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« J’aimerais que toutes les armes se taisent »

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Prières dans les décombres d’une église bombardée de la région de Shuschi.

Entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, une guerre sans fin

En automne 2020, l’Azerbaïdjan attaque l’Arménie dans l’indifférence quasi générale. Exilée en Suisse avec son mari et ses deux fils, notre rédactrice arménienne Anahit vit la guerre à distance à travers les médias et les appels téléphoniques avec sa famille, restée sur place. Une année après, la guerre n’est toujours pas finie. Elle continue à faire des ravages dans une autre région du pays.

Arménie. Source: Wikipédia

« C’était le 27 octobre 2020. J’avais rêvé que des bombes explosaient partout et que le feu tombait du ciel sur l’Arménie. Tout le monde criait et il y avait beaucoup de morts. J’étais effrayée, paralysée, je ne pouvais rien faire…

A mon réveil, je tremblais de peur et j’ai entendu mon mari crier depuis la salle à manger : « L’Azerbaïdjan a de nouveau attaqué l’Arménie. Il a déclenché une guerre violente ! »

Mon premier réflexe a été d’appeler mes parents qui vivent là-bas, dans la région du Haut-Karabagh. En neuf ans d’exil, c’est la première fois que ma maman était contente que nous ayons quitté l’Arménie. Cette fois, elle était heureuse de nous savoir en sécurité en Suisse.

Beaucoup d’amis perdus

En fait, les tensions entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ne sont pas un phénomène récent puisque la guerre s’arrête et reprend par intermittence depuis 30 ans. Comme beaucoup de compatriotes, j’ai perdu beaucoup d’amis et de connaissances pendant cette longue période.

Et ce n’est pas fini. En 2020, quand je suis allée sur internet pour m’informer, j’ai vu passer des photos de jeunes hommes que je connaissais et j’ai découvert avec tristesse qu’ils étaient morts au combat. Ils avaient l’âge de mes garçons. Je me suis sentie tellement coupable… Quand on est loin de son pays natal, la distance et l’absence rendent la douleur encore plus insupportable.

La guerre de 2020 a été particulièrement violente et également inattendue, dans la mesure où le nouveau président de l’Arménie, Armen Sarkissian, avait assuré que le président d’Azerbaïdjan se voulait constructif dans sa relation avec le peuple arménien et qu’il n’y avait donc pas de risque de guerre.

Du soutien en Suisse

Dans ce contexte de tensions permanentes, la Russie, qui est censée soutenir l’Arménie, joue malheureusement un double jeu. D’une part, elle considère l’Arménie comme un pays partenaire dans lequel elle a installé plusieurs bases militaires ; d’autre part, elle poursuit l’objectif caché de partager l’Arménie entre la Turquie et l’Azerbaïdjan.

Lors de la guerre de 2020, la Russie a attendu 44 longs jours avant d’intervenir ! Elle a ensuite présenté à l’Arménie une proposition absurde, à savoir : céder 7 de ses régions à l’Azerbaïdjan en échange d’un cessez-le-feu. Cette proposition révoltante et absurde a également étonné mes amis ici en Suisse qui suivaient les nouvelles avec nous. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour les remercier d’avoir partagé notre douleur et d’avoir prié avec nous. Leur soutien a été précieux.

L’indifférence générale

Je me souviens qu’en été 2020, de terribles incendies ont ravagé l’Australie, faisant des dizaines de morts et détruisant des habitations, des forêts, des animaux… Tout le monde, y compris en Arménie, ne parlait que de ça et voulait aider les Australiens. La mobilisation pour sauver les kangourous et les koalas en danger a été générale.

Mais, sur la scène internationale, qui s’est mobilisé pour défendre les Arméniens de la région du Haut-Karabagh qui ont vécu l’enfer? Qui s’est élevé contre les bombardements azéris qui ont fait des morts, détruit des habitations, des églises et des hôpitaux ? Qui a dénoncé l’utilisation par les Azéris d’armes chimiques non autorisées ?

Aujourd’hui encore, des femmes attendent le retour de leurs fils et de leur mari. Des centaines d’hommes ont été fait prisonniers et croupissent dans des prisons azéries.

Un nouveau front de guerre

Après ses attaques meurtrières sur le Haut-Karabagh, l’Azerbaïdjan s’en est pris à la région du Syunik. On n’en parle pas, mais la guerre continue et les agresseurs ne sont toujours pas punis. Les pays européens qui auraient dû intervenir restent silencieux pour des raisons économiques : le sous-sol de l’Azerbaïdjan est riche en produits d’exportation comme le gaz et le pétrole…

Quand j’entends sur internet les déclarations mensongères du gouvernement azéri, je m’interroge : Est-ce que la communauté internationale croit en ses mensonges ? Je pense à l’affirmation selon laquelle le Haut-Karabagh est un territoire historique appartenant à l’Azerbaïdjan. Ce qui est complètement faux ! L’Azerbaïdjan a été créé par la Russie il y a 100 ans, alors que l’Arménie a été créée il y a 2500 ans.

Malheureusement, l’Arménie est un vaste champ de bataille depuis sa création, en 782 avant Jésus-Christ. Entourée par des voisins essentiellement musulmans, elle s’est démarquée par sa conversion au christianisme à partir du 4ème siècle après Jésus-Christ. Autrefois, son territoire était beaucoup plus vaste que celui que l’on connaît aujourd’hui. Il s’étendait sur des régions qui sont maintenant occupées par la Turquie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan.

L’espoir malgré tout

Beaucoup d’Arméniens ont été chassés par les Turcs après le génocide de 1915. Le pays compte une vaste diaspora à travers le monde, notamment aux États-Unis. Je conseille à celles et ceux qui voudraient comprendre notre histoire d’écouter le groupe de rock System of a Down. Ses musiciens et leur chanteur, Serj Tankian, sont tous des Américains d’origine arménienne. En 2020, en soutien au peuple arménien, ils ont organisé une grande collecte et sorti deux nouveaux titres : « Protect the Land » (Protège le pays) et « Genocidal Humanoidz » (Humanoïdes génocidaires).

Je voudrais souligner encore que les Arméniens ne sont pas des envahisseurs, mais des citoyens qui défendent leur terre et demandent que la justice fasse son travail. Même si la justice internationale est malade, comme c’est le cas actuellement, elle ne va pas mourir pour autant… Je veux garder l’espoir ! ».

Anahit

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils



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