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« Les requérants d’asile ont un autre visage »

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« Héberger un migrant » et « Un village une famille »: des projets d’intégration novateurs!

Depuis avril 2015, les projets vaudois « Héberger un migrant » et « Un village une famille » sont menés en parallèle par l’EVAM. « Héberger un migrant » vise à placer une ou plusieurs personnes migrantes dans des familles a été lancé en avril 2015 dans le canton de Vaud et est entièrement piloté par l’EVAM depuis avril 2016. Quant à « Un village une famille », initié en 2015 par Nicolas Rouge, ancien municipal de la commune de Giez, propose d’accompagner un village vaudois dans l’accueil d’une famille migrante. 122 personnes migrantes vivant dans le Canton de Vaud bénéficient d’un logement grâce à ces deux projets en avril 2017.

Ces projets aspirent à favoriser l’intégration des requérants d’asile par leur apprentissage du français, la création d’un réseau etc. Le projet d’hébergement proposé au départ par l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) est également présent dans les cantons d’Argovie, de Berne et  de Genève. Fribourg loge également des personnes migrantes chez des particuliers. Les systèmes d’hébergement sont toutefois différents entre les cantons. Le projet en terres vaudoises est mené par Cécile Joly, Véronique Diab-Vuadens et Jessica Bollman. Interview de Cécile Joly et Véronique Diab-Vuardens.

Voix d’Exils (VE): Quelle est l’origine du programme «Héberger un migrant» ?

Cécile Joly: Le projet vient à la base de l’OSAR, qui a lancé ce projet dans plusieurs cantons en Suisse, mais pas tous l’ont suivi. L’OSAR est basée à Berne et le projet devait être lancé à Genève et dans le canton de Vaud.

Il y avait quatre cantons concernés. Ils ont été très rapidement dépassés par les évènements parce qu’il y a eu énormément de demandes, suite à un reportage télévisé consacré au projet. L’OSAR n’a pas eu les moyens et les ressources suffisantes pour poursuivre et l’EVAM a proposé de reprendre le projet sur le Canton de Vaud.

VE: Comment se passe la sélection des familles? Comment l’EVAM choisit les deux parties du projet?

Cécile Joly: Au lancement de l’initiative, l’OSAR a eu beaucoup de retour de familles intéressées par l’accueil. Mais les familles doivent s’engager au moins pour 6 mois, avoir une chambre meublée à disposition et se trouver a proximité de transports en commun. Elles doivent en outre vouloir s’investir dans un échange avec les migrants.

À la suite de ce programme, il y a eu le projet « Un village, une famille » initié par Nicolas Rouge, à l’époque Municipal de la commune de Giez qui se trouve à côté d’Yverdon-les-Bains. Il a, en 2015, fait une interpellation politique au niveau du Canton de Vaud en certifiant que si chaque village du canton de Vaud hébergeait une famille de migrants, il serait possible d’en placer 16’000 en Suisse. Depuis le début de ce projet, il y a eu d’autres villages qui ont accueilli des familles.

Véronique Diab-Vuadens: En effet, l’idée c’est que dans une commune, quelqu’un se propose pour accueillir une famille. Un comité de soutien se met ensuite en place pour la soutenir dans son intégration, c’est pour ça qu’on fait deux projets en parallèle. En général, les familles prennent contact avec nous via le site internet de l’EVAM.

Cécile Joly: Les familles inscrites dans ces deux projets souhaitent aider les requérants d’asile et les réfugiés en les hébergeant, après avoir vu des reportages et les informations dans les médias sur la situation actuelle en Syrie, en Afghanistan, en Irak, en Erythrée etc. Mais l’idée ce n’est pas de gagner de l’argent.

VE: Quelles sont les conditions que doivent respecter les familles qui souhaitent accueillir des personnes migrantes ?

Véronique Diab-Vuadens: Pour accueillir les personnes migrantes, il y a deux critères principaux. Premièrement, celui d’avoir une chambre meublée à disposition dans sa maison. Par contre, ce n’est pas nécessaire d’avoir une salle de bain privative.

Cécile Joly: Le deuxième critère étant d’avoir envie d’accorder du temps à la personne : prendre les repas en commun, faire certaines activités ensemble et partager la vie de famille.

Véronique Diab-Vuadens: Oui, c’est-à-dire, entrer dans le projet d’intégration. Après, nous prenons contact avec ces familles, nous leur rendons visite et leur présentons le projet. Nous leur laissons ensuite du temps pour réfléchir, parce que c’est un projet de famille pour lequel tous les membres doivent être d’accord.

VE: Quelles sont les personnes prioritaires pouvant intégrer votre démarche ?

Véronique Diab-Vuadens: Aujourd’hui, nous plaçons dans les familles des personnes titulaires de livrets N et F. En cas de permis F, notre action s’adresse aux personnes de toutes nationalités confondues. Par contre, en cas de permis N, nous donnons la priorité aux Erythréens, aux Afghans, aux Irakiens et aux Syriens, qui ont de meilleures chances d’obtenir une admission provisoire ou un permis B.

VE: Est-ce que les personnes placées continuent à recevoir l’assistance ou sont-elles prises en charge par l’EVAM?

Cécile Joly: Comme elles sont toujours prises en charge par l’EVAM, elles perçoivent l’aide sociale. L’abonnement des transports publics pour aller aux cours de français est encore fourni et une assistante sociale est attribuée en fonction de la région. Les assistants sociaux restent plutôt présents au niveau administratif. De notre côté, nous faisons le suivi de la famille et du requérant d’asile pour voir si tout va bien, s’il a bien pris contact avec son assistant social, s’il va à ses cours etc. S’il y a quelque chose qui ne va pas, un conflit ou autre, nous pouvons intervenir avec un interprète communautaire, aller voir ce qu’il se passe et essayer de trouver des solutions comme, par exemple, faire des médiations et, si nécessaire, trouver un nouveau logement.

VE: Quelle est l’échéance du contrat?

Véronique Diab-Vuadens: Nous proposons des contrats de placement de six mois, renouvelables une fois. Le but étant l’intégration et l’autonomie, un an constitue une durée idéale, mais nous commençons par six mois. Le requérant d’asile peut aussi décider de continuer ou pas.

VE: Est-ce que ce sont surtout des jeunes hommes ou des familles qui demandent un placement?

Véronique Diab-Vuadens: Nous avons beaucoup de demandes de jeunes hommes, qui arrivent en nombre et qui logent en abri PC. Ils ont envie de sortir de là, car ils ont la motivation de s’intégrer. Il y a passablement de familles qui souhaitent partager le projet avec une jeune fille. Or, il y a moins de jeunes filles et elles sont plus réticentes à aller vivre chez des particuliers. Concernant le projet « un village, une famille » c’est toute une communauté qui accueille et met à disposition un appartement à une famille.

VE: Est-ce que vous avez un bon exemple?

Cécile Joly: Pour l’instant, il n’y a que des bons exemples et aucun requérant n’a quitté sa famille d’accueil. Nous avons aussi le cas d’une famille syrienne à Bougy-Villars, avec le père, la mère, quatre enfants mineurs et deux enfants majeurs. Ils sont logés dans le village et une association s’est créée autour d’eux pour leur rendre visite, accompagner les enfants à l’école etc. Le père de famille a appris à s’occuper des abeilles avec un membre de l’association qui a une ruche. Tout se passe bien et nous avons des échos très positifs. De plus, grâce au projet, les habitants du village se rencontrent ce qui crée des liens.

Véronique Diab-Vuadens: C’est un projet qui permet aux personnes migrantes de faciliter leur intégration, d’apprendre le français, mais pas seulement. Il va surtout leur permettre de retrouver un sentiment de sécurité et un cadre assez sécurisant pour recréer des relations de confiance avec les gens, ce qu’ils n’ont peut-être jamais eu dans leurs vies ou pas depuis très longtemps. Les requérants vont donc être aidés à se reconstruire et se construire un avenir ici ou ailleurs, ce qui est essentiel. C’est au niveau du comportement et en français que les progrès s’opèrent en premier. Les requérants d’asile que nous rencontrions souvent nous sollicitent moins et les visites médicales se font plus espacées. C’est la preuve que leur état de santé s’améliore.

Cécile Joly: Oui, nous voyons les requérants avec un autre visage : ils dorment la nuit, sont souriants, ont des traits détendus et sont bien physiquement.

Anush Oskan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Les résultats des projets Héberger un migrants et un village, une famille

Héberger un migrant : 86 migrants ont pu être placés à fin mars ; 22 familles d’accueil sont en attente de pouvoir accueillir un bénéficiaire de l’établissement

Un village/une famille : 36 bénéficiaires participent à ce projet, en collaboration avec des communes du Canton

Au total, 122 personnes bénéficient d’un logement grâce à ces deux projets en avril 2017 selon l’EVAM.

Héberger un migrant vécu par une famille d’accueil

Ecoutez le sujet réalisé par Voix d’Exils sur Radio Django en cliquant ici



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