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Les murs

 

Vznoupzvr11 CC BY-SA.

La plus terrible prison est celle que l’humain construit lui-même autour de lui

Pendant ces jours froids d’hiver, dans ma maison dont la porte s’ouvre et se ferme sans que je doive appuyer sur une sonnette, il fait chaud. Les souvenirs que j’aimerais oublier, que je ne veux en aucun cas laisser entrer chez moi, entrent sans permission et s’assoient à mes côtés. Je me souviens de murs froids, très froids, et de portes fermées avec des serrures en acier.

Quand ai-je rencontré pour la première fois ces murs glacés, dont j’ai senti le froid sans même les toucher ? Combien de temps ai-je vécu avec ces murs ? Voici comment a commencé l’histoire de ma rencontre avec les murs froids.

C’est le mois de juillet, il fait chaud partout, mais le mur est froid. J’entre en prison avec un « bracelet » en acier à la main. Des hommes et des femmes avec des visages froids comme les murs me saluent. Dans la cellule où j’ai été emmenée, où que je me tourne je fais face à un mur et le seul bruit que je puisse entendre est le bruit de portes de fer se refermant sur moi.

Les prisons sont les lieux de vie de l’exil. Les murs sont froids, les portes sont en fer, tu es seule. Dehors, il y a la chaleur du mois de juillet et à l’intérieur il y a des murs froids. Mais il y a aussi des vies chaleureuses : lorsque vos amis vous sourient, c’est un pur espoir, la joie et l’amitié sans fin.

Ils vont te frapper et ça va te faire mal…. Mais non ! Une de tes amies se laisse battre à ta place, pour que tu reçoives moins de coups de matraque. Elle vient ensuite vers toi, te sourit et tout d’un coup ces murs froids se réchauffent. En un instant, ils perdent leur sens et les frontières disparaissent. Toutes les pensées qui voulaient vous emprisonner entre les quatre murs et mettre votre vie en exil perdent leur sens et disparaissent.

Quelques mots amicaux, un regard affectueux, un sourire et un rire brisent le froid du lieu d’exil et le réchauffent.

Les bourreaux ne savent pas cela !

Ce sont des souverains du froid, ce sont des concierges des portes métalliques des lieux d’exil.Ils ont inventé les murs et ont cru qu’ils nous avaient emprisonnés. Nous étions des « prisonniers d’opinion » et eux, pensant qu’ils avaient emprisonné nos pensées avec nous, se sont crus des souverains. Nous avons détruit leurs murs, leur souveraineté avec nos rires, notre éternelle énergie qui débordait de ce lieu étroit.

L’emprisonnement n’a rien à voir avec les murs. La prison la plus cruelle est celle que l’homme se construit lui-même et dans laquelle il s’enferme.

Quels murs nous emprisonnent ?

J’aimerais tant qu’ils s’écroulent et que nous devenions libres…

Serife Oruç

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils