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« On n’a pas besoin d’aller mourir sur les routes et les mers pour trouver le bonheur »

 

Photo: Jane Bonvin Nsubuga.

Interview de « Jane la Nomade » 

C’est à la veille de son départ pour Kampala, capitale de son pays d’origine – l’Ouganda – que Voix d’Exils a rencontré Mme Jane Bonvin Nsubuga. Elle est très impatiente de retrouver les pensionnaires du Centre Communautaire Intégré « Nankya » qui signifie « celle qui se lève tôt » en Baganda, langue maternelle de sa région.

Voix d’Exils : Qui est Madame Jane Bonvin Nsubuga ?

Jane Bonvin Nsubuga : Je suis Jane Bonvin Nsubuga. Originaire d’Ouganda, Bonvin par mon mariage il y a 26 ans. Avec ma famille, nous résidons à Crans-Montana en Valais.

Madame, en Afrique, derrière un nom, il y a une légende. Que signifie votre nom : Nsubuga ?

(Rires) Nsubuga signifie en Baganda (dialecte parlé en Ouganda) veut dire « nomades qui viennent d’en haut ». Mais aujourd’hui nous sommes sédentaires, installés sur les rives du Lac Victoria.

Et Nankya, « celle qui se lève tôt », dites-nous d’où vous vient toute cette énergie tant l’Afrique est réputée pour être indolente, paresseuse….toujours en retard.

(Sérieuse) J’ajouterai même voleuse et mauvaise odeur. C’est juste une opinion négative. Personnellement, je ne vois pas pourquoi nous sommes traités de paresseux. J’ai toujours vu les enfants, les femmes et les hommes au travail. Les champs, la recherche de l’eau, le bétail. Il y’a toujours quelqu’un d’occupé. Depuis toute petite je suis active et c’est ce que je veux transmettre autour de moi.

Etant bien intégrée en Suisse et à l’abri du besoin qu’est-ce qui vous a poussée à regarder du côté de l’Afrique ?

Se contenter du confort Suisse nous enferme dans ce que je nomme la « sécurité-insécurisante ». Cependant, l’ingéniosité des Helvètes à trouver des solutions à leurs problèmes existentiels peut être utile à nos pays d’origine. C’est aussi ça ma démarche, compte tenu de toutes les richesses dont regorge mon continent tant sur le plan humain que naturel.

Venons-en à votre projet. Pourriez-vous nous le présenter ?

En 2005, j’ai eu l’idée de faire construire une école ici afin d’éviter aux enfants de moins de six ans de parcourir de longues distances à pieds ou entassés sur des mototaxis. Plus grave encore, les préserver des dangers liés au trafic d’enfants. Voilà en peu de mots ce qui m’a motivée.

Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Justement, comment fonctionne votre centre ?

Nous sommes installés dans le domaine familial. J’ai commencé avec des moyens personnels, c’est à dire mon salaire. Aujourd’hui, je suis soutenue par des bienfaiteurs grâce à une association mise en place pour porter le projet. Nous avons deux salles de classe, des chambres à coucher pour nos enseignants, une cuisine et des toilettes sèches.

Dans le cadre de l’enseignement proprement dit, le centre dispense des cours selon le programme officiel et, en plus, nous donnons des cours pratiques sur la connaissance de la terre et de la nature.

Vous accueillez des enfants de moins de six ans n’est-ce pas trop jeune pour ce type d’activité ?

Pour avoir travaillé comme bénévole dans les milieux de l’asile, j’ai appris que la valeur humaine commence par la conscience de ses origines et des valeurs de son environnement de vie. Il n’y a pas un âge pour cela. Connaître d’où on vient et qui l’on est nous amène à savoir ce que l’on a et à s’y attacher. On n’a pas besoin d’aller mourir sur les routes et les mers pour trouver le bonheur. Souvent, il est à portée de main. Voilà à peu près le profil des enfants qui repartiront de notre centre après leur scolarité.

Oui, mais qu’en pensent les parents ?

Nous avons une demande supérieure à notre capacité d’accueil. Un quota est imposé à un enfant par famille. Nous avons aujourd’hui quarante enfants inscrits sur nonante candidats au départ.

Votre regard sur cette œuvre ?

Je la vois dans le temps. Vous savez, tous les enfants accueillis ici n’ont pas toujours de quoi payer leur scolarité. Tenant compte du contexte de pauvreté, les frais de scolarité sont fixés à environ huit francs suisse par trimestre. Je pense à la mise en place d’un programme de financement par parrainage des élèves issus des familles démunies. Chacun doit avoir une chance de réussir dans la vie…

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Informations

Pour contacter l’association Nankya

éjnomade@bluewin.ch

Imm. Prestige 2

Route de Tsarbouye 2

3963 Crans-Montana

Tel: +41 79 648 13 54




Manifestation suite à la mort du jeune Lamine en prison

Photo: Eddie, Voix d’Exils

 

Suite au décès de Lamine, le jeune Gambien, requérant d’asile attribué au Canton de Vaud, qui est survenu le mardi 24 octobre dans une cellule de la police cantonale vaudoise, le Collectif Jean Dutoit a organisé une manifestation le Mercredi 1 novembre. Cette manifestation a réuni plusieurs organisations ainsi que de nombreuses personnes à Lausanne pour réclamer une clarification de la situation et que justice soit rendue.

Le dimanche 22 octobre, un jeune Gambien de 23 ans a été arrêté à la gare de Lausanne en raison de son statut illégal en Suisse. Ensuite, il a été placé en détention au Centre de police de la Blécherette où il a mystérieusement trouvé la mort le 24 octobre. L’enquête en cours n’a pas permis à ce jour d’expliquer ce qui s’est passé, mais a néanmoins révélé qu’il y a eu une erreur d’identification, étant donné que la personne décédée portait le même nom et avait la même date de naissance que la personne recherchée.

Photo: Eddie, Voix d’Exils

Des manifestants consternés

La manifestation qui a été appelée par le Collectif Jean Dutoit a réuni des centaines de participants. Elle était aussi soutenue par plusieurs associations, dont le Collectif R. Les manifestants scandaient non à l’injustice ; non à la négligence ; non à la marginalisation des migrants et plus particulièrement à celle des personnes de couleur noir. Les banderoles des manifestants transmettaient des messages tels que : « arrêtez de nous zapper », « La vie des noirs compte », « la police est coupable ».

La rédaction de Voix d’Exils a recueillie les paroles de quelques manifestants et manifestantes pour mieux comprendre cette mobilisation.

Photo: Eddie, Voix d’Exils

Une manifestante évoque qu’elle participe à la manifestation car bien que « Nous ne pouvons pas dire ce qui s’est passé exactement, ce n’est pas la première fois. Cet incident est la preuve de mépris vis-à-vis des gens de couleur noir. A la gare de Lausanne la police ne m’arrête pas, mais elle arrête les noirs. »

Un membre du Collectif R a déclaré avoir rencontré Lamine dans l’association au sein de laquelle elle milite. Elle n’est pas très surprise d’avoir des nouvelles pareilles, parce qu’elle rencontre souvent les gens qui sont maltraités par le système. Elle est venue pour montrer son soutien à la famille, aux amis de Lamine et aux autres migrants. « Il faut de la visibilité, il faut parler et manifester, pour demander d’éclairer la cause de ces situations. Et particulièrement dans ce cas-là, on attend le résultat de l’enquête. »

« Je suis venu pour manifester mes émotions et avec les autres demander que la situation du décès de Lamine soit éclaircie et que justice soit rendue » déclare un prêtre, membre de l’Eglise catholique et proche du Collectif R.

Photo: Eddie, Voix d’Exils

L’enquête se poursuit

Dans son communiqué en date du 28 octobre, la Police cantonale vaudoise mentionne que « les contrôles effectués vendredi 27 octobre 2017 ont permis d’établir que le ressortissant de Gambie de 23 ans qui est décédé dans sa cellule le mardi 24 octobre n’était pas la personne signalée et recherchée par les autorités du canton de Lucerne en vue de son prochain renvoi ». Elle ajoute que « l’autopsie effectuée par le Centre universitaire romand de médecine légale à Lausanne n’a pas permis, à ce stade des investigations, de déterminer les causes exactes de sa mort », mais qu’elle a toutefois « permis d’exclure toute intervention d’un tiers, tout acte de violence par auto-agression ». Et de conclure que « les investigations menées par la Police de sûreté sous la conduite de la procureure en charge de l’enquête se poursuivent ».

Anush et Mamadou

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 




Le Refugee Food Festival offre la chance à des chefs cuisiniers migrants de révéler leurs talents

La Buvette des Bains sert les assiettes nigérianes. Photo: rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Cuisine, découverte, partage et intégration : les leitmotivs d’un festival original et novateur

L’Association Food Sweet Food en collaboration avec le l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés (le HCR) a organisé la première édition Suisse du « Refugee Food Festival » qui s’est tenue du 11 au 15 Octobre 2017 à Genève. Ce festival a mobilisé cinq restaurants qui ont confié leurs cuisines à des chefs réfugiés migrants pour faire découvrir au public des plats traditionnels de leur pays.

Le Refugee Food Festival a débuté en France il y a maintenant trois ans et 2017 marque la première édition Européenne. Le festival s’est tenu cette année dans des grandes villes comme : Paris, Athènes, Madrid, Amsterdam, Rome, Milan. Une édition spéciale pour Noël se tiendra du 18 au 24 décembre à Strasbourg. Cet événement culinaire célèbre les saveurs des cuisines du monde. Cette initiative novatrice et originale rencontre un franc succès. Des chefs cuisiniers réfugiés sont accueillis par des restaurants locaux pour concocter et servir des repas traditionnels l’espace d’un service. Du 11 au 15 octobre, ce sont cinq adresses genevoises qui ont confié leurs cuisines à des chefs et des cheffes d’origines syrienne, érythréenne, sri lankaise, tibétaine et nigériane.

 

L’assiette nigériane proposée aux bains des Pâquis

Le jeudi 12 octobre, la rédaction vaudoise de Voix d’Exils s’est rendue à la buvette des Bains des Pâquis pour déguster les plats concoctés par le chef Nigérian Timothy Desmond Eze. Sur le coup de midi, la buvette s’est très vite remplie. « L’assiette nigériane » était ajoutée au menu et mise sur un pied d’égalité avec les autres plats. Le cuisinier invité dans le cadre du festival a proposé deux plats typiquement nigérians: l’un à base de poulet et l’autre végétarien. Les deux plats ont régalé les visiteurs, car plus de 600 assiettes ont été servies pour le plus grand plaisir du public.

La Buvette des Bains. Photo: rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Promouvoir la cuisine comme moyen d’intégration professionnelle

Un des buts que poursuit le festival est de favoriser par la cuisine l’accès à l’insertion professionnelle de personnes réfugiées. Il mobilise donc des cuisiniers confirmés ou en voie de confirmation, qui ont fait le pari de la cuisine pour s’insérer dans leur pays d’accueil. Il a vocation à fédérer une communauté de volontaires et de restaurateurs qui s’engagent dans différents pays à promouvoir l’insertion professionnelle de personnes réfugiées dans le milieu de la restauration. Chaque Refugee Food Festival est ainsi un tremplin vers l’emploi pour les chefs qui ont l’opportunité de démontrer leurs talents.

Julia Dao interviewée par Lamine. Photo: rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Changer le regard sur les réfugiés

Un autre objectif du festival est de contribuer à faire évoluer les regards sur le statut de réfugié, en améliorant la compréhension de leur statut, en valorisant les chefs qui y participent ainsi que le patrimoine culturel qu’ils ont à partager. Le festival vise à montrer que derrière la « crise des réfugiés », il y a des femmes et des hommes qui ont des talents, des métiers, des savoir-faire qui ne demandent qu’à être révélés pour contribuer à enrichir leur pays d’accueil. Cette initiative citoyenne défend un état d’esprit positif, valorisant, vertueux, allant à l’encontre de discours parfois misérabiliste ou de perceptions anxiogènes de l’arrivée de réfugiés.

Timothy Desmond Eze en cuisine. Photo: rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Rencontres culturelles, culinaires et humaines

Le Refugee Food Festival est également un moment convivial et fédérateur, car la cuisine est une formidable porte d’entrée sur le monde et sur l’autre. Elle permet de rassembler des citoyens de tous horizons autour d’un bon repas avec des menus savoureux, originaux, qui sont concoctés avec de bons produits. Ce moment convivial et fédérateur se retrouve aussi dans les cuisines, lorsque les cuisiniers réfugiés rencontrent le personnel des restaurants qui les accueillent et qu’ils mettent en commun leurs savoir-faire culinaires.

Mylène et Lamine

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

« Triomphe de l’ananas » ou « Être ou ne pas être » – commentaire

Les habitués des Bains des Pâquis ont eu l’opportunité de découvrir la cuisine nigériane. « L’assiette nigériane » était présentée sous deux

formes : pour les omnivores et pour les végétariens. Le plat végétarien a eu le plus de succès. L’ananas, exposé solennellement sur l’assiette, excitait l’imagination et incitait à aller voir le cuisinier.

Timothy Desmond Eze. Photo: rédaction vaudoise de Voix d’Exils

A première vue, c’est un homme avec un charisme digne du pirate Long John Silver, le personnage de fiction du roman de Robert Louis Stevenson « L’Île au trésor », devant lequel (pour être bien accueillis) on devait chanter :

“Fifteen men on the dead man’s chest

…Yo-ho-ho, and a bottle of rum!”

Mais, en réalité, on a découvert que Timothy Desmond Eze est un jeune homme modeste, souriant et ouvert, très loin de Long John Silver. Et si décrire la vie actuelle de Timothy revenait à poser la question « Être ou ne pas être ? » Être un cuisinier en Suisse ou ne pas l’être ? Pour ce Nigérian, c’est une question essentielle, parce qu’il ne perd pas l’espoir de pouvoir vivre de son métier en Suisse.

Mylène

Interviews des organisateurs de l’édition genevoise du Refugee Food Festival sur Radio Django

Julia Dao et Brice Ngaramba interviewés par Lamine à Radio Django. Photo: rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Le 17 octobre 2017, Voix d’Exils a invité les deux organisateurs du Refugee Food Festival de Genève : Brice Ngaramba, porteur du projet, et Julia Dao, responsable communication du bureau Suisse du HCR, pour un interview sur les ondes de la Radio Django.

Vous pouvez écouter l’interview en cliquant ici

Lamine

 

 




Le journal de #MadameÉtrangère

Auteure: #MadameÉtrangère

#MadameÉtrangère: les derniers épisodes

Découvrez chaque semaine, sur le profil Facebook de Voix d’Exils, les pensées farfelues, parfois brutes mais toujours sincères de Madame Étrangère, une requérante d’asile vivant dans le canton de Vaud. 

Vendredi 23 juin 2017

****Le grand succès****

Voilà, j’ai la bronchite. Le médecin m’a prescrit les antibiotiques. Alors ce week-end je m’enfermerai entre quatre murs et je resterai au lit. L’important, c’est de ne pas se regarder dans un miroir ! Maintenant j’y vois un hippopotame enflé à la place d’une belle femme. Quand je suis devenue une migrante, à 40 ans, j’ai soudain appris que je n’étais plus une femme simplement charmante, mais une super belle nana !!!

Le très faible pourcentage de femmes parmi les migrants, est la garantie de notre grand succès parmi le pourcentage élevé d’hommes. Dans les foyers, il nous faut avoir la porte bien fermée, mais les oreilles bien ouvertes. Il n’y a pas d’autre lieu dans lequel une femme peut entendre autant de compliments chaque jour.

Ça fait longtemps que je ne vis plus dans un foyer, mais les migrants sont partout, donc le succès me poursuit.

Il y a trois semaines un camarade plus jeune que moi de 20 ans, tout à coup a commencé à me draguer. Ça m’a flattée, mais comme une femme presque sage et presque sérieuse, j’étais obligée de le calmer car il a failli devenir un adepte de la gérontophilie.

Auteure: #MadameÉtrangère

Mercredi 28 juin 2017

****C’est le pur bonheur****

Pour se sentir bien, il faut avoir une mauvaise mémoire ou avoir subi une lobotomie. Et chaque matin, en sortant de sous la couverture comme du ventre de sa mère, mettre en marche une nouvelle vie sans possibilité de comparer avec les jours passés. Dans ce cas-là, même une catastrophe ne sera pas un choc. C’est le pur bonheur mais ce n’est pas la vie. Dans cet état, rien n’est ni bon ni mauvais.

Il y a un mois mon ami a trouvé et a commencé un travail, il a rencontré la femme de ses rêves et hier il a reçu une réponse négative à sa demande de permis de séjour. Il doit quitter la Suisse.

Auteure: #MadameÉtrangère

Jeudi 29 juin 2017

****C’est la vie****

Je me suis réconciliée avec G, mon vieil ami. On est de retour à la case départ. À nouveau, il me casse la tête avec ses exigences complètement paradoxales : « Raconte quelque chose! Raconte quelque chose ! » et avec la menace qu’il a un bouton pour me catapulter de la voiture quand je raconte quelque chose.

C’est la vie ?

Auteure: #MadameÉtrangère

Lundi 4 septembre 2017

****Salut Farinet !****

La semaine passée je suis allée avec des amis à Saillon (canton du Valais) pour rendre hommage à Samuel Farinet, bandit au grand cœur.

Nous – Salut Farinet ! Ça va ?

Farinet – Et vous ?

Nous – Non, ça ne va pas… Actuellement, le monde traverse une crise d’idées. Beaucoup d’informations, mais peu de sens. Beaucoup de vie, mais peu de volonté. Tout le monde veut être aimé, mais très peu de gens veulent aimer. Il y a des drapeaux, mais il n’y a ni étendards, ni gonfanons. Il y a des besoins essentiels, mais il n’y a pas de passions…

Où on arrivera comme ça ?…

Le monde, surtout les jeunes, a besoin d’alternatives et d’étoiles comme une lumière qui te guide, même si en réalité tout cela ne sont que des idées éphémères… Mais on est des êtres humains, on n’est pas des cochons, donc on a besoin de voir des étoiles.

Auteure: #MadameÉtrangère