« Campus Monde »
Un documentaire de N’tifafa Yannick Édoh Glikou qui était à l’affiche du Festival Cinémas d’Afrique à Lausanne
« CAMPUS MONDE », film documentaire du réalisateur togolais N’tifafa Yannick Édoh Glikou, était à l’affiche de la 18ème édition du Festival Cinémas d’Afrique qui s’est tenu à Lausanne la semaine dernière. Il nous livre comment à Abidjan, au sein d’un cabinet de conseils en « émigration intelligente », des jeunes ivoiriens apprennent à déjouer habilement les pièges des entretiens imposés par les institutions occidentales accordant des visas. En première mondiale au Festival international de cinéma Vision du Réel à Nyon, le film a gagné le prix du meilleur moyen métrage.
Le documentariste pose sa caméra dans les locaux d’un cabinet de conseils dénommé « CAMPUS MONDE ». Des hommes et des femmes viennent y chercher une issue pour l’obtention d’un visa. Soit pour aller trouver du travail, pour une visite familiale et, surtout, pour aller poursuivre leurs études en Occident, notamment dans des pays comme le Canada, les Etats-Unis, l’Australie, la France ou l’Angleterre.
Les agents du cabinet orientent ces jeunes dans leurs choix universitaires et leur proposent Des parcours qui sont censés correspondre au mieux à leurs profils et, surtout, à leurs budgets.
Parfois, les frais de scolarité comprennent ceux liés au séjour académique, de visa, au traitement de dossier, à l’apprentissage de l’anglais et tout le coaching pour mener à bien l’entretien à l’ambassade. Ils peuvent s’élever à plusieurs dizaines de milliers de dollars. Cela dépend du pays et de l’université choisis.
Il était mille fois
La voix du narrateur intervient dans le film « « CAMPUS MONDE », approche choisie par N’tifafa Yannick Édoh Glikou pour s’interroger et partager son point de vue ainsi que le regard qu’il porte sur cette question migratoire à travers ces procédures de visas. Cette voix poétique et politique qui touche la sensibilité du téléspectateur fait de ce film une question posée au Nord et au Sud.
La voix raconte « Il était une fois la jeunesse au sud qui cherchait à voyager, celle voulant croire que partir était l’unique solution. Se réaliser ailleurs, sans même un projet, ou acheter tout passeport rempli d’illusions. Mais à quel prix ? Et pour quelle vie ?»
Interview de N’tifafa Yannick Édoh Glikou
Voix d’Exils a demandé au réalisateur du documentaire si « « CAMPUS MONDE » est une dénonciation de ce système qu’il qualifie « d’infâme ». Il répond à la fois par oui et par non. « Non, parce que quiconque vivant sur un territoire est en mesure de le développer et de s’y épanouir. Pour preuve, certaines et certains ne quittent jamais leur pays car c’est un havre de paix, d’opportunités, de réussite et de liberté ». La voix du conteur le dit d’ailleurs « Pourquoi ne pas rester ? Pourquoi ne pas tout simplement chercher à se réinventer ? »
Le réalisateur précise également à Voix d’Exils qu’il a voulu montrer le dessous des cartes : cette discrimination dans la procédure d’octroi de visas et tout ce qui en est le fondement. Pour lui, ce n’est pas judicieux que les natifs du sud soient sélectionnés.
« Pour celui ou celle qui s’inscrit dans une école huppée, le visa est assez vite cédé. Tandis que pour les fils du mal loti, il reste une loterie. Cruel sésame ! Système infâme ! » s’exclame-t-il.
Une clé précieuse ou un laissez-passé?
N’tifafa Yannick Édoh Glikou reconnaît que la fermeture des frontières est légitime « que chacun est libre de mettre une serrure à sa porte ». Néanmoins, il trouve regrettable que pour accorder un visa, on demande à certaines et certains d’étaler toute leur vie (comptes bancaires, vie familiale, données sanitaires…) alors qu’à d’autres rien du tout. Que pour certaines et certains, ce visa est une clé précieuse qui peut changer une vie; alors que pour d’autres, c’est un laissez-passer tout simplement.
« Celles et ceux qui ont faim de nourriture physique, de nourriture intellectuelle, qui ont faim de liberté d’expression et craignent pour leur sécurité vivent sur des terres qui regorgent de richesses insoupçonnées, mais n’en profitent pas, parce que soit c’est la faute de leurs dirigeants soutenus par celles et celles qui imposent les règles, je trouve cela cruel » déplore N’tifafa Yannick Édoh Glikou.
A un moment donné du film, le réalisateur de « « CAMPUS MONDE » sort sa caméra du cabinet et filme le travail des hommes et des femmes dans les quartiers d’Abidjan. Il fait voyager le spectateur dans cette grande ville truffée d’enseignes lumineuses arborant des grandes marques occidentales.
Par la voix du narrateur, le réalisateur s’interroge: « Est-ce le voyage ou le travail qui forme la jeunesse ? Est-ce le visa ou les convictions qui redressent ? »
Le film « CAMPUS MONDE » poursuit son parcours. Il est actuellement en sélection aux « États Généraux du film documentaire de Lussas » en France.
Mireille Niyonsaba
Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils
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