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Mes premiers pas en Suisse (2/3)

Auteur: Ingo Kramarek / pixabay.com / CC0 Creative Commons

Voyage en train chez la police – épisode 2

Rappel: lire le premier épisode ici

Je suis retourné vers mes amis. « Qu’est-ce qu’elle t’a dit? », m’a demandé Mohamed. Je ne voulais pas leur dire. « Elle ne savait pas parler anglais », je lui ai répondu. « Mais qu’est-ce qu’on fait? », a dit Dawood. « Cette gare devrait avoir un guichet ou un point d’informations », je leur ai dit. « Donc, on va chercher », a dit Mohamed. « Mais, comme ça tout le monde va savoir qu’on est clandestin », je lui ai dit. « C’est vrai, ça suffit qu’un seul d’entre nous aille chercher », a dit Dawood. Les deux me regardaient, ils voulaient que j’aille moi. « Ne me regardez pas comme ça, je n’y vais pas, j’ai peur », je leur ai dit. « Mais, s’il te plaît, tu sais te débrouiller en anglais, nous pas », m’a dit Mohamed.

Finalement, comme ils ont insisté, j’ai décidé d’aller chercher le guichet. En partant, Dawood m’a dit que si on était en Autriche, il fallait acheter trois billets pour n’importe où, parce qu’on ne voulait pas rester en Autriche, car il y a déjà beaucoup de migrants. Je les ai laissés sur le quai, j’avais peur de les quitter car on ne voulait pas que les policiers nous arrêtent là. En quittant le quai, j’ai croisé un homme qui roulait sa cigarette. Je me suis tout de suite arrêté : «  Excuse me, sir », je lui ai dit.

Il s’est tourné vers moi en disant « Yes sir ». Il avait l’air gentil. «  Can you speak english? », je lui ai demandé. «  A little », m’a répondu l’homme gentil. « The ticket office, I don’t know where it is », je lui ai dit. Il m’a montré le chemin tout gentiment et il est parti. Il était beaucoup plus gentil que la fille, celle avec qui j’avais essayé de parler tout à l’heure.

Le guichet, je l’ai trouvé facilement, il était vers la voie numéro 1. J’avais tellement peur d’y aller, j’ai jeté un coup d’œil autour de moi pour être sûr que les policiers ne soient pas là. Je ne savais pas quoi faire ; acheter des billets ou demander où on était. Je ne voulais pas faire des bêtises. J’ai bien regardé le tableau sur lequel il y a les informations, j’ai essayé de lire les destinations mais ce n’était pas facile. La seule ville que je connaissais parmi les destinations sur le tableau était Zürich, donc j’ai tout de suite décidé de prendre trois billets pour Zürich.

Derrière le guichet, il y avait une jeune femme qui portait une chemise blanche, elle était brune et avait l’air sérieuse, ça me faisait peur. « Hallo », elle m’a dit. Je ne savais pas quelle langue elle parlait. « Hello, I would like three tickets for Zürich », je lui ai dit. Quand elle m’a donné mes billets, je suis sorti tout content de les avoir. Je suis revenu vers Dawood et Mohamed pour leur dire qu’on avait un train pour Zürich dans 10 minutes. Quand je suis arrivé sur le quai où étaient les autres, j’ai vu qu’ils se faisaient déjà arrêter par la police et j’ai commencé à paniquer. Ils m’ont arrêté aussi, quelques minutes plus tard on s’est retrouvé à la police.

À suivre…

Essi

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

Episode  1




Mes premiers pas en Suisse (1/3)

Auteur: Stela Di / pixabay.com / CC0 Creative Commons

Arrivée en Suisse – premier épisode

« C’est là où vous descendez Messieurs », nous a dit la dame contrôleur.

On est descendu en prenant nos sacs à dos; même si on ne savait pas où on était exactement. Mohamed avait mal au pied parce qu’il s’était blessé en passant la frontière iranienne et turque.

« Donne-moi ton sac », lui a dit Dawood. Mohamed lui a donné son sac à dos sans rien dire. On était fatigués et perdus. La gare était calme, il n’y avait pas beaucoup de monde. Je me suis assis sur le banc qui était au milieu du quai. « On est où ? En Autriche ou en Suisse? » a demandé Dawood.

« Je ne sais pas, peut-être encore en Autriche », je lui ai répondu.

« Regardez bien autour de vous, si vous voyez le drapeau du pays où on est », a dit Mohamed qui observait la gare et les bâtiments à côté. « Je ne vois rien comme drapeau », a dit Dawood.

Je ne voyais rien non plus, que des bâtiments et des belles maisons comme celles que j’avais vues dans les dessins animés, comme l’histoire d’Heidi. Certains appartements avaient des balcons. Il y avait des belles fleurs de différentes couleurs. « Je vais demander aux gens », je leur ai dit. « Parfait, mais demande à une fille ou à une dame », m’a dit Dawood. « Pourquoi? », je lui ai demandé. « Parce qu’elles sont beaucoup plus gentilles que les hommes », m’a répondu Dawood.

Je me suis levé pour aller chercher des informations. C’était intéressent sa façon de penser. Dawood était un an plus âgé que moi mais plus petit, assez musclé avec les cheveux noirs et les yeux bruns. Il était solitaire, pas comme Mohamed qui était sociable, il avait le contact facile avec les gens. Mohamed avait deux ans de plus que moi. Lui aussi, avait les cheveux noirs mais beaucoup plus courts que ceux de Dawood. On s’est connu en Grèce, chez le passeur. Dawood est venu de Jaghori, la même région où mon père est né. Mohamed est venu de Daïkondi, une ville assez grande en Afghanistan.

Je me suis éloigné d’eux, quelques mètres plus loin, et je me suis approché d’une fille, je ne sais pas quel âge elle avait. Je ne peux pas deviner l’âge des filles et des dames. A mon avis c’est difficile parce qu’elles le cachent. Je lui ai demandé si elle savait parler anglais, mais elle ne m’a pas répondu. « Excuse me? Do you speak english ? », Je lui ai demandé encore une fois. Elle ne m’a même pas regardé. Je pense qu’elle avait peur de moi.

À suivre…

Essi

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

 




Mieux protéger les requérantes d’asile en Suisse

L’appel d’elles le 8 mars 2018. Photo: Voix d’Exils

50 associations déposent à Berne un appel pour exiger une meilleure protection des requérantes d’asile par la Confédération 

Quand j’étais dans mon pays d’origine, je n’avais aucune idée de ce que signifiait le terme « réfugié ». Quel sens ce mot avait vraiment. Après mon arrivée en Suisse, j’ai partagé la douleur des réfugiés qui ont quitté leur pays à cause de la guerre, des problèmes politiques et sociaux et de la violence.

Je voulais écrire mon expérience à l’accueil de personnes suisses réfugiées. La journée de 8 mars 2018 m’a aidé à savoir quelle est la réalité.

Le 8 mars 2018, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, l’Appel d’elles a déposé à la chancellerie fédérale un appel avec 8371 signatures de personnalités et de personnes issues des professions et milieux les plus divers : artistique, social, académique, politique, juridique, paysan. Soutenu par 50 associations, cet  appel demande au Conseil fédéral et au Parlement de mieux protéger les femmes requérantes d’asile en Suisse, suite à des agressions sexuelles et des viols subis dans leur pays d’origine ou sur la route de l’exil.

L’appel d’elles le 8 mars 2018. Photo: Voix d’Exils

Beaucoup de gens de différents cantons de suisse ont participé à Berne à la journée de la femme. Ils portaient des vêtements noirs et tenaient une pancarte rose.

A la conférence de presse, en plus des femmes venues témoigner, étaient présentes les représentants des organisations qui ont lancé l’appel (Collectif R, Droit de Rester, Viol Secours, la Marche Mondiale des Femmes), ainsi que la députée Sibel Arslan du groupe des Verts au Conseil national, Ada Marra, conseillère nationale socialiste et Coline de Senarclens, qui a modéré la conférence. Le dépôt de la pétition s’en est suivi, accompagné par un chœur de militantes qui ont chanté une chanson adressée à la ministre Simonetta Sommaruga.

Ce fut une belle journée, cela m’a impressionné de voir ces gens qui se battent pour nous.

Seada

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

Témoignage : la vie des femmes dans mon pays l’Ethiopie

L’Ethiopie a l’un des taux de violence contre les femmes les plus élevé au monde.

De nombreuses femmes Ethiopiennes sont victimes de violences sexuelles. Dans les grandes villes, le viol collectif est monnaie courante. Dans les régions rurales l’armée a commis des viols systématiques et des enlèvements de femmes.

Spécialement dans les régions reculées, dans les campagnes, la vie d’une femme ne compte pas beaucoup. Elles se font souvent violer. Elles sortent pour prendre soin des bœufs et des moutons et elles se font violer. Elles vont dans la forêt pour ramasser des branches pour les faire les feux de bois et elles se font violer. Même quand elles vont à l’école, qui est souvent très loin de leur village, elles marchent des heures, et pendant le trajet, elles se font violer. Elles peuvent ainsi contracter toutes les maladies sexuellement transmissibles comme le HIV. Et une fois qu’elles sont violées, elles ne parlent à personne de leur souffrance, les parents peuvent les répudier et elles finissent dans la prostitution.

Le mariage précoce (à l’âge de 8 ou 9 ans) est également un gros problème pour les jeunes filles.

D’autres quittent le foyer pour se réfugier dans d’autres pays.

Personnes ne les protège. Ni le gouvernement, ni la famille, ni la société.

En Ethiopie, les femmes souffrent énormément.

Seada

 




Le petit ange de la Ghouta

Source: https://www.alarabiya.net

Fragment de l’horreur de la guerre en Syrie
A quel point le sujet est déprimant, quand le stylo s’abstient d’écrire entre vos doigts. Et les mots vous échappent, quand vous en avez besoin. C’était mon sentiment quand je voulais raconter ce que j’avais vu à la télé. Un journaliste syrien interrogeait un petit garçon qui avait traversé la Ghouta assiégée, près de la ville Damas en Syrie. Ses vêtements étaient déchirés. Il était couvert de poussière : sa maison s’était effondrée suite à l’explosion d’un missile aveugle tiré par un pilote russe qui ne se souciait pas des enfants.Le journaliste lui posait beaucoup de questions, telles que : « Comment es-tu arrivé là ? Ta famille est où ? Peux-tu comprendre mes questions ? » L’enfant regardait vers le bas, ne répondait pas, et le journaliste déjà pensait que le garçon était muet. Ensuite, le garçon a levé ses yeux fatigués et a dit : « j’ai faim ».

Les quelques mots sortis de la bouche de cet ange m’ont fait beaucoup pleurer. Entre les larmes et la douleur, dans ma mémoire, je suis revenu dans le passé. Là, je me souviens lorsque j’étais assis à côté de mon père sur le balcon de notre maison. Puis, mon père décide d’ouvrir la boîte de ses souvenirs devant moi et dit :

« Quand j’étais jeune comme toi, mes amis et moi, nous avions voulu hisser le drapeau syrien au lieu du drapeau français (la France occupait notre pays à cette époque). Alors qu’on avait presque accompli cette aventure, un soldat français nous a vus. Nous avons fui rapidement, et les soldats nous pourchassaient. Ils étaient prêts à nous attraper quand nous sommes entrés un cimetière à proximité. Soudainement, les soldats se sont arrêtés à l’entrée. Ils ont entouré le lieu et sont restés là jusqu’au soir. Leur commandant a demandé à nos parents de nous convaincre de quitter le cimetière avant la tombée de la nuit. Les négociations avec les parents n’ont pas duré longtemps étant donné que nous étions des jeunes garçons et l’armée d’occupation avait de bonnes manières. »

C’est à ce stade que l’histoire de mon père se termine. Je reviens à la réalité. Heureusement pour mon père, il n’a pas entrepris son aventure héroïque à l’époque de Bachar et Poutine. Je pense au petit ange de la Ghouta. Ils ont tué toutes les belles choses que tu aimes, ils t’ont déraciné et ont enregistré ton nom dans le convoi de réfugiés qui ne finit jamais. Quant à moi, je veux écrire avec mes larmes sur la tombe de ta famille : « la neutralité dans la guerre entre les faibles et les forts n’est pas neutre mais est un soutien aux forts ».

Khaldoon HAWALEY 

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

 

 

 




« Il faut profiter des compétences et des savoir-faire différents qui peuvent amener une richesse aux entreprises »

Photo: rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils.

Interview de Monsieur Jean-Nathanaël Karakash, conseiller d’Etat en charge du département de l’économie et de l’action sociale du canton de Neuchâtel.

Le 20 octobre dernier, la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils est allée à la rencontre de Monsieur Jean-Nathanaël Karakash afin de mieux comprendre la politique d’intégration des personnes migrantes vivant dans le canton de Neuchâtel.

Voix d’Exils: Dans le mémento statistique neuchâtelois 2017, nous avons trouvé qu’il y a 7,2 % des personnes à l’aide sociale dans le canton de Neuchâtel, alors qu’il y en a 3,2 % au niveau Suisse. Pouvez-vous nous expliquer cette différence importante ? Comment gérez-vous cela ?

Monsieur Jean-Nathanaël Karakash: Une partie de cette différence s’explique par l’organisation de notre système social et une autre partie traduit une réalité sociale. A Neuchâtel, il y a un système simple qui ne comprend que l’aide sociale et pas d’autres aides préalables comme l’aide au logement ou des prestations complémentaires pour les familles qui existent dans les autres cantons. Des personnes se retrouvent donc dans les statistiques de l’aide sociale même quand elles ne touchent qu’un très petit montant.

Après, il est vrai que les cantons romands ont une situation moins bonne que la moyenne suisse. Plusieurs facteurs expliquent cela : les difficultés sociales se concentrent dans les villes et le canton de Neuchâtel est le plus urbain derrière Bâle-Ville et Genève. De plus, en Suisse romande, on a une consommation plus importante des prestations qui existent et moins recours par exemple à la famille en cas de problème.

Avez-vous des projets pour améliorer cette différence ?

Améliorer les statistiques ne m’intéresse pas. Il faut changer la situation en profondeur. Eviter par exemple qu’un assistant social soit mobilisé automatiquement quand une personne a besoin d’aide financière sans avoir d’autre problème. Mais la vraie amélioration vient par l’accès au travail. D’ailleurs, le chômage a diminué depuis une année et il y a une reprise économique dans le secteur de l’industrie de notre canton.

Comment favoriser l’emploi des réfugiés pour les rendre plus autonomes et mieux valoriser leurs compétences ? Comment leur donner cette place en Suisse ?

C’est une question qu’on se pose tous les jours parce que c’est un véritable enjeu. En Suisse, l’intégration passe avant tout par le travail. Le marché du travail comme il est organisé est malheureusement peu favorable aux réfugiés. Les employeurs publient une annonce et reçoivent de nombreuses postulations. Ils recherchent un profil particulier et éliminent les dossiers qui ne comportent pas le bon titre ou le bon diplôme. Les compétences des personnes qui arrivent dans le cadre de l’asile sont rarement bien documentées. A moins de réussir à créer un contact direct avec un employeur, les personnes sont donc en difficultés avec ce système.

C’est paradoxal, parce que j’entends beaucoup d’employeurs qui me disent qu’ils ne trouvent pas certaines compétences chez les jeunes ici comme la persévérance, la débrouillardise ou la capacité de se projeter dans quelque chose de différent. Les gens venus dans le cadre de l’asile en Suisse ont toutes ces compétences pour arriver jusqu’ici. On réfléchit à comment valoriser des expériences qui ne sont pas certifiées par des diplômes. Ici, après 11 années d’études, on est non qualifié et on commence à se former pour travailler. On doit arrêter de penser que les personnes arrivées dans le cadre de l’asile vont rattraper ces 11 années d’études et ensuite faire une formation et un diplôme suisse avant de trouver un travail. Il faut, au contraire, profiter des compétences et des savoir-faire différents qui peuvent amener une richesse aux entreprises. On va essayer de changer le monde du travail ici plutôt que de changer chaque personne qui arrive ici. Il faut faire un bout de chemin dans les deux sens. Mais cela prend du temps.

Nous avons deux propositions à vous faire. La première est que le Service de la cohésion multiculturelle (COSM) axe davantage son offre de services sur des cours professionnels et l’aide à la recherche de places d’apprentissage. Qu’en pensez-vous ? 

Ce n’est pas une bonne idée de réserver des places d’apprentissage pour un public cible comme les requérants d’asile ou les personnes qui ont des problèmes de santé et qui sont à l’assurance-invalidité etc. La stratégie d’intégration professionnelle du canton est la suivante : avoir une phase de préparation à l’intégration professionnelle dans les différents secteurs qui accompagnent les publics dans les domaines de l’aide sociale, de la migration, du pénitentiaire etc. Et que tout converge vers une documentation des compétences et des besoins de la personne. Ensuite, il y a un accompagnement par le Service de l’emploi qui lui est en contact avec les employeurs. C’est la transformation qu’on est en train de mener.

Ensuite, on a un problème de moyens au COSM. La Confédération verse un forfait unique de 6000 francs pour une personne qui reçoit un permis F ou B pour l’aide à l’intégration. Tous les cantons se battent pour tripler ce montant, ce qui sera encore assez limité. Ce que nous souhaiterions, c’est combiner l’apprentissage de la langue à un stage professionnel préparatoire pour permettre une intégration plus rapide dans le monde du travail.

Notre deuxième proposition : soutenir un programme comme Voix d’Exils qui permet de connaître les idées, les pensées des réfugiés. Qu’en pensez-vous ?

Le programme existe avec notre soutien intégral.

Comment faire pour que les employeurs engagent davantage de permis N, permis F et permis B et pas seulement les permis C ?

Il y a un débat aujourd’hui au niveau national sur l’existence du statut d’admis provisoire qui est perçu comme précaire par les employeurs à cause de son nom. Pour eux, c’est un défi d’accueillir quelqu’un qui va peut-être repartir. Mais aujourd’hui, les procédures s’accélèrent ce qui va aider. Le principal problème est vraiment d’arriver à changer la façon dont les postes de travail sont ouverts et valoriser les compétences différentes des gens qui arrivent dans le cadre de l’asile. Il y a un grand travail de sensibilisation à faire.

On parle peu des personnes qui réussissent à s’intégrer dans un emploi et qui aident leur entreprise à apporter plus d’ouverture à ces démarches. Il faudrait creuser cette piste. Dans le cadre de l’asile, on ne doit pas travailler dans une logique d’origine mais dans une solidarité interculturelle pour ouvrir les employeurs à engager des personnes avec un statut différent.

On va terminer avec notre dernière préoccupation : pourquoi les réponses aux demandes d’asile prennent-elles autant de temps? Serait-il possible d’accélérer les procédures ? De les raccourcir ?

Oui, c’est possible d’avoir une procédure d’examen accélérée et c’est ce qui se passe avec la réorganisation du domaine de l’asile. Maintenant, j’espère qu’on accélérera autant les décisions positives que les décisions négatives. Ce qui fait durer les procédures c’est aussi les recours déposés, parfois pour des dossiers qui n’ont plus aucune chance. C’est une perte de temps pour tout le monde, même si on comprend que chacun cherche à saisir sa chance jusqu’au bout.

Vous avez répondu bien clairement à nos questions, merci. Mais surtout Neuchâtel a une politique très positive en matière d’asile, les requérants sont heureux de vivre ici.

C’est vrai qu’on a une belle politique dans le canton de Neuchâtel, ce qui ne nous empêche pas de chercher à continuer à nous améliorer et à vivre le plus positivement possible quelque chose qui est difficile pour vous. Si on peut être une terre d’accueil et que vous vous sentez accueillis et bien j’en suis heureux.

Propos recueillis par :

La rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

L’interview du conseiller d’Etat M. Karakash vue de l’intérieur

Photo: rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

Immersion dans les coulisses de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils peu avant et pendant l’interview de M. Jean-Nathanaël Karakash, conseiller d’Etat en charge du département de l’économie et de l’action sociale du canton de Neuchâtel

Nous sommes fiers, tous les sept membres de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils. Nous nous sommes donnés rendez-vous, en ce jour du 20 octobre 2017 à 15h précises, pour aller interviewer M. Karakash,  « notre »  conseiller d’Etat, car c’est lui qui est en charge de l’asile dans le canton de Neuchâtel.

Tout le monde est à l’heure. Il pleut, mais nous ne le sentons pas. Nous marchons jusqu’au Château du Conseil d’Etat, un peu excités. Comme avant un examen, nous sentons une certaine tension monter.

Serons-nous à la hauteur ? Khaldoon répète ses questions à voix basse. Cismacil nous montre son appareil photo, il est prêt. Revan articule à haute voix ses paroles d’introduction. Leana vérifie encore une fois l’enregistreur. Rafika et Marie-France chuchotent, plaisantent, ça détend…

Le lien se tisse

Dans le Château du Conseil d’Etat c’est beau, ça impressionne. Nous sommes accueillis par une secrétaire qui nous fait patienter quelques minutes. Monsieur Karakash arrive, le sourire aux lèvres en nous serrant la main.

Nous sommes dans son bureau, vaste, magnifique. Nos yeux se promènent du plafond aux fenêtres en se régalant de la hauteur et de la beauté du lieu.

Il nous propose à boire, il plaisante, sourit, nous met à l’aise.

Nous nous présentons. Nous sommes : avocat, étudiant, journaliste, enseignant, venant de Syrie, de Somalie, d’Irak, d’Algérie et de Suisse.

Très attentif, il raconte spontanément d’où il vient. Il nous décrit le chemin de son père, Grec de Turquie qui à l’âge de dix ans migre avec sa famille à Genève pour finalement devenir pasteur au Val de Travers ! Il connaît de l’intérieur le chemin de vie de la migration. Le lien est tissé.

« Le coût des mots »

L’interview se passe très bien. Il trouve que nos questions sont pertinentes, documentées, il apprécie.

Un de nos rédacteurs voulait lui transmettre quelque chose de plus personnel à la fin de notre rencontre. M. Karakash accepte, écoute très concentré.

« Je suis venu de Syrie en Suisse. Tous mes amis et les personnes que je connaissais avant me posent la même question : pourquoi est-ce que je ne parle pas assez ? Parce que pour moi, les mots m’ont coûté très cher.

J’ai passé 17 ans de ma vie en prison. Je ne parlais plus. Voix d’Exils m’a redonné confiance pour pouvoir à nouveau m’exprimer. C’est la première fois que je réussis à dire ce que j’ai dans le cœur et dans la tête librement, sans avoir peur d’être puni. Le fait d’être assis ici à côté de vous est presque un miracle, quelque chose d’impossible en Syrie. Là-bas, un responsable de votre niveau est comme un dieu, inaccessible. Merci de tout cœur. »

Nous sommes tous émus.

Nous prenons congé de M. Karakash chaleureusement.

En sortant du château, nous sommes encore plus fiers. Nous nous félicitons tous. Nous rions, nous sommes complétement détendus !

La rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils