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«Nous existons pour aider les migrants à faire usage de leurs droits»

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Mme Françoise Jacquemettaz. Photo: Voix d'Exils
Mme Françoise Jacquemettaz du Centre Suisses-Immigrés de Sion. Photo: Voix d’Exils.

Interview de Mme Françoise Jacquemettaz du Centre Suisses-Immigrés de Sion

Le Centre Suisses-Immigrés de Sion est connu de tous les requérants d’asile du Valais. Créé en 1984, il est devenu, trente ans après, un lieu incontournable de réflexion et d’engagement autour de l’asile et de la migration. La rédaction valaisanne de Voix d’Exils est allée à la rencontre de Mme Françoise Jacquemettaz, l’une des fondatrices du Centre. Interview.

Voix d’Exils : Comment le Centre Suisses-Immigrés est-il né ?

Mme Françoise Jacquemettaz : Le Centre est né sur les ruines de l’initiative populaire «être solidaires», votée en 1981, dont l’objectif était d’abolir le statut de saisonnier et qui a été très largement rejetée par le peuple suisse. Nous étions quelques-uns à nous être engagés et nous nous sommes demandés comment nous pouvions réagir. Nous sommes partis de la demande de migrants, avant tout des travailleurs étrangers, qui exprimaient le besoin de disposer de cours de français. Nous avons commencé comme cela, de façon spontanée. Jamais je n’aurais pensé que nous serions toujours là 30 ans après !

Que trouve-t-on concrètement au Centre Suisses-Immigrés ?

En plus des cours de français, nous avons rapidement saisi la nécessité d’organiser une permanence juridique et sociale pour aider les migrants à comprendre les différents documents qu’ils reçoivent, comme les contrats de travail, d’assurance-maladie, les lettres administratives, etc. Notre offre s’est peu à peu étendue et, au fil des années, nous avons proposé également des cours de cuisine, de gym pour les femmes, d’informatique ou, encore, un accompagnement mère-enfant. Ce dernier projet reste d’actualité et il implique la maman dans le processus scolaire de son enfant. Fondamentalement, nous existons pour aider les migrants à faire usage de leurs droits. Nous rédigeons des recours, constituons des dossiers de demande de regroupement familial et – c’est très important pour moi – si nous ne pouvons rien faire, nous prenons toujours le temps d’expliquer pourquoi.

Mme Françoise Jacquemettaz. Photo: Voix d'Exils

Mme Françoise Jacquemettaz du Centre Suisses-Immigrés de Sion . Photo: Voix d’Exil

Avez-vous une approche particulière ?

Nous cherchons à favoriser l’intégration, en accordant une attention toute particulière aux femmes et aux enfants. Comme nous avons souvent une relation privilégiée avec les personnes qui viennent vers nous, nous pouvons nous permettre de dire certaines choses. Prenons deux exemples pour illustrer le propos. Si des parents songent à s’opposer aux cours de piscine pour leur fille, nous leur ferions réfléchir au fait que l’enfant serait stigmatisée vis-à-vis de ses camarades. Si une famille demande l’asile en raison des problèmes politiques du père, nous lui ferions comprendre que la femme et les enfants ont également des droits et, qu’en Suisse, les droits existent pour tous.

Quel bilan faites-vous après trente ans d’engagement ?

En ce qui concerne l’asile, le bilan est désastreux. C’est de la paranoïa. Il faut arrêter de prendre des mesures urgentes qui ne servent à rien. On a créé le statut de NEM (Non entrée en matière) pour que les personnes déboutées quittent la Suisse. Résultat: elles ne sont pas parties. Il faudrait aussi modifier le statut d’admission provisoire. Nous voyons aujourd’hui des jeunes de la deuxième génération, nés en Suisse, bloquées par ce permis au rabais. La récente interdiction de déposer une demande d’asile dans une ambassade nous pose de gros problèmes, par exemple pour les Syriens qui cherchent à rejoindre des membres de leur famille en Suisse. Au début de la crise, la Suisse a très brièvement accordé des visas facilités aux Syriens. Je trouve qu’il y a une hypocrisie du discours parce qu’actuellement, dans les faits, la situation est très difficile. Même si nous savons que nos demandes sont vouées à l’échec, nous intervenons pour montrer que nous ne sommes pas d’accords. C’est la même chose avec les transferts Dublin organisés vers l’Italie ou le renvoi des Roms dans les pays de l’Est. On fait comme si tout allait bien, alors qu’on sait pertinemment qu’ils sont ostracisés chez eux.

Quels sont les meilleurs souvenirs que vous gardez de toutes ces années ?

Rien n’égale le sentiment d’accomplissement que l’on ressent quand on obtient l’asile pour quelqu’un après avoir fait un recours. Ce moment où on se dit qu’on a pu faire reconnaître des motifs d’asile.

Mme Françoise Jacquemettaz. Photo: Voix d'Exils

Mme Françoise Jacquemettaz du Centre Suisses-Immigrés de Sion. Photo: Voix d’Exils

A contrario, qu’est-ce qui a été le plus difficile pour vous ?

Il y a une chose que je trouve particulièrement inacceptable: c’est l’organisation de renvois sous la contrainte dans les cas de familles avec enfants. Je suis en colère lorsque des personnes viennent me dire, navrées : «ce matin, dans notre immeuble, la police est venue à 3 heures du matin, on a retrouvé des affaires d’enfants dans la cage d’escalier». Il faut que ces personnes témoignent, qu’elles écrivent dans les journaux. On a, en Suisse, une chose qui s’appelle la liberté d’expression. Il faut en faire usage. On voit que la mise en question de l’autorité reste toujours quelque chose de difficile et je pense que si personne ne dit rien, cela va malheureusement continuer.

Comment voyez-vous l’avenir du Centre Suisses-Immigrés ?

Je souhaite que le Centre Suisses-Immigrés puisse longtemps poursuivre son action dans le même esprit. Notre équipe est très motivée et ne compte pas ses heures. Ce qui me préoccupe, c’est que les gens sont persuadés que nous avons le pouvoir de faire la pluie et le beau temps à Berne, alors que ce n’est évidemment pas le cas.

On a vu au cours de ces années que des choses très importantes ont été révélées pour la première fois au Centre Suisses-Immigrés ; elles n’avaient pas été dites ailleurs, ni lors de l’audition d’asile, ni confiées aux assistants sociaux. C’est pourquoi, nous avons dans nos projets l’idée de créer un espace d’écoute, où les personnes auraient l’occasion de parler à bâtons rompus, en toute confidentialité.

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Infos

Centre Suisses-Immigrés

Rue de l’Industrie 10
CP 280
1951 Sion

E-mail csivs@bluewin.ch

Téléphone 027 323 12 16

Horaires:

Lundi : 14h – 18h
Mardi : 14h – 18h
Mercredi : 18h – 21h
Jeudi : 14h – 18h



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