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Plus de 100’000 sans-papiers sont discrètement exploités en Suisse

Martin Sharman  "So on into life" (CC BY-NC-SA 2.0)

Martin Sharman
« So on into life »
(CC BY-NC-SA 2.0)

Témoignages de cinq femmes sans-papiers employées dans l’économie domestique

Ils viennent d’un peu partout : du Maghreb, d’Asie, d’Amérique du Sud, d’Afrique et même parfois d’Europe. Les sans-papiers sont généralement des femmes, mais il y a aussi des hommes. Certains vivent et travaillent en Suisse depuis de longues années. Voix d’Exils est allé à la rencontre de ces travailleurs et travailleuses de l’ombre exploités par des patrons peu scrupuleux.

Il est ardu de dénombrer les sans papiers car cette population est quasi invisible. Les chiffres avancés par différentes sources varient parfois considérablement entre 90’000 et 300’000. Selon le Centre de Contact Suisses-Immigrés Genève (le CSSI), ils seraient environ 150’000 actuellement. Ils sont généralement actifs dans des emplois peu qualifiés dans les secteurs de l’économie domestique, la construction, le déménagement, l’agriculture, l’hôtellerie et la restauration.

La plupart d’entre eux paient des cotisations AVS. Très discrets, ils endurent des horaires, des conditions de vie et de traitement dignes de l’esclavagisme. Ils supportent en silence le stress d’une vie dans l’ombre, sans certitudes sur l’avenir. Ils sont confrontés à toutes sortes d’abus : exploitation, escroquerie, harcèlement sexuel… Les sans-papiers sont loin de leur famille et, malheureusement, tout cela contribue à dégrader leur santé.

Bien que l’économie suisse ait besoin de ces travailleurs de l’ombre, leur grand problème est la quasi-impossibilité d’obtenir un permis de travail. Pour les ressortissants en dehors de l’Union Européenne, le seul moyen de régulariser leur situation est le mariage.

«Quand sa femme n’était pas là, mon patron posait sa main sur mon épaule et me faisait savoir que je lui plaisais et qu’il voulait aller plus loin…»

Stewart Leiwakabessy  "Narrow" (CC BY-NC-SA 2.0)

Stewart Leiwakabessy
« Narrow »
(CC BY-NC-SA 2.0)

Amal, Algérienne, 34 ans, en Suisse depuis quatorze ans

 «Une dame, dont les parents habitaient à côté de chez moi, en Algérie, m’a vendu un visa pour Frs. 2000.-. Elle a fait une demande au Contrôle des habitants, en prétendant que j’étais une parente et qu’elle m’invitait à passer un mois de vacances chez elle, en Suisse. Elle m’a hébergée quelques jours, puis une copine à elle m’a trouvé du travail.

J’ai été engagée par un couple de Suisses qui avaient deux enfants et une grande maison sur trois étages avec une piscine. Moi, j’avais une chambre à la cave, sans fenêtre. Ma patronne était très sévère et maniaque. Elle contrôlait tout ce que je faisais à la loupe. Je commençais mon travail à six heures du matin en préparant le petit déjeuner de toute la famille. J’aidais les enfants à s’habiller, à manger, je préparais leur cartable et je les emmenais à l’école. Après, je retournais à la maison, je faisais le ménage, je nettoyais les vitres des salles de bains, car ma patronne était très exigeante. Je mettais en marche les machines à laver le linge et la vaisselle, je faisais la liste des choses à acheter et je partais faire les courses. Ensuite, je retournais en courant à la maison, car je devais préparer le repas pour les petits, les chercher à l’école et leur donner à manger. Enfin, je m’accordais une pause pour me nourrir et je reprenais le ménage car la maison était très grande et je devais tout nettoyer. A, 16h00, j’allais chercher les enfants, je leur donnais le goûter et nous partions en promenade. A 18h00, c’était l’heure du bain, puis la préparation du souper pour les enfants. Je les aidais à faire leurs devoirs et les mettais au lit. Mais ma journée de travail n’était pas encore finie. Je rangeais la cuisine, je mangeais et je descendais faire le repassage. Vers 22h00, je pouvais enfin regagner ma chambre et me reposer.

Je travaillais six jours sur sept. Le dimanche, malgré que c’était mon jour de repos, je devais tout ranger et préparer à manger avant de sortir. J’étais jeune et jolie. Quand sa femme n’était pas là, mon patron posait sa main sur mon épaule et me faisait savoir que je lui plaisais et qu’il voulait aller plus loin… Mais moi, je lui répondais que cela ne m’intéressait pas même si j’avais peur de perdre ma place. Mon salaire était de Frs 1200.- par mois. Il était déclaré, sauf que la famille ne déclarait pas toutes mes heures de travail. »

Nick Kenrick, (CC BY-NC-SA 2.0)

Nick Kenrick, (CC BY-NC-SA 2.0)

«On m’a donné un petit coin dans une cave, alors qu’il y avait des pièces non occupées dans la maison»

Ilda, Brésilienne, 27 ans, en Suisse depuis trois ans

«J’ai trois enfants que j’ai laissés au pays. Je suis sans statut légal. Au Brésil, il y a un réseau qui vend des visas. C’est le couple qui m’a engagée qui m’a procuré un visa et l’a payé. Ma patronne m’a fait passer pour sa nièce qu’elle invitait pour des vacances en Suisse. J’ai travaillé dans cette famille brésilienne avec trois enfants. Ils habitaient une grande maison et m’ont donné un petit coin dans une cave, alors qu’il y avait des pièces non occupées. Ma journée commençait à 6h00 du matin par la préparation du petit déjeuner. J’aidais les deux filles de 5 et 8 ans à s’habiller, je leur préparais le goûter, car elles restaient à l’école jusqu’à 16 heures. A 07:30, le bus de l’école privée venait les chercher. Après je m’occupais de la petite dernière, un bébé de 8 mois. Ma journée entière était consacrée aux enfants, à la maison qui comptait douze chambres et trois salles de bains. Le soir, coiffer et sécher les cheveux des filles me prenait beaucoup de temps. Les enfants mangeaient à la cuisine et les parents dans la salle à manger. Après le souper, les parents s’occupaient un peu de leurs enfants pendant que je rangeais, lavais, repassais… Je gagnais 1000 francs déclarés. Sauf que mes patrons ne déclaraient pas l’intégralité des mes heures. J’ai quitté la famille après une année, en espérant trouver de meilleures conditions de travail ailleurs.»

« J’étais maltraitée, mais comme ils m’avaient confisqué mon passeport, j’étais piégée »

.pipi. « window » (CC BY-NC-SA 2.0)

.pipi. « Window » (CC BY-NC-SA 2.0)

Afa, Tunisienne, 35 ans, en Suisse depuis 10 ans

 «Une cousine m’a fait un visa pour la France, elle avait une amie qui habitait en Suisse et elle m’a mis en contact avec elle. Comme je n’avais pas de travail et que je vivais dans une grande précarité, je me suis dit que j’allais tenter ma chance en Suisse. J’avais 25 ans, ça fait dix ans, que je suis là.

J’ai fait des petits boulots à gauche et à droite. Déjà, c’est très difficile de trouver un travail à cause de ma nationalité. Quand j’en trouvais un, c’était toujours très mal payé et les conditions étaient très difficiles. J’ai travaillé pour un couple. Monsieur était Suisse et travaillait dans une banque et Madame était Italienne et travaillait dans une société. Ils avaient trois enfants. Ils me donnaient Frs. 800.- par mois. J’étais ni nourrie, ni logée. Je partageais une chambre avec une autre dame portugaise. Je travaillais 6 jours sur 7 et ils ne me payaient pas le transport. Le matin, j’arrivais à 07:30, je préparais le grand, je l’accompagnais à l’école et je retournais à la maison pour m’occuper des deux petits et du ménage. Je faisais tout le travail de maison. Le mercredi et le samedi, j’allais faire les courses au marché, parce que Monsieur et Madame avaient des goûts de luxe. J’étais maltraitée, mais comme mes patrons m’avaient confisqué mon passeport, j’étais piégée. Parfois, je restais jusqu’à une heure du matin pour garder les enfants, pendant que les parents avaient une invitation. Je suis restée quatre ans dans cette situation, car j’avais peur qu’on me dénonce si jamais je partais. Avec l’argent que je touchais, je pouvais seulement payer mon loyer et mes transports. Je n’avais même pas assez d’argent pour me nourrir, et je ne pouvais pas me soigner. A l’époque il n’y avait pas de service à l’hôpital cantonal qui soigne les sans-papiers gratuitement comme c’est le cas actuellement. Ma vie de sans-papiers est très compliquée. Pour chaque petite chose, je dois demander à un tiers : pour un abonnement de portable, pour le logement… Je ne suis pas libre et ce n’est pas facile de vivre dans ces conditions de précarité. Le seul moyen de régulariser ma situation, c’est le mariage»

«Je me suis trouvée à la rue sans argent après six années de travail»

Fabiana Zonca, Shadow of a woman - the light at the end of the tunnel, (CC BY-NC-SA 2.0)

Fabiana Zonca, « Shadow of a woman – the light at the end of the tunnel », (CC BY-NC-SA 2.0)

Remziya, Turque de 40 ans

Je suis arrivée en Suisse à l’âge de 20 ans. C’est ma cousine qui m a fait un visa touristique pour un mois, mais je ne suis jamais repartie car elle avait besoin de moi pour l’aider à la maison avec ses enfants. Je ne parlais pas un mot de français et je n’avais pas de contact avec l’extérieur. Je suis restée dans cette situation quatorze ans et ma cousine ne m’a jamais rien payé. Elle disait que chez elle j’avais besoin de rien car j’étais nourrie, logée et blanchie.

Ensuite, j’ai travaillé dans une famille suisse, et comme je ne pouvais plus loger chez ma cousine, ils ont pris un appartement à leur nom. Pour la caution, ils prélevaient chaque mois Frs. 50.- en plus du loyer qui était de Frs. 700.-. J’ai travaillé chez eux pendant six ans. Je me suis occupée de leurs quatre enfants. Le couple était froid. Je faisais partie des meubles. Tous les matins, je me réveillais à 05:00. Je me préparais pour allez travailler. Je sortais de chez moi a six heure et je devais changer à trois reprises de bus, car la famille habitait la compagne genevoise. J’arrivais vers 07:30 quand le couple partait au travail. Ils travaillaient les deux dans le secteur bancaire. Je commençais le travail en préparant le petit déjeuner de la grande, et les biberons des trois petits. Les enfants étaient adorables. J’avais toujours un accueil très chaleureux avec des câlins et des bisous. Je m’occupais d’eux jusqu’à dix-huit heures jusqu’à ce que les parents rentrent à la maison. La sixième année, la dame est tombée malade d’un cancer, malheureusement. J’étais très attachée à leurs enfants, mais la vie était devenue impossible, car il y avait beaucoup de violence au sein du couple. Puis, comme l’état de santé de la maman s’était dégradé, je devais alors m’occuper de leurs enfants 24 heures sur 24, 6 jours sur 7. Pendant une année, mon salaire est resté le même de Frs. 1000.- et mon loyer de Frs. 700.- malgré les heures de travail supplémentaires que je faisais. Mais, malheureusement, l’appartement était à leur nom. Ils m’ont alors mise dehors et ils ont pris une jeune fille au-pair canadienne, qu’ils allaient payer seulement Frs. 600.-. Ils m’ont expliqué que, soi-disant, la dame ne travaillait plus et ils n’avaient plus assez d’argent pour me payer. J’avais donné une caution de trois mois de loyer qu’ils ne m’ont jamais remboursé et je me suis retrouvée a la rue, sans argent, après six ans de travail. Les gens ont toujours des astuces pour profiter de la vulnérabilité des sans-papiers.

« Je gagnais 100 francs par mois et pendant des mois je n’ai plus rien reçu »

João Almeida  "Blurry silhouette" (CC BY-NC-SA 2.0)

João Almeida
« Blurry silhouette »
(CC BY-NC-SA 2.0)

 Najat, Marocaine de 40 ans

 Je travaillais pour une dame marocaine comme nounou au Maroc. Cette dame s’est mariée avec un Suisse et elle est venue s’installer à Genève, avec ses enfants. Comme j’étais attachée à ses enfants et que les enfants étaient aussi attachés à moi, un ami de cette dame m’a fait un visa. Je ne sais pas vraiment comment il a réussi à l’avoir. Mon salaire est resté le même : 100 francs par mois et pendant des mois je n’ai plus rien reçu.

Une autre dame marocaine m’a proposé du travail chez elle. Ma journée commençait à six heures du matin au restaurant de la dame. Je devais nettoyer et éplucher les légumes. A dix heures, elle arrivait pour commencer à préparer le menu et vers onze heures je devais me rendre à la maison pour récupérer les enfants et leur préparer à manger. Vers 13:00, je les amenais à l’école, puis je retournais à la maison pour tout nettoyer, ranger et faire le repassage. A 16:00, je devais chercher les enfants à l’école et m’occuper d’eux jusqu’à 18:00. Une jeune fille prenait après la relève et je devais retourner au restaurant pour aider Madame jusqu’à la fermeture. Ensuite, Madame partait avec des amis faire la fête. Quand je rentrais à la maison, la personne qui venait garder les enfants rentrait chez elle et moi, je prenais la relève. Madame rentrait en général à 05:00 du matin avec Monsieur. Elle ne m’a pas payé pendant plusieurs mois en prétextant que son restaurant ne fonctionnait pas bien et comme je ne parlais pas un mot de français et que je dépendais vraiment d’eux, j’acceptais la situation.

Sandra

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos :

Cliquez ici pour accéder à la plate-forme nationale pour les soins médicaux aux sans-papiers




Le ministre bernois Hans Jürg Käser réitère ses excuses pour avoir qualifié les requérants d’asile de «petits nègres»

De gauche à droite : M. Celeste Ugochukwu, Président du Conseil de la Diaspora Africaine en Suisse M. Hans Jürg Käser ministre bernois de la police et des affaires militaires et Mme Emine Sariaslan la Présidente du FIMM.

De gauche à droite : M. Celeste Ugochukwu, Président du Conseil de la Diaspora Africaine en Suisse; M. Hans Jürg Käser, ministre de la police et des affaires militaires du canton de Berne et Mme Emine Sariaslan, Présidente du FIMM.

Qualifiant a plusieurs reprises de «petits nègres» les requérants d’asile lors d’une présentation du centre pour demandeurs d’asile de centre de Berthoud (BE), le 11 septembre dernier, les propos du ministre bernois de la police et des affaires militaires avaient provoqué un tollé. Ce dernier a réitéré ses excuses auprès du Forum pour l’Intégration des Migrantes et des Migrants (FIMM) et du Conseil de la Diaspora Africaine en Suisse lors d’une rencontre qui s’est déroulée le 4 novembre dernier.

Le ministre bernois de la police et des affaires militaires, M. Hans Jürg Käser, avait déclaré lors d’une présentation à des visiteurs du centre pour demandeurs d’asile de Berthoud (BE), en date du jeudi 11 septembre 2014, que chaque «Negerbubli» (petit nègre) sait que la Suisse est un pays de cocagne. Ces propos, rapportés par un journaliste du quotidien Der Bund, avaient provoqués l’indignation de plusieurs organisations et institutions telles que la Commission fédérale contre le racismele Forum pour l’Intégration des Migrantes et des Migrants (FIMM) et le Conseil de la Diaspora Africain de SuisseM. Hans-Jürg Käser avait confirmé le lendemain avoir prononcé ces mots, mais avait justifié les avoir utilisés pour démontrer aux visiteurs du centre comment la pression migratoire est élevée et a ajouté avoir choisi un langage accessible à tous. Ce dernier se défendait d’être raciste, mais avait concédé avoir utilisé une formulation «peut-être maladroite» et avait présenté ses excuses. Pour répondre à ces propos du ministre, une lettre ouverte signée conjointement par le Forum pour l’Intégration des Migrants et des Migrantes (FIMM) et le Conseil de la Diaspora Africain de Suisse lui avait été adressé. Les deux organisations ont appelé le ministre à utiliser «un langage respectueux et non discriminatoire» et ont sollicité une entrevue.

Sur invitation du Conseiller d’État, la Présidente du FIMM, Mme Emine Sariaslan, la Responsable de la communication du FIMM, Mme Heidi Mück et le Président du Conseil de la Diaspora Africaine en Suisse, M. Celeste Ugochukwu l’ont rencontré le 4 novembre dernier. Au cours de cette entrevue, qui s’est déroulée, selon les plaignants, «dans une ambiance amicale, sincère et digne», M. Käser a réitéré ses excuses pour ses propos. Les parties ont convenu de la nécessité «d’une utilisation prudente de la langue pour favoriser le dialogue sur les questions de migration et surmonter les préjugés» et ont décidé de rédiger un communiqué de presse commun ce qui, entretemps, a été fait.

Pour les deux organisations, cette affaire est aujourd’hui «réglée».

Alex

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Je suis clandestin, mais je suis toujours là

Auteur: Roma.

Auteur: Roma.

Témoignage

Comment devient-on clandestin après être requérant d’asile? Tout d’abord, une personne peut faire une demande d’asile en Suisse et reçoit une première réponse négative de la part de l’Office fédéral des migrations (l’ODM). Elle fait alors recours, mais sa demande est rejetée une seconde fois suivie d’une réponse négative du Tribunal administratif fédéral (TAF). Le séjour devient alors illégal et l’on passe dans la clandestinité. Mais pourquoi ne quitte-t-on pas la Suisse lorsque qu’on est clandestin ? C’est une bonne question! 

La plupart des personnes migrent généralement en Suisse pour avoir une vie meilleure. La grande majorité des familles, et même une personne seule qui a laissé sa famille derrière elle, sacrifient presque tout pour venir dans ce pays. Ils vendent tout: leur maison, leur voiture, etc. et ils n’ont plus rien.

Je vais commencer par le début de l’histoire. Une fois que l’on a réussi à se rendre en Suisse, qu’est-ce qui nous attire dans ce pays ? Qu’est-ce qui nous fait tomber amoureux de ce pays? Pourquoi les Suisses sont si intéressants pour nous? À mes yeux, les raisons principales sont qu’on traite ici tout le monde de la même manière, qu’il y a du respect mutuel, qu’il n’y a pas de corruption et que le niveau de vie est bon. Pourquoi ne voudrions-nous pas rester définitivement alors? Ça, c’est la grande question! Pour cela, il faut faire différentes choses. Mais débuter par quoi ? Tout d’abord, il faut apprendre une langue nationale. Cela commence bien. On va à l’école. Ma femme, mon fils, ma fille et moi-même, on est dans la même classe ! La vie est complètement gratuite, on a pas besoin de travailler sept jours sur sept, 15 heures par jour pour avoir un petit bout de pain.

Après avoir acquis les connaissances suffisantes d’une d’une langue nationale, j’ai commencé à me sentir petit à petit intégré. Vous pouvez me féliciter parce que j’ai alors trouvé un travail ! J’ai travaillé pendant trois ans, tout le monde était content de moi. Alors tant mieux! Franchement, je veux vous dire une chose: c’est très dur pour moi de travailler en Suisse car c’est très exigeant, mais j’ai réussi.

Puis, après quatre années de vie en Suisse, j’ai reçu une mauvaise nouvelle. Vous savez ce qui s’est passé ? J’ai dû quitter mon travail sur le champ. Pourquoi ? Alors c’est la politique Suisse. Avant de me faire arrêter mon travail, personne n’a demandé l’avis de mon patron. C’est vrai que c’était très dur de trouver un travail avec un permis N. Je ne suis pas sûr que mon patron engagera à nouveau des personnes avec ce permis après cette histoire.

Alors, grâce à cette politique Suisse, je suis là, ça fait 8 ans et sans emploi. Vous pensez que j’accuse les politiciens suisses? Mais non! Ça fait quatre ans que je ne travaille pas et je touche la même somme que lorsque je travaillais. Mais je suis confronté à un problème : depuis que l’ODM  m’a fait arrêter de travailler, je pense beaucoup, j’ai mal à la tête, j’ai presque mal partout. Alors, pour cette raison, je dois me rendre deux à trois fois par semaine chez le médecin. Franchement, je ne sais pas combien ça coûte les médicaments chaque mois, mais je n’ai pas le choix. Quand je travaillais, j’étais vraiment en bonne santé, qu’est-ce qui m’arrive depuis ? Je ne sais pas.

Aujourd’hui, ça fait huit ans que je suis en Suisse, j’ai tout ce qu’il me faut, mais je suis clandestin. Pourquoi? Parce que je n’ai pas de permis. Vous savez, la Suisse veut que je quitte le pays, mais je ne veux pas, surtout après avoir vécu huit ans ici. En toute honnêteté, je n’ai jamais croisé une personne qui voulait volontairement quitter la Suisse, sauf ceux qui franchissent les frontières pour commettre des braquages.

Je pense qu’on peut facilement faire le calcul : garder des personnes des années sans emploi ou leur donner l’autorisation de travailler. Quelle est la bonne politique? Je ne peux pas vous le dire. Mais, pour ma part, j’ai perdu l’habitude de travailler et, aujourd’hui, je ne sais pas si je pourrai réintégrer le marché de l’emploi.

Roma⃰

Contributeur externe de Voix d’Exils

⃰ Roma est un pseudo

Roma : illégal en Suisse mais reconnu comme réfugié par son pays d’origine

Roma est un homme de 40 ans originaire de la ville de Khodjaly, sise dans la région du Haut-Karabakh qui se trouve en Azerbaïdjan. La région du Haut-Karabakh est actuellement occupée par l’armée arménienne depuis 1992. Durant la nuit du 25 au 26 février 1992, les troupes arménienne ont envahi la ville de Khodjaly et ont exterminé en quelques heures 613 civils, dont 106 femmes et 83 enfants. Ce dernier affirme que son statut de réfugié est reconnu par son pays d’origine.




Le festival des chorales africaines chrétiennes, ou l’expression d’une foi transculturelle

chant de l'amitié avec toutes les chorales. Photo: Voix d'Exils

chant de l’amitié avec toutes les chorales. Photo: Voix d’Exils.

Plusieurs chorales africaines chrétiennes de Suisse s’étaient donné rendez-vous le samedi 26 avril 2014 dernier dans le canton de Berne – précisément à Bienne – dans la paroisse catholique Christ-Roi à l’occasion de la deuxième édition du festival du festival des chorales chrétiennes d’expression africaine.

Ce festival a été initié en 2012 par Migratio, organe de la Conférence des Évêques Suisses qui s’occupe de la pastorale des migrants et des gens du voyage. Ce service traite des besoins pastoraux, culturels et sociaux des migrants et de leurs familles ainsi que des gens du voyage.

Balafon en action, à côté, en noir et blanc, la chorale Capverdienne. Photo: Voix d'Exils.

Balafon en action, à côté, en noir et blanc, la chorale Capverdienne. Photo: Voix d’Exils.

« Offrir aux chrétiens venus d’Afrique un espace d’expression de leur foi »

En lançant l’idée d’un rassemblement des chorales africaines tous les deux ans, le directeur de Migratio d’alors, Monsieur Marco Schmid, voulait « offrir aux chrétiens venus d’Afrique, un espace d’expression de leur foi qui est en même temps une vitrine pour la promotion des valeurs chrétiennes africaines en Suisse », nous a-t-il confié.

La première édition a eu lieu à Berne en avril 2012. Pour cette deuxième édition, la journée a commencé à 8h30 avec l’accueil et le petit déjeuner servi par l’organisation aux choristes venus de Bâle, de Zurich, de Fribourg, de Delémont et de Bienne, lieu d’accueil. Pour rendre la fête plus belle, une chorale africaine était venue de Strasbourg, en France. Quant aux nationalités, il y avait des Capverdiens, des Congolais (de Kinshasa et du Congo Brazzaville), des Camerounais, des Togolais, des Ivoiriens et des Suisses amis de l’Afrique.

L'entrée de la chorale Africaine de Fribourg. Photo: Voix d'Exils.

L’entrée de la chorale Africaine de Fribourg. Photo: Voix d’Exils.

C’est à 10h15 que le festival proprement dit a débuté, avec le mot de bienvenue prononcé par Oscar Kayembe, l’un des organisateurs de l’événement. Dans une ambiance festive propre à l’expression de la joie de vivre africaine, chaque chorale disposait de 15 minutes de prestation au cours de la première partie de la journée qui s’est terminée à 12h30 par le repas offert aux festivaliers dans la grande salle de la paroisse Christ-Roi.

A 14h15, ce fut le début de la deuxième partie, avec la deuxième prestation de chaque chorale. Il faut signaler que l’ambiance était plus électrique pendant cette deuxième partie. Les choristes redoublaient d’ardeur, les chants et les danses qu’accompagnaient aussi bien des instruments traditionnels tels que le balafon, les maracas, le tam-tam que des instruments modernes comme la guitare, le synthétiseur, la flûte, mettaient l’église en effervescence.

Le temps fort de la journée fut le chant de l’amitié. Ici les choristes des différentes chorales se sont retrouvés autour de l’autel de l’église pour chanter ensemble un chant d’amitié et de fraternité. Les différences d’origines et d’appartenances avaient disparues, l’espace d’un chant, pour laisser place à une expression unanime d’une foi transculturelle.

Par la suite, une petite pause de vingt minutes a permis aux participants de souffler un moment avant la messe de clôture. Celle-ci était célébrée par l’abbé Nicolas, curé de la paroisse Christ-Roi et concélébrée par deux prêtres camerounais et un prêtre congolais travaillant en Suisse. La journée s’est clôturée à 18h20 avec les remerciements des festivaliers et l’annonce du prochain festival qui aura lieu à Fribourg en 2016.

« Une belle démonstration de la foi chrétienne multiculturelle »

Messe de clôture. Photo: Voix d'Exils.

Messe de clôture. Photo: Voix d’Exils.

Cette journée n’a pas manqué de réjouir les paroissiens de Bienne et tous les autres participants. Interrogé à la sortie de la messe, monsieur Bernard Müller nous a avoué sa joie « de voir une belle démonstration de la foi chrétienne multiculturelle et animée, qui tranche avec nos liturgies habituelles suisses qui sont ternes et manquent parfois de vitalité. Il y a là un signe encourageant de l’intégration des chrétiens africains en Suisse ». Pour sa part, Marlène, une participante d’origine congolaise a laissé éclater sa joie en ces termes : « ce fut un moment magique que nous venons de vivre. Il nous replongé dans nos racines et nous a tiré de nos angoisses de tous les jours, ne serait-ce que l’espace d’une journée ».

Ainsi s’est achevée cette belle journée pleine d’émotions, de joie, de bonne humeur et de souvenirs. Reste à espérer que cette joie se poursuive dans le quotidien de chacune et de chacun et que les valeurs culturelles et chrétiennes célébrées ici imprègnent la vie de tous les jours. Sans quoi, ce genre de rencontres se réduirait à une simple démonstration folklorique engendrant une euphorie éphémère.

Angèle Bawumute

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

 

 

 

 




Fouilles et contrôles d’identité : nos droits et devoirs

Auteur: Emilia Tjernström. (CC BY-NC-SA 2.0)

Auteur: Emilia Tjernström. (CC BY-NC-SA 2.0).

Les requérants d’asile subissent fréquemment des fouilles et des contrôles d’identité de la part des forces de l’ordre, mais ignorent souvent leurs droits dans de telles situations. Pour répondre à ces interrogations, un rédacteur de Voix d’Exils – juriste de formation – fait le point sur la question et inaugure avec cet article une chronique juridique.

 

 

Dans le cadre de sa fonction de surveillance de la sécurité publique, la police a le droit de contrôler l’identité de toute personne résidant dans la zone de sa compétence juridique quel que soit son statut.

Généralités à propos des fouilles et des contrôles d’identité

Toute personne doit toujours pouvoir justifier de son identité avec un document écrit. Il n’est pas obligatoire d’avoir sa carte d’identité sur soi, mais la police peut exiger de voir un abonnement de bus, de CFF, un permis de conduire, un permis de séjour pour pouvoir contrôler le nom, le prénom et la date de naissance. Si elle n’a rien sur elle, la police peut procéder à des contrôles par radio ou demander à la personne de les suivre au poste de police pour vérifier son identité.

Si la personne a commis une infraction ou est suspectée d’y avoir participé, la police peut l’emmener au poste pour prendre des photos ou des empreintes et vérifier son identité.

La fouille n’est possible qu’en cas d’indices que cette personne a commis une infraction et qu’elle pourrait avoir sur elle des objets volés, interdits par la loi (comme des drogues), pouvant être dangereux, ou menacer la police pendant son contrôle. La fouille ne peut avoir lieu en public, mais devra avoir lieu au poste de police. Si la personne a commis une infraction, ou est suspectée d’en avoir commis une, et qu’elle est emmenée au poste de police, elle a le droit de téléphoner à sa famille ou à ses amis pour les prévenir.

Les motifs du contrôle d’identité 

 – Art. 20 de la loi sur la police : outre les contrôles spécifiques des étrangers, les forces de l’ordre peuvent contrôler votre identité s’il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’une personne a commis ou a tenté de commettre une infraction, se prépare à commettre un crime ou un délit, ou est susceptible de fournir des renseignements sur une enquête pénale en cours, ou fait l’objet de recherches judiciaires.

– Mais le Procureur peut aussi requérir des contrôles d’identité pour les infractions qu’il précise (recherches de stupéfiants, port d’armes…). Enfin, l’identité peut être contrôlée pour « prévenir une atteinte à l’ordre public ».

Sans pièce d’identité valable, que fait la police ?

– Si vous n’avez pas de preuve de votre identité, vous pouvez être retenu par la police qui souhaite vérifier votre identité pendant 4 heures maximum à partir de début du contrôle.

– Ne tentez pas de vous soustraire par la force à un contrôle d’identité, c’est un délit de rébellion. Restez toujours calme et poli. (Art. 286 du Code de procédure pénale) (CPP).

Que faire lors d’un contrôle d’identité ?

– Vous avez le droit de faire aviser le procureur de votre rétention. Le procureur doit être informé dès le début de la rétention. Exercez le droit de faire prévenir le procureur (Art. 107.a du CPP).

– Une copie du procès-verbal (documents rédigés par les policiers et décrivant l’interpellation ou la vérification d’identité) du contrôle d’identité doit vous être remise après 4 heures, (s’il n’y a pas de garde à vue par la suite). Vous devez exiger-ce document.

– Si les policiers sont agressifs lors d’un contrôle d’identité, restez polis, ne les tutoyez pas, même s’ils vous tutoient, ne faites aucun geste violent à leur égard, car cela peut entraîner des procédures d’outrage ou de rébellion, ou de violences sur personne dépositaire de l’autorité publique. Des peines d’emprisonnement sont encourues et vous pouvez être jugés en comparution immédiate.

– Si vous n’êtes pas d’accord avec le contenu du procès-verbal, vous pouvez refuser de le signer.

– Lors de l’interpellation, la police peut seulement accomplir sur vous une palpation de sécurité. Il s’agit d’une recherche extérieure, à travers les vêtements, d’objets dangereux pour la sécurité du porteur ou d’autrui. Cela ne peut en aucun cas consister en des attouchements ou une fouille au corps.

– Les policiers n’ont pas le droit de vous faire subir des violences, ni physiques, ni morales (art 222-13 du CP et article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme).

– Vous avez des droits que les policiers ne peuvent vous refuser, comme ceux de voir un interprète, un avocat, un médecin. S’ils vous ont été refusés, faites noter dans le procès-verbal que vous les avez demandés ou bien notez-le vous-même avant de le signer.

Parlez-en impérativement à votre avocat, car le non-respect de vos droits rend toute la procédure nulle. Si vous êtes demandeur d’asile, retenu par la police (4 jours), vous pouvez être ensuite placé en rétention administrative pendant 16 jours sur décision du juge, soit 20 jours au total en rétention.

En conclusion, nous vous invitons à connaître vos droits pour accéder à une plus grande liberté.

Simon Haikou

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Sources :

Loi sur la police, Convention européenne des droits de l’homme, Code de procédure pénal suisse.

Pour creuser le sujet :

« Vos droits face à la police », brochure éditée par l’Observatoire des pratiques policière de Genève, Edition 2011. Pour obtenir la brochure, cliquez ici.