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Une journée de l’égalité pour apprendre à mieux vivre ensemble

L'atelier photolangage de la journée de l'égalité. Photo: Sara, Voix d'Exils.

L’atelier photolangage de la journée de l’égalité. Photo: Sara, Voix d’Exils.

Dans le but de maintenir des relations harmonieuses, de prévenir les conflits entre les requérants, de favoriser la réalisation d’objectifs qui tendent à l’égalité entre individus et de prévenir toute forme de discrimination, les collaborateurs du foyer Evam de Crissier ont organisé, le 26 juin dernier, une journée d’échanges et de réflexions sur le thème de l’égalité.

Abdellah Essaidi. Photo: Sara, Voix d'Exils

Abdellah Essaidi. Photo: Sara, Voix d’Exils

«L’idée de cette journée était d’aborder en commun certains thèmes délicats qui concernent directement nos résidents» explique l’assistant social Abdellah Essaidi, responsable de l’animation au foyer de Crissier. «Certains thèmes ont été relevés pendant les entretiens individuels, d’autres proviennent de la vie quotidienne au foyer: les désaccords, les conflits familiaux, les problèmes de couple ou les tensions entre communautés, sans oublier les difficultés de cohabitation. Plus de 120 personnes ont répondu à notre invitation et nous en sommes très satisfaits» enchaîne-t-il. Outre les résidents du foyer, des représentants de diverses associations, des collaborateurs de l’Evam et des migrants extérieurs à Crissier se sont réunis pour partager cette journée de l’égalité.

Conférence «Les relations interpersonnelles et la violence»

Paella au soleil. Photo: Sara, Voix d'Exils.

Paella au soleil. Photo: Sara, Voix d’Exils.

En début de matinée, devant un auditoire composé notamment de migrants répartis en petits groupes s’exprimant dans la même langue et accompagnés d’un interprète afin de faciliter la communication, Jean-Gilles Boula, psychologue et philosophe chargé de cours à la Webster University à Genève, s’est exprimé sur «les relations interpersonnelles et la violence». Ce qui a donné lieu à des échanges nourris entre lui et les participants. En substance, Monsieur Boula a fait l’éloge de la critique constructive, du dialogue, de la souplesse et de la curiosité intellectuelle. Florilège : «Ne nous prenons pas pour le centre du monde!» «La critique est bonne lorsqu’elle s’adresse à quelque chose que je peux améliorer en moi.», «Les difficultés sont les conséquences de notre incapacité à nous poser des questions», «Les autres m’aident à me poser des questions que je ne me serais pas posées autrement.», «Chacun est le gardien du monde. »

Après cette conférence très riche, hors des sentiers battus et par moment déconcertante, les participants se sont retrouvés sur l’esplanade de la Salle de spectacles de Renens pour partager une copieuse paella sous un ciel d’azur. Puis chacun a été invité à choisir un atelier.

Atelier «Mieux vivre ensemble»

Animé par Joel Atitsogbe et Yawo Abotsi de l’association Co-habiter, ONG basée à Lausanne, cet atelier a proposé le scénario suivant : un groupe de gens se retrouve sur une terre étrangère… L’idée directrice était que quel que soit notre pays de provenance et nos différences culturelles, on doit vivre ensemble et s’accepter les uns les autres. Le thème a été illustré par des dessins faits par les participants de l’atelier et par la projection d’un film.

Atelier partir ou rester. Photo: Sara, Voix d'Exils.

Atelier partir ou rester. Photo: Sara, Voix d’Exils.

Atelier «Partir ou rester»

Animé par Nicole Heusch, art-thérapeute, l’atelier a incité les participants à répertorier les avantages et les inconvénients d’avoir quitté leur pays d’origine. Les requérants ont exprimé par la sculpture sur argile ou le dessin leurs sentiments sur ce qui leur manquait le plus; par exemple les repas traditionnels, la famille, leur langue et leur culture d’origine.

Atelier «Égalité dans l’intimité»

Animé par Pascale Delafont, infirmière au CSI Centre des santé infirmiers (CSI), Claude Isofa et Sandra Orozco du programme «Migration-intimité» de la fondation PROFA à Lausanne, l’atelier a abordé des sujets particulièrement délicats –

voire tabous – dans certaines cultures ayants traits à la santé et à la sexualité. Les participants se sont notamment exprimés sur les rôles dévolus aux hommes et aux femmes, l’homosexualité ou, encore, la loi sur l’interruption de grossesse.

Atelier photo langage. Sara, Voix d'Exils.

Atelier photo langage. Photo: Sara, Voix d’Exils.

Atelier Photolangage

Animé par Johannes Chri Sala et Abdoulah Amedi, l’atelier a présenté aux participants un vaste choix de photos parmi lesquelles ils étaient invités à en choisir une ou plusieurs puis à les commenter en donnant une vision personnelle à partir d’expériences vécues, d’images intérieures, ou selon un point de vue spécifique.

Cette première édition de la journée de l’égalité organisée par le foyer de Crissier a drainer plus d’une centaine de personnes, ce qui dénote d’un succès certain. Cependant, il serait souhaitable qu’à l’occasion d’une éventuelle nouvelle édition de l’événement, davantage de citoyens et citoyennes suisses participent à l’événement, étant donné qu’ils ont aussi leur part de responsabilité quant à l’accueil des personnes migrantes sur leurs terres.

Pastodelou

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Tisser des liens entre les Bellerins et les requérants de Bex à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés

Le traditionnel repas multiculturel de la fête de Bex. Photo: Voix d'Exils

Le traditionnel repas multiculturel de la fête de Bex. Photo: Voix d’Exils.

La Journée mondiale des réfugiés a réuni, dimanche 23 juin, les résidents du foyer Evam et des habitants de la ville de Bex dans une ambiance festive et détendue.

Organisée conjointement par le Groupe d’appui aux réfugiés (GAR) et le foyer Evam de Bex, la journée des

Annelise Cretton,  membre du Groupe d’appui aux réfugiés. (GAR)

Mme Annelise Cretton, membre du Groupe d’appui aux réfugiés. (GAR)

réfugiés s’est voulue fédératrice. Musique, clown, magicien, peinture et plats gourmands ont fait la joie des petits et des grands.

Annelise Cretton, membre du GAR, a rappelé que la rencontre avait pour objectif de tisser des liens entre les Bellerins et les résidents du foyer Evam. La journée se voulait aussi être une parenthèse pour permettre aux migrants de mettre provisoirement de côté les difficultés et les souffrances de l’exil. Annelise Cretton a incité les participants à aller les uns vers les autres pour poser des questions, parler de leurs craintes car, selon elle, si celles-ci sont « partagées elles peuvent être dépassées ! »

M Erich Dürst, directeur de l'EVAM. Photo: Voix d'Exils

M. Erich Dürst, directeur de l’EVAM. Photo: Voix d’Exils

Le directeur de l’Evam, Eric Dürst, a débuté son allocution par une description de l’évolution internationale du phénomène migratoire, en s’appuyant sur des statistiques américaines. Selon ces chiffres, les déplacements de populations ont atteint un record historique en 2013, car 45 millions de personnes à travers le monde ont dû quitter leur foyer pour fuir les violences et les guerres. Parmi elles, 29 millions se sont déplacées à l’intérieur des frontières de leurs propres pays et 15 millions ont dû traverser la frontière de leur pays pour se mettre en sécurité. 80% des personnes ayant migré en 2013 se trouvent dans des pays proches du pays qu’elles ont dû quitter. Le directeur a conclu son intervention en mentionnant qu’une petite poignée de ces migrants a trouvé refuge à Bex.

Voix d’Exils a rencontré sur place Christine Blatti Villalon, responsable du secteur Est à l’Evam et membre

Mme Christine Blatti Villalon, cheffe du secteur Est de l'EVAM. Photo: Voix d'Exils

Mme Christine Blatti Villalon, responsable du secteur Est de l’EVAM. Photo: Voix d’Exils

du comité d’organisation de la fête.

Voix d’Exils : Pourquoi avoir organisé cette fête le 23 juin ?

Christine Blatti Villalon : La Journée mondiale des réfugiés a lieu le 20 juin. Mais, pour des raisons pratiques, nous l’avons fêtée le 23 juin, parce que c’est un dimanche et que les bénévoles ainsi que les visiteurs extérieurs sont plus disponibles.

En quoi cette fête est importante pour les requérants du foyer Evam de Bex ?

Pour eux, c’est important de se montrer sous un angle différent et de pouvoir offrir quelque chose de leur culture d’origine, comme des plats et des musiques. Ce sont des gestes qui viennent du cœur et qui touchent les personnes auxquelles ils sont destinés.

Depuis combien de temps cette fête est-elle organisée dans le centre au Bex ?

Depuis l’ouverture du centre en 1982, la fête a eu lieu presque chaque année.

Quel est votre message en cette journée des réfugiés ?

Je crois que dans ce foyer, qui compte 180 personnes, il est important d’avoir conscience que chaque fois que quelqu’un fait quelque chose c’est tout le foyer qui est concerné. Si quelqu’un fait quelque chose de bien, le retour sur le centre est positif, mais si quelqu’un fait quelque chose de mal, le retour sur le centre est négatif.

Lamin et Samir

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Les tours de magie captivent l'attention des enfants. Photo: Voix d'Exils.

Les tours de magie captivent l’attention des enfants. Photo: Voix d’Exils.

Les ennuis des enfants s’en vont comme par magie

La Journée mondiale des réfugiés qui s’est déroulée au centre de Bex cette année a aussi été très importante pour les enfants du foyer. Pourquoi ? Parce que presque tous les enfants ont trouvé ce jour-là le bonheur, notamment grâce aux nombreux tours de magie du prestidigitateur qui a animé la fête. Ce dernier les a tellement captivé qu’il a même réussi à les faire participer à quelques-uns de ses tours !

Lamin




Une fête de quartier pour célébrer le melting pot yverdonnois

L'atelier proposant une balade sur le dos d’un âne. Photo: Voix d'Exils

L’atelier proposant une balade sur le dos d’un âne. Photo: Voix d’Exils.

Samedi 15 juin, l’Amicale, un regroupement d’habitants du quartier de Pierre-de-Savoie de la ville d’Yverdon-les-Bains, a organisé une fête de quartier en collaboration avec l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) et en partenariat avec le Service jeunesse et cohésion sociale de la ville d’Yverdon (le JECOS). Cette fête avait pour but de favoriser la cohésion sociale, l’intégration de tous et de promouvoir la qualité du bien vivre ensemble de la ville d’Yverdon. Compte-rendu de l’événement.

Cette année, pour la première fois, l’événement a pris la forme d’une fête de quartier ; alors que lors des 7 éditions précédentes, il consistait en un forum dédié à un grand débat et à des échanges d’idées entre les habitants à propos des questions d’intégration sociale.

La fête de quartier : la nouvelle formule de l’Amicale

L’Amicale a changé la formule de l’événement en décidant de mettre sur pied toute une journée

L'atelier maquillage. Photo: Voix d'Exils

L’atelier maquillage. Photo: Voix d’Exils

permettant une rencontre conviviale sur le terrain entre les autochtones et les communautés étrangères peuplant la ville d’Yverdon. Cette journée s’inscrivait également dans le cadre du premier prix «Ville en santé 2013», remporté par la ville d’Yverdon. Mauricette Garcia, habitante du quartier de Pierre-de-Savoie et membre de l’Amicale, souligne sur un ton laissant transparaître sa satisfaction que «ça fait un moment qu’on est en train de préparer cette fête de quartier, et ça nous tenait à cœur d’organiser une grande fête ce qui est une première. Comme nous pouvons le voir, elle est très réussie. Ce soir, il y aura plus de monde et on terminera vers 23 heures»

Au menu : des activités variées

Le tennis de table. Photo: Voix d'Exils

Le tennis de table fait le bonheur des jeunes. Photo: Voix d’Exils

Sous des tentes l’on trouvait des expositions, des petits bricolages faits par les enfants fréquentant l’Amicale, des ateliers de maquillages, des stands de restauration et un atelier proposant une balade sur le dos d’un âne. On a aussi eu l’occasion d’assister à des représentations de danses folkloriques, ainsi qu’à des jeux sportifs, comme du tennis de table ou du football. Cette journée avait décidément tout pour plaire pour les petits comme pour les grands et a donné lieu à une véritable rencontre entre les différentes communautés culturelles du quartier. Ce véritable «melting pot» permettait d’effacer les différences de cultures ou de religions, pour laisser entrevoir une seule et même communauté ; celle des habitants et des habitantes d’une ville. L’après-midi a été marqué par la remise de fleurs pour remercier toutes celles et ceux et qui ont organisé et contribué à la bonne marche de l’événement : Puis la fête s’est terminée par des concerts, de la danse et des chants.

M. Jean-Claude Ruchet Municipal de la ville Yverdon-les-Bains en charge du service de la Jeunesse et de la Cohésion sociale. Photo: Voix d'Exils

M. Jean-Claude Ruchet, Municipal de la ville Yverdon-les-Bains en charge du service de la Jeunesse et de la Cohésion sociale. Photo: Voix d’Exils

L’intégration sociale : fondement de la politique yverdonnoise

Parmi les convives de l’événement se trouvait Monsieur Jean-Claude Ruchet, Municipal en charge du service de la Jeunesse et de la Cohésion sociale à Yverdon-les-Bains. Il nous confie qu’il «pense que c’est important d’avoir ces moments de rencontre entre les habitants du quartier et les autres communautés. Faire connaissance avec les uns et les autres est extrêmement important pour l’intégration sociale du quartier, y compris celle des habitants du bâtiment de l’EVAM qui participent à l’organisation de cette fête et aux activités. Cette rencontre entre habitants et requérants d’asile favorise donc la cohabitation et ceci participe au bien vivre ensemble. Soutenu financièrement par la ville d’Yverdon et le JECOS, cette fête de l’Amicale est à sa toute première édition et j’espère qu’à l’avenir il y en aura d’autres».

Mme Cecile Ehrensberger cheffe de service adjointe du JECOS. Photo: Voix d'Exils

Mme Cecile Ehrensberger, cheffe de service adjointe du JECOS. Photo: Voix d’Exils

Pour Cecile Ehrensperger, cheffe de service adjointe du JECOS, un tel événement «permet une cohésion sociale entre les habitants grâce au développement des réseaux sociaux et communautaires, mais également l’implication, la participation et l’empowerment des citoyens dans le processus d’intégration sociale, qui est le fondement de la politique sociale yverdonnoise. Organisé en collaboration avec l’EVAM, ce processus d’intégration permet de mettre sur pied des programmes d’utilité publique favorisant l’insertion sociale, des démarches communautaires pour permettre aux étrangers de toujours faire partie de cette démarche qualité de vie de la ville. Notre démarche vise aussi aussi à résoudre les problèmes que rencontrent les personnes migrantes comme les préjugées et la stigmatisation qui rongent la société.»

André et El Sam

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




«Il faut changer les mentalités pour accéder à la démocratie»

Tariq Ramadan. Photo: Umar Nasir CC-BY-NC-ND

Tariq Ramadan. Photo: Umar Nasir CC-BY-NC-ND

Le samedi 4 mai, le théologien islamologue suisse d’origine égyptienne Tariq Ramadan a donné une conférence au Complexe Culturel des Musulmans de Lausanne à l’occasion de la sortie de son nouveau livre « l’Islam et le réveil arabe ». Intitulée « Deux ans de printemps arabe, et après ? », la conférence de Tariq Ramadan revient sur le renversement des dictatures qui a marqué plusieurs pays du Moyen-Orient ces dernières années. Compte-rendu des propos qu’il a tenu.

M. Ramadan a débuté sa conférence du 4 mai par un constat réjouissant:  «durant la période du printemps arabe le Moyen-Orient s’est réveillé. Il y a eu une prise de conscience de la population qui a eu le courage de faire tomber la dictature. Avant cela, les arabes n’avaient pas bougé.»

Instabilité politique et intérêts géostratégiques au Moyen-Orient

Selon Tariq Ramadan, les dictatures présentes au Moyen-Orient stabilisaient tous les États de la région, raison pour laquelle elles étaient soutenues par certains pays comme les USA ou la Russie. Ces mêmes États, aujourd’hui, encouragent la démocratisation. D’après le théologien, cette contradiction n’est pas d’ordre politique mais économique et géostratégique.

En effet, les pays occidentaux s’intéressent avant tout aux ressources du Moyen-Orient, comme par exemple les ressources minières de l’Afghanistan et le pétrole de l’Irak. L’intervention américaine en Irak de 2003 à 2011 a déstabilisé le pays politiquement, tout en protégeant ses ressources pétrolières. L’Irak produisait beaucoup économiquement durant cette période, mais était très fragilisé politiquement par les États-Unis. Le pétrole était donc sous la mainmise des multinationales occidentales, pendant que la politique du pays était totalement bouleversée. Tariq Ramadan prend aussi l’exemple de la Syrie, en soulignant que plus le conflit entre sunnites et chiites dure, plus le Moyen-Orient est divisé et plus la région est déstabilisée, ce qui arrangerait les gouvernements américain, chinois et russe. Le Moyen-Orient est donc déstabilisé politiquement à des fins géostratégiques.

«Libérer l’esprit de tout ce qui peut aliéner la pensée»

Selon Tariq Ramadan, il faut considérer tous les éléments pour voir s’il y a possibilité de transparence, c’est-à-dire de démocratie. Tout d’abord, il faut mettre fin à la corruption, car si l’éthique n’est pas respectée, la démocratie n’est pas possible. Ensuite, il souligne l’importance d’une réforme de l’éducation. Il est en effet essentiel, selon l’auteur, que l’éducation favorise une pensée autonome et responsable, dans des pays arabes qui proposent actuellement des systèmes éducatifs sélectifs et favorisant les savoirs appris par cœur. Il faut libérer l’esprit de tout ce qui peut aliéner la pensée, tout en respectant la dignité humaine.

Pour Tariq Ramadan, il est donc essentiel aujourd’hui que soit menée une révolution culturelle et spirituelle et de ne pas être émotifs ou impulsifs comme ce serait selon lui le cas des personnes de culture arabe. Selon l’islamologue, leur éducation est une «éducation de craintifs». Ensuite, Tariq Ramadan souligne que la présence des femmes sur le devant de la scène joue un rôle important et que statistiquement les femmes étaient beaucoup plus présentes que les hommes durant les événements du printemps arabe. Il note également que la démocratie n’est possible que si une justice sociale est appliquée. Et, enfin, l’islamologue explique que la dimension culturelle est fondamentale. Selon lui, si l’on est cultivé et informé, on est libre intellectuellement et culturellement. En deux mots, selon l’auteur, les deux grandes priorités de l’action à mener actuellement se situent sur les plans culturel et économique et non politique.

«Savoir accepter la diversité des opinions»

Pour conclure, la solution d’après Tariq Ramadan est de s’équiper intellectuellement. On a la responsabilité de s’informer et de transmettre l’information. Il ne faut pas se taire mais être la voix de la conscience. Il est donc important d’apprendre la diversité des opinions qu’elles soient traditionnelles, rationnelles, politiques, réformistes ou autre. Il est nécessaire d’instaurer un dialogue intra religieux et de gérer la diversité politique pour éviter la division. Cependant, selon l’auteur, la culture de diversité est absente dans les pays arabes où l’on considère une opinion comme une possession de la vérité. Or, une opinion n’est qu’une perception de la vérité parmi d’autres. Il faut donc savoir accepter la diversité. Il est important de s’éduquer intellectuellement de manière autonome, de s’engager courageusement et de changer sa mentalité pour pouvoir communiquer avec autrui dans le but d’accéder à la liberté et à la démocratie.

Samir

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos:

Vous pouvez visionner la conférence dans son intégralité en cliquant ici




«Sans la communication, on est prisonnier de ses pensées»

Nazli Cogaltay, réalisatrice du documentaire "LAL"

Nazli Cogaltay, réalisatrice du documentaire « LAL »

D’origine kurde, Nazli Cogaltay ne parle pas un mot de français lorsqu’elle arrive en Suisse en 2010 pour y demander l’asile. Etrangère dans un pays inconnu, elle fait d’abord la douloureuse expérience de ne pas pouvoir communiquer avec sa société d’accueil, puis s’affranchit progressivement de son isolement grâce à ses efforts pour apprendre le français. S’inspirant de son vécu, elle décide alors de tourner un documentaire sur cette problématique. Intitulé « LAL » (muet en langue kurde) et tourné dans le canton de Vaud, son film donne la parole aux migrants et dévoile certaines difficultés qu’ils rencontrent. Interview de cette ancienne rédactrice de Voix d’Exils.

Voix d’Exils : Qu’est-ce qui vous a motivée à réaliser ce documentaire?

Nazli Cogaltay : A mon arrivée en Suisse, j’ai rencontré des difficultés à communiquer. Lors d’un entretien important, un malentendu concernant un mot mal interprété par mon interlocuteur m’a fait prendre conscience de l’importance de cette problématique de la communication. Par la suite, j’ai réfléchi et j’ai imaginé ce qu’endurent les personnes migrantes qui vivent en Suisse et qui n’arrivent pas à communiquer. C’est de là que ma motivation est née.

Pourquoi avez-vous choisi de vous exprimer à travers la vidéo ?

Pour des questions d’efficacité. La communication visuelle attire deux fois plus l’attention sur un fait ou un évènement qu’une émission radio. Et aussi, elle est plus crédible et permet de mieux atteindre mon public.

Pourquoi ce titre « LAL »  ( « Muet ») ?

Je suis d’origine kurde, et « LAL » en kurde signifie « muet ». J’ai donné ce nom à mon documentaire, parce que les migrants ne peuvent pas s’exprimer à cause de la barrière de la langue. Ils doivent apprendre à parler une langue étrangère et, en attendant de pouvoir le faire, ils sont « LAL ».

Pour vous, que signifie la communication?

La communication permet de libérer ses idées et ses sentiments. A travers ce documentaire, j’ai essayé de montrer que sans la communication on est prisonnier de ses pensées, pour la simple raison qu’on ne peut pas se faire comprendre et comprendre l’autre. Une migrante d’origine kurde vivant en Suisse depuis trois ans m’a dit : « Quand je n’arrive pas à communiquer je me sens en insécurité ». Parler la langue du pays permet de s’intégrer.

Quel message véhicule votre documentaire?

Tout d’abord, je convie en particulier la population d’accueil, et aussi tous les migrants à le regarder. A travers les interviews des uns et des autres, j’ai fait ressortir la volonté des migrants de s’intégrer malgré les difficultés rencontrées, notamment en matière de communication.

Où avez-vous tourné votre film?

Je l’ai tourné au Centre de formation de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants à Longemalle, au foyer EVAM de Crissier, à la cathédrale de Lausanne et devant le centre d’enregistrement de Vallorbe.

Comment avez-vous choisi les interviewés ?

Mon choix s’est porté sur les migrants non francophones comme les Érythréens, les Tibétains, les Kurdes et les Afghans. Chaque intervention est accompagnée d’une musique provenant de leur pays d’origine. J’ai aussi filmé des professeurs, un responsable pédagogique et un psychiatre qui s’investissent dans le processus d’intégration des migrants en les aidant à parler et à écrire en français. Je profite de l’occasion pour remercier tous ces intervenants qui ont chacun apporté leur contribution pour la réalisation de ce documentaire.

Financièrement, où avez-vous trouvé les fonds pour réaliser le tournage ?

J’ai réalisé ce documentaire avec les moyens du bord.

Où l’avez-vous déjà diffusé ?

Deux fois au Centre de formation de l’EVAM à Longemalle, à l’association RERS à Lausanne, à Mozaïk à Appartenances, au centre socioculturel lausannois Pôle Sud, au Centre social protestant et au Gymnase de Chamblandes.

Comment a réagi le public ?

Du côté des migrants, ils retrouvaient leur quotidien, soit leurs problèmes de communication et soulignèrent l’importance de pouvoir communiquer avec leur société d’accueil. Du côté des autochtones, c’était une révélation pour beaucoup d’entre eux. Une Suissesse m’a confié à la fin de la projection : «Je n’ai jamais imaginé que les migrants souffraient autant de ne pas pouvoir communiquer, et moi qui pensais qu’ils vivaient assez heureux. J’étais loin de la réalité, jusqu’à ce que je visionne ce documentaire !»

Y a-t-il d’autres projections prévues?

Bien sûr, j’ai prévu de nouvelles projections, mais les dates et les lieux seront communiqués ultérieurement.

En tant que réalisatrice de ce documentaire, êtes-vous satisfaite du résultat ?

Oui ! Je n’ai pas réalisé un documentaire professionnel, mais avec le peu que d’argent que j’avais à disposition, je peux dire que mon objectif est largement atteint. A chaque projection, j’ai partagé des émotions, de l’enthousiasme et du plaisir avec le public. J’ai récolté beaucoup de soutiens et d’encouragements. C’est très touchant de savoir que mon message a bien passé.

Ce tournage a-t-il fait évoluer votre regard sur la communication ?

Dans mon expérience personnelle, j’ai vu l’importance de la communication et un documentaire en est sorti. En réalisant ce documentaire, j’ai rencontré de nombreuses personnes, mon réseau s’est élargi grâce à la communication. J’ai aussi appris à mieux communiquer. Pour moi, c’est un outil indispensable. Quand j’interviewais des migrants, certains étaient ouverts et d’autres non, faute de pouvoir s’exprimer. Mais ils faisaient un effort pour se libérer des maux qui les rongent. J’ai alors vu l’impact que pouvait avoir la communication sur une personne qui parle et l’autre qui l’écoute.

Parlez-nous de vos projets ?

« LAL » est en fait la première partie d’un documentaire qui en compte trois autres que je vais prochainement finaliser.

Propos recueillis par :

El Sam

Journaliste à la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos:

Pour visionner le film « LAL » de Nazli Cogaltay  cliquez ici