut pas participer aux activités de la congrégation. Pendant son séjour à l’étranger, il apprend l’occupation soviétique et continue à travailler contre l’occupation en Europe. Il participe aux négociations des partis politiques géorgiens à l’étranger. En 1924, il retourne légalement en URSS de Géorgie.

Niko Nikoladze meurt le 5 avril 1928 à l’âge de 85 ans, ce qui a engendré un cri de deuil dans toutes les églises orthodoxes de Géorgie ce jour-là. Il est enterré au Panthéon des écrivains et personnalités géorgiennes. Sur la base de l’éducation polyvalente, des connaissances théoriques et des activités pratiques de Niko Nikoladze, les spécialistes ont décidé d’étudier son cerveau dans une institution médicale.

En faisant revivre le portrait de Niko Nikoladze, je voulais faire mieux connaître la Géorgie et cette grande figure publique qu’est Niko Nikoladze. Je me souviendrai de lui comme de l’un des Géorgiens exemplaires après tant d’années et j’espère avoir ravivé son nom en Suisse à travers Voix d’Exils.

Kristine Kostava

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Sources:




La Suisse, pays riche ou pauvre?

Source: pixabay.com. Image sous licence libre Pixabay License.

Cliché ou réalité? La richesse d’un pays comme la Suisse intrigue. Un rédacteur de Voix d’Exils mène l’enquête

Il y a le cliché persistant du banquier Suisse qui compte ses pièces d’or à l’abri des regards indiscrets, mais qu’en est-il des faits? Est-ce un mythe ou une réalité? Pour une personne étrangère, il est pour le moins surprenant d’entendre des citoyennes et citoyens suisses se plaindre en ces termes: « La Suisse n’est pas un pays riche, nous sommes pauvres! ». Mais cette affirmation est-elle réellement infondée?

La Suisse est-elle riche? C’est une question qui, loin des apparentes évidences et des convictions ancrées dans l’imaginaire populaire, est pourtant difficile à trancher sans une analyse objective et argumentée. Tentons d’y répondre dans les limites des quelques lignes proposées ci-dessous.

Pour commencer, partons de la définition du Larousse. « Riche », adjectif :

  1. Qui a de la fortune, des biens importants. Exemple : « Une riche héritière ».
  2. Se dit d’une collectivité dont la situation financière ou économique est « prospère ».

Alors, la population suisse est-elle fortunée? Sa situation économique est-elle prospère ? Interrogeons les principaux concernés : les Suissesses et Suisses eux-mêmes !

Selon un graphique (reproduit ci-dessous) issu d’un sondage de l’institut DemoSCOPE publié en 2013 dans Bilan, un magazine économique bimensuel suisse, 94% des Suissesses et Suisses estiment qu’ils vivent dans un pays riche.

Par ailleurs, selon le même sondage, seuls 36 % de la population suisse considéreraient être riches en possédant moins d’un million de francs de fortune (voir le graphique ci-dessous):

Notons, enfin, qu’environ un demi-million de la population suisse a une fortune supérieure à un million de francs; et que 1% des plus riches possèdent environ 40 à 50% de la richesse totale de la Suisse.

Partant des indications ci-dessus, il n’est pas surprenant que beaucoup de Suissesses et Suisses se considèrent comme pauvres dans un pays pourtant considéré comme étant riche.

Pour compléter cette analyse, il faut aussi envisager la richesse au niveau macroéconomique, c’est-à-dire en considérant les mécanismes de production des richesses au niveau des États ou des organisations internationales. Dans cette optique, qu’est-ce qu’un pays riche ?

Dans l’absolu, « être riche » ne veut rien dire. C’est une question de rapport entre différentes situations ; on est riche par rapport à quelqu’un ou à quelque chose. C’est là qu’entrent en scène les indicateurs usuels : Produit Intérieur Brut (PIB), Revenu par habitant, Indice de Développement Humain (IDH) etc.

Au moment de la rédaction de cet article, il est bientôt l’heure de « souper » comme on dit en Suisse pour le dîner. J’ai donc retenu un indicateur qui se mange : l’Indice Big Mac qui permet de mesurer la parité du pouvoir d’achat entre les pays en étudiant le prix du fameux hamburger de chez McDonald’s. Nul suspens, selon le classement réalisé par le site The Economist, la Suisse arrive en tête juste devant la Norvège et le Danemark avec le prix de 7.54 US $.

Bref, les Suisses sont-ils riches comme Crésus ? Pour les huit millions de Suissesses et de Suisses disposant d’une fortune inférieure à 1 million de francs suisse, non ! Pour les autres : Oui !

Phil,

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 

 

 




« Pour ouvrir son commerce, il faut vite apprendre le français »

Photo : Ferit Karçan (au centre) et son équipe. Auteur : Voix d’Exils

Neuchâtel – Rencontre avec Ferit Kaçan, entrepreneur d’origine kurde à Peseux

Voix d’Exils : Pouvez-vous vous présenter et depuis quand êtes-vous en Suisse ?

Je m’appelle Ferit Kaçan, je suis kurde de Turquie, je suis marié, j’ai deux enfants, j’habite à Peseux (NE). En 1994, on est allés en Irak à cause des problèmes politiques entre la Turquie et les kurdes. De 1994 jusqu’à 2003, je suis resté en Irak et après je suis parti parce qu’il y avait la guerre, je suis arrivé illégalement en Europe puis en Suisse en 2004.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris en arrivant en Suisse ?

C’est la démocratie et l’égalité entre les gens, je n’avais jamais vu ça avant. Chez nous, en Turquie, on n’avait pas le droit de parler notre langue maternelle (Kurde). Ici,, il y a beaucoup de gens différents, d’étrangers et il n’y a aucun problème.

Comment vous est venue l’idée d’ouvrir une pizzeria-kebab ?

Quand je suis arrivé en Suisse, j’ai demandé l’asile. Après trois mois, j’ai trouvé un travail dans un magasin à Neuchâtel, j’y ai travaillé pendant une année. Après, j’ai aussi travaillé dans une fabrique. En 2006, j’ai commencé un nouveau job à la Chaux-de-Fonds dans un « Döner Kebab ». En 2009, avec un ami, j’ai ouvert mon « Döner Kebab ». Une année, j’ai continué seul et aujourd’hui, je travaille, j’arrive à payer mon crédit. En 2013, juste à côté, j’ai ouvert un magasin d’alimentation, je n’ai pas eu besoin de l’aide sociale depuis mon arrivée en Suisse.

Il y a combien de personnes qui travaillent pour vous ?

Trois personnes travaillent pour moi dans le « Döner Kebab » et une autre dans le magasin.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontré?

Aucune difficulté.

Quel est votre conseil pour les nouvelles personnes migrantes qui arrivent en Suisse?

Quand je suis arrivé en Suisse, je ne parlais pas bien français et c’était difficile. Je conseille à tout le monde qui veut ouvrir un commerce de ne pas perdre de temps et d’apprendre le français par tous les moyens. C’est important d’apprendre le français, trouver un travail, il faut bouger !

Que pensez-vous de la Suisse?

Ça me plaît beaucoup d’être en Suisse. C’est un pays démocratique, c’est une garantie pour ma vie. Tout le monde s’entend très bien. Quand on voit la Turquie c’est bien différent. Il y a 80 millions de personnes, une langue, un drapeau et ils ne s’entendent pas. Je vois la Suisse où il y a 26 cantons et quatre langues nationales, il y a beaucoup d’étrangers et tout le monde s’entend, c’est un pays magnifique.

Qu’est-ce que vous avez laissé dans votre pays qui vous manque?

J’ai laissé tout le reste de ma famille, mes amis et bien sûr ça me manque.

 

Muslim Sabah Muhammad Faraj

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils