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The lady with the dog

CC0 Creative Commons

Reflection on displacement, aging and integration

I have been working hard for 35 years and was so immerged in my work that I rarely thought of my age. I loved my job: teaching. But, things turned upside down all of a sudden, and a ferocious tsunami has flung me violently into other shores.

At the refugee camp, I was in constant combat with all visions of my past. The attempts to kick them out by various means: meditation, yoga… came to nothing. Being a passionate fan of reading, I frequented the public libraries which provide a quiet and tranquil place for readers as well as for nappers! These libraries were very much like a kitchen full of mouth-watering food and delicacies, forbidden for me to eat. The shelves were packed with all sorts of books and publications mainly in French, a language I knew nothing about save few expressions and words which still lingered in my memory from the distant past. I was very much like a blind man groping his way in a room crammed with furniture. Ironically, during my practice as an English teacher I stuffed the heads of my students over years with advises on how to learn a foreign language. Now, I find myself at a loss.

I still remember an incident which happened to me some times ago. One day, while I was engaged in reading a book in a quiet park, I felt something is sniffing my hand. I pulled it out instinctively and found myself facing a dog barking at me, followed immediately by a barrage of angry words in French from a lady, the owner of the dog. What I could make out was that: “The dog would not eat you!” Had I knew French well, I would have told her “I know Madam! But your dog might have bitten me!” We both lacked something, I the language, she some manners.

Nevertheless, the thought of my upcoming French language courses – given to refugees as a part of integration program – would sometimes lift up my spirits. Kind of light at the end of the tunnel.  I would see everyday lots of students streaming down the main camp-route, heading towards “École”, and was wondering why my name was not included in the lists!

Then, one day my social assistant told me rather softly, to make it sound less painful: “The Establishment encourages young refugees to integrate not people at your age“. A shiver ran through my body. How time passes quickly ! Psychologists say teachers are most prone to the traumatic effects of aging as soon as they quit their job or retire. Yet, this was not what I felt. It was not the realization that I am growing old. It was something else, more poignant more distressing.

Had I been here 20 years ago, things would have been different! Completely different! But, there was no time for self-pity and pathetic feelings. I needed badly these courses; otherwise, I was going to “disintegrate” in no time between the four walls of my small cell.

Fortunately, the word “motivated “, a term commonly used here, came to my rescue. I was motivated! So, I started my intensive courses, together with many young refugees who spoke every other language except French; a good number of them were “unmotivated”! Even so, at the start of each new course, the word “aged” would replace “motivated”, and I had to struggle again to have my name included in the lists. Interestingly, the responsible of the courses, a very nice person of my age would argue in favor of the “rules”, while I would request an “exception”. Then as if to comfort me, he would tell me that he too was going to retire very soon!  What a comfort!

Yet, I have to admit that “old age” had at least one “advantage”! I was elected each time as a “delegate” of the class, not so much for my competences, but rather out of respect the African and Asian students still have for the grey hair! Moreover, teachers were considerate and one of them made some nice remarks about the age 60, saying that it is the period of maturity, relaxation and vacationing…!

Finally, I know well that “motivation” and “old age” do not go hand in hand as far as “labor market” is concerned. Yet, I know also that the key to “integration“, in the broader sense of the word (cultural, social, and psychological) is, the acquisition of the language skills  of the country, no matter whether the person is old or young, or else the incident above of the lady with the dog will be the alternative.

Hayrenik DONO  

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

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Asile et emploi

Interview de Nicolas Thorens par Anush de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Etre requérant d’asile en Suisse et travailler : quelles démarches, difficultés et possibilités pour concilier asile et emploi ?

Le 19 décembre dernier, la chronique de Voix d’Exils sur Radio Django était consacrée à l’emploi des requérants d’asile au bénéfice de permis N et F. Anush, membre de la rédaction vaudoise a interviewé Nicolas Thorens, conseiller en emploi à l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM).

Pour écouter l’émission cliquez ici

Interview de Nicolas Thorens par Anush de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Interview de Nicolas Thorens par Anush de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




La dame avec le chien

CC0 Creative Commons

 

Réflexion sur l’exil, le vieillissement et l’intégration

J’ai travaillé dur pendant 35 ans et j’étais tellement immergé dans mon travail que j’ai rarement pensé à mon âge. J’ai aimé mon travail: l’enseignement. Mais les choses ont tourné à l’envers tout d’un coup, et un tsunami féroce m’a jeté violemment sur d’autres rives.

Au camp de réfugiés, j’étais dans un combat constant avec toutes les visions de mon passé. Les tentatives de les chasser par divers moyens: la méditation, le yoga … n’ont abouti à rien. Etant un passionné de lecture, je fréquentais les bibliothèques publiques qui offrent un endroit calme et tranquille pour les lecteurs ainsi que pour faire la sieste ! Ces bibliothèques étaient très bien, comme une cuisine pleine de nourriture appétissante et de délices, mais qu’il était interdit pour moi de manger. Les étagères étaient remplies de toutes sortes de livres et de publications principalement en français, une langue que je ne connaissais pas, sauf quelques mots et expressions qui subsistaient encore dans ma mémoire d’un passé lointain. Je ressemblais beaucoup à un aveugle tâtonnant dans une pièce remplie de meubles. Ironiquement, pendant ma pratique en tant que professeur d’anglais, j’ai bourré la tête de mes étudiants au fil des ans de conseils sur la façon d’apprendre une langue étrangère. Maintenant, je me retrouve perdu.

Je me souviens encore d’un incident qui m’est arrivé il y a quelques temps. Un jour, alors que j’étais en train de lire dans un parc tranquille, j’ai senti que quelque chose reniflait ma main. Je l’ai retirée instinctivement et me suis retrouvé face à un chien qui aboyait sur moi, suivi immédiatement par un flot de mots en français d’une dame en colère, la propriétaire du chien. Ce que je pouvais comprendre était: « Le chien ne vous mangera pas! » Si j’avais bien connu le français, je lui aurais dit « Je sais Madame! Mais votre chien aurait pu me mordre! » Nous avons tous deux manqué de quelque chose : moi la langue, elle quelques manières.

Néanmoins, la pensée de mes prochains cours de français – donnés aux réfugiés dans le cadre du programme d’intégration – me remontait parfois le moral. Comme une lumière à la fin du tunnel. Je voyais tous les jours beaucoup d’étudiants dévaler la route du foyer principal, se dirigeant vers école, et je me demandais pourquoi mon nom ne figurait pas dans la liste ! Puis, un jour, mon assistante sociale m’a dit plutôt doucement, pour le faire sonner de manière moins douloureuse: «L’établissement encourage les jeunes réfugiés à s’intégrer, non des personnes de votre âge ». Un frisson m’a traversé le corps. Comme le temps passe vite ! Les psychologues affirment que les enseignants sont les plus exposés aux effets traumatiques du vieillissement dès qu’ils quittent leur emploi ou prennent leur retraite. Mais, ce n’était pas ce que je ressentais. Ce n’était pas la réalisation que je vieillis. C’était quelque chose de plus poignant, de plus angoissant. Si j’avais été ici il y a 20 ans, les choses auraient été bien différentes ! Complètement différentes ! Mais, il n’y avait pas de temps pour l’apitoiement sur soi et les sentiments pathétiques. J’avais terriblement besoin de ces cours; sinon, j’allais me « désintégrer » en un rien de temps entre les quatre murs de ma petite chambre.

Heureusement, le mot « motivé », un terme couramment utilisé ici, est venu à mon secours. J’étais motivé ! J’ai donc commencé mes cours intensifs avec de nombreux jeunes réfugiés qui parlaient toutes les langues sauf le français, et bon nombre d’entre eux étaient « démotivés » !  quand même, au début de chaque cours, le mot « âgé » remplaçait « motivé », et je devais lutter à nouveau pour que mon nom soit inclus dans les listes. Fait intéressant, le responsable des cours, une personne très gentille de mon âge plaidait en faveur des « règles », alors que je demandais une « exception ». Puis, comme pour me réconforter, il me disait que lui aussi allait partir à la retraite très bientôt ! Quel réconfort !

Pourtant, je dois admettre que « la vieillesse » avait au moins un « avantage »! J’ai été élu à chaque fois comme un « délégué » de la classe, pas tellement pour mes compétences, mais par respect que les étudiants africains et asiatiques ont encore pour les cheveux gris ! De plus, les enseignants étaient prévenants et l’un d’entre eux a fait quelques remarques agréables au sujet de l’âge de 60 ans, en disant qu’il s’agissait de la période de maturité, de détente et de vacances …!

Enfin, je sais bien que «  la motivation » et « la vieillesse » ne vont pas de pair en ce qui concerne le « marché du travail ». Néanmoins, je sais aussi que la clé à « l’intégration », au sens large du terme (culturel, social et psychologique), est l’acquisition des compétences linguistiques du pays, que la personne soit âgée ou jeune, sinon l’incident ci-dessus de la dame avec le chien sera l’alternative.

Hayrenik Dono

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils