1

Les femmes des ruines en Syrie

Photo: rédaction neuchâteloise de Voix d'Exils

Photo: rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

Des destins broyés dans l’ombre de la guerre

 « La main qui berce l’enfant est la main qui dirige le monde » William Ross Wallace.

Lorsque la guerre se termine, les généraux se réunissent, se serrent la main et boivent des toasts, alors que la femme seule attend son fils martyr.

Luma Anadani est une femme syrienne arabe, avocate à Alep en Syrie. Elle est restée en prison neuf ans, c’était terrible.

Elle m’a raconté qu’en Syrie, le nombre de femmes tuées par la douleur est plus grand que le nombre d’hommes tués à la guerre. Mais la seule différence est qu’elles ne sont pas dans les statistiques.

En Syrie, 23’500 femmes ont été tuées durant la guerre selon le Syrian network for human rights .

En prison, 4240 femmes souffrent de la peur de la torture et du viol. Le viol n’est pas seulement une réaction des soldats en colère, mais aussi une stratégie politique. En effet, ils utilisent la menace du viol de la femme pour faire parler le mari, afin de l’humilier.

Luma a essayé de cacher les larmes qui coulaient de ses yeux, et a dit : « Des rêves germent au milieu des décombres et l’amour danse sur les blessures de la guerre. Comme « Les femmes des ruines », qui ont repris les villes en main et ont entrepris leur déblaiement et la reconstruction du pays en Allemagne après la deuxième guerre mondiale, les femmes en Syrie construiront une belle patrie qu’elles aiment et qui les aime. »

Les femmes kurdes ont fondé des associations et organismes civils et militaires de femme. Par exemple :

Unités de protection de la femme (YPJ) (organisation militaire)

Union des femmes kurdes de Syrie (HJKS)

C’est pourquoi j’ai interviewé une femme kurde syrienne. Au cours de mon entretien avec une activiste dans la société civile (N. H.) qui vit actuellement en Suisse, voici ce qu’elle m’a dit :

« J’ai terminé l’école malgré tous les obstacles qui ont été imposés par les gouvernements pour la scolarisation des Kurdes. J’ai terminé mes études à l’université et ensuite, j’ai travaillé avec l’organisation du Croissant Rouge (Croix Rouge).

Je travaillais dans le domaine du soutien psychologique pour les victimes de la guerre et/ou de viol. Je n’ai fait aucune différence entre les personnes touchées, qu’elles soient arabes ou kurdes. Je crois que la liberté et la démocratie sont la seule façon de réaliser le rêve du peuple kurde pour l’amener sur le chemin de l’indépendance et de la dignité. »

Elle a soupiré, puis a continué ainsi : « Au cours de mon travail avec les victimes de viol en particulier, j’ai vu la taille des pressions subies par ces victimes au niveau social et de la sécurité. Comme exemple, voici l’histoire de Manal, 19 ans, une fille qui a été arrêtée à l’université suite à des accusations de manifestations contre le régime syrien. Elle est restée en prison pendant huit mois, puis elle a été libérée.

Elle a alors dû faire face à deux types de difficultés. La première est la souffrance liée au souvenir du viol subi en prison. La deuxième est la souffrance due au regard de sa famille sur une femme violée. Son frère et son père étaient honteux, ils avaient l’impression d’avoir perdu leur honneur. En plus, elle a été abandonnée par son fiancé.

La dernière fois que je l’ai rencontrée, Manal m’a dit, des larmes dans les yeux : «  Je suis encore en prison, la famille et la société ont pris la place du geôlier. ».

Le lendemain, j’ai entendu dire que Manal avait sauté du balcon depuis le quatrième étage pour mettre fin à sa vie. Par ce geste, elle a envoyé un message à chacun sur l’injustice finale. L’histoire de Manal est finie, mais la tragédie en Syrie continue. »

Alors, n’oublions jamais l’histoire de Manal, mais gardons son message dans nos cœurs. Le peuple syrien n’a pas besoin d’armes pour être libre, mais il a besoin d’efforts de la société civile pour l’aider à la libération des esprits avant tout.

Hawaley Khaldoon

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils