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Revue de presse #50

Auteur: Damon / Voix d’Exils.

Sous la loupe : En route vers la naturalisation de 11 millions de sans-papiers aux États-Unis / Frontex dans le collimateur des ONG / Une vague de froid frappe les migrants en Grèce

En route vers la naturalisation de 11 millions de sans-papiers aux Etats-Unis

SudInfo, le 18 février 2021

Le 18 février, les démocrates ont présenté au Congrès américain l’ambitieux projet de réformes en matière d’immigration soutenu par le nouveau président Joe Biden. A cet effet, le sénateur du New Jersey – Robert Menendez – l’un des coauteurs du projet de loi a soutenu que les personnes migrantes sont des travailleurs et travailleuses sans lesquels l’économie du pays ne pourrait pas fonctionner. Par conséquent, il est temps de faire sortir de l’ombre 11 millions de sans-papiers souligne-t-il. Pour rappel, le projet de loi proposé prévoit d’ouvrir la voie vers la citoyenneté américaine à près de 11 millions de personnes en situation irrégulière. La réforme ouvrirait également le chemin de la naturalisation aux « Dreamers », ces quelques 700’000 jeunes adultes entrés clandestinement aux États-Unis pendant leur enfance.

Frontex dans le collimateur des ONG

RTBF, le 17 février 2021

Dans un rapport documenté fourni par l’ONG grecque Legal Center Lesvos, il est soutenu que l’Agence européenne de surveillance des frontières (Frontex) a enfreint le droit européen et a violé la Convention de Genève de 1951 relative aux droits des réfugiés. Ainsi, selon le rapport, l’Agence européenne est non seulement accusée d’être complice de violences à l’encontre des personnes migrantes en mer Égée et en Grèce, mais aussi d’avoir échoué à rendre compte de manière transparente, fidèle et exacte les circonstances et le nombre de refoulements dans lesquels elle est impliquée. Par conséquent, l’ONG demande la cessation des activités de l’agence en mer Égée. Dans la même lignée, l’ONG allemande Mare Liberum a fait état d’une escalade inédite des refoulements de personnes migrantes en mer Égée en 2020 impliquant également Frontex. Pour le porte-parole de Frontex, Chris Borowski, le recours de ces ONG est basé sur des allégations non prouvées et semble faire partie d’une intention plus large visant à affaiblir la solidarité européenne. Ce dernier rappelle également qu’aucune preuve de violation des droits de l’Homme n’a été apportée par une enquête interne ni par un rapport préliminaire d’un groupe de travail spécial désigné par le Conseil d’administration. Le gouvernement grec a de son côté toujours nié et a qualifié les accusations de fausses.

Une vague de froid frappe les personnes migrantes vivant dans les camps grecs

InfoMigrants, le 16 février 2021

Les conditions de vie des personnes migrantes en Grèce se sont compliquées suite à une vague de froid qui a touché le pays. Ainsi, le camp de Malakasa à Athènes, où vivent plus de 1’500 personnes – dont 700 enfants – a été submergé par la neige. L’eau et l’électricité ont été coupés. Même constat dans le camp athénien d’Eleonas. Mahmoud, un demandeur d’asile afghan, qui vit dans le camp de Diavata à Thessalonique, dans le nord du pays, témoigne des mêmes conditions météo. « On m’a attribué une place dans un conteneur. Il fait moins froid à l’intérieur, c’est vrai, mais dès qu’on sort, on se met à grelotter. Cette année l’hiver est glacial, c’est l’enfer pour ceux qui dorment sous les tentes », raconte-t-il à InfoMigrants. Inquiète, la section grecque de L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (le HCR) a offert des radiateurs dans les camps à travers le pays. Le gouvernement grec se veut quant à lui plus rassurant, en assurant que personne n’est en danger dans le camp situé sur l’île de Lesbos.

Masar Hoti

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




SATORI #1

Un autre monde

Entièrement imaginé et dessiné par notre rédacteur Ezio Leet, le premier roman graphique de Voix d’Exils retrace les aventures de Satori, un jeune homme qui a été contraint de quitter sa famille et son pays afin de rejoindre le « West-World ». Après avoir quitté précipitamment le South-World pour la première fois dans l’épisode 0, Satori arrive dans le West-Word.  Découvrez sans attendre le premier épisode intitulé « Un autre monde ».

Retrouvez dans deux semaines la suite des aventures de Satori sur voixdexils.ch.

Ezio Leet

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Je parlais avec une amie #3/3

Dessin réalisé sur caneva.com par la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Une édition limitée d’anecdotes du quotidien de l’asile

« Je parlais avec une amie » : nous l’avons toutes et tous déjà entendu et nous l’avons toutes et tous déjà prononcé. Cette formule a inspiré notre rédactrice Elvana Tufa qui a décidé de partager avec vous ses petites discussions anecdotiques – mais qui en disent long – sur son quotidien de personne en procédure d’asile (english version below).

Je parlais avec une amie de choses et d’autres et soudain cette pensée m’est venue à l’esprit

Je lui ai demandé : « Ne penses-tu pas que 2021 ressemble à une loooooongue semaine qui vient tout juste de commencer et qu’on est à peine lundi ? Puis tu te rends compte qu’on va la voir passer au ralenti, avant qu’elle ne se finisse le vendredi 31 décembre ? »

Elle n’a pas répondu pendant un moment. Peut-être qu’elle était en train de regarder le calendrier ?… Le 31 décembre 2021 ça tombe vraiment un vendredi!

Cette fois, je ne parlais pas avec une amie

Cette fois, je ne parlais pas avec une amie. J’ai juste imaginé ce dialogue, parce que je suis sûre qu’elle commence à s’ennuyer de moi et de mes 5 enfants. Je suis même persuadée qu’elle fait des blagues sur eux. La prochaine fois que je la verrai je lui dirai :

« Tu sais que dans un mois, il y aura de nouveau les vacances scolaires et je me demande s’il n’y a pas des gens sympas et géniaux qui auraient inventé une imprimante 5D ? Je pourrai facilement m’imprimer 5 fois et avoir 5 clones pour m’en occuper… »

Relire les chapitres précédents de « Je parlais avec une amie » :

Je parlais avec une amie #1/3 paru dans Voix d’Exils le 21.01.2021.

Je parlais avec une amie #2/3 paru dans Voix d’Exils le 03.02.2021.

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I was talking with a friend about random things and suddenly this thought popped into my head

I asked her :« Don’t you think that 2021 seems like a loooooong week, that has just begun and we’re still at Monday ?

But you realize that we have to see it in slow motion, in order for it to end on Friday, December 31? »

She didn’t answer for a while. Maybe she was looking at the calendar… December 31 2021 is really a Friday!

This time, I wasn’t talking to my friend

This time, I wasn’t talking to my friend. I just imagined this conversation, because I am dead sure she’s starting to get pissed of me and my five children. I’m sure she’s even making jokes on them. Next time I see or I talk to her, I will say :

« Do you know, in a month there will be school vacations again and I wonder whether there are people nice and genius enough to invent a 5D printer ? I could easily print myself in 5 copies, so I could deal with them properly. »

Read the previous chapters of « I was talking to my friend » :

I was talking to my friend #1/3 published in Voix d’Exils: 21.01.2021.

I was talking to my friend #2/3 published in Voix d’Exils: 03.02.2021.

Elvana Tufa

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Revue de presse #49

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils.

Sous la loupe : Le gouvernement suisse favorable au Pacte mondial pour les migrations / Un migrant sur trois en situation irrégulière renvoyé par l’UE en 2019 / Londres promet de vacciner gratuitement les migrants quel que soit leur statut

Le gouvernement suisse favorable au Pacte mondial pour les migrations

RTS, le 4 février 2021

Dans un message adressé au Parlement, le Conseil fédéral a soutenu l’adhésion de la Suisse au Pacte mondial pour les migrations. Selon le gouvernement, refuser ce pacte aurait des répercussions négatives pour le pays, notamment concernant la gestion de sa politique migratoire, tant au niveau bilatéral que multilatéral. Brigitte Crottaz, conseillère nationale socialiste, insiste quant à elle sur la notion de cohérence, en soulignant que la Suisse a participé à l’élaboration de ce projet. Elle rappelle également que la Confédération se présente comme le pays des droits humains avec le siège des Nations Unies en matière de politique migratoire à Genève. Ses arguments sont néanmoins rejetés par le conseiller national UDCMichaël Buffat – qui insiste sur l’impact défavorable qu’aurait ce traité sur la politique migratoire suisse. Selon lui, ce pacte est une ouverture totale à l’immigration en direction de notre pays. « Pour gagner un siège à l’ONU, ça ne vaut pas la peine » conclut-il. Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) souligne cependant que la signature de ce pacte n’implique rien de contraignant, d’autant plus qu’une modification de la législation n’est pas obligatoire.

Une personne migrante sur trois en situation irrégulière a été renvoyée par l’UE en 2019

Euractiv, le 11 février 2021

Selon un rapport de la Commission européenne, sur les 491’195 ressortissantes et ressortissants de pays tiers qui se trouvaient en situation irrégulière sur le territoire de l’Union européenne (UE) en 2019, seuls 142’320 ont été renvoyés par les États membres. Jugé insatisfaisant par Bruxelles, ce taux de retour et de réadmission est dû aux divers défis auxquels les États membres sont confrontés lorsqu’ils mettent en œuvre les procédures pour ordonner le retour des personnes migrantes en situation irrégulière et lorsqu’ils coopèrent avec les pays tiers en matière de réadmission. Le rapport relève également qu’il existe de grandes différences entre les procédures juridiques et administratives de chaque État membre. Par ailleurs, la Commission européenne reconnaît que la pandémie de Covid-19 a rendu plus complexe le fonctionnement des opérations de retour et de réadmission. A cet effet, Bruxelles souligne qu’un système européen commun de retour nécessite des règles et des procédures claires, par le biais de démarches efficaces, qui garantissent le respect des droits fondamentaux. Le futur pacte sur les migrations et l’asile, actuellement en cours de négociation, va dans ce sens.

Londres promet de vacciner gratuitement les personnes migrantes quel que soit leur statut

InfoMigrants, le 9 février 2021

Le 8 février, un porte-parole du gouvernement du Royaume-Uni a annoncé que les vaccins contre le coronavirus seront proposés gratuitement à toutes celles et ceux qui vivent au Royaume-Uni, quel que soit leur statut migratoire. Ainsi, le gouvernement a fait savoir aux responsables du service public de santé du pays que la vaccination, de même que le dépistage et les traitements du coronavirus, ne seraient pas soumis à des vérifications du statut migratoire. Figurant parmi les pays européens comptant le plus grand nombre de morts dus à la Covid-19, une vaste campagne de vaccination à récemment été lancée dans le pays. Selon certaines estimations, le nombre de sans-papiers au Royaume-Uni se monterait à 1,3 million.

Masar Hoti

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 

 




Le grand jour #2/2

« Tous les jours, 7 jours sur 7 et parfois 7 fois par jour je cherchais la lettre du SEM dans ma boîte aux lettres »Photo: Ahmad Mohammad / rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

« Quand la réponse du SEM arriva enfin dans ma boîte aux lettres »

« Il n’y a rien de plus difficile au monde que d’attendre. » J’avais écrit cette phrase dans l’un de mes récits, il y a des années en Azerbaïdjan. Je ne me doutais pas que je serai un jour aussi intimement convaincu de la justesse de cette idée, suite à mon audition au Secrétariat d’état aux migrations en Suisse (le SEM).

Cet article est la deuxième partie de mon témoignage paru dans Voix d’Exils le 21 janvier intitulé « Mon audition au SEM 1/2 ».

Tous les jours, sans exception, sept jours sur sept et peut-être sept fois par jour, je regardais dans notre boîte aux lettres. J’y trouvais diverses annonces et bulletins publicitaires, des factures, mais jamais la lettre que j’attendais. Les questions et les commentaires de mon entourage augmentaient mon stress : « Avez-vous reçu une réponse ? » ; « Je me demande pourquoi ils tardent tant à vous répondre… »

« Je ne suis pas un menteur ! »

Bien sûr, celles et ceux qui posent ces questions n’ont pas de mauvaises intentions. Mais, avec le temps, je me sentais bouleversé à chaque fois : j’imaginais qu’ils doutaient de mon honnêteté et qu’ils pensaient que si j’étais dans cette situation, c’était parce que j’avais menti au SEM. Et cela a touché ma fierté. Pour moi, il n’y a rien de plus précieux que la dignité. À mon avis, le mensonge est l’une des choses les plus insultantes au monde. Par exemple, si quelqu’un me dit: « Vous mentez », je me sens insulté.

Alors que je vivais encore en Azerbaïdjan, de nombreux articles sur mon dossier ont été publiés dans divers médias du monde entier, du New York Times à la presse Suisse. Au début, j’ai montré ces écrits à celles et ceux qui m’entouraient. Je voulais que les gens croient que j’étais une personne honnête. « Je ne suis pas un menteur ! ». Je voulais que celles et ceux qui m’entourent le sachent. Cette période fut très difficile psychologiquement. J’avais les nerfs tendus, j’étais toujours stressé.

J’ai ensuite été fatigué de tout cela. J’en étais arrivé au point où je renonçais à convaincre qui que ce soit. Cela ne m’importait plus que celles et ceux qui m’entourent ne me croient pas ! Qu’au SEM aussi on ne me croie pas! D’accord, que personne ne me croie !

J’étais tellement fatigué de tout que j’ai même cessé de vérifier notre boîte aux lettres. Chaque fois que je passais devant, je me disais que la lettre que j’attendais n’y était sûrement pas.

A mon avis, l’asile politique est plus une question morale qu’une question géographique. Les demandeurs d’asile sont des statues de souffrance et de douleur. Des personnes dont le cœur est déchiré par les ouragans et les tempêtes, qui sont persécutées, insultées, isolées et exclues de leur société.

Nous, requérants et requérantes d’asile, nous voulons survivre, nous voulons continuer à vivre, nous voulons repartir à zéro. Nous voulons qu’on croie en nous, qu’on nous fasse confiance, qu’on nous donne une nouvelle chance, qu’on nous valorise non pas en tant que main-d’œuvre bon marché, mais en tant qu’individus qui peuvent apporter quelque chose à la société. Nous avons besoin d’un réel soutien, de motivation et pas de faux sourires !

« J’ai regardé amèrement la boîte aux lettres »

Ce jour-là, j’ai regardé amèrement la boîte aux lettres. J’ai fait quelques pas et une petite voix m’a suggéré : « Vérifie si la lettre est arrivée » J’ai protesté avec colère : « Ça ne sert à rien! Je ne regarderai pas ! ». C’était comme si je cherchais à punir cette voix en moi, mon entourage, le SEM, le monde entier!

Quinze minutes plus tard, à peine, ma femme m’a appelé la voix tremblante : « En rentrant de mon cours de français, j’ai trouvé un avis de la poste pour retirer un envoi recommandé. C’est peut-être la réponse du SEM ? »

J’ai essayé de paraître indifférent et de masquer mon émotion : « Je ne sais pas… Il peut très bien s’agir d’autre chose aussi. Ne sois pas trop optimiste. »

Après avoir raccroché, j’ai commencé à me maudire. « Pourquoi n’ai-je pas regardé dans la boîte aux lettres ? Si je l’avais fait, je connaîtrais déjà le contenu de ce courrier ! » J’étais en colère devant cette ironie du destin et me sentais puni comme je le méritais.

Rassemblés autour de la lettre du SEM

La lettre de SEM était sur la table. Encore fermée. Devant la famille rassemblée.

« Ils doivent nous répondre positivement. C’est notre droit. Je ne peux même pas imaginer une autre réponse. Nous ne sommes pas en Azerbaïdjan il ne peut pas y avoir d’injustice nous sommes en Suisse: on respecte la loi ici! Mais il faut être prêts à tout. Personne ne peut prétendre que tout est absolument parfait en Suisse. Il peut y avoir des problèmes ici aussi. Cette lettre est une preuve de la vérité ou de l’injustice, de la loi ou de l’anarchie en Suisse ». S’il s’agit d’une réponse négative: « Ne soyez pas tristes mes chers. Cela peut être une erreur. Cela peut être la faute aussi d’un officiel. N’oubliez pas qu’une réponse négative n’est pas la fin de tout. Je me battrai jusqu’à ce que nous obtenions ce que nous méritons. Cela peut être un peu difficile, mais soyez assurés que nous recevrons notre dû à la fin. »

Ma femme, mon fils et ma fille m’écoutaient attentivement. Il y avait quelque chose comme un sourire sur leurs visages. Même s’ils s’efforçaient de ne pas le montrer, je pouvais voir passer dans leurs yeux l’angoisse, la peur, la tristesse et surtout un immense espoir.

J’ai ouvert l’enveloppe. Je ne sais pas comment ma fille l’a vu, « Positif » a-t-elle dit doucement. J’ai regardé la lettre avec attention. « Oui positif ! » Tout à coup, nous avons tous crié de joie et nous nous sommes pris dans les bras.

Puis ma fille a dit avec regret: « J’aurais dû filmer ce moment avec mon téléphone. »

Puis mon fils a déclaré: « Même si cela a pris du temps, la vérité a trouvé sa place. »

Puis ma femme a ri et s’est exclamée : « Il me semble que tu es ivre de joie ! »

Puis… puis… puis…

Puis, je me suis mis à réfléchir : « Est-ce le début d’une nouvelle vie ? Quel futur nous attend ici en Suisse ? »

Samir Sadagatoglu

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Lire la première partie:

Dans un article publié le 21.01.2021 dans Voix d’Exils intitulé: Mon audition au SEM #1/2.