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The lost childhood

Photographer: Niraz Saied Graphic: Moaz Sabbagh

Photographer: Niraz Saied
Graphic artist: Moaz Sabbagh

While you are reading these words, a blockade by the Syrian regime on the Palestinian refugee camp of Yarmouk in the south of Damascus, still goes on.

For more than 500 days, the Syrian regime has been blocking food, electricity and medicines for the Yarmouk camp. For more than 100 days, water is no more distributed. This situation is increasing the continuous suffering of more than 20,000 civilians with no hope of it ending.

More than 170 people have already died, including children according to Yarmouk News. Children of this siege are living in the worst nightmare imaginable. They no longer have the luxury of playing in the streets. Now their days are consumed with the fear of being targeted with bombs.

We should not forget that millions of Syrian children live in the besieged area as well as in refugee camps in Lebanon, Turkey and Jordan. Their childhood is being wasted. They have no hope for the future, nor a chance to relive their childhood the way it should have been.

These posters are letters from children who live in the Yarmouk refugee camp.

The pictures below were taken by the photographer Niraz Saied, who won the 2014 Youth Wins UNRWA / EU Photography Competition and Moaz Sabbagh is the author of the posters.

Moaz Sabbagh

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Photographe Niraz Saied, lauréat du Youth Wins 2014 UNRWA /EU Photography Competition. Graphiste Moaz Sabbagh auteur des affiches.

Photographer: Niraz Saied.
Graphic artist: Moaz Sabbagh

Photographe Niraz Saied, lauréat du Youth Wins 2014 UNRWA /EU Photography Competition. Graphiste Moaz Sabbagh auteur des affiches.

Photographer: Niraz Saied
Graphic artist: Moaz Sabbagh

Photographe Niraz Saied, lauréat du Youth Wins 2014 UNRWA /EU Photography Competition. Graphiste Moaz Sabbagh auteur des affiches.

Photographer: Niraz Saied.
Graphic artist: Moaz Sabbagh

 




Un festival célèbre la richesse et la diversité de la culture contemporaine syrienne

Logo du festival Layalina

Logo du festival Layalina

Genève

Né d’un sentiment d’urgence face à la crise syrienne, le Festival Layalina a pour but de faire connaître la culture syrienne au-delà des images de violence quotidienne relayées par les médias et, par la même occasion, de soutenir les victimes du conflit. Layalina, qui signifie « nos nuits » en arabe, se tiendra à Genève du 19 au 22 février 2015.

La démarche de Layalina est fondamentalement neutre, apolitique et non religieuse. Le programme proposé permettra d’appréhender la richesse et la diversité de la production culturelle contemporaine syrienne à travers un large spectre de disciplines. La programmation comporte :

– la projection d’une douzaine de films de réalisateurs syriens, depuis les classiques des années 80 jusqu’aux documentaires récents de réalisateurs engagés. Plusieurs de ces films sont inédits en Suisse.

– un atelier vidéo avec des réfugiés syriens en Suisse.

– de la musique syrienne, avec le concert d’Interzone, groupe syro-français, une soirée DJs électro à Motel Campo et une soirée de musique traditionnelle syrienne.

– des rencontres littéraires, sous forme de lecture spectacle et d’une table ronde avec des auteurs syriens.

– une exposition du caricaturiste politique H. Abbas.

– deux ateliers cuisine avec des femmes réfugiées syriennes ainsi qu’un repas syrien aux Bains des Pâquis.

Tous les détails sont disponibles sur le site http://www.layalina-festival.ch/ et la page Facebook https://www.facebook.com/layalinafestival?ref=aymt_homepage_panel

Au niveau humanitaire, le Festival soutient l’association « Coup de Pouce » pour la Syrie une ONG genevoise qui correspond aux valeurs de neutralité et de solidarité défendues par l’association Layalina. Coup de Pouce vient en aide sur le terrain à des familles syriennes victimes du conflit en les soutenant financièrement, indépendamment de leur appartenance politique, religieuse ou communautaire.

Le festival Layalina met à disposition des réfugiés et requérants d’asile un nombre limité de billets gratuits pour des séances de cinéma et pour le concert de musique traditionnelle au Temple de Saint-Gervais. Pour obtenir des billets, merci de procéder comme suit :

  • Envoyer un mail à info@layalina-festival.ch
  • Merci d’indiquer dans le titre/objet du mail « Billets gratuits »
  • Merci d’indiquer dans le mail si vous désirez l’entrée gratuite pour le concert ou pour un film, et si c’est pour un film, quel film exactement.

Le festival Layalina

Informations:

Vous pouvez télécharger la version arabe de l’annonce ici

Logo du festival Layalina

Logo du festival Layalina

Layalina: a festival dedicated to the diversity of the Syrian contemporary culture

Geneva

Layalina Festival was born from a sense of urgency following the Syrian crisis. Its main objectives are to promote aspects of Syrian culture that go beyond the images of violence conveyed daily by the media, as well as to support the victims of the conflict. Layalina, which means « our nights » in Arabic will take place in Geneva from the 19th to the 22nd of February 2015.

The innovative aspect of this multidisciplinary Festival is that it combines artistic excellence with humanitarian endeavors. Layalina’s approach is fundamentally neutral, apolitical and non-religious.

Our program will offer a closer view of the wealth and diversity of the contemporary Syrian cultural production through a wide range of disciplines. Indeed, despite the circumstances, Syrian artists have managed to overcome censorship, war and exile, proving constant creativity as much in the thematic than formal aspects of their works. Layalina firmly believes in the idea that art generates privileged spaces of exchange and dialogue. Therefore, through the diversity of disciplines that will be represented, we aim to present complementary views on Syria’s reality. Moreover, we wish to attract audiences from various horizons involving the multiple actors of Geneva’s society.

Our program includes:

  • The projection of a dozen films by Syrian filmmakers, featuring works ranging from the pioneers in the 1970’s to more recent documentaries created in the urgency of the conflict. Several of these films are unseen in Switzerland;
  • A video workshop organized with Syrian refugees in Switzerland;
  • Syrian Music, including three concerts and a special DJ evening;
  • Literary encounters with a literary-show and a round table discussion with authors;
  • An exhibition presenting works of the political caricaturist Hani Abbas;
  • Two cooking workshops animated by Syrian refugees, as well as a literary and musical brunch

In accordance with its humanitarian endeavor, the Festival supports the association “Coup de Pouce pour la Syrie”, an NGO founded in Geneva that complies with Layalina’s values of neutrality and solidarity. “Coup de Pouce” financially supports Syrian families, who are victim of the conflict, regardless of their political, religious or community belonging.

Layalina is naturally rooted in the tradition of “Living together”, dear to the Spirit of Geneva. The Festival will therefore host collaborations between artists from Geneva and Syria and will encourage the participation of Syrian refugees, who will have the possibility to enhance their competences. Thus, the Festival will offer a space of encounter and exchange to populations that usually coexist without necessarily mingling (refugees, artists and Geneva’s public). This approach, which brings together culture and humanitarian assistance, perpetuates the tradition of Swiss humanism, particularly in Geneva, land of asylum and international capital of humanitarian aid.

The Layalina Festival




« Le bénévolat permet d’utiliser ses compétences et d’en acquérir de nouvelles »

Ed Yourdon (CC BY-NC-SA 2.0)

Ed Yourdon
(CC BY-NC-SA 2.0)

Arrivé en Suisse en 2001, Ewal, originaire de la République Démocratique du Congo (RDC), a déjà un âge respectable : 64 ans, ce qui lui complique la tâche pour trouver un emploi. Afin d’éviter de sombrer dans la solitude et l’oisiveté, il décide de s’investir bénévolement dans plusieurs associations. Aujourd’hui, détenteur d’un permis B, Ewal nous explique les bienfaits du bénévolat.

Voix d’Exils: quel métier exerciez-vous dans votre pays ?

Ewal: J’avais une forte envie de devenir un scientifique. C’est un projet qui sommeillait en moi. A la fin de mes études, en sciences naturelles (biologie) à l’Université Lovanium de Kinshasa, actuelle Université de Kinshasa, j’ai travaillé pendant une courte durée comme chercheur, tout en préparant un diplôme en hautes études en gestion d’entreprises. Comme dans des pays comme le miens la recherche ne paie pas, j’ai abandonné ce secteur d’activité pour intégrer un projet dans le domaine de la formation professionnelle pour adultes qui bénéficiait de l’appui d’experts suisses et français dans le cadre de la coopération entre le Bureau International du Travail (BIT) et le gouvernement congolais. J’y ai évolué pendant deux décennies dans plusieurs fonctions, notamment celles de chef du service d’organisation de la formation et du travail et celle de responsable des ressources humaines. En même temps, le soir, j’étais professeur dans le cadre de la formation continue.

Quels types d’activités faites-vous en tant que bénévole?

Actuellement, je suis engagé dans des activités bénévoles au sein de la Croix Rouge vaudoise pour venir en aide aux personnes âgées. Comme membre du comité de gestion, je participe à la vérification des comptes de la paroisse de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) de Curtilles-Lucens. En ma qualité de président de l’Association des Amis de SOLIDEV, basée en Suisse, je sers de relais entre celle-ci et l’ONG SOLIDEV qui œuvre en RDC dans les domaines de la formation et de l’éducation. Depuis juillet 2012, le SOLIDEV gère, à Kinshasa, un centre médical pour fournir des soins de base à la population locale. Je suis également membre d’un chœur mixte, ce qui me permet de rester en contact avec la population locale. Au sein d’une association, je dispense des cours de français aux migrants, adolescents ou adultes en quête d’emplois ou de formation, habitant Lausanne et ses environs.

Racontez-nous vos débuts de bénévole et ce qui vous a donné l’envie de vous investir bénévolement ?

Le marché du travail est pratiquement inaccessible aux étrangers et aux Suisses à l’âge de la retraite. A mon arrivée en Suisse, en 2001, je faisais déjà partie de cette catégorie et il était déjà illusoire pour moi de trouver un emploi. Je ne pouvais pas sombrer dans l’oisiveté et la solitude. Je voulais aussi faire bénéficier de mon expérience acquise en RDC aux autres requérants d’asile dans le besoin, créer et étendre les liens sociaux utiles à mon intégration dans le pays d’accueil et découvrir la culture des autres. Ce sont là quelques raisons bien significatives qui m’avaient poussé à me lancer dans le bénévolat. Porté par l’amitié avec les autres membres de l’Evam, les circonstances m’ont conduit à m’investir dans des programmes d’occupation dans le cadre desquels je fournissais des prestations telles que l’enseignement et l’encadrement des mineurs.

Cela représente-il beaucoup de temps ?

Oui, de 2002 à ce jour, ce parcours représente : 8 ans et demi environ à l’Evam, 10 ans à la Croix-Rouge vaudoise, 12 ans de chant comme choriste, 4 ans d’enseignement du français au Forum des étrangères et des étrangers de Lausanne (FEEL), 7 ans comme membre du comité de gestion de la paroisse, 6 ans environ comme aide de cuisine à Cabès. Tout ce que je viens de citer représente beaucoup de temps.

Selon vous, quelles sont les qualités nécessaires pour servir comme bénévole ?

Une personne qui accepte d’œuvrer comme bénévole devrait faire preuve de droiture dans les actes qu’elle pose, d’intégrité, de gentillesse, d’humilité, de bonne humeur, de sérieux, de ponctualité, d’ouverture, de capacité à s’intégrer et d’une grande civilité.

Quelle est la place du bénévole au sein d’une équipe ?

Une personne bénévole au sein d’une équipe devrait être solidaire avec les autres membres. Elle devrait les aider à s’insérer dans l’équipe et à connaître son fonctionnement.

Que vous a apporté et vous apporte encore le bénévolat ?

De la satisfaction morale et une expérience enrichissante. L’activité bénévole est très valorisante. Cependant, dans cette civilisation matérialiste, le bénévolat pourrait procurer de grosses frustrations car on n’y gagne rien sur le plan financier. Il faut donc faire très attention !

Quels sont les côtés moins agréables, moins sympathiques?

Il arrive parfois que la personne qu’on voudrait aider refuse l’aide ou adopte une attitude bizarre au vu de la couleur de la peau du bénévole.

Recommanderiez-vous le bénévolat aux requérants d’asile?

Bien sûr que oui. Il permet à la fois d’exploiter les compétences antérieures et d’en acquérir de nouvelles. Malgré son côté parfois désagréable, les expériences acquises dans ce cadre sont placées sur un pied d’égalité avec les activités professionnelles. Ce serait bien de minimiser le côté moins sympathique et de savoir « faire avec », car l’ activité bénévole devrait être considérée aussi dans le sens d’une reconnaissance envers le pays d’accueil.

Peut-on être bénévole à tout âge ? Si oui, à quelle condition ?

Comme dans toute activité humaine, la santé joue un rôle important. Si la santé le permet et si l’on a envie de continuer à le faire, il faut continuer, sinon il faut s’arrêter.

Propos receuillis par:

Timaj

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Contact

Pour tout renseignement ou pour trouver une activité bénévole dans le canton de Vaud, veuillez prendre contact avec Bénévolat Vaud, centre de compétences pour la vie associative

Bénévolat-Vaud

Av. Ruchonnet 1

1003 Lausanne

Tél. 021 313 24 00

Ouvert du lundi au vendredi, de 9h00 à 13h30



La fabrication d’un dealer

Daniel Lofredo Rotta "Drug dealer from Golden Gate Park" (CC BY-NC-SA 2.0)

Daniel Lofredo Rotta
« Drug dealer from Golden Gate Park »
(CC BY-NC-SA 2.0)

Le trafic de drogues obnubile les médias et la figure du dealer hante aujourd’hui la population suisse. Qui se cache derrière le dealer posté au coin de la rue ? Quelles sont les raisons qui peuvent pousser à dealer? Comment se sortir de la spirale du trafic de drogues ?

Témoignage exclusif d’un ex-dealer – également rescapé d’un massacre perpétré par les djihadistes de Boko Haram – qui a réussi à s’extraire des tentacules du deal.

Né au sud du Nigeria, plus précisément dans la région de Calabar de parents chrétiens, Edouard a aujourd’hui 40 ans et a suivi dans son pays des brillantes études universitaires couronnées par un diplôme d’ingénieur. Par la suite, il est engagé par une importante société basée au nord du Nigeria. Il s’installe alors dans la ville de Kano et mène une vie très paisible et confortable. Marié et père de trois enfants, il est parmi les membres influents d’une église locale qu’il fréquente chaque dimanche accompagné de sa famille. Jusqu’à ce fameux jour en printemps 2004 où, en plein culte, l’église est attaquée par la secte islamiste nigériane Boko Haram. Le bilan est lourd : l’église est brulée, plusieurs fidèles sont assassinés, des femmes et des enfants sont massacrés, et sur la liste des victimes figure sa belle-sœur !

La route vers l’exil forcé

Édouard, qui ne comprend pas encore les raisons de cette attaque, et encore moins qui sont les assaillants (comme la quasi-totalité des Nigérians à l’époque) réussit à se mettre à l’abri avec sa femme et ses trois enfants. Il se faufile dans la brousse pour regagner son domicile et se rend compte que sa maison a été pillée et brulée, comme la majorité des maisons appartenant aux chrétiens de cette ville à majorité musulmane. Pris de panique, il profite de la nuit et de l’obscurité pour fuir avec sa famille. Il juge alors plus prudent de rejoindre le Niger – pays voisin limitrophe, accessible à pieds et dont le trajet est moins exposé à d’éventuelles embuscades des assaillants – que de se rendre dans sa ville d’origine qui se trouve au sud du Nigeria, ce qui nécessiterait, pour l’atteindre, de traverser tout le nord avec les risques que cela entraîne.

 Talatu Carmen (CC BY-NC-SA 2.0)

Talatu Carmen
(CC BY-NC-SA 2.0)

Traverser le désert et la mer

Ainsi, Édouard se retrouve du jour au lendemain avec sa famille au Niger, et pose ses valises à Agadez, une ville connue comme une véritable plaque tournante de l’immigration vers l’Europe par le désert. Édouard n’a plus assez d’argent pour continuer la route avec sa famille et, surtout, il ne veut pas risquer la vie de ses enfants dans le désert. Il se confie au prêtre de l’unique Eglise catholique de la ville et ce dernier accepte d’héberger ses enfants et sa femme pour «le temps qu’il faudra». Edouard affronte alors le Sahara dans un pick-up 4×4 dans lequel les passagers sont «entassés comme des bagages», avec la peur au ventre d’y laisser sa peau, mais aussi avec l’espoir de se retrouver sur un continent qui, selon lui, respecte les droits de l’homme et où règne la paix. Après une semaine passée dans le désert, le convoi arrive en Libye. Édouard se débrouille pour regagner Tripoli dans un autre pick-up, toujours par le Sahara, pour déjouer les contrôles de police car il est à présent un clandestin. Une fois à Tripoli avec ses compagnons de fortune, ils sont conduits dans des ghettos où habitent d’autres Africains tous dans l’attente de traverser la mer pour l’Europe… «l’Eldorado».

Six mois plus tard, à Tripoli, Édouard a déjà réussi à rassembler la somme d’argent exigée par le passeur, lui qui n’avait plus rien à son arrivée, notamment en travaillant dans des chantiers. Il embarque en pleine nuit dans une pirogue de fortune avec une centaine d’autres immigrés clandestins venus des quatre coins du monde (dont l’Afrique de l’ouest, le Maghreb et l’Asie). Après avoir passé toute une nuit d’angoisse en pleine mer, ils arrivent enfin à l’île italienne de Lampedusa. Ils sont arrêtés par les garde-côtes italiens et transportés dans un camp de réfugiés. Certains sont emmenés à l’hôpital. Il décide alors de quitter l’Italie car, dit-il, «je voulais aller au cœur de l’Europe, là où je raconterai mon histoire sans peur d’être rejeté, au pays connu de par le monde pour son hospitalité légendaire, au pays connu pour son respect des droits de l’homme, le pays qui symbolise le respect des droits des réfugiés : la Suisse!»

L’Eldorado Suisse…

Il arrive en Suisse et dépose une demande d’asile dans le centre d’enregistrement basé à Vallorbe. Il est ensuite transféré dans un centre pour demandeurs d’asile du Canton de Vaud. Là-bas, le jeune ingénieur africain sombre dans la dépression ou presque. Après toutes ses tentatives pour décrocher un emploi il baisse les bras. Il s’ennuie à longueur de journées et fait la rencontre de quelques compatriotes. Tous ou presque ne travaillent pas en raison de leur statut. On lui explique que sa demande d’asile ne va pas aboutir, comme la majorité d’entre eux, «car il est Nigérian». Il n’arrive pas à en croire ses oreilles. Il se dit qu’avec ce qu’il a vécu, il mérite la protection de la Suisse: «et puis, c’est mon histoire qui compte et non mes origines» se dit-il en y croyant dur comme fer. Ses compatriotes tentent de lui expliquer qu’ici, ils sont tous «associés à des dealers, à de vulgaires vendeurs de drogues». Quel que soit son parcours académique en Afrique, ici il n’est plus rien. Des propos qui ont le mérite de le choquer. Il met ces allégations sur le compte du fait que la plupart des compatriotes qu’il a rencontré au centre n’ont pas son niveau d’éducation et donc ont peu de chances de s’en sortir. Lui croit avoir plus de ressources… Mais il n’arrive toujours pas à décrocher un travail pour envoyer de quoi vivre à sa famille restée à Agadez à cause de son statut de demandeur d’asile.

(CC BY-NC-SA 2.0) Drugs Elle Kay "Drugs" (CC BY-NC-SA 2.0)

Elle Kay
« Drugs »
(CC BY-NC-SA 2.0)

La tentation

Chaque matin, certains de ses compatriotes sortent du centre et ne rentrent que le soir. Ceux-ci ont de l’argent. Certains envoient «de grosses sommes» pour soutenir leurs familles restées au pays. Edouard reste toute la journée couché. Un matin, il reçoit un coup de fil de sa femme depuis le Niger qui lui annonce une terrible nouvelle : sa fille est tombée gravement malade. Il lui faut urgemment de l’argent pour la soigner, mais il n’a rien pour lui venir en aide. Il essaie de faire un emprunt auprès de certains de ses compatriotes qui sont toujours «bourrés de fric», mais personne ne veut lui donner un coup de main. Ils lui reprochent d’être «un peureux qui ne veut pas prendre de risques, un saint». Un seul lui propose de lui venir en aide, mais avec…cinq grammes de cocaïne. Faudra-t-il «mettre de côté ses valeurs, risquer de perdre sa liberté pour avoir de quoi soigner sa fille?» Cette question taraude son esprit toute une nuit. Le matin suivant, il décide d’accepter l’offre et entre alors dans l’engrenage du deal. Il se retrouve dans le centre-ville de Lausanne pour «tacler» (ndlr : tacler signifie dans le jargon des dealers «accoster les clients de différentes manières»). Avec «une peur olympique au ventre», il réussit à écouler la fameuse marchandise. Lui qui méprisait auparavant les dealers, bizarrement, il prend goût  au «métier». Édouard sent alors qu’il est «transformé par le système».

«Je n’avais jamais imaginé qu’un jour je vendrai de la drogue. Je ne savais même pas à quoi ça ressemblait. A force de chercher du travail en Suisse j’étais prêt à faire n’importe quoi et à laisser tomber ma profession d’ingénieur. J’ai vraiment fait tout ce qui était possible. A force de recevoir des réponses négatives à cause de mon statut temporaire en Suisse, je me suis retrouvé le dos au mur».

Marco Gomes "Crack” (CC BY-NC-SA 2.0)

Marco Gomes
« Crack”
(CC BY-NC-SA 2.0)

La rédemption par la foi

Mais, après des mois de «taclage» sous le soleil, la pluie et la neige; à courir devant les gendarmes en civil, Édouard est fatigué de cette vie gagnée dans l’illégalité. Dans son cœur, il sait que cette vie ne lui convient pas et qu’elle ne reflète pas ses valeurs. Malgré le fait qu’il parvienne maintenant à envoyer régulièrement de l’argent à sa famille, il décide de couper court avec sa vie de dealer ! Il dit être aidé dans cette «difficile décision» par «sa foi en Dieu». Il «s’est rapproché de Dieu», il prie beaucoup et croit fermement que «Dieu à un plan plus propre, plus juste pour lui». Aujourd’hui, Edouard n’a toujours pas une situation stable, il ne vit qu’avec l’aide donnée aux demandeurs d’asile, il a des problèmes pour subvenir aux besoins de sa famille restée en Afrique, mais il vit au moins dans la légalité !

*Nom d’emprunt

FBradley Roland

Journaliste-éditorialiste, contributeur externe de Voix d’Exils




« Je suis Charlie » : stop mobilization!

Auteur: nadassfoto "Je suis Charlie" (CC BY-NC-SA 2.0)

Auteur: nadassfoto « Je suis Charlie », manifestation suite au massacre de la rédaction du journal Charlie Hebdo » (CC BY-NC-SA 2.0)

Is Charlie Hebdo attack new to social phenomena? What are the reasons behind Islamic terrorism? Is freedom of speech a western value? This article attempts to handle these tough questions by giving way to thinking outside the box into which mobilizers are forcefully pushing us.

What shocked me in Paris terror attacks was different from what afflicted a large part of the Occident. Even though much of what I experienced in my life as a free writer would make me identify with humanists and free artists in general, I see in social identification a great part of the problem.

I was stunned by the speed western society mobilized after the 7th of January attacks. This difference in attitudes is due to the fact that I had my secular upbringing in a widely religious society, and I learnt how to deliver, pass and code my messages and my divergent views in an environment that does not acknowledge individuality, human rights, and the freedom of expression. In contrast, Europeans and Americans, generally, think of human rights and freedom of speech as part of their cultural heritage rather than universal values, and tend to think of terrorism as rooted in another culture or other cultures. However, by thinking like that, they are likely to marginalize and exclude a considerable percentage of western citizens who come from oriental origins whether well integrated or not.

I wonder why all those muslims in France feel the need to defend themselves against putative accusation of terrorism as the French law does not convict people of terrorism unless they are complicit in it. In other words, if I were a French Muslim and I trusted the rule of law in France, why would I feel threatened if five million French Muslims turned to be terrorists?

Auteur: Bernard Blanc "Pau est Charlie, Béarn, Pyrénées Atlantiques, Aquitaine, France" (CC BY-NC-SA 2.0)

Auteur: Bernard Blanc « Pau est Charlie, Béarn, Pyrénées Atlantiques, Aquitaine, France » (CC BY-NC-SA 2.0)

I wonder also why a parallel mobilization is taking place in the USA where more extremist reactions are coming out. Paris attacks are being excessively exploited by Obama’s opponents to denounce his policy regarding the Middle East and the Muslim world in general. Moreover, the talk about pausing Muslim immigration is witnessing a renewal. Such reaction is excessive when we realize that France has proportionately a much larger Muslim population than North America. I wonder also why a terrorist attack conducted by a small number of people triggers off such controversy in the American medias about a menacing third world war unless there is a desire to declare it. If we exclude the notion that this kind of mobilization is part of the preparations for this war (which is the worst possible scenario) and tend to think that occidentals are responding to the threat by highlighting a principal emblem of their culture (freedom of expression), then it is also not the best thing to do.

Auteur: Quentin Chandelier "Je suis Charlie" (CC BY-NC-SA 2.0)

Auteur: Quentin Chandelier « Je suis Charlie » (CC BY-NC-SA 2.0)

Occidentals should be very careful with matters of identity and should not overuse the slogan « I am Charlie » for the risk of becoming an alienating slogan as well as paving the way for a rivaling slogan « I am not Charlie » as long as they actually care about stability in and out of the Western world. I would like to bring the attention to the frustration Muslims might feel as a result of finding themselves constantly stigmatized as perpetrators of terrorism. Moreover, the reluctance or the failure at integrating Muslims is liable to lead the frustrated ones to succumb to the call of terrorists. Personally, I think of Islamic terrorism as a natural aggregate result of the failure of integration programs in the west, and the obvious unwillingness of the global powers to make peace in the Middle East.

I would like to direct the attention of those who are involved in the movement of mobilization that stressing certain values is actually a symptom of an imminent crisis because all the human values are consequently reduced to one highlighted value − in this case it is « freedom of expression ». Hitler relied heavily on two values (dignity and pride) to mobilize Germans. Likewise, Islamic terrorists prioritize the value of « martyrdom » to mobilize their recruits. Needless to mention also that to create a crisis is much easier than to solve it. Social identification is a capacity of our minds and a method to defend our identity against the outside world, but also a risky rejection and by extension, knowledge of the « other ». In fact, a Muslim who identifies with his prophet Mohammed is going through the same mental process by which a professor identifies with his/her titles and certificates and gets mad because a student addresses him/her without this title. Both Mohammed and the title work as sources of values. An original problem arises when this Muslim or that professor has no other sources of values to safeguard his/her self-image, and the second problem comes when individuals or the society shakes their self image constantly and pushes them to eliminate the sources of their trouble by murdering or rejecting their « offenders ». I do not pretend that I know all the details or the motives for the Charlie Hebdo massacre, but what I am sure about is that it is not new to social phenomena and if we broaden the scope of our social identification, we will find out that it is not more horrific than what is taking place all over the world.

Auteur: Franck Mée "Hommage" (CC BY-NC-SA 2.0)

Auteur: Franck Mée « Hommage » (CC BY-NC-SA 2.0)

I think it is not reasonable to say that all of France or the western world has been attacked, and those who do so, are actually using the same logic that Islamists use when they say that Islam has been attacked. Really, by adopting this exaggeration for either assessing threats or evading them, occidentals give a justification for Islamists who would have more reason to talk about anti-Muslim attacks after all that chaos in the Muslim world and the overt intervention of different western powers.

If occidentals care about stability and freedom of expression inside their borders they have to work for stability, democracy and human rights outside their borders. By doing so, they would help Muslims and others criticize their own values, broaden their vision of their humanity and bolster their intolerance. By doing the opposite along with an insistent association between Islam and terrorism, they just push them towards radicalism.

Ibrahim Rami

Membre de la rédaction Neuchâteloise de Voix d’Exils

« Je suis Charlie » : arrêtez la mobilisation !

Est-ce que l’attaque contre Charlie Hebdo est un nouveau phénomène social? Quelles sont les raisons qui animent le terrorisme Islamique? Est-ce que la liberté d’expression est une valeur occidentale? Cet article tente de traiter ces questions difficiles en proposant un point de vue qui sort du carcan dans lequel les protestataires du mouvement «Je suis Charlie» nous enferment forcément.

Ce qui m’a choqué dans les attaques terroristes à Paris était différent de ce qui a affligé à une grande partie de l’Occident. Même si une grande partie de ce que j’ai vécu dans ma vie en tant qu’écrivain libre me conduirait à m’identifier aux humanistes et artistes libres, en général, je vois dans l’identification sociale une grande partie du problème de cette mobilisation.

J’ai été stupéfait par la vitesse avec laquelle la société occidentale s’est mobilisée suite aux attaques de janvier 2015 à Paris. Cette différence d’attitude est due au fait que j’ai une éducation laïque dans une société largement religieuse et j’ai appris comment livrer, passer et coder mes messages et mes points de vue divergents dans un environnement qui ne reconnaît pas l’individualité, les droits de l’homme, et la liberté d’expression.

En revanche, les européens et les américains, en général, considèrent les droits de l’homme et la liberté d’expression comme étant l’héritage de leur patrimoine culturel plutôt que des valeurs universelles et tendent à penser que le terrorisme est enraciné dans une autre culture ou d’autres cultures. Toutefois, en pensant de la sorte, ils sont susceptibles de marginaliser et d’exclure une partie considérable des citoyens occidentaux qui sont d’origine orientale, bien intégrés ou non.

Je me demande aussi pourquoi tous ces musulmans en France sentent la nécessité de se défendre contre l’accusation présumée de terrorisme, étant donné que la loi française ne reconnaît pas les gens comme terroristes, à moins d’y être directement impliqué. En d’autres termes, si j’étais un musulman français et que je faisais confiance à la primauté du droit en France, pourquoi devrais-je me sentir menacé si cinq millions de musulmans français se sont tournés vers les terroristes ?

Je me demande aussi pourquoi une mobilisation parallèle se déroule aux États-Unis, où davantage de réactions extrémistes se manifestent. Les attentats de Paris sont excessivement exploités par les adversaires d’Obama pour dénoncer sa politique au Moyen-Orient et dans le monde musulman en général.

En outre, le discours sur la suspension de l’immigration musulmane témoigne d’un renouveau. Cette réaction est excessive, lorsque nous nous rendons compte que la France a une population musulmane proportionnellement beaucoup plus grande que l’Amérique du Nord. Je me demande aussi pourquoi une attaque terroriste menée par un petit nombre de personnes déclenche une telle controverse dans les médias américains qui parlent d’une troisième guerre mondiale menaçante si ce n’est un désir de la déclarer.

Si l’on exclut l’idée d’une telle mobilisation en guise de préparatifs pour cette guerre (ce qui serait le pire scénario possible) et tendons plutôt à penser que les occidentaux font face à la menace en mettant en évidence l’emblème principal de leur culture (liberté d’expression) alors ce n’est également pas la meilleure chose à faire….

Les occidentaux devraient être très prudents avec les questions d’identité et ne doivent pas abuser du slogan «je suis Charlie» qui risque de devenir un slogan aliénant ouvrant la voie à un slogan rivalisant «je ne suis pas Charlie». Ce, bien entendu, pour autant qu’ils se préoccupent vraiment de la stabilité à l’intérieur et en dehors du monde occidental.

Je voudrais aussi attirer l’attention sur la frustration des musulmans qui pourraient se sentir par la suite en étant constamment stigmatisés comme auteurs potentiels d’actes terroristes. Personnellement, je pense que le terrorisme islamique est le résultat naturel de l’échec des programmes d’intégration dans l’Ouest, de la réticence évidente des grandes puissances mondiales à faire la paix aux Moyen-Orient et de la réticence ou l’incapacité à intégrer les musulmans, ce qui est susceptible d’amener les frustrés à succomber à l’appel des terroristes.

Discutons à présent des personnes qui sont impliquées dans le mouvement de mobilisation «Stop Charlie» et qui, en soulignant certaines valeurs, en font le symptôme d’une crise imminente où toutes les valeurs humaines sont réduites à une valeur mise en évidence. Dans ce cas: « la liberté d’expression ». Hitler s’était fortement appuyé sur deux valeurs : la dignité et la fierté pour mobiliser les Allemands… De même, les terroristes islamiques mettent la priorité sur la valeur de « martyrs » pour mobiliser leurs recrues. Inutile de mentionner également que créer une crise est beaucoup plus facile que de la résoudre…

L’identification sociale est une capacité de notre esprit et une méthode pour défendre notre identité contre le monde extérieur, mais aussi, par extension, un rejet risqué de la connaissance de « l’autre ».

En fait, un musulman qui s’identifie à son prophète Mahomed passe par le même processus mental que par lequel un professeur s’identifie avec ses titres et se met en colère parce qu’un élève l’aborde sans faire appel à ses titres. Comme le titre de professeur, le prophète Mohamed est une source de valeurs. Un problème initial se pose lorsque ce musulman ou ce professeur n’a pas d’autres sources de valeurs pour sauvegarder son image et le second problème vient quand les individus ou la société bouscule leur image en permanence en les poussant à éliminer les sources de leur détresse en assassinant ou rejetant leurs « délinquants ».

Je ne prétends pas connaître tous les détails ou les motifs du massacre de Charlie Hebdo, mais ce dont je suis sûr, c’est que ce n’est pas nouveau en tant que phénomène social et que si nous élargissons la portée de notre identification sociale, nous allons découvrir qu’elle n’est pas plus horrible que ce qui se passe partout ailleurs dans le monde.

Je pense que ce n’est pas raisonnable de dire que toute la France ou le monde occidental a été attaqué, et ceux qui le font effectivement utilisent la même logique que les islamistes quand ils disent que l’islam à été attaqué.

Vraiment, en adoptant cette exagération soit pour évaluer les menaces ou les élucider, les occidentaux donnent une justification pour les islamistes qui auraient plus de raisons de parler d’attaques anti-musulmanes après tout le chaos dans le monde musulman généré par l’intervention manifeste de plusieurs puissances occidentales dans cette région…

Si les occidentaux se soucient réellement de la stabilité et de la liberté d’expression à l’intérieur de leurs frontières, ils doivent aussi travailler pour la stabilité, le respect de la démocratie et des droits humains en dehors de leurs frontières.

En faisant de la sorte ils aideraient les musulmans et tous ceux qui critiquent leurs valeurs à élargir leur vision de l’humanité et à renforcer leur tolérance. En faisant le contraire et en associant de manière insistante l’islam au terrorisme, ils ne font que pousser les musulmans  vers le radicalisme.

Ibrahim Rami

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils