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Des élèves requérants d’asile privés de transport scolaire…

Des enfants prennent le bus à Crissier

Des enfants de Crissier prennent le bus. Photo: Rima Abdel-Fattah

Pourquoi les élèves de l’Etablissement Vaudois d’Accueil des Migrants (EVAM), qui résident dans le centre de Crissier, sont privés de transport scolaire adaptés à leurs besoins ?

 

Les élèves de l’EVAM qui résident dans le centre de Crissier ont besoin de se déplacer à quatre reprises chaque jour entre leur domicile et les deux établissements scolaires de Crissier : le collège de Marcolet et le collège de Chisaz. Ces déplacements interviennent une fois le matin, deux fois à midi et une fois à la sortie des cours en fin d’après-midi. Or, les enfants de requérants d’asile scolarisés ont le droit de profiter du service du bus scolaire que deux fois par jour au lieu de quatre. Madame Manuela Mantovani, assistante sociale de l’EVAM, a accepté de répondre aux questions de Voix d’Exils.

Des élèves inégaux face aux transports scolaires ?

Après la pause de midi et l’après-midi après la fin des cours, les élèves de l’EVAM sont obligés de rentrer à pieds, alors que les bus scolaires est disponible pour les autres élèves des établissements scolaires de Crissier. Selon Mme Mantovani, « on est confronté à un gros problème à Crissier, il faut qu’on trouve une solution». Djellah*, une élève  de 12 ans, nous confie que sur le chemin de l’école « il fait froid, et nous avons peur de glisser sur la neige ». La situation est également problématique en fin d’après-midi, lorsque les élèves rentrent chez eux. Cette carence dans le transport scolaire a pour principale conséquence que ces élèves hébergés par l’EVAM doivent parcourir des distances considérables entre leur domicile et l’école… ce qui pousse même certains à resquiller en prenant le bus sans payer. « Je n’aime pas aller à l’école l’après-midi, parce que je marche beaucoup, presque 30 minutes et j’arrive toujours en retard. Puis la maîtresse me punis » (Jean*). Aujourd’hui, les familles se plaignent de plus en plus, car cet état de fait représente assurément pour elles « une grosse contrainte » selon Manuela Mantovani, surtout à l’heure de la prise du repas de midi. En effet, selon une maman, « les enfants ont seulement un quart d’heure pour manger ».

Pour faire face à l’urgence de cette situation, Mme Mantovani précise néanmoins qu’il y a déjà eu des améliorations depuis la rentrée scolaire 2010, étant donné que le bus scolaire vient chercher les enfants le matin. A cela s’ajoute que « le responsable de secteur, Monsieur Pascal Rochat a pris rendez-vous avec le responsable de l’un des deux collèges de Crissier pour trouver une solution ».

Qui sont les responsables de cette situation ?

D’après Mme Mantovani, le cœur du problème est la réponse à la question : « qui paie» ces transports ? « Normalement, c’est les écoles, mais il faut que la commune de Crissier accepte de payer, c’est toujours problématique ». En effet, cela peut prendre du temps, voire même beaucoup de temps avant que les demandes de financement de projets auprès de la commune aboutissent : « des fois, ça peut prendre des mois, voire même des années ». Est-il pour autant suffisant de pointer du doigt les responsables locaux de cet état de fait ? La réponse de Mme Mantovani est en fait plus nuancée que cela. Selon elle, « c’est le système en entier » qui est problématique, étant donné que la politique de la migration est fédérale et que les budgets sont déterminés ensuite au niveau des cantons. « Nous, en exécutant, on fait ce qu’on nous dit. Voilà, un requérant d’asile a droit à ceci et pas plus et nous nous sommes obligés de faire comme ça. Alors c’est pas la faute à l’EVAM, c’est plutôt le système qui est fait comme ça et il y a une méconnaissance. Ca veut dire que les personnes qui sont extérieures à Crissier ne peuvent pas savoir à quels problèmes nous sommes confrontés au quotidien dans nos pratiques, c’est très difficile ».

Quelle(s) solution(s) ?

Selon Manuella Mantovani, il n’est pas évident de trouver une solution unique à cette situation, compte tenu de ce qui a été dit plus haut. Mais il revient toutefois aux responsables de l’EVAM et des établissements scolaires de commencer par débloquer la situation avec la commune de Crissier pour faire « ressortir les vrais problèmes et trouver des solutions à ce niveau-là ». Au niveau des familles du Centre, en attendant, « une entraide est possible entre les parents ».

Rima ABDEL-FATTAH

Membre de la rédaction lausannoise de Voix d’Exils

*Prénoms d’emprunt




Toute une vie dans les foyers

Tady

Tady, le jeune Ethiopien. Photo : Gervais

Cette histoire est le témoignage atypique d’un jeune requérant d’asile éthiopien qui a passé plus de sept ans dans des centres de requérants d’asile. Arrivé en Suisse à 12 ans comme mineur non accompagné, tout lui semblait propice au départ. Cependant, après plusieurs années de vie cloitrée, voici aujourd’hui notre jeune enfant de cœur transformé en loup, cible privilégiée de nombreux tumultes.

Dans la petite chambre où trois lits occupent respectivement trois angles, un seau de poubelle titille l’oreiller de Tady Yalew à côté d’une table sur laquelle on peut retrouver quelques documents importants, des plats crasseux et des ustensiles de cuisine. En dessous, quelques petites marmites cohabitent et laissent échapper l’odeur d’un repas à peine mijoté qui parfume les lieux. A proximité, les tennis de fortune sont parfaitement rangés. Au physique, Tady est plutôt petit, environ un mètre soixante-sept pour soixante kilos. Avec ses longs cheveux noirs frisés soutenus par un bandeau et une barbe soigneusement taillée, il nous fait penser à un Américain ou un Jamaïcain. Son accoutrement lui donne l’allure d’un rappeur. On le dit réservé par nature, et croyant si l’on en juge par son inséparable collier à la croix de Jésus. Certains requérants du foyer de Ste-Croix le jugent quand-même très sociable.

« Après le centre d’enregistrement et de procédure de Vallorbe, mon frère et moi avons vécu successivement au centre de Chiasso, puis à l’abri PC de Bussigny au milieu des adultes. C’était très difficile, parce qu’il fallait se prendre en charge tout seuls à 12 ans. Après trois mois nous sommes allés dans un foyer pour mineurs du Service de protection de la jeunesse (SPJ) à Romainmôtier, puis à Lausanne où nous suivions l’école obligatoire. Nous avons ensuite poursuivi notre chemin dans un centre pour mineur non accompagné de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), également à Lausanne, pendant environ trois ans. Là j’ai débuté une formation de peintre en bâtiment et d’agent d’entretien à la Maison des jeunes de Lausanne.

Au bout d’un certain temps, la vie au centre était devenue un calvaire. J’ai alors effectué une demande auprès pour aller vivre avec une famille d’accueil, ce qui m’a été accordé. En dépit du soutien de mes deux familles d’accueil successives, qui n’ont jamais ménagé leurs efforts et à qui je dis merci beaucoup pour leur soutien indéfectible et leurs conseils, j’étais dépressif. Je continuais ma formation mais suite à l’absorption d’alcool qui m’a poussé faire des conneries, j’ai fait à plusieurs fois de la prison. Je buvais de plus en plus, je buvais au delà des limites et après ma dernière sortie de prison, on a exigé que je retourne en foyer. J’ai demandé si je pourrais habiter dans l’un des foyers de Lausanne proche de mon frère, mais la demande à été rejetée et j’ai été transféré à Ste-Croix, où je vis depuis un an et quatre mois. »

Il soupire un instant, et d’une voix grave il reprend : « Cela fait sept ans que je suis en Suisse. Dans les foyers, j’ai beaucoup appris : le français, la peinture et la culture de ce pays. Mais je vois les autres gens qui arrivent : ils font six, sept mois en foyer puis partent en appartement. Quant à moi je suis toujours comme un nouveau et ça me décourage. De son côté l’EVAM ne regarde que les erreurs que j’ai commises, mais jamais tout ce que j’ai fait de bien. J’ai finalement obtenu un transfert en logement individuel, mais une semaine plus tard j’ai été convoqué par la directrice du foyer, qui m’a annoncé son annulation, prétextant que je ne le méritais pas. Ca m’a bouleversé parce que je voulais être indépendant, et après sept ans, pour moi, c’était mérité. »

Tady affirme qu’il n’a jamais vendu de drogue ni volé dans les magasins. Il connaît mieux la Suisse que son pays d’origine, mais avoue qu’il est découragé de la vie, sans plus aucune motivation, ce qui le pousse à boire de l’alcool. Il s’indigne : « C’est toujours moi qu’on accuse : le jour où l’équipe nationale suisse affrontait celle d’Espagne en Coupe du monde, un incendie s’est produit dans ma chambre en mon absence et la police m’a interpelé. Quand il y a des vitres qui se cassent ou tout autre dégât, c’est encore Tady. Il est vrai que pendant la même période, j’ai brutalisé une copine du foyer qui m’avait manqué de respect, j’ai perdu la maîtrise. Maintenant on m’annonce que je suis transféré au foyer de Bex. Je suis pourtant contre… Faites quelque chose pour me sauver ! »

La situation de Tady Yalew, peut-on la classer dans le registre des enfants délinquants ? Selon lui, non. Mais Cécile Ehrensperger, responsable du secteur Nord et Ouest de l’EVAM, ne lui reconnait pas entièrement ce brillant passé, qui lui aurait sans doute permis de prospérer comme son frère, électricien aujourd’hui autonome financièrement.

La responsable affirme que « la police n’a pas inculpé Tady faute de preuve, mais de forts soupçons pèsent contre lui. » Elle reconnait par ailleurs que la prise en charge des mineurs avant 2006 était lamentable, et que le phénomène migratoire est douloureux. Mais l’annulation de son transfert en logement individuel a pour objectif de l’envoyer près de sa famille d’accueil à Bex et de ne pas le laisser s’alcooliser. « Cela n’est pas destiné à l’envoyer aux oubliettes, mais plutôt à lui dire de construire lui-même sa vie, de se responsabiliser et de reconnaitre qu’il a besoin d’une prise en charge médicale. »

De Bex aujourd’hui où le jeune Ethiopien continue son existence, Tady déclare que ça ne va pas vraiment, mais il reconnait toutefois que c’est mieux que Sainte-Croix. Là il a plus de possibilités, il rencontre très souvent l’intendant qui lui confie des tâches d’entretien. Il est volontaire et motivé, ce qui est tout à fait le contraire de Sainte-Croix où il ne faisait rien du tout. L’effet Cécile semble avoir porté ses fruits. Suite à une sélection assez serrée, il  a même été retenu tout récemment pour deux semaines de travaux d’intérêt général dans les pâturages d’Ollon, ce qui lui a même valu une interview sur Radio Chablais. Il envisage aujourd’hui de refaire une autre demande de transfert en logement individuel auprès de sa nouvelle directrice avec qui il a de bons rapports.

Gervais NJINGO DONGMO




Voix d’Exils inaugure son blog à la Caravane des quartiers de Lausanne

La Caravane des Quartiers dans les rues de Lausanne

L’équipe des rédacteurs de Voix d’Exils au micro de Caravane FM

 Le jeudi 23 septembre 2010, Voix d’Exils a rendu public son média social en ligne à l’occasion du passage de la Caravane des quartiers de Lausanne dans le quartier de Prélaz. Une étape importante dans le développement du projet.

Depuis mai 2010, la rédaction de Voix d’Exils qui est rattachée au programme d’occupation (PO) Communication de l’EVAM, mène des débats de fond sur le contenu, la forme et les objectifs de la nouvelle formule électronique de Voix d’Exils. Un été consacré au murissement des idées, et voici venu le temps de la récolte. Afin de marquer le coup, un banquet gargantuesque attendait les convives et pas moins de 80 personnes se sont rendues sur place pour célébrer la renaissance de Voix d’Exils. Fort heureusement le soleil était au rendez-vous pour ce dernier jour de l’été avec 24 degrés à l’ombre. Ce fut également l’occasion pour chaque membre de la rédaction de Voix d’Exils de prendre la parole et expliquer le projet sur les ondes de Caravane FM 92.4, la radio de la Caravane des quartiers, puis de vive voix devant l’assemblée et dans les trois langues du blog : en français, en anglais et en arabe.

La rédaction de Voix d’Exils tient en particulier à remercier le PO Cuisine de l’EVAM pour sa prestation qui fut d’une qualité remarquable, et toute l’équipe de la Caravane des quartiers pour sa contribution à la mise en place de l’événement ainsi que pour cette expérience radiophonique inoubliable que fut Caravane FM.

Cette étape symbolique étant franchie, notre objectif est actuellement de consolider l’implantation de Voix d’Exils en publiant des contenus plus régulièrement et en étendant notre réseau de contributeurs et contributrices. A cette fin, nous profitons de vous rappeler que toute personne souhaitant s’exprimer sur Voix d’Exils est invitée à partager avec nous les pages de notre blog, ce pour autant qu’elle respecte les termes de la charte rédactionnelle.

N’hésitez donc pas à vous manifester et à prendre contact avec la rédaction en envoyant un e-mail à : redaction@voixdexils.ch.

Omar Odermatt




L’attente

Asile en Suisse, une caricature sur l'attente

Série 1 le message du mouton / l’attente / par Nashwan BAMARNI, artiste originaire du Kurdistan – Irak




Voix d’Exils fait couler de l’encre en Suisse Romande

Article publié le vendredi 24 septembre 2010 dans le quotidien romand 24 heures, le lendemain de l’inauguration de la formule électronique de Voix d’Exils dans le quartier de Prélaz à Lausanne.