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Série estivale – Les contes d’Arménie (3/5)

Illustration: Kristine Kostava / Voix d’Exils

Il était une fois, un homme incapable de saisir sa chance…

Le conte que vous allez lire est l’œuvre de Hovhannes Tumanyan (1869-1923). Poète, romancier, conteur et père de dix enfants, il est considéré comme un des plus grands écrivains arméniens. Et aussi l’un des plus populaires. C’est de sa mère, réputée pour ses talents de conteuse, qu’il tenait son goût pour ce style littéraire dans lequel il excellait.

 

L’homme stupide

Il était une fois un homme qui travaillait beaucoup, mais qui était très pauvre. Un jour, il décide de rendre visite à Dieu et de lui demander ce qu’il doit faire pour sortir de la pauvreté.

En chemin, il rencontre un loup qui l’arrête et le questionne : « Où vas-tu ? »

« Je vais voir Dieu, j’ai une question à lui poser », lui répond le pauvre homme.

« Si tu le vois, dis-lui qu’il y a un loup affamé qui ne mange jamais à sa faim et qui aimerait bien avoir une fois le ventre plein », lui demande le loup.

« D’accord ! », lui répond l’homme en poursuivant sa route.

Peu après, il rencontre une jolie jeune femme qui lui pose la même question : « Où vas-tu ? »

« Je vais voir Dieu, j’ai une question à lui poser. »

« Si tu le vois, dis-lui qu’il y a une jeune femme, riche et en bonne santé, mais qui n’est pas heureuse. »

« Je le lui dirai », promet l’homme, qui repart aussitôt.

Il rencontre ensuite un arbre desséché et gris, près d’une rivière.

« Ou vas-tu voyageur ? », demande l’arbre sec.

« Je vais voir Dieu, j’ai une question à lui poser. »

« Si tu le vois, dis-lui qu’il y a un arbre, au bord de l’eau, mais qui est toujours sec et qui n’arrive pas à avoir de belles feuilles vertes. »

Le pauvre homme accepte et continue à marcher jusqu’à ce qu’il trouve enfin celui qu’il cherchait.

« Bonjour Dieu », lui dit-il.

« Bonjour, pour quelle raison es-tu venu me voir ? », lui répond Dieu.

« J’aimerais que tu traites tout le monde de la même manière. Moi, par exemple, je travaille très dur et j’en souffre parce que je suis toujours pauvre. Alors que d’autres travaillent la moitié moins et vivent riches et tranquilles. Ce n’est pas juste! »

« Eh bien retourne chez toi maintenant, tu deviendras riche car je t’offre de la chance », lui dit Dieu.

« Merci Dieu, mais j’ai encore quelque chose à te demander », dit le pauvre homme, puis il lui raconte les problèmes du loup affamé, de la jeune femme malheureuse et de l’arbre sec.

Dieu transmet pour chacun une réponse et le pauvre homme le remercie avant de s’en aller.

« Qu’est-ce que Dieu a dit ? » l’interroge l’arbre sec qu’il croise sur son chemin du retour.

« Il a dit qu’il y a beaucoup d’or dans le sol sous tes racines. Elles n’ont donc pas suffisamment de terre pour te nourrir. C’est pour cela que tu n’as pas de belles feuilles vertes », lui explique l’homme et il fait mine de partir.

« Où vas-tu ? », s’inquiète l’arbre. « Viens donc chercher l’or ! Ça te profitera autant qu’à moi ! »

« Désolé, je n’ai pas le temps ! Je dois aller chercher la chance que Dieu m’a promise », explique le pauvre homme en s’en allant.

Il marche pendant quelque temps et rencontre la jeune femme.

« As-tu vu Dieu et lui as-tu parlé de moi ? », lui demande-t-elle pleine d’espoir.

« Dieu a dit que si tu te marieras et que tu serais heureuse. »

« Eh bien, si c’est comme ça, marie-moi ! », lui propose-t-elle.

« Non, désolé, je n’ai pas le temps de me marier, je dois aller chercher ma chance », s’excuse le pauvre homme en partant.

Sur sa route, il croise à nouveau le loup affamé, qui s’informe sur le conseil de Dieu à son intention.

« Il a dit que tu seras affamé jusqu’à ce que tu trouves un homme stupide. Une fois que tu l’auras mangé, tu seras enfin rassasié », lui détaille le pauvre homme.

Aussitôt, le loup se précipite sur lui toutes dents dehors et le mange.

Conte de son pays, librement traduit par:

Anahit

Membre de la Rédaction vaudoise de Voix d’Exils




FLASH INFOS #72

Kristine Kostava / Voix d’Exils.

Sous la loupe: des sans-papiers en grève de la faim et de la soif / réduction du nombre de procédures accélérées / les titulaires du permis C menacés

Des centaines de sans-papiers en grève de la faim et de la soif

RTS, le 20 juillet 2021

En Belgique, près de 500 personnes en situation irrégulière ont entamé une grève de la faim pour exiger des autorités de leur établir des permis de séjour temporaires « de six mois à un an » avant que leur situation ne soit examinée au cas par cas.

Après plus de deux mois, alors qu’environ 470 grévistes ont également débuté une grève de la soif, des ONGs, des associations et partis politiques de gauche se mobilisent en leur faveur et avertissent « [qu’]un drame est imminent ».

Une crise politique est annoncée au sein du gouvernement de coalition belge – au pouvoir depuis octobre 2020 – après la menace de le quitter faite ce lundi par le Parti socialiste francophone et par l’Ecolo-Groen, en cas de décès chez les grévistes. Décès qui, selon l’organisation des Médecins du monde, peut survenir « à tout moment ».

Il y a actuellement 150’000 personnes sans-papiers en Belgique. L’Organisation des Nations Unies, qui s’est aussi saisie du dossier, a lancé un appel au gouvernement belge au travers de ses deux rapporteurs spéciaux pour la délivrance de ces permis de séjour temporaires en faveur des concernés. Cela leur permettrait d’avoir accès au marché de travail et de limiter les risques de « violations des droits humains » de ces personnes.

Le Secrétariat d’État au migrations (SEM) réduit le nombre des procédures accélérées

RTS, le 22 juillet 2021

Le Secrétariat d’Etat au migrations (SEM) a annoncé la réduction du nombre des procédures d’asile accélérées suite à deux arrêts du Tribunal administratif fédéral (TAF), dans lesquels ce dernier a estimé que la « clarification de cette procédure n’était pas assez approfondie ».

Le SEM a aussi précisé qu’en conséquence de cette jurisprudence, le nombre des procédures étendues a augmenté considérablement.

Par rappel la procédure accélérée est entrée en vigueur en mars 2019, après avoir été approuvée par le peuple en juin de 2016.

Permis C : Renoncer à l’aide sociale par peur de perdre son sésame

RTS, le 25 juillet 2021

Depuis 2019, le critère de dépendance à l’aide sociale a pris plus de poids dans les décisions potentielles de retrait de permis de séjour. En parallèle, la protection garantie par le livret C, une fois le seuil de 15 ans de séjour atteint, a été supprimée.

Même si les décisions d’expulsion basées sur la perception de l’aide sociale seraient rares, la menace du retrait du permis suffit, selon une déléguée à l’intégration vaudoise, à éloigner un nombre important d’individus de l’aide sociale.

Le Secrétariat d’Etat aux migrations assure de son côté que le critère d’aide sociale a été suspendu pendant la crise sanitaire. Mesure jugée insuffisante par les milieux caritatifs.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« Vous portez les Voix de celles et ceux dont on pense tant savoir et qui pourtant sont les plus silencieux »

De gauche à droite: Ezio Leet, Ahmed Jasim Mohammed, Jovan Mircetic et Elvana Tufa de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

 Lettre ouverte à la rédaction de Voix d’Exils

Il est temps pour notre coordinateur de programme et ancien civiliste, Monsieur Mircetic Jovan, de quitter la rédaction vaudoise de Voix d’Exils. A cet effet, il a souhaité adresser un dernier mot aux rédacteurs et rédactrices qu’il a eu l’occasion de côtoyer durant son passage.

 Chers rédacteurs, chères rédactrices,

On dit souvent que chaque nouveau début est difficile. Pour ma part, je dirais plutôt que toute bonne chose a une fin. En effet, après plus de 10 mois, il est temps pour moi de quitter la rédaction vaudoise de Voix d’Exils afin de poursuivre mon chemin. Comme vous le devinez sans doute, grâce à vous, mais aussi grâce à l’ensemble des collaborateurs et collaboratrices de l’EVAM que j’ai eu l’occasion de rencontrer, mon passage à Voix d’Exils fut une expérience très agréable. Afin de mettre un point final à cette aventure à vos côtés, je vous dédie ces quelques lignes.

« Voix d’Exils est bien plus qu’un média en ligne »

Tout d’abord, je souhaite vous dire que grâce à vous, Voix d’Exils est bien plus qu’un média en ligne. En effet, grâce à vous, pour les personnes qui ont l’occasion de vivre la chose de l’intérieur, comme j’en ai eu l’occasion moi-même, Voix d’Exils prend la forme d’une expérience humaine au travers de laquelle on peut beaucoup apprendre. Grâce à vous, Voix d’Exils est une belle équipe de rédacteurs et de rédactrices qui ont des messages à faire passer et des Voix à faire entendre. Grâce à vous, Voix d’Exils ce sont aussi des vécus, des échanges et du réconfort. Comme vous le devinez, au-delà du travail que nous avons accompli ensemble, échanger avec vous, découvrir vos parcours et vos récits fut très enrichissant. Je ne cache pas d’avoir été touché par vos histoires et vos personnes. Vous m’avez permis d’apprendre, de réfléchir et parfois de relativiser. Merci pour cela.

« Ensemble nous avons réussi à faire entendre vos Voix un peu plus loin »

Nous avons souvent travaillé avec les moyens du bord. Ensemble, nous avons imaginé certains projets qui n’ont pas pu être réalisés, par manque de moyens financiers ou de temps. D’autres n’ont pas vu voir le jour en raison de la période particulière que nous traversons. Finalement, certains projets ont subitement été interrompus, car l’un ou l’une d’entre vous nous a quitté, parfois pour des raisons très réjouissantes comme l’obtention du permis B ou un stage, parfois pour des raisons plus difficiles comme une réponse négative du SEM. Néanmoins, j’estime qu’ensemble nous avons tout de même réussi à faire entendre vos Voix un peu plus loin. Au travers de vos différents articles et projets, nous avons réussi à faire passer des messages qui vous tiennent à cœur et qui méritent, n’en doutez pas, que l’on s’attarde autour d’eux. J’ai eu du plaisir à voir vos idées prendre forme et à collaborer avec vous. Merci pour cela.

« Vous êtes la ressource la plus importante de la rédaction »

Après avoir passé plus de 10 mois avec vous, je peux dire avec assurance que vous êtes la ressource la plus importante de la rédaction. Au travers de vos contributions, vous portez les Voix d’Exils de sans doute beaucoup d’autre personnes qui n’ont pas l’opportunité de mettre sur papier leurs réflexions, leurs ressentis et leurs vécus. Vous portez les Voix de celles et ceux dont on pense tant savoir et qui pourtant sont les plus silencieux. Par conséquent, je vous encourage à continuer de partager un bout de vos personnes et de vos parcours avec nous. Au travers de vos écrits, vous poussez vos lecteurs et lectrices à rompre avec leurs prénotions et balayez les clichés qui façonnent les images que nous pouvons avoir des personnes requérantes d’asile. Merci pour cela.

« Nous aurons réussi ensemble à apporter notre pierre à l’édifice »

Comme annoncé, il est désormais temps pour moi de vous quitter. Un autre civiliste viendra me remplacer et peut-être qu’avec le temps, vous m’oublierez. Peut-être que prochainement d’autres rédacteurs et rédactrices prendront le relais et deviendront les porteurs et porteuses des Voix d’Exils à votre place. Peut-être que les couloirs de l’EVAM ne se souviendront ni de mon passage, ni du votre. Pourtant, nous aurons réussi ensemble à apporter notre pierre à l’édifice et à faire raisonner vos Voix un peu plus fort et un peu plus loin. Pour ma part, je ne l’oublierai pas. Je vous souhaite que la chance et le bonheur vous accompagne peu importe où les vents vous mèneront. De mon côté, je continuerai à vous lire. Je sais que de beaux projets sont cours de préparation et me réjouis de les voir publiés. Ce fut un réel plaisir d’être membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Au revoir belle équipe.

Mircetic Jovan