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Le rêve volé d’un exilé

Des militaires des Forces armées de la République Démocratique du Congo. Source: Wkipedia.

« La Suisse, ma seconde chance »

Quand l’espoir de réaliser ses ambitions est remise en question par le népotisme, la corruption et la violence ; partir afin de réaliser ses rêves devient parfois nécessaire.

Je viens d’un pays – la République démocratique du Congo (RDC) – si riche qu’on parle, à son propos, de « scandale géologique ». D’après un article du Monde Diplomatique paru en décembre 2008, «Le sous-sol congolais regorge de matières rares. Il renfermerait 60 % des réserves mondiales connues de tantale, 10 % du cuivre, 30 à 40 % du cobalt, mais aussi 10 % du niobium, 30 % des diamants (dans la seule région du Kasaï) ainsi que des gisements d’or parmi les plus prometteurs de la planète. ». Pourtant, le peuple de RDC est l’un des plus pauvres du monde.

Le pays est pris en otage par des multinationales qui dictent leurs lois au gouvernement. La population survit au rythme des coupures d’eau, d’électricité, d’internet et de pénuries en tous genres. Le problème à résoudre chaque matin, pour un Congolais, c’est de trouver comment obtenir du pain et du sucre à crédit, le seul repas pour passer la journée. Les revendications sont interdites. L’éducation est réservée aux enfants des privilégiés qui nous dirigent. Le salaire d’enseignant revalorisé à 85 dollars US reste 353 fois plus bas que celui d’un ministre qui est à 30.000 dollars US. Les politiciens sont plus riches que des commerçants. L’ancien Président Joseph Kabila a une fortune personnelle estimée à 15 milliards de dollars US et est propriétaire de 80 entreprises. Dans nos hôpitaux, tous les soins sont monnayés. Pour nos politiciens, les Occidentaux sont responsables de tous nos malheurs.

Tous les ministères ont à leur tête des universitaires, mais rien ne marche. Incompétence ou manque de volonté ? Le mérite n’a pas de place chez nous ; le népotisme est l’ascenseur social. Avec une concentration de plus de 20 églises par rue, Dieu n’entend-t-il-pas nos prières ? Ne voit-il pas toutes ces fosses communes pleines d’innocents ? Au nord Kivu et au sud Kivu, au rythme de multiples guerres, plus de six millions de personnes sont mortes durant les vingt dernières années

Mon pays est un enfer sur terre. Les justes sont malmenés, les méchants célébrés. Le rêve de ma vie était d’être cadre dans une entreprise. Après trois années d’études en gestion informatique à l’université Révérend Kim à Kinsahasa, je fais connaissance de Monsieur Rossy Mukendi Tshimanga et son mouvement Collectif 2016. On y parle de politique, de la situation socio-économique et sécuritaire de la RDC.

Ce qui nous unissait le plus, c’était la convergence de nos opinions politiques par rapport au système de Joseph Kabila qui voulait manifestement manipuler la constitution pour demeurer en place après la fin de son mandat. Le mouvement Collectif 2016 était un forum d’expression libre, alors je l’ai intégré. Après plusieurs manifestations, nous sommes arrêtés. En février 2018, la police ouvre le feu contre des manifestants dans la paroisse Saint Benoît de Lemba à Kinshasa. Monsieur Rossy Mukendi Tshimanga est tué à bout portant. Je suis arrêté, emprisonné et torturé pendant un mois. On m’oblige à faire des faux témoignages sur les circonstances de la mort de Rossy Mukendi Tshimanga. Grâce à l’aide d’un officier de l’armée proche de ma famille, je suis libéré, puis poussé à quitter le pays au risque d’être tué. Dernièrement, il y a eu des élections au Congo comme l’a souhaité le peuple. Si Monsieur Kabila n’est plus là, il reste influent. Son parti est majoritaire au Parlement et au Sénat et il contrôle toujours l’armée.

En Suisse, j’ai compris le mot démocratie et la perversité des dirigeants africains. Aujourd’hui, ici, à chances égales, la volonté et la détermination vont me permettre de réaliser mes rêves volés. L’espoir de vivre est de retour. J’ai appris beaucoup de choses, comme le respect du travail, le respect de la volonté du peuple par les dirigeants.

C’est à moi de m’intégrer dans cette société et de respecter ses lois. J’espère que les autorités suisses me donneront cette chance.

Gospel Kanza Luyindula,
Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils