1

Une traversée de l’enfer jusqu’en Suisse

Coast Guard News (CC BY-NC-ND 2.0)

Coast Guard News (CC BY-NC-ND 2.0)

 Le témoignage glaçant d’un Erythréen

Je suis membre de Voix d’Exils. Je viens d’Erythrée

J’étais étudiant au collège et j’avais des bons résultats à l’école. J’avais aussi le rêve de me former dans le domaine de l’électricité. Mais je n’ai pas pu continuer mes études à cause de l’intervention des autorités qui voulaient m’obliger à entrer dans la marine militaire. Je n’avais pas d’autre choix que d’obéir. Donc j’ai décidé de quitter mon pays pour diriger ma vie moi-même.

En juin 2014, moi et mon amie sommes partis pour nous rendre en Ethiopie. A cet instant-là, on avait énormément peur car il y avait des soldats à la frontière. S’ils nous trouvaient, on savait qu’ils allaient nous enfermer en prison pour un temps indéfini. On a donc effectué notre parcours pendant la nuit pour notre sécurité. Pendant la journée, on se cachait dans des endroits peu fréquentés. On a fait comme ça et la troisième nuit, nous sommes arrivés en Ethiopie.

De l’Ethiopie au Soudan

Nous sommes restés deux semaines là-bas, puis on a décidé de partir pour le Soudan. Mais comme ce parcours est dangereux, il fallait donc chercher un passeur car il y a des malfaiteurs pendant ce voyage. On a donc cherché un passeur et on l’a payé 1600 dollars. Il n’a pas travaillé tout seul, il avait des complices avec lui. Alors lui et ses complices sont venus nous chercher en pickup et ont chargé 25 personnes dans la banquette arrière vers minuit. Comme le pickup n’était pas assez grand, on s’est assis les uns sur les autres et on s’est même assis au bord du véhicule. Nous sommes partis dans la nuit sans prendre de route. Nous sommes passés par la forêt et on avait aussi effectué notre parcours en se cachant puisqu’il y avait des malfaiteurs avec des armes qui enlevaient des gens. Quand le pickup ne pouvait pas traverser le chemin ou quand il y avait des rivières, on descendait et on les passait à pieds en s’attachant des jerricanes autour de la taille. Des personnes ont été emportées par le courant et ont disparu. C’était vraiment dangereux. Comme la route qu’on devait suivre était dans la forêt et de nuit, des personnes ont été gravement blessées aux yeux et se sont déchiré le visage. Au bout du huitième jour, nous sommes arrivés au Soudan.

Du Soudan à la Libye

Nous sommes restés deux semaines là-bas. Ensuite, nous avons continué notre parcours en Libye. Nous sommes partis grâce à un passeur Erythréen et on l’a payé 1600 dollars. Nous étions 200 personnes qui sommes parties ensemble en camion et on était chargés les uns sur les autres. Ce n’était pas possible de placer 200 personnes dans ce petit camion dans le désert sans prendre de route. De plus, il y avait trop de soleil et le camion avançait à sa vitesse maximale. On a fait cinq jours dans le Sahara soudanais. On était très fatigués, stressés et on avait aussi terriblement faim et soif par-dessus tout. Beaucoup perdaient connaissance.

Le cinquième jour, des Libyens nous ont accueillis avec six pickups. On était 30 personnes à bord de chaque véhicule. Mais, comme ils n’étaient pas assez grands, ils ont décidé de jeter toutes nos affaires (nourriture, eau habits) en dehors.

C’est le plus mauvais souvenir de ma vie, car huit jours plus tard, sur 200 personnes on était plus que 160. Deux pickups ont eu un accident à cause des chauffeurs drogués qui roulaient trop vite. Ils se sont renversés et des gens ont été écrasés. D’autres sont morts de faim et de soif.

On a vécu deux mois en Libye dans un endroit fermé en ne mangeant qu’une fois par jour, on avait donc vraiment faim. De plus, les Libyens nous traitaient de manière très brutaleme et nous battaient. C’était surtout les femmes qui souffraient le plus, car elles étaient souvent violées. Des personnes étaient aussi enlevées et vendues à d’autres passeurs Libyens. C’était très difficile à tolérer. On a payé 2200 dollars pour traverser la mer méditerranée. Nous avons été chargés sur un bateau en plastique prévu pour 150 personnes alors que nous étions 500.

De la Libye à la Suisse

Le bateau était donc beaucoup trop petit pour le nombre de personnes que nous étions. On était vraiment en danger, mais on n’a rien fait et on est quand même partis. On avait très peur parce qu’on sentait le danger. Après cinq heures de voyage en mer, le bateau a commencé à se déchirer. A cet instant-là, la seule chose qu’on pouvait faire c’était de découper des bouteilles en plastique pour rejeter l’eau en dehors du bateau. On était tous découragés très inquiets et on commençait à couler. Soudain, un bateau italien est venu nous secourir et a remorqué notre bateau. Après sept heures, on a été sauvés et nous sommes enfin arrivés en Italie. Puis, avec mon amie, nous nous sommes rendus en Suisse. On est aujourd’hui rassurés et on habite en sécurité avec notre fils qui est né ici.

B.N.

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils