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« L’intégration commence chez soi »

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Ali Latifi dans son magasin. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils

Les 10 ans de l’Evam – Interview d’Ali Latifi

Sa motivation et son courage portent leurs fruits ! Ali Latifi, un Iranien de 51 ans au parcours exemplaire en Suisse, raconte son histoire.

Ali Latifi, originaire d’Iran, est entré en Suisse avec son fils de trois ans en janvier 2004. Marié à une femme chrétienne arménienne disparue suite à un problème politique survenu en Iran, il a dû quitter son pays d’origine dans le but de demander l’asile en Suisse. Ainsi, il a été envoyé à Bex, dans le canton de Vaud, où il a commencé à suivre des cours de français durant une période de trois mois.

Comment avez-vous abordé l’apprentissage du français?

Apprendre le français n’est pas facile ! C’est une langue très difficile. Mais, le fait de vivre dans la partie francophone de la Suisse m’a aidé. Je m’y intéressais beaucoup, puisque c’était l’un des critères pour trouver un travail. Je consultais régulièrement mon dictionnaire pour comprendre la signification des mots et je posais des questions aux francophones qui m’aidaient à mieux le parler.

Quel a été votre parcours professionnel dans votre pays d’origine ?

Je suivais des études d’ingénierie électronique au départ. C’est à l’âge de 23 ans que j’ai arrêté ces études pour me rendre au Japon où j’ai travaillé comme soudeur pendant six ans. Suite à cela, je suis rentré au pays avec une économie de deux cent mille dollars pour créer ma propre entreprise de construction de bâtiments avec 50 employés à mon actif.

Vous avez participé aux programmes d’activités de l’EVAM et vous aviez été encouragé à construire votre vie en Suisse. Pourriez-vous nous parler de cette étape ?

Je travaillais dans le programme PFPP peinture qui consistait à peindre les appartements avec Monsieur Pipo. J’étais son médiateur étant donné mes précédentes expériences dans le domaine. Je dois avouer que je n’ai pas eu beaucoup de contact avec la Fondation vaudoise pour l’accueil des requérants d’asile (la FAREAS, ancêtre de l’Evam) par rapport à l’assistance financière. En 2006, soit deux ans après mon entrée en Suisse, j’ai signé un contrat de 6 mois avec une entreprise de chauffage à Lausanne. Plus tard, j’ai eu l’opportunité d’exercer dans la construction métallique. Après 3 mois d’essai cet engagement a abouti à un contrat à durée indéterminée. Je me suis alors inscrit au Certificat fédéral de capacité (CFC) en construction métallique ou je suivais des cours de théorie les samedis. Les autres jours, j’étais sur le terrain. C’était une période difficile, j’habitais avec mon fils à Penthalaz. Je me levais chaque matin de bonne heure, à 5h, pour être ponctuel au travail. Mais bien avant, je passais déposer mon fils à 6h30 chez la maman de jour qui était à 20 minutes de la gare. Je courais pour prendre le train afin d’être à Lausanne à 7h. A la fin de la journée, à 18h30, toujours en courant, je partais chercher mon fils pour rentrer à la maison. En 2013, j’ai obtenu mon CFC et j’ai démissionné de l’entreprise parce que mon salaire ne me permettait pas de subvenir à mes besoins. J’avais beaucoup de charges : je payais le loyer, l’assurance maladie, la cotisation AVS, les frais de mon CFC et aussi la taxe spéciale (10 % du revenu des requérants d’asile qui a été abolie le 31.12.2017). J’ai payé au total 15 mille francs de taxe spéciale. Suite à ma démission, je suis allé travailler à Villars-Sainte-Croix pendant 3 ans et c’est à ce moment-là que j’ai décidé de me mettre à mon compte.

Comment avez-vous réussi à acquérir ce kiosque ?

Il y a deux ans, j’ai pris le deuxième pilier de ma prévoyance vieillesse pour acheter ce magasin. Au départ, ce n’était pas facile à gérer. On avait que 5 à 6 clients par jour. Alors on s’est engagé de façon régulière pour l’ouvrir : 7 jours sur 7 de 6h30 à 19h30. Grâce à cette assiduité, maintenant on a assez de clients fidèles qui viennent prendre des produits chez nous. On continue de redoubler d’efforts pour satisfaire la clientèle et améliorer nos prestations.

C’est quoi pour vous l’intégration ?

L’intégration commence chez soi ! Pour avoir une chose, il faut se battre pour la conquérir. C’est comme à l’école : pour obtenir de bons résultats, cela te conduit à bosser dur. Il ne faut pas s’attendre à ce que les choses tombent du ciel. Quand tu as la motivation de te battre, tu donnes la volonté aux autres de t’aider. C’est comme ça que ça marche à mon avis.

Gardez-vous des contacts avec votre pays d’origine ? Qu’est-ce qui vous manque le plus ?

Tout me manque ! Ma famille, mon pays ! On reste en contact grâce aux nouvelles technologies. J’y suis retourné une fois un mois et j’étais pressé de rentrer en Suisse car j’avais beaucoup de soucis à régler. Maintenant, je suis marié, j’ai deux enfants, ma culture, ma famille, toute ma vie se trouve ici. J’ai passé mon examen pour l’obtention de la citoyenneté suisse et je l’ai réussi. Actuellement, je suis en attente de la prochaine prestation de serment.

Êtes-vous solidaire des requérants d’asile ?

Bien sûr ! Je ne me vois pas différent, j’étais dans la même situation qu’eux. Le fait d’avoir toutes ces choses et d’être suisse ne m’amène pas à ignorer les autres. C’est un moment difficile pour tous.

Qu’est-ce qui vous marque le plus en Suisse ?

Le respect ! Quand tu es fautif, on te le fait savoir. Mais quand tu es correct, tout le monde est gentil avec toi et ne tient pas compte de ton origine. C’est ça le respect ! Il n’y a pas de racisme !

Auriez-vous une histoire qui vous a marqué en lien avec votre processus d’intégration ?

Lorsque j’apprenais le français, mon fils se moquait beaucoup ! Quand il jouait avec ses amis, j’étais très attentif à ce qu’ils se disaient. Il venait me voir lorsqu’il avait une question : « Papa comment on chante ça ? ». Je n’avais pas les moyens d’y répondre ! Alors j’ai gardé le mot chanter en tête. Lors d’un cours en classe, la prof écrivait un mot au tableau et je lui demandais : « Excusez-moi Madame, comment on chante ça ? », mes camarades de classe se sont mis à rire et m’ont corrigé : « c’est : comment on prononce ça ? ». Dès lors, j’ai fait la différence entre « chanter » et « prononcer ». C’est un moment que je n’oublierai jamais !

A la fin de notre interview, le fils de Monsieur Latifi à conclu avec ces mots : « Je dirais que c’est quand même un beau parcours que mon père a fait tout seul et voilà qu’il a le courage et tout ce qu’il faut pour réussir. Je suis fier de lui ! »

Mamadi Diallo et MHER

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Bio express

1967 : naissance en Iran : âge actuel 51 ans

2004 : arrivé en Suisse

2006 : employé en entreprise de chauffage à Lausanne ; construction métallique

2013 : Formation acquise, CFC (construction métallique)

2016 : chef d’entreprise

 

 



2 Commentaires a « L’intégration commence chez soi »

  1. María Santamaria Muñoz Voelke dit :

    Voilà un exemple d’individu avec la force en soi. En tout cas, c’est ce qu’il transmet en parlant de ses exploits en Suisse.

    C’est un agréable entretien. Merci beaucoup.

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